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L’Art Génératif

Par Pierre Berger et Alain Lioret 

 


 

 

Introduction

Définition

N’espérons pas trouver une définition radicale de l’art génératif, qui permettrait de désigner sans équivoque les œuvres et les artistes qui en relèvent. Nous y reviendrons au chapitre « concepts ».  Pour l’instant, et pour guider la lecture, disons que :

 

- L’art génératif se caractérise essentiellement par une attitude de l’artiste : il entend transférer à ses œuvres tout ou partie de sa capacité génératrice d’émotions et à la limite, sa créativité même. Pour lui, l’ordinateur n’est pas qu’un outil. Il veut se libérer du geste de la création directe, et par là même libérer son œuvre elle-même des limites de son auteur.

 

- Techniquement, cela se traduit par différentes formes du transfert, dont les formes et les intensités suivent le cours de l’évolution des technologies et (dans une moindre mesure ?), de la société. Un œuvre est plus ou moins générative selon l’importance combinée de différents types de transfert

- matérialité : autonomie physique et « moteurs »

- richesse des programmes, comportements et connaissances, éventuellement évolutives avec apprentissage ; elle peut être simpliste (les jets de dés de Mozart) ou indéfiniment complexe (règles de vie de créatures virtuelles).

- interaction avec le monde et plus particulièrement le public

- critères de sélection et de valorisation.

 

A la limite, tout art est génératif puisque l'artiste délègue à son œuvre le rôle (ou une part du rôle) de faire naître le plaisir, l'émotion, chez les spectateurs. C’est pourquoi on peut en chercher les racines aussi loin que l’on veut dans l’histoire et la préhistoire, sinon même remonter au Big Bang.

 

Mais, dans son fond même, le concept ne plaît pas à tout le monde : ce n’est plus la « main » de l’artiste qui créé directement, mais une interface plus ou moins obscure, une boite noire... ce n'est plus humain! (Rouard-Snowman, 2009). D’autres, au contraire, considèrent cette « acheiropoièse » (fabrication sans intervention de la main) comme un trait caractéristique de notre époque, par exemple Stéphane Trois Carrés (Acheiropoiesis and its loops, 2010).

 

Après une analyse historique, nous nous concentrerons sur les quinze dernières années, en essayant de placer dans des catégories (dont les frontières sont évidemment assez floues) les artistes majeurs. Nous esquisserons quelques axes de prospective : les technologies continuent d'évoluer à la vitesse de la loi de Moore (sinon plus), et vont offrir aux artistes, dans les décennies qui viennent, des perspectives toujours plus riches. La coévolution des formes de la vie, "naturelle" et "artificielle" est au cœur de notre futur, menaçante autant que prometteuse.

 

Mais, même s’il y a quelques déterminismes, si la technologie nous impose ses lois de développement au moins autant que nous lui imposons les nôtres, cet avenir reste largement ouvert. C’est une monde largement « blanc » comme un cahier neuf. Et les artistes ont leur rôle à jouer dans la construction de son contenu.

 

Ces responsabilités nous encouragent, voire nous somment, de passer de la théorie à la pratique. Nous présenterons alors les outils majeurs aujourd’hui à la disposition des artistes, les professionnels bien entendu mais aussi l’amateur, pour peu que l’idée d’aligner quelques lignes de programme ne lui soit pas insupportable.


Nous conclurons enfin sur une esquisse de « méthodologie » pour cette construction.


 

1. Histoire et préhistoire

Tout art est génératif, et même toute activité humaine organisée, à partir du moment où elle délègue une partie de son rôle humain à un objet (outil, structure).

L'importance du transfert dépend pour une part du développement technologique : on ne peut objectiver que les fonctions que l'objet peut assumer. Elle dépend aussi des mentalités et, à toutes les époques connues, se sont opposés les pour et les contre : à l’audace provocatrice de Prométhée répond la sagesse un rien paresseuse d’Epiméthée (Platon).

 

La croissance est exponentielle… comme le montre le tableau statistique ci-dessous (figure 1), relevé sur Diccan. Mais l'émergence de l'ordinateur a marqué une étape importante.  Actuellement, les créations basées sur la vie artificielle en donnent les démonstrations les plus avancées, avec la mise en place de mondes virtuels, l’animation de véritables êtres artificiels, plus ou moins autonomes. Et, déjà amorcée aujourd’hui, la convergence entre les recherches de la vie artificielle et celle des biologistes eux-mêmes (Johnston, 2006)

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Figure 1 : A partir du XXe siècle, le nombre des artistes numériques s’accroît exponentiellement : environ un doublement tous les dix ans, en excluant les décennies de guerre.

 

1.1. Préhistoire et antiquité

Le transfert n'a même pas attendu l'arrivée de l'homme. Un certain nombre d'animaux décorent leur environnement pour séduire leur partenaire, par exemple les pies. Des prémices du transfert de la signification au signe structuré, c'est à dire de l'emploi d'une langue, s'observent aussi chez les espèces les plus avancées. Est-ce de l'art ? On peut répondre positivement pour certains animaux supérieurs, où la relation sexuelle et la parure ne sont pas toujours strictement liées aux fonctions physiques de la reproduction. Très tôt,  la fonction esthétique se détache donc de l’utilitaire sans pour autant jamais s’en séparer complètement.

 

Les fresques paléolithiques ou les formes les plus avancées de silex taillés ne peuvent se réduire à des fonctions utilitaristes. Les objets sont décorés, et très tôt de formes abstraites. A ces époques, la technologie ne permet que le transfert de formes à des supports matériels : pierres et matériaux organiques (bois, os, cuir), dont il nous reste évidemment peu de traces.

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Figure 2 : La première œuvre générative connue ? 75 000 ans (Site de Blombos).

 

Peu à peu l'humanité apprend à maîtriser d'autres matériaux, notamment les métaux et des pigments de plus en plus variés. Le bijou devient alors une forme importante du message d'amour et de séduction. A l’âge néolithique, l’humanité passe d’une attitude passive (chasse et cueillette) à une attitude plus générative : elle intervient dans la reproduction des végétaux (agriculture) et des animaux (élevage). Elle sélectionne les espèces et, pour une espèce donnée, les meilleurs semences ou les meilleurs reproducteurs.

 

L’écriture apparaît, en divers lieux et pour différentes raisons, de 3000 à 400 avant notre ère Vernus (ed.)2011). L’homme confie à la matière le soin de transmettre des messages significatifs et articulés. Messages utilitaire ou religieux au départ, mais dont se dégage peu à peu une dimension esthétique, par exemple la poésie et sa « métrique ». Cette stylisation n’est pas toujours sans utilité parfois, comme la versification, qui facilite la mémorisation des textes.

 

Dès ce moment, le transfert fait naître des inquiétudes. Platon craint que l'écriture ne fasse perdre les capacités de mémorisation des aèdes. Il s'oppose d'ailleurs à l'art en général.

 

La musique transfère les performances vocales à des gammes toujours plus larges d'instruments. Elle bénéficie de premières formes de numérisation, avec les systèmes harmoniques de Pythagore et l'accord des instruments. Et, dès le début de notre ère ; elle s’automatise et se digitalise avec l’orgue,

- qui libère l’interprète d’un effort énergétique (souffle, frappes de percussions) vers une énergie externe (hydraulique au départ), 

-  qui comporte un clavier, dispositif emblématique de la digitalisation.

 

La Grèce fait triompher la raison, c'est à dire le transfert de la "sagesse" à des formes structurées, matérialisées de pensée, sous deux formes :

- la logique (raison « raisonnante »), qui introduit une forme d'autonomie, sinon d'automatisme au niveau du langage lui-même ;

- les rapports (nombres « rationnels »), qui vont jouer un rôle considérable dans l'architecture et la sculpture, tout en  permettant de formaliser l'esthétique musicale.

 

L’écriture permet aux mathématiques de se structurer. Elles inspirent les proportions des pyramides (vectorisation).

En sculpture, on observe deux phases dans l’apparition de « canons » esthétiques. D’abord, chez les Egyptiens l’emploi de dessins de travail, qui peuvent être changés d’échelle, mais ne font qu’être reportés sur l’objet à construire. Puis, chez les Grecs, les canons proportionnels. Nous avons déjà une amorce de l’opposition entre « raster/sampling » et « vectoriel/procédural » (Panofsky, 1969)

Aux débuts de notre ère, l’architecte romain Vitruve (Vitruve, 1995) consigne longuement les bonnes règles à appliquer dans l'ensemble des arts matériels.

1.2. Moyen-Age : moulins et algorithmes

Jusqu’à l’an 1000, pour faire simple, le Moyen-Age s’enfonce de plus en plus le chaos et le néant. Quelques monastères préservent des bribes de la culture antique. Mais, du XIe au XIIIe siècle, grâce à des conditions favorables et au monde musulman, commencent à se mettre en place les bases qui permettront d'aller beaucoup plus loin dans le transfert, notamment sur quatre points :

 

- 1. Le progrès et le développement des énergies externes, avec les multiples types de moulins (Gimpel, 1975). A cette époque aussi progressent les bases de la future photographie : camera obscura (connue de l’Antiquité, transmise par les arabes), optique (Bacon), peut-être même production chimique de l’image (on l’a supposé à propos du Saint Suaire de Turin).

 

- 2. Le progrès de l’écriture et des modes de représentation symbolique. La demande de textes conduit à des formes de copie textuelle plus rapides que la copie « méditative » des monastères. Les représentations graphiques progressent aussi (schémas de Villars de Honnecourt) (Panofsky, 2004).

 

- 3. Le progrès de la logique (syllogisme aristotélicien) et de l'algorithmique. (Gerbert). Les arts en bénéficient, comme en témoignent par exemple les "alicatados" de l'Alhambra de Grenade ou les mosaïques des mosquées de cette époque.

 

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Figure 3 : Ornement islamique généré à partir de pavages mathématiques

 

On peut même citer un essai (certes simpliste) de génération algorithmique de musique : en 1026, Guido D’Arezzo, inventeur de la notation musicale par barres, a l'idée d'une composition algorithmique associant une note à chaque voyelle (Edwards, 2011).

 

- 4. L’organisation hiérarchique, aussi bien dans les structures politiques que dans les constructions intellectuelles (avec les « sommes » théologiques). Elles encadrent et couronnent une intense activité intellectuelle dans des universités qui traitent méthodiquement de tous les "arts", et des arts qui trouvent eux-mêmes leur ordre synthétique dans les cathédrales des grandes cités (Panofsky, 2004).  Mais, malgré cette forte polarisation, émergent de grands espaces génératifs libres, échappant dans une certaine mesure aux autorités féodales et religieuses : les universités.

 

Cette explosion de générativité finira cependant par buter :

 - sur les excès même d’un rationalisme (Huizinga, 1924, 1955) non fondé sur l’expérience (l’ « âne de Buridan » qui meurt de faim faute d’une raison valable pour choisir entre deux mangeoires pleines, mais équivalentes…),

- sur la réaction des autorités religieuses et politiques,

- sur les conséquences économiques et sociales de la Grande Peste et d’une détérioration du climat.

 

1.3. Renaissance : L'émergence explicite de la machine

1.3.1. La machine admirée

A la Renaissance, le concept de machine émerge dans toute sa puissance. Elle séduit les penseurs et même les poètes. Francis Bacon écrit en 1630 (Bacon, 1630, 1960) : « On n'en sortira sain et sauf qu'en reprenant à la base tout le travail de l'esprit, que l'esprit dès le départ ne soit pas laissé à lui-même, mais qu'il soit toujours guidé, et que la chose se fasse comme par une machine. ».

L’horloge est une des plus belles machines de cette époque, et fait figure d’œuvre d’art, admirable par sa complexité comme par sa précision. Les Parisiens peuvent en voir un témoignage dans la phrase qui orne l'horloge du Palais de Justice :

"Machina quae bis sex tam juste dividit horas, justitiam servare monet legesque tueri"

(Cette machine qui, deux fois six fois, divise si justement les heures, nous apprend à servir la justice et à observer les lois.)

 

Dante, médiéval encore, l’avait célébrée dans sa Divine Comédie :

« Puis, comme une horloge qui nous appelle, à l'heure où se lève l'épouse de Dieu pour faite mâtine à son époux afin qu'il aime, tandis qu'une pièce tire et pousse l'autre, sonnant et tintant en notes si douces que l'esprit préparé se gonfle d'amour;  je vis ainsi la roue glorieuse se mouvoir et accorder ses voix dans une douceur qu'on ne peut connaître sinon là où la joie joue pour toujours. » (Le paradis, chantX)

 

Les détracteurs ne sont pas absents. Les guerres de religion témoignent de la violence de ces engagements. En politique, par exemple, les lois quasi scientifiques qu’élabore Machiavel sont dès l'époque comme des "machinations".  Mais, à leur plus haut niveau, arts et sciences se mêlent portés par des êtres exceptionnels dont Vinci reste l'emblème, artiste et « machiniste » à la fois. Deux exemples représentent les transferts génératifs de cette époque vers des  « machines » aussi bien conceptuelles que matérielles.

1.3.2. L’écriture et l’imprimerie

En 1461, Jean Meschinot écrit les Litanies de la vierge (1461), poème combinatoire sous-titré « Oraison qui peut se dire par huit ou seize vers, tant en rétrogradant que autrement (Bootz, 2006).

 

Le texte renforce sa valeur « en lui-même ». En matière religieuse, par exemple, la Bible devient relation directe du croyant à Dieu, avec le « libre-examen » ; pour la Réforme, le fidèle n’a plus besoin de l’autorité ecclésiastique pour se saisir du texte sacré et en tirer ses propres convictions.

 

Prolongeant les progrès médiévaux de l’écriture, le transfert de l'art vers l’œuvre prend une nouvelle dimension avec possibilités de l'imprimerie : caractères séparés de Gutenberg, pour la diffusion des textes, et gravure pour les images dont Dürer (Du Colombier, 1927) tire tout l'intérêt "commercial". Le « transfert » de l’auteur vers son texte porte donc à la fois sur l’interprétation du contenu et sur la délégation matérielle. Générative par excellence, l’imprimerie multiplie à l’infini le texte de l’auteur et son message vers un large public. Nous sommes loin des lamentations d’un Walter Benjamin, pour qui la « reproductibilité technique » est la ruine de l’art ! (Benjamin, 1971). Mais les guerres de religion montreront dans le sang que la pensée « générative » ne fait pas l’unanimité.

 

1.3.3. Arts graphiques : la perspective

L’antiquité connaissait certains systèmes de représentation en perspective, sans connaître le mot.Panofsky1975. Mais la Renaissance, se donne des représentations objectives du monde :

- vers un processus conceptuel, avec une modélisation géométrique de l’espace, dont Alberti et sa « Construzione leggitima » est l’expression la plus importante,

- vers un processus matériel technique, avec par exemple le « portillon » d’Albert Dürer.

 

Alberti   Durer_portillon

Figure 4 : Transfert conceptuel, transfert  matériel : «  construzione leggitima » d'Alberti, « portillon » de Dürer

 

1.4. Époque classique 1610-1789 : calcul et mécanique

En profondeur, émerge la conviction que les mots eux-mêmes sont des construits, des transferts génératifs. Occam et le nominalisme avaient soulevé le problème au Moyen-Age, Lacan et Wittgenstein le mettront au cœur de la scène. Mais Descartes déjà emploie pour en parler le mot latin « concept », explicitement génératif dans son étymologie.

 

De Viète à Laplace, on peut voir l'époque classique, l'ancien régime, comme une numérisation intégrale des sciences, en passant par les physiciens et mathématiciens (souvent les deux ensembles, et philosophes par-dessus le marché), Descartes, Leibniz, Pascal, Newton... Non seulement le calcul devient la base de toutes les sciences, mais son langage même devient source d'innovation en quelque sorte autonome, en tous cas indépendante de ses significations, comme le montre Michel Serfati à propos de la notation des puissances par Descartes puis Leibniz (Serfati, 2005).

 

Malgré les guerres entre nations et religions, les pouvoirs nationaux renforcent leur puissance, leur administration, leur comptabilité, c’est-à-dire cet ensemble de machines que l’on appelle « l’appareil de l’Etat ». Ils peuvent donc dépenser des sommes considérables (trop, d'ailleurs) au service des cours, et de Versailles en particulier. Tant pis pour les vies humaines, Louis XIV est un grand "machiniste", ne serait-ce que pour alimenter en eau les fontaines de son parc ou développer sa marine.

 

Le développement des automates peut être vu comme une première époque d' "art cinétique".

 

Le théâtre s'organise à un niveau bien supérieur à celui des comiques italiens. Shakespeare, le premier, procède à une forme-clé de numérisation : le texte écrit par l'auteur devient le nerf central de la pièce, et non plus un simple guide pour le jeu largement improvisé des acteurs et en particulier du ou des clowns (Shapiro, 2005). Le théâtre classique français fait de même, en plus restrictif et structuré

 

Pour la musique, le clavecin bien tempéré de Bach est emblématique d'une mathématisation de la composition musicale qui va se doter aussi d'instruments théoriques développés, avec Rameau, par exemple. Ici encore, la partition écrite par l'auteur prend le pas sur les développements personnels des divas. L'orgue prend des dimensions monumentales, exigeant des "interfaces homme machine" à la hauteur... de virtuoses capables de maîtriser digitalement (et « à la pédale », si on peut se permettre), des systèmes d'une telle complexité.

 

Le hasard vient compléter les règles algorithmiques : en 1787, Mozart crée de la musique avec des jets de dés. Une publication anonyme datant de cette année décrit sa méthode, où l’on retrouve des menuets composés par Mozart (même si on n’a pas de preuve aujourd’hui qu’il soit réellement l’auteur de cette méthode). On trouve sur le site de John Chuang en Autriche la méthodologie complète pour créer ce type de menuets, et en composer soi-même de cette manière.

 

Athanasius Kircher a même construit une sorte de dispositif automatique à composer la musique, en tirant un certain nombre de thèmes et de paramètres, figurant sur des réglettes rangés dans une boite. Jim Bumgardner Bumgardnervers 1975en a réalisé une simulation en Perl. Mais ce n’est qu’une parmi bien d’autres des machines qu’il imagine : horloge magnétique, lanterne magique, etc. Encore ne faut-il pas prendre tout cela trop au sérieux : ces inventions, rappelle Bumgardner, étaient plutôt destinées à amuser les princes et à magnifier la réputation scientifique des Jésuites que de la recherche à proprement parler.

 

Kircher

Figure 5 : La « machine » à composer d’Athanasius Kircher, un jeu plutôt qu’une vraie génération

 

1.5. Ère industrielle : chimie, électricité, théories

1.5.1. Nouvelles ressources technologiques et théoriques

Mécanique et optique continuent à progresser régulièrement (et continuent encore au XXIe siècle), mais c’est la chimie et l’électricité qui ouvrent la voie à des innovations fondamentales pour les arts génératifs :

- la chimie pour la photographie,

- l’électricité avec trois éléments intéressants d’autonomie : le moteur, la lampe à incandescence, la ligne de communication.

 

Le moteur électrique est à la base des couples d’automates nécessaires aux techniques d’enregistrement et de restitution. Dans les premiers temps, et jusque dans les années 1950, les appareils économiques se contentent de manivelles et de ressorts. Mais seule l’électricité apporte la facilité et la régularité nécessaire. On le trouve donc

- dans la chaîne sonore : micro, gravure d’un disque et sa reproduction ou transmission à distance, puis restitution),

- dans la chaîne cinématographique, qui combine la chimie photographique et les moteurs : caméra, reproduction, projection.

 

D’autres artistes exploitent la lumière et le moteur dans un art « cinétique ». Frank Popper écrit « J’ai essayé de retracer l’utilisation du mouvement virtuel comme élément plastique par des générations d’artistes depuis 1860 environ, ce qui correspond aux impressionnistes, jusqu’à la naissance de l’art cinétique, autour de 1920, c'est-à-dire au moment où des artistes comme Tatlin, Gabo, Rodchenko et même Duchamp et Man Ray, ont employé le mouvement réel comme principe de création. Cela fut d’abord rendu possible par l’emploi des procédés optiques qui permettaient au spectateur de ressentir ce mouvement « virtuel », puis par l’introduction d’un mouvement effectif ou « réel » dans l’œuvre » (Popper, 2007).

 

Quelques écrivains et dessinateurs, bien branchés sur les milieux scientifiques, perçoivent l’ampleur des perspectives qui s’ouvrent : Robida (Robida, 1883, 1991)pour les télécommunications (télévision comprise), et Verne pour la vidéo (3D compris, dans Le château des Carpathes) et pour l'ensemble du monde, dans les pages méconnues de son ouvrage « La journée d'un journaliste américain en 2889 » ( (Verne, 1889), disponible intégralement sur le site diccan.com). Ce journaliste est plus exactement ce que l'on appellerait aujourd'hui un patron de presse multimédia, opérant au niveau international par réseaux optiques.

 

Au plan théorique, les arts entrent dans une nouvelle phase de numérisation, le calcul y jouant un rôle de plus en plus important qu'Estelle Thiébault (Thiébault, 2010) qualifie d' "élémentarisation". La Grammaire des arts du dessin de Charles Blanc (Blanc, 1863)  amorce un mouvement qui se poursuivra jusque dans les années 1950. L’art devient génératif par un mouvement, en quelque sorte dialectique, voire hégélien : on commence par découper les sources (langage, images) pour ensuite les recomposer de manière créative. C’est ce mouvement qui atteindra son absolu avec la digitalisation.

 

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Figure 6 :  Robida et Jules Verne : capter et diffuser  l’image et le son, et en 3D… en 1889 !

 

En 1866, Mendel publie ses lois de la génétique. Mais personne n’y prête attention. 

 

Etudions maintenant la production de l’époque par genre d’art.

 

1.5.2. L’écriture

La littérature de l’époque industrielle ne connaît pas de révolution « générative ». Sur le plan technique, elle bénéficie des progrès rapides de l’imprimerie : au début du XIXe siècle, on ne connaissait que la presse à main et la composition manuelle de caractères en plomb qui datent de Gutenberg (avec des perfectionnements réguliers mais non essentiels). A la fin du siècle, l’imprimerie est largement mécanisée, avec la productivité extrême de la rotative, et la fonte des caractères des machines complexes commandées par un clavier. (Seyl, 1926).

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Figure 7. La linotype (1885) : générer le texte plus vite et moins cher !

 

La machine à écrire date de cette époque. Mais elle ne deviendra l’outil de base des écrivains que vers la moitié du XXe siècle, et encore.

 

Plus profondément, mais les conséquences pour les arts n’apparaîtront que plus tard, le langage est radicalement analysé en oppositions binaires par les travaux de Ferdinand de Saussure. (Saussure, 1972).

 

James Joyce développe un style littéraire considéré comme proche du sérialisme, poussé à son maximum dans son œuvre (Ulysse 1922). Mais tout le monde (y compris Joyce lui-même) s’accorde à reconnaître qu’elle est pratiquement illisible, bien que toute bonne bibliothèque se doive de la compter dans ses rayons

1.5.3. Musique

La musique perfectionne ses capacités. Le progrès technique des instruments (le piano d'aujourd'hui, les cuivres d'Adolphe Sax) ouvrent des voies nouvelles. Un seul piano suffit à Chopin pour émouvoir, pendant que de vastes orchestrations ouvrent de vastes horizons aux romantiques. L’orgue s’électrifie.

 

Le siècle trouve son sommet, sa cathédrale pourrait-on dire, dans l'opéra wagnérien. On peut parler d'une véritable programmation orientée objet, où chaque personnage est doté de son thème, à la fois mélodique et instrumental. Programmation aussi, puisque Wagner aurait dit, quelque temps avant de terminer l'écriture d'une partition, une phrase comme "Au point où j'en suis, n'importe qui pourrait finir le travail". Et les chanteurs doivent accepter des contraintes précises qui les obligent à traduire en détail les intentions de l'auteur, parole et musique. L'art wagnérien écrase l'horizon musical de la fin du siècle, et le "voyage artistique à Bayreuth" prend des dimensions surhumaines (Lavignac, Vers 1895).

 

Verne évoque déjà  la musique algorithmique. «… quel charme il trouva aux œuvres de nos meilleurs maestros, basées, comme on le sait, sur une succession de délicieuses formules harmonico-algébriques ! » (Verne, 1889).

 

Notons aussi des efforts pour réduire le coût de création des partitions (Beaudoire, 1891) grâce à une numérisation à la Gutenberg.

 

Mais, au début du XXe siècle, le génératif cherche plus en profondeur, avec notamment le dodécaphonisme de Schoenberg. Ici, Alex Ross a récemment publié un ouvrage de référence : « The rest is noise », titre anglais conservé pour l’édition française (Ross, 2007).

 

1.5.4. Peinture photographie, cinéma

La peinture est provoquée de plein fouet par la photographie, technologie générative puissante, tant par la production « automatique » de l’original que par la facilité des reproductions. Les débats sont des plus vifs (Delacroix, 2008). La photographie est-elle un art ? En tous cas, elle fait tout pour le devenir. Le monde de la peinture est déchiré entre l’art « pompier » des romantiques, qui restent fidèles aux canons de la peinture classique, et le recours à des techniques nouvelles. La machine à vapeur et la couleur en tubes permettent d’aller travailler « sur le motif » au lieu de rester à l’atelier. Et elle s’appuie sur les travaux du chimiste/neurologiste Chevreul pour développer l’impressionnisme.

Quant à la fragmentation/recomposition, les photographes pratiquent dès cette époque le compositing (mais aussi la technique du matte-painting) : en 1857, par exemple, le photographe suédois Oscar Rejlander combine une trentaine de négatifs pour composer une vaste scène à personnages multiples, « The two ways of life », à la manière d’un peintre de la Renaissance ! (Brinkmann, 1999). A l’époque, la photographie est bien loin du purisme d’un Cartier-Bresson (ni retouche, ni même recadrage) ; au contraire, elle fait poser dans un décor, voire passer la tête dans un trou, et ne se prive pas de retoucher beaucoup, sans avoir certes les facilités d’un logiciel d’aujourd’hui. Et un peintre au moins n’est pas en reste sur ce terrain, c’est Ingres avec ses collages, même s’il ne s’en vante pas (Goetz, 2006).

Ce découpage est le fondement même du cinéma, connu depuis le phénakitoscope de Plateau (1832) pour des dessins puis combiné avec les photographies instantanées de Marey. Ce découpage, techniquement nécessaire et correspondant au fonctionnement de la vision humaine, conduira d’ailleurs Bergson (Bergson, 1907) à parler de « l’illusion » cinématographique et Deleuze (Deleuze, 1983) à des considérations profondes sur le découpage du temps « en fonction du moment quelconque », et donc sur le rôle du hasard dans les constructions génératives.

A la fin de l’ère industrielle, la peinture fait une deuxième révolution radicale : après l’impressionnisme (années 1860), le pointillisme de Seurat amorce la pixelisation (Kemp, 1990). Plus profond et radical encore, le cubisme naît brutalement en 1906 avec les Demoiselles d’Avignon de Pablo Picasso.

1.5.5. Architecture

En architecture, la métallurgie et le calcul (résistance des matériaux, géométrie descriptive) permettent un développement considérable du génie civil : l'Europe se couvre de voies ferrées, avec maints "ouvrages d'art", dont quelques-uns ont une puissante valeur esthétique (viaduc de Garabit, par exemple). Parallèlement, une importance nouvelle est donnée à la protection, à la restauration, voire à la reconstitution des monuments historiques. L'« élémentarisation » poursuit son élaboration théorique. Les nouvelles technologies tendent à imposer des formes simples et fonctionnelles, dont on compense la sécheresse par la décoration. Voir à Paris, l'architecture du Grand Palais, les parties surélevées du Métropolitain... et aux Etats-Unis, la décoration des gratte-ciels.

 

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Figure 8. Le viaduc de Garabit (1880) : le calcul engendre la beauté.

 

1.6. Années 1930 : électronique et abstraction

1.6.1. Les signes avant-coureurs du génératif numérique

Technologiquement, les années 1930 ne voient pas de révolution marquante pour les arts. Celles du siècle précédent se perfectionnent et se diffusent. Et une nouvelle technique émerge, l’électronique, basée sur la lampe triode de Lee de Forest. Elle date de 1906, mais ses applications ne vont vraiment se développer que dans l’entre-deux guerres, essentiellement au service des dispositifs sonores.

Au plan des concepts, des structures fondamentales, l’écriture est au cœur de l’affaire, avec le « cadavre exquis » des surréalistes. « Jeu qui consiste à faire composer une phrase, ou un dessin, par plusieurs personnes sans qu'aucune d'elles puissent tenir compte de la collaboration ou des collaborations précédentes. », selon le Dictionnaire abrégé du surréalismeBreton1938), Inventé vers 1925, son principe est que chacun des participants écrit à tour de rôle une partie d'une phrase, dans l'ordre sujet-verbe-complément, sans savoir ce que le précédent a écrit. La première phrase qui résulta et qui donna le nom à ce jeu fut « Le cadavre – exquis – boira – le vin – nouveau. ». Mais la méthode s’applique au dessin voire à toute forme d’art.

On touche ici à l’essentiel de ce qui va trouver son origine radicale pendant la décennie suivante : fragmenter les objets et leurs signes pour recomposer de nouveaux signes, de nouveaux objets. Le sens est mis entre parenthèses pendant les opérations, et l’on compte bien qu’il en émergera du nouveau, du beau, de l’original. On est ici au point de convergence de la logique aristotélicienne, de l’analyse mathématique cartésienne et de la division du travail technique et industrielle. Bref, de la méthode, des algorithmes et un zeste de hasard pour pimenter les choses.

Ce sont surtout les aspects ludiques et comiques que cette « génération Dada » met en avant. En arrière-plan, une science qui ne s’est pas encore habituée à la relativité et à ses incertitudes, des mathématiques et de la logique où Russell a semé le germe du doute, et d’une société qui ne panse les plaies d’une guerre qu’en préparant le terrain pour une autre.

1.6.2. La musique : radio et synthétiseurs

La musique est le premier bénéficiaire de l’électronique, et l’exploite tout au long de sa chaîne de production et de diffusion, depuis l’enregistrement jusqu’à la restitution en passant par les émissions  par la TSF.

Plus « génératifs », sur le plan théorique, apparaissent les premiers synthétiseurs. Le térémine est inventé en 1919 par Lev Termen (connu sous le nom de Léon Theremine) : composé d’un boîtier électronique équipé de deux antennes, il produit de la musique sans être touché par l’instrumentiste. Les « ondes Martenot » sont inventées par Maurice Martenot et présentées au public en 1928. A l’époque, il s’agit plutôt de curiosités de laboratoire. Mais de nombreux compositeurs les mettront en œuvre (Honegger et Messiaen, par exemple).

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Figure 9. Les premiers synthétiseurs : Thérémin (1919), "Ondes Martenot » (1928).

 

Le deuxième art à en bénéficier (mais est-ce un art ? en tous cas on se pose la question à l’époque), c’est le cinéma sonore, qui contribuera à la domination d’Hollywood. Il s’est d’ailleurs trouvé des critiques, qui avaient accepté le cinéma muet comme art, pour le refuser au cinéma sonore…

 

1.6.3. Le cinéma, sonore et jusqu’au fond des campagnes

Ces possibilités indéfinies de reproduction par la copie chimique ou la radio-diffusion font rêver un auteur comme Maurice Simart, dans des phrases prophétiques, même si elles prêtent à sourire en ce début du XXIe siècle. Ecoutons-le  « Le cinéma et la T.S.F., bien qu'encore dans l'enfance, apportent au village une possibilité de vie nouvelle. Dès aujourd'hui, un grand film qui a coûté un demi-milliard, où s'entassent pour la joie des yeux les reconstitutions magiques, les figurations hallucinantes, les plus jolies filles, les plus beaux athlètes, est à la portée de la petite vachère aussi bien que du raffiné de la capitale.

 

« Mieux même: sans bouger de la ferme, le soir venu, les gens du labour s'assemblent sous la grange, et le haut-parleur récite pour eux les Perses, d'Eschyle, accompagnés des bruits de la foule athénienne. Si quelque finesse trop hellénique leur échappe, la grandeur du tragique les pénètre et leur âme s'en émeut profondément. Les nouvelles, glanées d'un champ de l'Univers à l'autre, ils les apprennent en même temps que quiconque. Les plus voluptueux airs hawaïens, le dernier tango de New-York sont pour eux. Enfin, s'ils le veulent, la plus divine harmonie leur est prodiguée, et le lendemain matin, menant les bêtes, le garçon de ferme siffle machinalement du Schubert ou le Printemps de Mendelssohn... » (Simart, 1930), texte en ligne sur diccan.com.

 

Paul Valéry n’est pas en reste : « Le spectacle du monde humain, tel qu'on l'observait autrefois et tel que l'Histoire le représentait, tenait de la comédie et de la tragédie ; on y retrouvait assez facilement, de siècle en siècle, des situations analogues, des personnages comparables, des périodes bien tranchées, des politiques longuement suivies, des événements nettement devinés, à conséquences bien formées. En ce temps-là, les administrations pouvaient vivre de "précédents".

 

« Mais que ce spectacle classique se transforme étrangement ! A la comédie et à la tragédie humaine, l'élément féérique s'est combiné. Sur le théâtre du monde actuel, semblable au Châtelet, tout se passe en changements à vue. Ce ne sont qu'apparitions, transformations et surprises, surprises pas toujours agréables, et il arrive que l'auteur lui-même de tout cela, l'homme - du moins l'homme à qui demeure le loisir et la triste habitude de la réflexion - s'étonne de pouvoir vivre dans cette atmosphère actuelle d'enchantements, de transformations, où les contradictions se réalisent, où les renversements et les catastrophes se disputent la scène, se substituent comme par magie ; où les inventions naissent, mûrissent et modifient en quelques années les mœurs et les esprits. Et cet homme qui pense, qui pense encore, ressent parfois une sorte de lassitude extraordinaire. Il lui semble que la découverte la plus étonnante ne l'étonnerait plus.

 

« J'ai une petite fille qui a deux ans et deux mois ; elle téléphone presque tous les jours, et elle tourne un peu au hasard les boutons de la boite radiophonique, et tout cela, pour elle, est aussi naturel que de jouer avec ses cubes et ses poupées. Je ne veux pas du tout être en retard sur cette enfant, et je m'essaie à ne plus trouver de frontières entre ce que nous appelions jadis le naturel et ce que nous appelions jadis l'artificiel... » (Valéry, 1937) texte en ligne sur diccan.com.

 

1.6.4. Peinture et architecture : les clés de Klee

Cézanne, déjà, voulait tout ramener aux cubes et aux cylindres. Mais c’est Picasso avec le Cubisme, qui casse radicalement la relation directe de la représentation "photographique" au profit d'une reconstruction, on pourrait dire générative,  à partir d'un modèle relativement abstrait. Mais il  n'est pas un théoricien, surtout pas du génératif. Juan Gris va un peu plus loin, c'est le plus mathématicien des cubistes, mais il n'ira pas jusqu'au génératif non plus.

 

Au début du XXe siècle, l’abstraction progresse en peinture : Carré noir de Malevitch (1913), esthétique néo-plastique de Jean Gorin (1925), Mondrian, Van Tongerloo (1938), cubisme, futurisme : : « Nous synthétisons tous les instants (de temps, de position, de forme, de couleur), et nous construisons la peinture à partir de là. Et cette peinture, comme un organisme indépendant, possède ses propres lois, et les éléments qui la constituent obéissent à ces lois, créant ainsi une similarité entre la peinture avec elle-même » (Umberto Boccioni, 1914).  Les futuristes s’intéressent au mouvement, et notamment à la création d’organismes. Si leur travail ne peut le plus souvent pas être considéré comme génératif, les idées qu’on y trouve laissent présager ce que sera plus tard la vie artificielle, avec le regard porté sur des créatures en mouvement. Un peu plus tard, Maurits Escher travaille sur les séries et les perspectives paradoxales.

 

Boccioni    Esscjer

 

Figure 10 : Boccioni, Escher… le riche arbre généalogique de l’art génératif

 

Mais c’est surtout au Bauhaus que vont se formuler les principes de l’art abstrait. Ils publient d’ailleurs généreusement (mais nous citons les éditions françaises qui sont sensiblement plus tardives). Du spirituel dans l’artKandinsky1969) est souvent considéré comme le manifeste même de l’art abstrait. Paul Klee apporte un éclairage complémentaire. Dans les différents essais regroupés en France dans  Théorie de l’art moderneKlee1964), il offre déjà les clés d’une conception générative de l’art :

« Ce qui était déjà accompli pour la musique avant la fin du XVIIIème siècle vient enfin de commencer dans le domaine plastique. Mathématiques et physique en fournissent la clé sous forme de règles à observer ou dont s'écarter. Ces disciplines imposent l'obligation salutaire de s'occuper tout d'abord de la fonction et de ne point commencer par la forme achevée. »

 « Nous cherchons non la forme mais la fonction.... Selon le principe que l’œuvre se rapporte à sa loi inhérente comme la Création au Créateur, l’œuvre croît à sa façon propre à partir de lois générales, universelles. »

« La genèse comme mouvement formel constitue l'essentiel de l’œuvre. Au commencement le motif, insertion de l'énergie, sperme. »

« La marche à la forme, dont l'itinéraire doit être dicté par quelque nécessité intérieure ou extérieure, prévaut sur le but terminal, sur la fin du trajet. Le cheminement détermine le caractère de l’œuvre accomplie. La fonction détermine la forme et prime en conséquence celle-ci »

« Songer donc moins à la forme (« nature morte ») qu'à la formation. Se tenir énergiquement au chemin, se rapporter sans discontinuer au jaillissement idéel primordial ...

« C'est la voie qui est productive, l'essentiel ; le devenir se tient au-dessus de l'être ».

 

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Figure 11 : Séries de Kandinsky, pédagogie de Klee… des clés pour le génératif ?

 

On pourrait presque trouver les premières formulations d’un art génératif algorithmique dans leurs œuvres pédagogiques Cours du BauhausKlee2004), ),  Point et ligne sur planKandinsky1970), Art de la couleur Itten2004), Interaction de la couleur  Albers1963). Mais les règles qu’ils formulent ne sont pas du tout conçues pour une automatisation. Nous avons sans succès essayé de les transposer pour Roxame. Elles s’inscrivent au contraire dans une pratique personnelle, sensorielle et corporelle et même spirituelles. Les cours sont plutôt des sujets d’exercice que des algorithmes. On est donc à la fois très près et très loin de l’art génératif tel que le concoivent par exemple les algoristes.

 

L’approche est donc presqu’à l’opposé de celles des musiciens de l’époque. Et c’est d’ailleurs un compositeur de musique, Joseph Schillinger qui pousse sa réflexion algorithmique jusqu’aux arts graphiques, au point de proposer le terme et le principe de « graphomaton ». Cet ancêtre de la peinture des algoristes est resté largement inconnu. Son grand œuvre The mathematical Basis of the Arts  ne paraîtra d’ailleurs que cinq ans après son décès (Schillinger, 1948)… et restera largement ignoré (Nous l’avons découvert dans les tréfonds des rayonnages d’un bouquiniste).

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Figure 12. Schillinger, années 1930, le Graphomaton, premières peintures algorithmiques

1.7. Années 1950 vie et machine, une même dynamique

Passons sur les années 1940, où la guerre bloque sinon tous les arts, du moins leur développement, et concentre les efforts technologiques sur quelques domaines stratégiques, y compris ce qui sera plus tard l’informatique.

1.7.1 Mathématiques, biologie, cybernétique

Les mathématiques donnent le ton, avec les grands projets de Hilbert repris sous une autre forme par le mouvement Bourbaki.  L'« élémentarisation » est explicite dans le titre même de la série de ses œuvres : Éléments de Mathématique Bourbaki1960. Et le texte commence somptueusement par la phrase "Les signes d'une théorie mathématique...", qui serviront à construire la théorie des ensembles. Malheureusement, dans une évolution qu'analyse en détail Pierre Mounier-Kuhn Mounier-Kuhn2010, le mouvement Bourbaki s'éloigne rapidement de cette orientation, sacrifiant la logique à la géométrie, négligeant au passage aussi bien Von Neumann que Gödel.

 

C'est donc aux États-Unis que se produira la synthèse fondamentale du digital sur sa base binaire. Von Neumann en montre clairement les raisons et la profondeur : "Nous sommes fortement en faveur du système binaire, pour trois raisons :

- Implémentation matérielle (précision, coûts).

- Plus grande simplicité et vitesse pour l'exécution des opérations élémentaires (partie arithmétique).

- La logique, étant un système par oui/non, est fondamentalement binaire, et par conséquent, un arrangement binaire... contribue de manière significative à la réalisation d'une machine plus homogène qui peut être mieux intégrée et plus efficace"  (Bell, 1971).

 

Non content de passer du concept abstrait de « machine de Turing » à l’architecture concrète qui est encore la base de celle d’aujourd’hui, Von Neumann perçoit aussi toute l’importance des structures génératives : automates cellulaires et en particulier auto-reproductifs Johnston2006).

 

A la même époque (1953)  Watson et Crick découvrent l’ADN.  Ainsi le digital est au cœur de la vie comme au centre des machines. C’est l’intuition centrale de la cybernétique. Tout converge dans un vaste optimisme, qu’exprime, en termes plus poétiques que scientifiques, le théologien-archéologue  Pierre Teilhard de Chardin : « Comment ne pas voir que de soi - bien menée – et à condition d’agir, non pas sur du simplement mécanisable… mais sur de l’ « unanimisable »… - la totalisation, par nature, non seulement différencie mais encore personnalise ce qu’elle unit ? »  Teilhard de Chardin1959

 

Plus près du concret et de l’art, un Albert Ducrocq est à la fois ingénieur, journaliste, auteur scientifique, constructeur de prototypes. En 1952 il crée Calliope (machine productrice de textes à partir d’une série de bits aléatoires) (Ducrocq1953, en 1953 le renard électronique, en 1954 l'informateur électronique, en 1956 l'Electro Style (la machine à écrire électronique). Il est le premier, à notre connaissance, à avoir codé une image en pixels, mais s’intéresse tout autant aux robots voire à la physique fondamentale. 

 

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Figure 13. Ducrocq (1950) : poésie générative et image pixelisée

 

1.7.2. Naissance de l’art génératif

Nombre d’artistes ne demanderaient qu’à s’intéresser à l’informatique. Mais,  jusqu'aux années 1970, les ordinateurs coûtent cher et c'est donc seulement à la marge qu'ils peuvent être mis à leur disposition par les grands constructeurs (IBM, Bull). L’imagination est au pouvoir, pas encore le développement.

 

William Burroughs développe la technique du « cut-up ». Max Bense crée des vers (allemands) sur ordinateur, mais surtout commence la série de ses « introductions à l’esthétique », qui s’échelonnent de 1954 à 1960 et débouchent notamment sur le Projet d’une esthétique générative, incluant sa grande synthèse Aesthetica  (Bense, 1965), accompagnée d’un œuvre sur ordinateur de G. Nees, dans l’esprit de Vera Molnar.

 

Plusieurs artistes explorent des moyens de créer automatiquement des images. C’est cas de Tinguely, avec son dispositif mécanique Métamatic, de Desmond Henry, avec un calculateur de tir de bombardier (récupéré en brocante), ou de Ben Laposky, sur oscilloscope, avec ses « oscillons ».

 

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Figure 14. De  gauche à droite, œuvres de Desmond Henry,  Tinguely et  Ben Laposki.

 

 

En 1959, Eduardo Macentyre et Miguel Angel Vidal vont plus loin sur le plan conceptuel et lancent le mouvement Arte Generativo.  Ils ont notamment travaillé sur les œuvres de Georges Vantongerloo (peintre et sculpteur utilisant les mathématiques dans la conception de ses œuvres). Leur volonté est de faire ressortir une esthétique de la géométrie des lignes et des formes. En 1960 ils publient un manifeste, définissant leur art comme capable de produire des séquences optiques par des déplacements circulaires, verticaux et horizontaux. Ils distinguent l’adjectif « génératif » (capable de produire, d’engendrer) du substantif « génératrice » (point, ligne ou surface dont le mouvement engendre une ligne, une surface ou un solide).

Macentyre    Vidal

Figure 15 : Pintura Generativa (Eduardo Macentyre) et Equilibrio (Miguel Angel Vidal)

 

Ils ne sont pas les seuls sur cette voie : on peut leur adjoindre le peintre Baudes Gorlero, prématurément décédé (1912-1959) et le théoricien Ignacio Pirovano (1919-1980). Dans la décennie suivante, le jouet Spirographe (marque déposée Hasbro) sera présenté en 1965. Mais ce genre d’idées n’est en fait pas tellement nouveau. Avant la guerre de 1914, Meccano proposait de construire avec ses boites de construction le Meccanographe et l’Harmonographe, dont l’idée remontait au mathématicien Hugh Blackburn… en 1844.

 

Quant à l’image mobile, c’est l’explosion du dessin animé. Y compris sous des formes algorithmiques dans Fantasia de Walt Disney, appuyé sur les travaux techniques d’Oskar Fischinger.

 

La sculpture se fait plus ouverte aux technologies nouvelles. L'art informatique proprement dit est ici précédé par l'art cinétique (Tinguely), l'art de la lumière (Morellet) et l'art cybernétique (Schoeffer).

1.8. Années 1960 : triomphe et déclin du modernisme

Techniquement, les années 1960 voient l’informatique sortir des très grandes structures industrielles ou militaires pour commencer à conquérir le monde des entreprises (l’IBM 1401 est le fer de lance de cette avancée, avec ses 4 ou 16 K de mémoire centrale, ses dérouleurs de bande magnétique et sa grosse imprimante.

 

Intellectuellement, c’est le moment où le moderne atteint son apogée puis bascule dans le post-moderne. De Staline à Mao, de De Gaulle à Mai 68, de Pie XII à Vatican II, des « éléments » de  Bourbaki aux fractals de  Mandelbrot et aux fronces de René Thom.

 

De ces nouveaux moyens que font les artistes ?

 

Nani Balestrini écrit les poèmes combinatoires « Tape Mark « avec des ordinateurs IBM. Une version de 1962 est toujours accessible en ligne. En voici la première strophe :

 

La testa premuta sulla spalla, trenta volte

più luminoso del sole, io contemplo il loro ritorno

finché non mosse le dita lentamente e, mentre la moltitudine

delle cose accade, alla sommità della nuvola

esse tornano tutte, alla loro radice, e assumono

la ben nota forma di fungo cercando di afferrare.

 

Wlademir Diaz-Pino fait de la poésie sémiotique. Difficile à lire, il faut dire.

 

La musique fait un usage de plus en plus général de l’électronique, aussi bien pour la musique « savante » (Ross, 2007) que pour la musique « populaire » (Moorefield, 2005)

 

En peinture, pas grand-chose encore. C’est encore l’électronique ou la lumière (néons) qui nourrissent l’inspiration.

 

Pour les arts graphiques, ce sont les chercheurs qui s’en mêlent. Le MIT ouvre le CAVS (Center for Advanced Visual Studies). En France, de 1960 à 1968 fonctionne le Grav (Groupe de recherche d'art visuel). 1969. Frank Popper et Jean Laude fondent le département Arts plastiques de l'Université de Vincennes. Mais c’est encore l’art cinétique et l’art « de la lumière » qui dominent (Popper, 2007).

 

Le théâtre fait quelques timides essais : interaction avec les spectateurs par Guy Kayat en 1969, pièce algorithmique de Georges Perec en 1970.

1.9. Années 1970 : vers une plus large diffusion

C’est au cours de la décennie 1970 que l'informatique engage sa révolution postmoderne (bien que les milieux essentiellement scientifiques de l'informatique ignorent jusqu'à l'existence de ce mot). La baisse régulière de ses coûts et l'intégration des circuits ouvre les possibilités d'une mini-informatique (vers 1970) puis d'une micro-informatique (vers 1978 et surtout après 1980), qui la mettent de plus en plus largement à la portée des artistes, avec des machines individuelles et des supports de mémoire aux capacités toujours croissantes. Elle se conjugue avec le développement des réseaux de données, dans lesquels les petites machines deviennent les "clients" des gros serveurs, alors que la première informatique ne pouvait desservir que des terminaux simplistes, pilotés (le terme est explicite), en mode maître/esclave. Du coup, et bien en phase avec la mentalité postmoderne, les réseaux centralisés (on avait rêvé d'une "informatique de France" sur le modèle et avec la coopération d'EDF) laissent place à des structures très libres dont Arpanet puis Internet sont les symboles. Tout cela, bien sûr, ne se fait pas en un jour, et s'échelonne sur un petit quart de siècle, avant qu'une nouvelle révolution ne commence à émerger avec des "téléphones" portables aux aptitudes chaque année plus variées et puissantes.

Les mentalités sont à l’ouverture, dans la foulée de mai 1968 en France, et plus généralement des « sixties » dans le monde occidental. La jeunesse profite largement des libertés idéologiques aussi bien que médicales (préservatif, antibiotiques, et pas encore de Sida). C’est la « cybernetic serendipity ».

Dans cet environnement stimulant, l’art génératif va commencer à exploser.

En 1971, est créé le  GAIV (Groupe art et informatique de Vincennes à Saint-Denis). En 1977, l'Ircam (Institut de recherche et de coordination acoustique/musique).

 

En 1975, Popper publie Act, action et participation qui développe l'idée d'un art démocratique à venir sinon existant... "Je traitais de l'utilisation de l'art dans de nouveaux matériaux immatériels, comme la lumière et le mouvement, qui menaient à la mutation de l'objet d'art en une proposition à l'échelle architecturale et environnementale. De ce fait, l'artiste m'apparaissait désormais davantage comme un programmateur qui favorisait l'implication du spectateur dans différents domaines comme les arts plastiques, la musique, la danse, le théâtre, le cinéma, la télévision".  (Popper, 2007). C'est la grande époque des Algoristes (américains).

 

En 1978, le rapport Nora-Minc lance la télématique, qui débouchera notamment le lancement du Minitel en 1982. Le président Giscard d'Estaing monte personnellement au créneau : "L'exploration systématique et rapide des formes musicales, plastiques, littéraires ou poétiques peut aider le créateur et stimuler la création. L'influence de l'ordinateur sur la musique contemporaine est déjà sensible.

 

Les arts de l'écriture tirent parti des possibilités du traitement de texte. D'abord au simple niveau de la frappe, considérablement améliorée par rapport aux machines à écrire. Puis tout au long de la chaîne graphique, jusqu'au pilotage automatisé des presses, rotatives ou non. Outre une réduction des coûts, le traitement de texte apporte un tel accroissement de qualité qu'il est difficile d'imaginer aujourd'hui à quel point les courriers d'entreprise, le livre et la presse étaient limités dans leurs présentations : variété des polices de caractères, complexité des mises en pages. Ouvrez aujourd'hui un exemplaire de L'Illustration, qui fut la presse de luxe pendant tout le début du XXe siècle, et comparez avec les pages du moindre de nos magazines !

 

Une question reste en suspens, et à notre connaissance n'a pas trouvé de réponse : ces nouvelles techniques ont-elles influé sur le style même des écrivains et des journalistes ? En tous cas, ils n'ont pas apporté de genres littéraires vraiment nouveaux. Au moins jusqu'à l'arrive de l'hypertexte, de la messagerie sur ordinateur et, plus récemment, des SMS.

1.10. Années 1980 : le génératif au cœur de l’informatique

La fin des années 1970 est marquée par le franchissement d’un seuil conceptuel. Le progrès des circuits intégrés sur silicium débouche sur la production du micro-processeur, c'est-à-dire de l’intégration complète des fonctions de base d’un calculateur électronique sur une seule puce de silicium. D’un point de vue technico-économique, il ne s’agit pas vraiment d’un saut quantitatif majeur, simplement d’une conséquence naturelle de la loi de Moore (tous les deux ans, doublement du nombre de transistors sur une puce). Mais,  intellectuellement, c’est une vraie rupture : la matérialisation au niveau microscopique d’un automate universel.

 

Concrètement, cela se traduit par l’apparition sur le marché du micro-ordinateur : dans un même boitier, le processeur et les moyens de dialoguer avec lui : clavier et imprimante ou petit écran (monochrome, bien entendu). Aux premiers modèles, très limités, succèdent rapidement des machines plus attrayantes et plus faciles à utiliser. C’est la générativité qui fascine, la capacité de programmer. Jeunes et moins jeunes se mettent au Basic, écrivent des jeux, jouent avec les fractales… De petites imprimantes (à aiguilles, bruyantes et à très basse résolution, mais quand même) matérialisent les graphismes. Les Pouvoirs publics ne sont pas inactifs : Le président Mitterrand ouvre le "Centre informatique mondial" et lance le plan "Informatique Pour Tous". En 1984 est lancé le Plan Image. Le Paris ACM Siggraph est fondé (sous le nom de Siggraph France). Malheureusement, faute d'une vision suffisamment ample des milieux d'affaires et des politiques, ce grand élan va retomber. Les Etats-Unis sont autrement agressifs. Tron, le premier long métrage faisant appel aux images de synthèse sort en 1982

 

Puis la machine progresse et se referme à la fois. Le Macintosh, puis les machines Windows, offrent une interface beaucoup plus conviviale, mais exigent des programmeurs un investissement plus lourd. Ce sont les logiciels, et non plus l’ordinateur lui-même, que les « utilisateurs » apprennent à mettre en œuvre. En 1982, la France lance le Minitel, qui lui donne une avance certaine dans la pratique des réseaux, mais qui freinera, dix ans plus tard, son entrée dans le monde d’Internet.

Son faible débit de communications et son petit écran monochrome en mode caractère en limitent les perspectives artistiques. Il y a pourtant quelques réalisations, et la couleur leur donne plus d'intérêt (mais les minitels couleur resteront rares).

 

A cette époque, et dans la décennie suivante, le vidéodisque puis le CD-Rom ouvrent de nouveaux espaces de création et de diffusion aux artistes, qui peuvent y déployer toutes les formes du multimédia (image, son, texte, hypertexte…). Ces œuvres forment l’essentiel de ce que Timothy Murray appelle « le baroque numérique». (Murray, 2008). Jean-Louis Boissier y réalise plusieurs œuvres, basées surtout sur le texte. 

 

En 1983, Frank Popper, à la demande d’Electricité de France, organise Electra, exposition conçue autour de deux grands axes. Le premier, historique, le deuxième réunissant des œuvres - électroniques et/ou informatiques -  créées spécialement pour l'exposition" (Popper, 2007). En 1985, le Centre Pompidou héberge l’exposition Les immatériaux, la Villette monte Odorama. 

 

En 1984, Victor Acevedo fait sa dernière peinture à l'huile. Ensuite, il ne peindra plus que sur ordinateur.  

 

L'intelligence artificielle revient à la mode avec les systèmes experts.  Les artistes s’intéressent surtout à la vie artificielle. Les virus informatiques font leur apparition. Cela donne des idées à quelques artistes (art viral).

 

A partir de cette décennie, nous entrons dans le présent. Les artistes numériques vont se compter par centaines, puis par milliers. C’est pour nous le moment de passer à l’état de l’art… des arts génératifs.

1.11. Les leçons de l’histoire

 

Au terme de ce parcours, quelques idées nous semblent s’en dégager : 

 

- Nombre d’innovations artistiques qui se révèlent par la suite importantes, ou majeures, apparaissent d’abord comme de simples jouets (parfois aussi comme des formes de mystification plus ou moins religieuses). C’est le cas des automates, des ancêtres du cinéma, etc. Il faudrait donc peut-être prendre au sérieux des annonces qui semblent aujourd’hui des gadgets. Mais, en pratique, c’est déjà le cas, et la frontière entre le jeu et les activités « sérieuses » tend à s’estomper, comme le montre notamment l’expression « Serious Games ».

 

- Le progrès se fait-il par rupture ou par continuité ? D’un point de vue statistique, l’imprécision des données autorise aussi bien une interprétation continue (exponentielle) qu’une vision de rupture (vers 1980). Les ruptures sont peut-être plus dans les esprits que dans les réalisations concrètes.

 


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