Terres arbitraires est une installation vidéo, immersive et générative qui explore les représentations des « quartiers populaires ». Initié en 2010 au Théâtre de l’Agora d’Evry, Terres arbitraires place le spectateur au centre d’un dispositif visuel et sonore qui le confronte à des portraits vidéo, ralentis et muets de jeunes habitants de ces quartiers. À ces visages, à ces corps mis en scène, qui s’adressent directement à la caméra et donc au spectateur, vient se superposer un flux sonore de bribes de discours médiatiques, politiques et sociologiques produits autour de ces quartiers.
« Lors de la résidence au Théâtre de l’Agora, avec la complicité de deux jeunes habitants à qui je confie des petites caméras vidéo, je rencontre de façon informelle de nombreux résidents du quartier des Pyramides à Évry. Chaque rencontre, chaque interaction nourrit une réflexion et alimente un vaste matériau visuel et sonore fait d’entretiens, d’ambiances enregistrées, d’images filmées sur le vif ou mises en scène. Très vite, pendant ces mois de rencontres et de tournage, je fais le choix d’aller à l’essentiel : ne garder que des portraits de jeunes gens, que l’on retrouve aux pieds des bâtiments, qui regardent la caméra et donc nous regardent. Parallèlement au tournage des portraits, je commence à collectionner un matériau sonore composé de bribes de discours sur les quartiers populaires, sur leurs populations et les multiples sujets qui s’y rattachent (emploi/précarité, identité nationale/immigration, insécurité /insécurité sociale, traitement social/pénal...).
Durant la résidence à la Maison populaire, il s’agissait d’aller sur de nouveaux territoires, de rencontrer les gens là où ils vivent. Identifier des complices, des relais que j’appellerai des « passeurs » (de jeunes adultes, habitants des quartiers concernés) avec qui je suis allé au devant d’autres habitants, leur présentant ma démarche pour leur proposer de participer à cette aventure artistique. Les images filmées constituent ici en de nouveaux portraits, dont les mises en scène sont des collaborations, des portraits « négociés » (selon l’expression du photographe Michel Séméniako) ; faites d’allers-retours pour arriver à des images signifiantes destinées à enrichir et à diversifier le corpus de l’œuvre.
Il ne s’agit pas d’un travail circonscrit à un seul territoire, réduit à un quartier particulier mais d’une œuvre qui réunit peu à peu virtuellement et symboliquement des portraits venus de zones géographiques éclatées sur le territoire français. »
Nicolas Clauss