Les autres posts. Retour à la page d'accueil
(Texte écrit avant le confinement)
Ce matin, quand j'ai ouvert l'oeil, à ma grande surprise, il était huit heures. Alors
que, normalement, je me lève toujours à sept heures. Quand je ne me réveille
pas de moi-même, mon ange gardien se charge de le faire avec une musique de
plus en plus agressive. Si ne je suis pas levé à 7h15, il prévient mon patron
que je serai en retard. A 7h30, il appelle le Samu. Il l'aurait d'ailleurs
appelé bien plus tôt si mes capteurs connectés lui avaient signalé des
problèmes de santé un tant soit peu inquiétants.
Mais là, ce matin, il n'a rien
fait alors que, suite à une soirée un peu prolongée hier soir à ma tendre et
chère, j'étais parti sans le vouloir dans une paresseuse grasse matinée. Au
lieu des messages habituels, l'ange réagit à mon réveil en mettant une musique
douce et commence à faire chauffer mon café sans aucune récrimination. Quel
bonheur, je me lève sans me presser, tout heureux de ce répit inespéré. Et
puis, tout à coup, je bondis hors de mon lit, terriblement inquiet. Qu'est-ce
qui se passe ? Je n'ai pourtant changé aucun des paramètres de mon agenda
habituel, ni donné de précisions pour cette journée particulière. Je secoue mon
bracelet connecté, qui a l'air en parfait état. Je vais rapidement prendre mon
café maintenant bien chaud... tout est anormalement normal. Tout à coup, je
hurle d'angoisse. CELA NE DEVRAIT PAS ARRIVER.
L'ange répond doucement :
"Calme toi, Pierre, tout va très bien. Il y a juste quelques petits
changements dans le planning local. Ta voiture viendra t'attendre tranquillement
dans une heure pour te conduire au boulot. Mais d'ailleurs, pourquoi aller
travailler si vite aujourd'hui ? Ton entreprise m'a signalé qu'il y avait très
peu de visiteurs attendus. Tes collègues pourront très bien t'en charger. Je
leur ai d'ailleurs indiqué que tu viendrais plus tard.
"Mais puisque tu as un peu
de temps, pourquoi ne pas en profiter un peu. Il y a au Twarz
(le centre commercial voisin) une journée exceptionnelle de soldes. Notamment
sur ces petits robots en peluche que tu aimes tellement. Alors, laisse toi
tenter et viens jouer un peu. Ta voiture fera le détour par là avant de
t'emmener à ton entreprise."
Douceur, délices, c'est vrai que
le Twarz est un environnement fascinant, avec ses
allées ponctuées d'applications interactives toujours renouvelées, au milieu
des rangées de boutiques plus branchées les unes que les autres.
Mais non. Ce n'est pas vrai. Ce
n'est pas possible. Je sais bien que j'ai laissé hier au bureau des tâches
inachevées, et que plusieurs visiteurs doivent venir ce matin pour des affaires
urgentes. Notamment un d'eux, sur un problème de sécurité aérienne. C'est mon
ange gardien qui déc... Je re-hurle : ARRETE CA,
ANGE.
Je m'aperçois alors que de
petites cornes lui ont poussé sur la tête... et qu'une image identique apparaît
sur plusieurs autres de mes objets connectés. Aie, un virus. Toutes mes
machines ont été attaquées. C'est peut-être aussi de ma faute... parmi les
sites que nous avons visités hier avec ma chérie, certains avaient attiré
l'attention de mon antivirus. Mais, emportés par notre élan, nous étions passés
outre.
Le ton de mon ange gardien se
fait plus sérieux. "Allons, ne t'énerve pas. C'est mauvais pour ton coeur. Et d'ailleurs ton dossier médical me donne quelques
inquiétudes. Tu as vraiment besoin de te détendre un peu. Viens au Twarz, c'est
exactement ce qu'il te faut. "
Pas rassuré du tout, je me
précipite sur ma tablette pour mieux comprendre… donner l'alerte. J'y retrouve
mon ange cornu, beaucoup moins souriant maintenant. "Si tu fais
l'imbécile, j'appelle la police. Tes voisins commencent à se plaindre de tapage
que tu fais."
Pas moyen de communiquer avec l'extérieur. Je cours vers la porte. Je n'arrive
pas à l'ouvrir... jusqu'au moment où ma voiture vient se garer juste devant, et
que d'une voix douce mais ferme, mon ange confirme : "Monte. Et si tu n'es
pas sage jusqu'au Twarz, si tu n'y achètes pas ce
joli robot dont tu rêves et qui, d'accord, est un peu cher pour toi... ce n'est
pas chez toi que tu reviendras, car ton compte en banque est tellement dans le
rouge que ton propriétaire va te mettre dehors. Tu m'as bien compris ? "
Aie, aie,aie... je commence à perdre un peu la tête.
Diable... et si le virus avait réussi à infecter aussi mon implant cérébral ?