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L'informatique libère l'humain

L'informatique libère l'humain. 1. Du Big Bang à l'Hypermonde.


L'autonomie des systèmes externes : le matériel

Développements ultérieurs (en anglais) sur les matériels.

Cette science, que nous concevons dans nos cerveaux, ne pouvait aller si loin sans s'extérioriser dans des représentations qui vont peu à peu s'organiser en systèmes d'information (ou systèmes infor-matiques).

Le langage oral trouve ses limites. La combinaison bouche-oreille n'accepte qu'une bande passante limitée, ne peut articuler et décoder qu'un petit nombre de phonèmes (plus ou moins riche selon les langues et les civilisations). La phrase dite ne peut s'étendre trop longuement.

L'externalisation du savoir, les mémoires

Avant nous, les animaux ont commencé à marquer leur territoire. L'homme dessine, puis invente l'écriture. Miracle, là encore, que l'on ait pu construire des systèmes graphiques représentant aussi bien des systèmes de phonèmes que des systèmes de pensée. Non sans mal! Il faut, aujourd'hui encore, un assez long apprentissage aux enfants pour s'approprier l'écriture et l'orthographe.

Le support lui-même de cette externalisation se perfectionne peu à peu. On écrit, on dessine dans le sable, sur les murs des cavernes, puis sur la pierre des monuments, des stèles de marbre, des tablettes d'argile, puis sur le papyrus, avec un gain considérable en nombre de bits par kilo de matière. Trop même, car le support est fragile. Le parchemin résiste mieux, mais il coûte cher. Le papier vient ensuite, quoique cher lui aussi jusqu'à l'invention des pâtes à bois. Alors le livre devient cet objet omniprésent, mobile, qui peut aussi bien nous accompagner partout que s'accumuler dans les bibliothèques.

Le papier va continuer de servir de support en se laissant trouer : chaînes de cartons pour le métier à tisser, cartes perforées d'Hollerith pour le recensement américain de 1890, puis pour toute la "mécanographie" des années 30 et pour l'informatique jusqu'à la fin des années 70. Le ruban la remplace pour le télex et un peu pour l'informatique,   là aussi jusqu'à la fin des années 70.   La densité en bits du papier perforé est plus faible que celle du papier imprimé. Et ce support se laisse difficilement lire par nos yeux. Mais il convient à la machine.

Le support magnétique relaye le papier à partir des années 60: rubans en bobines ou cassettes, tambours, disques et disquettes. Dernier né, le support optique, avec le CD-ROM, avec d'excel-lentes densités et des coûts imbattables pour certaines applications, mais sans détrôner le magnétique, qui se défend en progressant toujours. Quant au support chimique de la photographie, il disparaîtra progressivement au profit des supports magnétiques. Mais, en cette fin du XXe siècle, il conserve encore une place importante, non seulement dans le grand public, mais pour la photographie professionnelle et les radiographies médicales.

Pour la conservation à très long terme, quel est le meilleur support? Le papier imprimé de manière traditionnelle conserve des avantages certains (et prouvés par une longue expérience)  sur les supports informatiques codés. Non seulement il peut se conserver pendant des siècles, pour peu que le papier soit bon, les encres pas trop agressives et les conditions de conservation correctes, mais il peut se relire sans aucun appareil autre que l'œil humain. Pour autant, il est combustible, et les vieilles familles parisiennes le savent bien, puisque leurs archives ont disparu dans l'incendie des Tuileries en 1870 ! Les supports chimiques, magnétiques et optiques (CD-ROM) n'offrent pas de telles garanties de conservation matérielle. Et leur caractère profondément digital, comme la miniaturisation extrême du stockage binaire, interdit leur lecture sans matériels informatiques adaptés. Ici, la rapide évolution des matériels comme des logiciels laisse quelques inquiétudes. En fait, aucun système n'est supérieur aux autres à tous les points de vue. 

Externalisation de la communication : réseaux, capteurs, actionneurs

Différents dispositifs, dès l'Antiquité, soutiennent la communication à distance, mais comme de simples outils pro-longeant la voix ou le geste :  masque  du théâtre antique, porte-voix, signaux lumineux ou de fumée. Puis ils s'organisent en systèmes, en machines implantées sur le territoire : télégraphe optique Chappe, puis télégraphie et téléphonie filaire, puis radio et télévision. Chaque phase apporte une montée en complexité, au moins en quantité d'informations transmises  par unité de temps (débit d'informations ou "bande passante").

La dématérialisation se traduit par l'affaiblissement des énergies (mécaniques, puis électriques) nécessaires à la transmission, et par la suppression des liaisons filaires. Elle est compensée, cependant, par la nécessité d'équipements statiques lourds et coûteux (stations hertziennes, satellites et leurs installations de lancement et de liaison avec le sol).  Quant à la digitalisation, elle est constante mais s'accompagne aussi de poussées de modes de représentation analogiques. Le télégraphe optique ou électrique du XIXe siècle, par nature digital puisque codé, est dépassé comme un progrès par le téléphone ou la radio qui apportent la "phonie", bien plus naturelle pour la communication entre humains.

Mais, à la fin du XXe siècle, la numérisation l'emporte définiti-vement pour les infrastructures. Toute communication est digitalisée à la base. C'est seulement dans sa relation avec les êtres humains qu'elle se présente sous la forme analogique de la voix et de l'image. Internet concrétise aujourd'hui cette convergence de tous les médias grâce à leur digitalisation. Il en va de même pour la communication des machines avec le monde extérieur. Capteurs et actionneurs pro-gressent en débit d'information (précision, fréquence d'échantil-lonnage), en digitalisation, en autonomie grâce à l’ autocalibrage et à l’adaptation automatique à l’environnement. 

Cela s'applique aux capteurs et actionneurs consacrés au dialogue avec les êtres humains: claviers, écrans, souris, tablettes graphiques. Du point de vue de l'ordinateur, ces outils sont tous digitaux. Du point de vue de l'utilisateur humain, ils combinent l'analogique et le digital,  pour  rendre  le  dialogue  "intuitif".  Dans  certains  cas,  le dialogue devient complètement analogique en surface. Pour un dessinateur à main levée utilisant une tablette graphique, le système reconstitue le triplet main-papier-œil. Il reste cependant la séparation, peu naturelle, entre l'écran et la tablette, qui peut être dépassée par des écrans sensitifs, mais l'état actuel des technologies ne les rend pas efficaces dans des conditions raisonnables de coût et de précision.

Même avec ce type d'équipement, le digital se combine aussi richement que l'on veut avec l'analogique, puisqu'il suffit de présenter à l'écran non pas une surface blanche mais un espace organisé de "boutons" pour que le "clic" binaire active codes et fonctions. Comme une grande partie de nos activités sont désormais digitalisées, le clavier conserve une forte supériorité sur tous les autres modes de dialogue. Beaucoup rêvent de parler avec l'ordi-nateur, parce que le clavier est arrivé trop tard dans leur vie pour être naturel. Mais le système bouche/micro/haut-parleur/oreille comporte de fortes limitations.

Externalisation du traitement. Le processeur

Le cœur des systèmes d'information, c'est le processeur. Autonome par construction, automate fondamental, il est fondamentalement digital. Sa croissance dans le temps est exponentielle, avec une grande régularité depuis des décennies : toutes choses égales par ailleurs, il double sa puissance tous les deux ans, et même plus vite encore ces dernières années. 

Sa dématérialisation a des conséquences pratiques : l'ordinateur et tous les dispositifs informationnels sont de plus en plus "portables"

La croissance en complexité se fait à la fois par multiplication du nombre des processeurs et par la montée en puissance de chacun d’entre eux, à quoi s'ajoute la combinatoire de leurs relations, toujours plus riche elle aussi.

L'ordinateur n'a jamais été tout à fait pensé comme une machine "seule", un système isolé. Cette unicité du système,  souvent considérée comme caractéristique d'une informatique d'hier opposée aux réseaux d'aujourd'hui, n'a jamais été aussi marquée qu'on le pense. Dès l'origine, le calculateur  prend sa place au sein d'une famille de machines que l'on qualifiera d'abord d' "ensemble électronique" puis de "système".


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