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Cartographie

Pierre Berger

Président de l’association Les Algoristes

Après quelque quarante ans de journalisme spécialisé en informatique (et plus précisément en systèmes d’information des entreprises, notamment au Monde Informatique), Pierre Berger se consacre maintenant essentiellement à la coopération entre artistes numériques, pour laquelle a été fondée l’association « Les Algoristes » (http://www.les-algoristes.org). Il est aussi vice-président du Paris ACM SIGGRAPH (chapitre français du groupe de l’ACM spécialisé en informatique graphique) et administrateur de l’Asti (Fédération des Sciences et Technologies de l'Information). Il a publié « L’informatique libère l’humain » (L’Harmattan, 1999). Il s’est toujours intéressé aux cartes, heureux de descendre de Nicolas-Antoine Lebel, « libraire-géographe de Madame », au XVIIIe siècle.

Un nouveau regard. La carte, convergence du texte et de l’image

Ayant l’honneur de clôturer cette journée, l’essentiel de mon exposé tentera d’en faire une synthèse, d’un autre point de vue que celui des professionnels de la spécialité, puisque je suis aujourd’hui essentiellement un artiste numérique et, plus encore l’animateur d’un projet artistique coopératif.

Avant de vous avoir entendu, voici quelques idées qui orientaient ma réflexion sur ce domaine.

« La carte n’est pas le territoire » dit-on, au moins depuis Korzsybski. Or, pour les auteurs des grandes mythologies contemporaines (Le Seigneur des anneaux par exemple), traduites aujourd’hui sous forme de films et de jeux interactifs, le territoire n’existe pas avant la carte. Il ne prend substance que dans son expression graphique et dans l’image que s’en font les spectateurs et les acteurs.

Les algoristes (artistes qui utilisent leurs propres algorithmes pour créer des œuvres d’art) vont encore plus loin. L’image n’existe que comme expression des codes qu’ils conçoivent. C’est du programme que va naître l’œuvre, parfois dans tout le spectre sensoriel, de l’image en relief jusqu’au son et pourquoi pas plus dans la réalité virtuelle.

Comme la plupart des algoristes sont des plasticiens, ils font en permanence la liaison entre le texte (les algorithmes et plus précisément les programmes) et l’image (les œuvres produites). Les cartographes aussi, d’une autre manière : pas de carte sans toponymie ni légende. Ils ne sont pas les seuls à combiner les deux formes d’expression, aux côtés par exemple de la bande dessinée ou des interfaces graphiques homme-machine, dominés depuis les années 1980 par la métaphore bureautique. Elle reste difficile à dépasser, mais les techniques présentées ici montrent que la recherche se poursuit, non sans résultats, et les cartographes y apportent leur contribution spécifique.

Algoristes et cartographes ne sont que des acteurs particuliers dans une société du spectacle que l’on prend souvent trop sous son angle négatif, de médiocre tromperie. Le progrès économique et technique transfère peu à peu les valeurs vers l’immatériel. Heureusement d’ailleurs, car la matière s’épuise et fond sous nos pieds (pour ne pas dire nos pneus). Spectacle, tourisme, information, parure deviennent les grandes sources de l’emploi. Et donc l’esthétique. L’art est partout, à l’état gazeux (selon Yves Michaud). Et la carte peut aussi être œuvre d’art autant qu’outil.

La recherche, algoristique ou cartographique , a donc devant elle un riche avenir non seulement dans les « beaux-arts », mais dans les arts de la communication et de la présentation de l’information. A terme, pourrait-on dire avec une pointe d’optimisme aussi bien que de cynisme, rien ne sera plus utile que le beau.