(Texte pour une revue d'entreprise d'Alacatel)
"... ceux qui croient avoir tout leur temps avant de semettre à Cals... se trompent" (The Gartner Group)
Nous n'échapperons pas au mouvement Cals. Cette "stratégie" lancée par le ministère américain de la Défense (DOD) et ses principaux fournisseurs, soutenue par le ministère du commerce (DOC), est maintenant activement poussée par l'Europe et en particulier par notre pays. S'il a peu de moyens financiers, le bureau Cals-France est animé par une équipe dynamique, bien
placée au coeur de la DGA (Délégation générale pour l'armement). Et nos syndicats professionnels s'y sont professionnellement impliqués (Sfer, Gifas, Gicat), avec la participation d'industriels et de l'Afnor. Le groupe Alcatel n'est pas en reste, avec l'équipe animée par Gilles Signor au sein d'ATA (Alcatel TITN Answare).
Mais de quoi s'agit-il? Dans l'espace des industries de défense, Cals (Computer aided acquisition and logistics systems) se présente comme une fusée à deux étages, contrastant par leurs ambitions. Cals 1 semble des plus modestes, se limitant au choix de quelques normes documentaires. Cals 2 en revanche donne le vertige: il prévoit la mise en place d'une base de données répartie partagée entre tous les services du DOD et tous ses fournisseurs!
Premier effort: normaliser la documentation électronique La Défense américaine, comme toutes les entreprises, s'est alarmée de la montée des masses de papier et de leur perte progressive d'efficacité. Mais le passage au document électronique exige des normes communes de fichiers, tant pour les textes que pour les dessins, graphiques et photographies. Plutôt que de créer de nouveaux standards, le DOD a choisi une panoplie de normes existantes: SGML pour le texte, CGM pour le dessin, Iges pour les dessins d'étude (CAO), CCITT Groupe IV (télécopie) pour les illustrations tramées. La gamme s'élargit peu à peu au fil des ans: DSSSL pour la description des formats, SPDL pour l'impression...
Même en se limitant à cette première vague, Cals exige des fournisseurs des investissements non négligeables. SGML, en particulier, va bien au delà d'un traitement de texte classique sur micro-ordinateur. Il encadre le rédacteur dans des formats précis et suppose la connaissance d'un vocabulaire technique spécial. Les bureaux d'étude et de documentation doivent acquérir des stations de travail suffisamment puissantes et se faire aider, au moins au début, par des spécialistes.
Sous les normes, l'intégration
Mais, Cals 1, autant et plus que la documentation, vise le "soutien logistique intégré". Plus familier à l'industrie américaine qu'à l'Europe, ce concept marque les systèmes fournis (avions, systèmes d'armes, par exemple) dans leur conception même. Leur maintenance doit être aussi facile et peu chère que possible. Les opérations d'inspection, de réparation et de remplacement doivent être définis avec précision. Un "plan de soutien logistique" définit les activités de gestion. Il se concrétise par l'"analyse du soutien logistique", qui spécifie les besoins, études nécessaires, prestations.
Plus que des produits matériels et logiciels définis, le SLI implique un état d'esprit, une discipline et l'application d'une méthodologie dans tous les départements du fournisseur. Mais l'importance des enjeux ne laisse place à aucune échappatoire. L'efficacité des opérations, d'abord, exige une maintenance rapide et sans faille. Les Américains ont prouvé dans le Golfe leur compétence en la matière. Les opérations militaires futures, "d'intervention" plus que "défense" à proprement parler, obligent en outre à assurer logistique et maintenance dans les environnements les plus imprévus: sables du désert, zones semi-urbanisées des Balkans, conditions extrêmes des terres australes...
Mais la réduction des budgets de Défense pousse dans le même sens. Hier les appels d'offres donnaient le marché au "moins disant" sur des prix d'achat. Il faut aujourd'hui optimiser le "coût global de possession" sur toute la durée de vie du système.
Le coût d'acquisition n'en représente que 30 à 40%. Les fournisseurs seront les premiers bénéficiaires de l'investissement Cals. L'industrie américaine soutient le projet autant et plus que le DOD: réduction des coûts de la documentation, des charges de maintenance, des délais de mise en fabrication. leurs activités civiles en profiteront par contre-coup.
Concevoir ensemble et plus vite
Economie et efficacité logistique ne suffisent pas. Il faut aussi arriver plus vite sur le marché, donc concevoir plus vite.
Les Japonais sont passés maîtres en la matière. Pour rattrapper le temps perdu, les Occidentaux comptent sur l'ingénierie parallèle (ou concourante, pour rester proche de l'américain "concurrent engineering").
Il s'agit de faire travailler ensemble les différents réalisateurs d'un système, de ne pas attendre la fin d'une phase pour attaquer la suivante: la conception commence dès que le projet dispose d'un minimum de planning, les méthodes de fabrication se dessinent aussitôt que la conception a défini ses grandes lignes, les outils de production prennent le chemin des usines pendant que les bureaux des méthodes finissent d'affiner leurs dessins.
L'ingénierie parallèle appelle une base informatique adaptée au partage des données. A long terme, Cals 2 prévoit donc un vaste réseau ouvert à tous. Objectif d'autant plus ambitieux qu'il s'agit de données de défense, donc sensibles. De plus, les fournisseurs sont concurrents entre eux. Les techniques de protection devront donc se perfectionner pour fermer autant que pour ouvrir l'accès aux données selon les responsabilités de chacun.
La structure même des informations doit évoluer en profondeur. Il lui faut épouser la réalité des objets (content modeling) en cours de conception, et non plus le découpage textuel (structure modeling) et les habitudes rédactionnelles des différents milieux industriels.
Cals 2: plus réaliste qu'il n'y paraît
Dans cette optique, Cals 2 s'avère indispensable. La réalisme poussera sans doute décomposer son modèle global en sous-ensembles, par exemple autour de chaque grand système d'armes. D'ici à sa mise en oeuvre opérationnelle, prévue autour de 2010, la technologie aura fait suffisamment de progrès pour fournir les infrastructures: volumes de stockage, puissance de traitement, capacité de télécommunications, développement des logiciels. Tout le travail d'harmonisation et d'intégration mené dans le cadre de Cals 1 trouvera alors sa pleine justification.
Alcatel Systèmes de Défense dispose en son sein des compétences nécessaires pour aider les sociétés membres comme les firmes clientes et les partenaires de la Défense à participer à la stratégie Cals. Ils pourront ainsi passer progressivement du papier aux technologies de l'information numérique. La durée de la transition dépendra de l'avancée des techniques comme de l'adhésion des compagnies industrielles. Elle sera de toutes façons progressive. Mais il serait dangereux d'attendre que l'ensemble des problèmes soient résolus avant d'entreprendre une démarche Cals.