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Essai d'une première synthèse. Plusieurs textes, surtout de 1972
P. BERGER

Entre le quantum transactionnel et le système total


La convergence informatique

La couverture de ce dossier... qui était ŕ usage des amis. Guibol: J'ai vidé mon sac. Il y a beaucoup à boire. Peut-être un peu à manger. Qui veut servir d'écumoire.
                                  

(*2014. On peut noter le caractère démesurément ambitieux d'un texte. Qui n'eut aucune conséquence en tant que tel, et fut jugé plutôt négativement par mon entourage. Noter, su rla couverture, une pointe d'humour
Noter ausssi qu'il correspond chez moi à une phase de désenchantement: tout est dit, tout est fait,et je me dis que mon métier va devenir ennuyeux. Mais, au Sicob 1972, l'arrivée des disquettes suffira à me faire voir que de nouvelles perspectives s'ouvrent, bientôt confirmées par l'arrivée d'une mini-informatique qui précède la micro-informatique.)                                    

ET NOUS (dixit Pascal)

&nbs                               

Notes et plaidoyer pour une recherche à naître

                                  

  
Le fond des fonds, c'est le fonds monétaire. Einsteint Jr.

    
    
TABLE DES MATIERES
    
Informatique fondamentale
L'informatique est une architecture
L'informatique est une biologie
Science ou technique
Les oeillères des systématiciens
Information et énergie
Information et argent
Les parardoxes de la complexité
Un algorithme de la liberté
Aux objecteurs humanistes
Le complexe et le répétitf
L et les interfaces
Convergence et antisystème (I)
La mesure
La saisie des données
Les télécommunications
La convergence des informatiques
Convergence et antisystème (II)

 

Informatique fondamentale

PLAIDOYER POUR UNE RECHERCHE A NAITRE
    
L'informatique, en tant qu'industrie, semble avoir passé le plus mauvais cap. Après un nettoyage qui a vu disparaître des entreprises, réduire des effectifs, comprimer des capitaux, une situation plus saine paraît s'instaurer.
    
Mais l'élan est tombé. On a trouvé la sagesse. Il faudrait peut-être aussi un certain souffle. Des idées neuves qui pourraient intéresser, donner envie aux responsables et aux utilisateurs de marcher encore dans la voie du progrès, avec les risques que cela comporte, mais aussi les charmes de l'aventure.

Quoi qu'ils en disent, chefs d'entreprise et pesonnels ne vivent pas seulement de leur feuille de paie, mais aussi de passion. De même que l'inflation est l'huile qui permet les réajustements te les évolutions (mais certes il ne faut jamais trop d'huile), de même l'innovation crée le champ dynamique où le dialogue (parfois sans pitié) entre jeunes et anciers, entre techniciens et gestionnaires et (le ciel nous entende) entre universitaires et industriels, trouve aliment.
    
Hélas, rien ne laisse attendre pour l'immédiat (ni même pour les quelques années qui viennent) l'apparition de ce second souuffle.
    
L'industrie informatique ne veut plus dépasser les formules qu'elle a si difficilement mises au point. Depuis un ou deux ans,  les "nouveautés" annoncées ne portent plus que sur des points de détail. Publicitaires et journalistes s'efforcent à l'envi de voir des révolutions sous de micro-évolutions. Quitte à presque passer sous silence des vagues de fond comme l'invasion généralisée des circuits intégrés, qui ne modifient ni l'aspect extérieur des ordinateurs ni leur mode d'emploi. Tout au plus leur prix.
    
L'annonce récente par IBM, comme une grande nouveauté, de la mémoire virtuelle sur ses 370 illustre bien cet essouflemnet sur le plan du hardware. Quant au software, on demande des idées neuves. Les conférences faites par les porte-parole des sociétés de service, les entretiens qu'ils accordent aux journalistes pratiquent un discours ambigu. On affirme être sorti de la morosité. Mais, après avoir clamé bien haut que l'informatique est désormais un produit de grande consommation, a atteint une phase industrielle, on avoue que les "produits" sont encore très liés aux "services", et que les méthodes de marketing restent celles des cabinets conseils. Le catalogue des grandes écoles reste l'arme absolue des vendeurs. Si les SCI (sociétés de services) veulent "vendre des savonnettes",, elles auraient avantage à voir comment travaille Unilever!
    
Comme pour les savonnettes ou les lessives, l'innovation devrait venir des laboratoires de recherche. Et, derrière eux, de la recherche fondamentale.
    
Hélas, ce que l'on sait des travaux des universitaires a de quoi décourage d'avance les utilisateurs. les instituts français (mais les américains ont-ils fait beaucoup mieux ces dernières années) n'ont pratiquement rien proposé de "consommable". Ni même vraiment réussi à convaincre l'industrie de la valeur des informaticiens formés, parfois à grands frais. Deux textes récents viennent encore renforcer cette impression déprimantes.
    
Dans le bulletin de l'Iria no 11 (mars-avril 1972, je crois) , Maurice Nivat tente "d'isoler et de délimiter aussi précisément que possible un domaine de recherche que, faute de mieux, nous appellerons Informatique Théorique". D'autre part l'OCDE, dans un tome de sa collection "Problèmes et perspectives de la recherche fondamentale dans les domaines multi-disciplinaires" traite de l'informatique sous l'autorité de quatre chercehurs: A. Caracciolo di Forino, S. Michaelson, Maurice Nivat et M. Schutzenberger. La rédaction originale de ce rapport date vraisemblablement du début de 1971 et, sous certains aspects, se réfère à une problématique encore un peu antérieure (notamment en insistant sans réserves sur la formation d'un nombre élevé de mathématiciens).
    
Les deux textes ne sont guère optimistes. Le rapport de l'OCDE fait une critique, par moments amère, de la politique de recherche suivie. Il note que "certaines des difficultés" relèvent de deux facteurs socio-historiques particuliers:
     - l'existence d'une grande industrie qui joue un rôle dominant en matière de développement;
     - la nouveauté de cette matière, qui en fait une sorte de "Far West" sur le plan intellectuel.
     
     Maurice Nivat laisse une impression encore plus pessimiste: "Depuis 15 ans, l'informatique théorique ne s'est que peu développée... Il s'agit d'un problème extrêmement difficile où bien peu de résultats sont déjà acquis, et dont la définition même prête à controverse" (il s'agit il est vrai de l'algorithmique de la parallélisation, c'est à dire du  ulti-traitement). "Il nous paraît difficile de voir appliquer dans un proche avenir...".
    
Les conclusions, bien sûr, ne sont pas négatives. Le rapport OCDE émet un certain nombre de recommandations, visant pour l'essentiel à concentrer dans les mains des mathématiciens "sérieux" la quasi-totalité des crédits consacrés à la recherche en informatique. et Maurice Nivat croit "que déjà l'on peut voir se dessiner les contours d'une problématique et la possibilité d'unifier les efforts".
    
Mais cette stérilité que déplorent les mathématiciens, n'en sont-ils pas les premiers responsables?
    
    
LE SPLENDIDE ISOLEMENT

    
"Nous ne cherchons absolument pas à présenter les revendications d'un groupe d'invididus égoïstes, soucieux de préserver leur tour d'ivoire", plaident les auteurs du rapport OCDE. Pieuse protestation, démentie par tout le reste du rapport. Nous voulons bien croire que les intentions sont pures, mais à rester trop enfermé dans une tour, fût-elle d'ivoire, on devient nécessairement quelque peu égocentristes. Ecoutons-les plutôt.
    
"Nous considérons la conception de la structure interne des ééments fonctionnels du hardware comme relevant de la physique et de la technologie".
    
"Les recherches visant à améliorer l'utilisation des alculateurs dans la banque, l'industrie pétrolière, les diagnostics médicaux, l'urbaniqme, le dessin industriel des automobiles, l'organisation scientifique du travail, etc. ne devraient pas être considérées comme appartenant à l'informatique roprement dite...".
    
"Les chercheurs en informatique devraient aborder le roblème des banques de données comme un problème de caractère général et non pas sous l'angle de la documentation automatique ou es sciences de la gestion".
    
"Les applications que nous venons de citer (un rapide panorama vient d'en être dressé) sont externes à l'informatique comme telle". Et d'ailleurs "la plupart des applications des calculateurs sont extrêment simples et n'exigent aucune recherche fondamentale en informatique".
    
Que reste-t-il aux informaticiens ? Partis d'une définition très générale de l'informatique (science multi-disciplinaire qui s'attache à l'étude systématique de la structure, du stockage, de la transmission et de la transformation de l'information), on en vient à la limiter à la conception interne des éléments du software, complétée par des travaux si possible complètement abstraits concernant la "programmation théorique" et la "méthodologie mathématique".
    
Cet isolement intellectuel volontire se complète d'un mépris affiché pour les non mathématiciens, qui sont tout à la fois incompétents et malhonnètes. Citons encore.
    
"Les énormes intérêts financiers qui sont impliqués dans la promotion de la science des calculateurs ont plus ou moins façonné les besoins supposés de la société".
    
"Ils (les constructeurs) visent à mettre au point un produit qui puisse être lancé sur le marché à une date données: il ne s'agit pas en général de recherche. Il ne s'agit même pas, dans la plupart des cas, de travaux sérieux en matière de technologie".
    
"... la horde de "spécialistes" à l'esprit étroit et insuffisamment formpés..."
    
"... l'évaluation des résultats dans ce domaine est presque entièremnet confiée à des non mathématiciens... lesquels ... financent et encouragent des travaux qui n'ont parfois aucune valeur...".
    
Il en découle, bien entendu, que les organes de financement devraient être constitués par des "comités scientifiques composés de chercheurs qualifiés". Payez, et ne vous occupez surtout pas du reste.
    
Le pire, c'est que ces auteurs sont certainement sincères. Mais c'est la conception même qu'ils se font de leur discipline qui les conduit à ces revendications de splendide isolement.
    
Maurice Nivat donne peut-être la clé du malentendu quand écrit: l'algorithme consiste pour nous en l'étude de la chaîne:     
    
                         
codage                                 
     objet mathématique  --------->   objet représenté ------!
                                                      
--------------------------------------------------------!                   
     !
     ! opération                       décodage
     ------------>  objet représenté -----------> objet mathématique.
    
    
Si, bien sûr, il ne s'agissait que de celà, il serait légitime de considérer l'informatique comme une discipline mathématique (Parallèlement, M. Nivat considère que c'est la notion de calcul qui est au centre de l'informatique théorique.).

La réalité est autre, sauf pour les applications scientifiques mathématiques par nature. Les informations qui parviennent aux systèmes informatiques ne sont pas des objets mathématiques. Et, à un moindre degré, ce que l'on demande à l'informatique n'est pas non plus tout à fait un objet mathématique.
    
C'est précisément une des tâches essentielles des concepteurs de systèmes que de déceler, sous la confusion du réel, des structures formalisables et automatisables, et d'agir par tous les moyens nécessaires pour rendre cette automatisation efficace. Moyens mathématiques et technologiques sans doute, mais tout autant aussi moyens humains.