LA DECISION

Ce qui nous semble essentiel dans la décision, c'est qu'elle est créatrice. Même quand elle est en apparence purement passive, comme le " fait " de Marie. La décision est le coeur de l'action. L'acte normal d'une personne comporte des engagements de tous ordres, et d'abord corporels. La décision n'implique pas nécessairemenet pas nécessairemenet un déplacement, une énergie physique. Mais il reste toujours un minimum de matière : nous ne sommes pas de purs esprits.

Deuxième trait: la décision est binaire. L'acte, pris généralemnet, a des fonctions multiples; on y est tout soi-même, corps et âme, ou au moins une partie du tout. La décision n'aime pas le flou. Le cheminement vers elle sera peut-être humain, littéraire, charnu... la conclusion se ramène toujours à oui ou non. Cette radicalité émerge progressivement du magma, des mouvements plus ou moins confus de la matière, du tohu-bohu originel, par une réduction: l'espace des décisions est maigre dans l'espace des actions.

Maigreur, sécheresse et brutalité. Je tranche. Ubu. Je regarde la moitié du monde et je chie sur l'autre moitié.

Comment cette binarité émerge-t-elle ?

Pour moi, individu, mes racines biologiques relèvent de décisions étrangères à moi-même. D'embryon, je suis devenu foetus, affirmant progressivement une autonomie dont ma mère a peu à peu pris conscience. A l' " age de raison " j'ai pris mes premières vraies décisions. La binarité, présente sansdoute dès mes premiers " non " et " na ", marche progressivement vers sa plénitude en assumant et en dépassant mes pulsions inconscientes et involontaires. Homme mûr, je sais ce que je veux, et les conséquences de mse adhésions et de mes refus. Je dis oui ou non en toute netteté, et toute clarté.

Du moins est-ce un idéal vers quoi je tends. La pleine advertance et le plein consentement, qui sont pour les théologiens la condition nécessaire au péché mortel, avec la matière grave, ne sont peut-être pas si faciles à atteindre. Mais ne confondons pas les niveaux..

Et le corps social, le nous ? Décide-t-il de quelque chose ? On en douterait parfois, et beaucoup ne croient qu'au pouvoir personnel : il faut bien qu'il y ait quelqu'un " à la fin " qui prenne vraiment les décisions.

Pourtant, la démocratie affirme sa réalité. Du suffrage universel au sondage, de la méthode Delphi aux dégagemnets de consensus par créativité, du déferlemetn nazi à la conscience de classe, le corps social prouve de plus en plus qu'il peut vouloir. Et qu'il peut décider, s'il dispose des moyens techniques nécessaires et s'il veut les mettre en oeuvre.

Le pouvoir personnel résume le processus de décision d'une communauté dans l'adhésion à un homme, qui prend ensuite les décisions au nom de tous. Adhésion largement mythique, psychologique, pour la tribu ou la monarchie héréditaire. Décision explicite et formelle pour un président élu, chois au terme d'une procédure guidant progressivement la nation vers un choix binaire.

Mais la volonté d'un peuple est encore peu de chose si elle se réduit au choix d'un homme. Elle a besoin pour s'épanouir de tout un arsenal d'expression.

Le système parlementaire démultiplie l'adhésion, permet l'expression de volontés locales, de tendances multicolores, et en module la synthèse, par les débats et votes parlementaires, en fonction des événements et en dialogue avec l'exécutif.

Le référendum permet à la nation de s'exprimer directement. Dans son principe, il pourrait être une voie fréquente, et riche en précision. En pratique, le coût de son organisation le réserve à d'importantes occasions, le réduit à des choix binaires usr des options globles. Le général de Gaulle en globalisait encore la valeur en mettant chaque fois sa personne en jeu, et avec lui tout un régime encore jeune.

Les corps intermédiaires de tous ordres jouent un rôle plus ou moins reconnu, plus ou moins formalisé, dans la synthèse des volontés individuelles : syndicats patronaux et de salariés, clubs, associations et les entreprises elles-mêmes.

Le sondage d'opinion, voie moderne, fait connaître les sentiments du peuple, pour des sommes modiques qui permettent fréquence de finesse d'analyse. Il ne fait que reprendre, sous une forme plus scientifique, plus nette, officielle le rôle séculaire des rapports de police.

N'ayant pas le caractère formel de la consultation électorale, il n'enserre pas l'exécutif dans le carcan sans doute insupportable que serait un référendum à jet continu. Il n'engage pas le pays dans les passions et les inquiétudes de campagnes où les protagonistes ne peuvent éviter de dramatiser, de noircir, de spéculer sur des avenirs hypothétiques où toutes les promesses se réaliseront, détournant ainsi chacun des réalités et des tâches quotidiennes.

La médaille a son revers : le sondage ne place pas les citoyens devant leurs responsabillités. Il pousse à un gouvernement plus démagogique que démocratique. C'est l'aspect lâche et malhonnète de cet outil. Mais il faut bien nous prendre comme nous sommes. Et, à quelques exceptions près, loin d'invalider les procédure formelles de la démocratie, le sondage les étaye et les valorise. La richesse des analyses électorales devenues possibles, par exemple, donne toute sa valeur au vote de chacun, autrefois bien plus dissous dans l'anonymat étroit du bulletin de vote.

Est-il déraisonnable d'espérer de nouveux progrès dans l'expression des volontés collectives.

Quant à l'univers tout entier, il est plus hasardeux d'y chercher l'émerger d'un flux de décision de plus en plus riche et net. Essayons tout de même... comme le demandent le Club de Rome, dans ce système de plus en plus interdépendant, et appelant de plus en plus de décisions, ne serait-ce que pour assurer simplement sa survie.

Le voulu tend à conquérir toute la surface des choses. Il tend aussi à une volonté de plus en plus consciente. Et l'homme est le porteur de cette volonté. Mais cela nous laisse dans une incertitude encore plus grande sur son avenir. Les uns s'en inquiètent, sentant vaciller sous leurs pieds des équilibres séculaires ou millénaires (mais qui peuvent être datés, et ne son pas éternels, comme on voudrait parfois nous le faire croire). Les autres s'en réjouissent, heureux que l'avenir ne ferme pas le champ des responsabilits et du risque.

Si l'on veut, il tend à devenir totalement analogique, en s'assimilant tout l'univers, et totalement digital, avec le netteté qui le caractérise. Car analogique et digital, cette distinction née du traitement de l'information, peut aussi être appliquée à notre comportement à l'égard du monde. Par l'analogique, nous nous conformons. Par le digital, nous prenons parti.

Nous ne pouvons pas faire autrement que d'avoir les deux attitudes: " je regarde la moitié du monde et je chie sur l'autre moitié " a dit un poète. On pourrait presque dire que le oui est analogique, que le non est digital. Et l'on serait bien tenté de dire que le oui est féminin, le non masculin. Mais la tentation conduit trop vers le " tout est dans tout " fatidique et léthal.

Construire

C'est par leur succession, leur accumulation progressive que les décisions vont construire. Le premier chapitre de la Genèse en donne une des plus belles illustrations: au commencement, la terre était informe et vide... Dieu dit... Dieu sépara...

Dans une telle perspective originelle, où les premières décisions ont un caractère simpliste. Il y a un dessus et un dessous des " eaux ". Progressivement, la matière, marquée par les décisions, est de plus en plus organisée. Les partitions se font de plus en plus fines, de plus en plus délicates. L'extraordinaire, d'ailleurs, est que ces châteaux de carte improbables parviennent à s'assurer malgré tout une invraisemblable stabilité.

Cette construction, ici attribuée à un créateur, n'est-elle pas l'analogue de l'édification en nous de l'univers cognifif, autour de nous, de l'univers des médiations. Même sur le plan du jugement moral, par exemple, des classifications primaires en bons et mauvais se dégagent peut à peu une appréciation fine des valeurs, compréhensive pour les valeurs recherchées par les autres, plus efficace aussi dans la recherche par chacun de sa vocation profonde.

Ces distinctions, ces décisions, pour qu'elles puissent s'agjouer les unes aux autres, déployer la richesse de leur combinatoire, il faut que quelque chose les tienne ensemble. Toute coupure posule la persistance d'un continuum.

Il y a évidemment quelque chose d'absurde à postuler que tout est décision, quand l'évidence quotidienne écrase notre liberté de ses innombrables contraintes. Une perspective théiste permet certes une solution simpliste de la question : tout ce que je décide pas (ou que d'autres n'ont pas décidé, mais c'est déjà compliquer la question) a étét décidé par une super-puissnce, par un grand horloger, frois sinon maléfique pour les uns, providence pour les autres. Mais une approche, que l'on prête au marxisme, en vertu duquel l'homme reconstruit finleemnt tout, devient son propre créateur, ramène à une perspective qu'il faudrait résumer: tout ce que l'homme (ici pris collectivement, sans doute) n'a pas décidé aujorud'hui, il le décidera demain.

Au demeurant, la chaîne des décisions n'est jamais tout à fait arbitraire. Il y a des décisions originelles et simplistes. Mais, au delà d'eles, toute poursuite des processus fait converger vers des constructions comparables, dns une voie qui ne pourrait être complètemnet explicitée quer par la fin dernière de toute histoire.

Par ailleurs, la montée dans les pyramides décisionnelles ne se fait pas hors de conditions quantitatives assez précises. Elles tiennent à la nature même de l'univers où nous sommes incarnés, et qui nous dérermine à al fois par la nature des parcours qu'il nous propose et la logique même de l'intellect qui nous y guide, mais qui en est lui-même issu, du moins dans ses spécifications.

Essayons de préciser cela.

Caractères quantitatifs de la décision

Je ne peux pas prendre une décision toutes les nanosecondes. Il y a un débit maximal. Mais il y a aussi des limites supérieures. Décider supposer une formatino, un entraînement: des décisions trop rares prennent un cararctère dramatique qui les annoblit, mais menace plus qu'il ne renforce leur caractère de libre choix. Se marier, adhérer à un système politique ou religieux, voilà des décisions que l'on prend une fois dans sa vie. Il faut des circonstances graves (décès du conjoint, divorce, " chemin de Damas ") pour que ces choix soient remis en cause. Conversion et mariage, plus que décision proprement dite, sont le point d'aboutissement d'une série de décisions assez longue: choix d'un lieu de vacances, d'un voyage, de participer à un groupe, à une réunion. La rencontre survient. On décide de se rapprocher (en tout bien tout honner et sans engagement de votre part), d'étudier une doctrine (juste pour voir). Puis l'on s'engage, avec quelques précautions. Marche pas à pas jusqu'au Oui ou au Je crois formels, devant le maire ou le prêtre, formels au point de sembler formalits, malgré leur importance essentielle comme affirmation définitive devant le corps social (1)

(1) C'est un des rôles du romancier que de donner l'épaisseur d'une vie, tout ce tissus de petits déterminismes et de petites déterminations qui va, dans des moments cruciaux renforcés par le choix de situations dramatiques, se nouer et se dénouer.

La décision normale est plus élémentaire, plus ordinaire. Pas trop ordinaire, tout de même : appelera-t-on décision le choix quotidien et distrait d'un plat sur le menu de la quantine ? Il y a une sorte de sommet qui définit le cycle et la période normale pour le processus le plus authentiquement décisionnel. Nous pensons que cette période se situer quelque part entre la journée et la semaine.

Par comparaison à ma durée de vie, cela fait quelque chose comme 10 000 décisions (en comptant trois décisions par semaine, et 70 années de vie consciente). Nombre trop élevé pour qu'il ne soit pas décomposé : un dix millième n'a pas de signification dans un espace. On distinguera différents domaines décisionnels et, dans chaque domaine, des niveaux hiérarchiques de décisions. La vie professionnelle s'y prête bien, mais aussi les relations amicales et familiales, et même la vie intellectuelle, par le biais des diverses disciplines. De plus, la vie se décompose en " âges " qui tantôt se succèdent avec progressivité, tantôt se remplacent par rupture nette, voire par crise: adolescence, départ pour le service national, mariage, changements de situation professionnelle, maladies, départ à la retraite, déménagements. Et décès.

Par comparaison aux cycles élémentaires... la machine humaine est trop complexe pour qu'on en puisse définir un cycle de base. Les cycles organiques fondamentaux (cardiaque, respiratoir...) sont nombreux, souvent apériodiques. Les rythmes d'action sont irréguliers, sauf quand ils sont définis par un outil (faux, bicyclette), et varient d'une activité à l'autre. Beau cas de régularité : la marche, sans autre régulation externe que la charge et la nature du chemin. Exemple d'ailleurs utilisé par les scolastiques pour relier les décisions de routine aux vrais décisions par la " virtus primi passus ".

C'est donc seulement pour un type d'activité déterminé, associant le corps, le monde extérieur et des outils plus ou moins contraignants que l'on pourra parler de cycles de base. Ces cycles sont une caractéristique importante des activités .

Pour une activité de cycle de base déterminé, on peut établir, fût-ce par une moyenne même grossière, le nombre de cycles de base séparant deux décisions.

La marche a un cycle court. Un dix-millième peut-être de la durée que nous avons considérée comme typique de la dcision. De fait, une marche accomplie d'une traite pour accomplir une décision sera souvent assez longue, monotone. On s'arrangera pour la découper en étapes, faire des halte, introduire ainsi de petites décisions secondaires. Même ainsi, la marche reste une activité plutôt monotone, quand elle n'est pas agrémentée par un paysage varié, ou pimentée par de dangers ou au moins des aléas ; à moins que l'on n'utilise précisément sa monotonie pour libérer l'esprit au profit d'un paysage intérieur.

La persistance dans une activité monotone fera apparaître la notion de persévérance, que l'on peut interpréter comme une suite de décisions de persistance.

La situation est différente pour ces courts mouvements marchés que nous faisons quotidiennemnet à l'intérieur de nos locaux, ou pour nous rendre à notre travail, faire des courses, etc. Ici, le nombre des pas est limité, et quelques décompositions intermédiaires (l'attente de l'ascenseur) assurent une régulaité de succession de niveaux hiérarchique éloignés. Cela confirme l'intérêt, pour une typologie des actions, du comptage de leurs niveaux et du nombre de cyclese ou d'éléments de chaque niveau.

Ces comptages peuvent aussi guider vers une appréciation des indivius, de leurs aptitudes ou de leurs fonctions.

Peut-on parler d'aptitues ? Y a-t-il des gens qui prendraient plus de décisions que d'atres ? Cela s'oppose à la définition temporelle que nous avons choisie. Mais nous avons gardé une fourchette assez large (du jour à la semaine), comparable aux fourchettes de performances sportives, pourtant sensiblement permanentes pour la race humaine. Et rien n'empêche qu'il y ait des prodiges de la décision comme du saut à la perche.

La fonction joue aussi un rôle: un PDG prend plus de décisions qu'un OS, le bons sens et le bon goût l'exigent. On connaît pourtant des entreprises où une analyse précise a montré que les décisions-clés étaient prises pr un obscur agent de maîtrise. Encore le PDG comme l'OS peuvent-ils être tous deux malheureux par suite d'excès contraires.

Mais l'appréciation de ces performances renvie à d'autre dimensions d'analyse de la décision : ampleur financière de l'enjeu, nombre de personnes concernées et gravité pour elles de la décision, complexité de la matière.

Si l'on admet une constante au plan subjectif, de ma décision pour moi (fréquence multipliée par l'aptitude, par exemple), on trouvera une variance dans les caractères objectifs de la décision. Par rapport à moi considéré comme système, les paramètres organiques sont constants, les paramètres fonctionnels varient selon le système ou je m'insère. Tous ces paramètres sont probablement mesurables, au monis par le biais de moyennes ou de fonctions de répartition. Pourquoi ne pas faire une ergonomie de la décision ? Deux raisons en ont sans doute écarté jusqu'ici :

- les ergonomes ont des soucis plus immédiats, en particulier les postes de travail ouvriers; les états d'âme des cols blancs, déjà privilégiés par le confort de leurs bureaux, ne peuvent susciter les mêmes vocations;

- un excessif respect pour l' " humain " conduit à exclure des recherches méthoiques ce qui touche aux activités intellectuelles ; le spectre de Taylon effraie cadres et PDG. Résultat: l'homme reste une question de bons sentimetns, leitmotiv des conclusions d'articles purement techniques. Après dix pages vouées aux machines ou aux algorithmes, quelques pieuses protestations et invocations rassurent : allons, nous ne sommes pas des monstres !

Au delà de l'individu

Partis du cycle moyen de la décision, nous l'avons comparé au cycle total de la vie et aux cycles élémentaire des pulsations psycho-somatiques.

On peut, à l'inverse, analyser quantitativemenet le flux des décisions dans un corps social. Mieux encore, la manière dont elles s'assemblent en structure dynamiques, se matérialisant en constructions plus ou moins perpétuelles A la fois histoire et sociologie, sous une loupe plus structuraliste et mathématique ?

Vers les cycles courts, l'analyse s'enfonce dans les architectures des corps, des organes, des cellules... de l'atome. Vers les cycles longs, l'analyse peut montrer que ma décision n'est pas un atome isolé dans un vide cosmique. Que les conditions structurelles et quantitatives de son existence appellene, de niveau en niveau, des multiplication en exponentielle, la gamme totale de l'unvers.

Ici (mais c'est pour nous un sentiment, un tropisme plus qu'une conclusion raisonnable) un anthropomorphisme prend racine, organisant tout l'univers. Des milliards d'années-lumière nous séparent des limites repérées par nos instruments. Et pourtant je continue de percevoir tout cela comme centré sur nos humbles carcasses, et par elles sur Jésus cruxifié et ressuscité.

Une théorie complète de ces hiérarchies serait preque une récapitulation complète de tout le connu, de toute la science et de toute l'histoire. Ce qu'on peut faire ici, c'est de donner quelques exemples des déploiements progressifs irradiant autour de ma décision.

Hiérarchie d'un organisme

Nous pouvons décider. Nous disposons donc d'un cerveau assez élaboré pour présenter à notre conscience (il faudrait dire cela avec bien plus de précision) un univers où des altrnatives sont posibles, et une certine imge de nous-mêms dans cet univers. Cette représenttaion doit être d'une richesse assez considérable, dès qu'il s'agit de vraies décisions. Entreprendre un voyage, lancer une fabrication, embaucher un collaborateur ne peuvent se contenter de quelques bits, quand on n'est par le père Ubu.

Par analogie avec les performances des calculateurs électronique, on peut penser que plusieurs milliards dd " composants " sont nécessaires. Ce calculatuer doit être muni d'entrées/sorties, c'est à dire d'un système sensoriel et de moyens de communication. Comme on demande aux sens de travailler sur un réel brut, peu organisé pour être perçu, voire explicitement hostile, le système sensoriel doit être très élaboré. Quant on sait les difficultés rencontrées pour mettre au point les lecteurs optiques, on peut poser que, là encore, plusieurs milliards de composants sont nécessaires pour cette seule fonction de communication.

De plus, si les moyens de traitement peuvent, en principe, être miniaturisés jusqu'aux échelles atomiques, les sens doivent être physiquemnet capables de percevoir des informations provenant à de bas niveaus d'énergie: rayonnement lumineux, ondes sonores, ce qui suppose un certain développement matériel.

Plus généralement, la nature des matériaux utilisés par les processeurs organiques ne permet pas de descendre en ddesous d'un certain poids minimal par composant. Bien que les perrformances de mon cerveau comme de celui des animaux soient remarquables par rapport aux machines que nous construisons (2), les masses nécessaires ne sont pas négligeables. Le cerveau et le système sensoriel humain pèsent plusieurs kilos. Si ce n'est pas le minimum absolu possible pour l'incarnation d'une conscience (et coment connaîtrions-nous ce minimum ? ), c'est très vraisemblablement un excellent sous-optimum.

(2) On peut montrer qu'il existe une limite théorique, par exemple en masse par bit de mémoir. Cf. F.H. Raymond dans Informatique et Gestion de janvier 1972. (Note de 1997: cet article était en fait assez imprécis et, à la réflexion, pas totalement convaincant.

Cette masse exige, pour fonctionner, une alimentatino énergétique assez importante. Elle est apportée, pour le processeur, par le système circulatoire. On sait que le cerveau se détériore rapidement si la circulation s'arrête. Le système sensoriel exige, en outre, des moteurs pour leur positionnement.

Cette énergie ne représente certes pas une quantité impressionnante de watts. Mais les conditions de son acquistion, du moins pour l'homme primitif, étaient difficiles. La fourniture constante d'une énergie bien régulière, dans un univers très variable dans ses conditions thermiques et dans les matériaux disponibles exige en pratique de considérables efforts de recherche, de conquête, de transformation. Il est assez impressionnant, par rapport à l'état de nos techniques, que l'on ait réussi à réunir tous les éléments nécessaire dans un dispositif organique assez léger. De plus, la durée de vie assez courte des composants organiques oblige, pour maintenir à long terme l'existence de cerveaux décideurs, la constitution d'un système de reproduction qui vient encore sensiblement compliquer les structures.

Bref, dans les conditions concrètes de notre planète, le cerveau doit être porté par un corps reprsentant des centaines de milliards de cellules, dont chacune organise un nombre important de molécules.

Les exigences ne s'arrêtent pas là. Malgré son perfectionnement, ses aptitudes à la recherche et à l'assimilation, l'homme ne peut survivre que dns un univers réunissant des conditions physiques assez particulières (température, hygromtrie, composition de l'atmoshpère), et où d'autres organismes préparent pour lui les bases de son alimentation. Il y faut au moins deux étages, le végétal et l'animal. Le végétal sait transformer les minéraux. Encore faut-il, pour que beaucoup de végétaux nous fournissent une nourriture satisfaisante, qu'ils soient mangés par des animaux. La peine nécessiare à al consommation de l'herbe oblige les ruminants à un effort quasi constant de broyage mécanique et de transformation chimique à plusieurs étagges, grâce à leurs multiples estomacs.

Pour que notre cerveau puisse se développer, il fallait que les conditions d'alimentation soient devenues suffisamment faciles pour que notre organisme puisse alléger la masse consacrée à des tâches rudimentaire. Il fallait la main et la station debout, il fallait une réduction des muscles de la mâchoire pour que notre boîte crânienne puisse s'étendre, etc.

Et plus bas que le végétal, pour que les subtiles architectures de la chimie organique puissent s'assembler et survivre, il fallait une planète aux conditions de vie assez douces, et des centaines de millions d'annes de travail obscur. Une planète suffisamment accueillante. Les astronautes ont bien perçu ce caractère exceptionnel de notre " oasis bleue ".

La décomposition ne peut pas descendre arbitrairement dans une manière inféfiniment divisible. Le nombre d'atomes différents existant dans l'univers se résume au tableau de Mendéléïeff. Meccano extravagant par la variété des formes qu'il permet d'engendrer autant que par le nombre astronomique de pièces de chaque sorte.

Au dessous, l'atome se décompose, mais on atteint bientôt les zones où notre décision, voire notre pensée, n'a plus de prise, entre les immenses énergies mises en jeu et les incertitudes de Heisenberg. La matière n'est jamais " première " : il y a toujours du grain. Mais même pas un beau grain discret que l'on pourrait compter. La différenciation se dissout dans d'évanescents quanta comme, à l'autre extrémité de l'échelle, les limites du monide dans les courbures relativistes.

Ce déploiement des implications apparaît d'autant plus rigoureux et contraignant que l'on s'astreint à en éliminer la gratuité et l'influence de forces et de volontés extérieures.

En particulier, si l'on veut dégager, à chaque stade de l'évolution historique, les virtualités qui expliquent ou du moins permettent le passage au stade suivant, il faut demander bien plus que le nécessaire à la simple persistance. Si l'on veut que le passage du primate à l'homme soit contenu (ou au moins rendu possible) dans les caractère même des primates, ne serait-ce qu'au moment où la mutation s'est faite, il faut que le potentiel génétique et éthologique fasse apparaître cette énergie libre qui s'est engagée dans la mutation.

Que l'on fassse appel au hasard, à la nécessité ou à une ingénieuse combinaison de l'un et de l'autre, on n'échappe pas à un dileme. Etant donnés deux stades successifs d'une évolution historique, et que l'on suppose en progrès, il faut ou admettre l'intervention d'une action extérieure, source du supplément de structure observé, ou montrer que ce supplément de structure était présent, sous une forme latente, dans le premier état. Et il nous reste à expliquer comment ce premier état a pu se former.

Plus on montre l'étendue et la rigueur des nécessités qui ont guide ou déclanché la transition, plus il faut en prêter aux hasards portés par la phase précédente.

On débouche alors sur un deuxième dilemme. A remonter ainsi de proche en proche, il faut s'arrêter à un moment donné, postulant ainsi une création de l'univers, ou repousser le problème à l'infini, ce qui n'est guère satisfisant, éant donné le caractère mortel de toutes les matières connues. Ou encore, il faut renoncer à construire un modèle systématique et complet de l'univers, laissant ainsi la place à d'autres formes de connaissance.

Nous avons montré tout ce que suppose l'existence d'un sujet décideur dans notre univers. Mais la décision suppose encore autre chose: un univers d'objets pour s'y exercer.

Des objets pour l'action

On peut sans doute parler de décisions de moi sur moi-même. Une sorte de " je décide donc je suis ". Mais ce serait donner un carractère inhumain à la décision que de la limite ainsi. Et de toutes façons, la décision envers moi-même ne prend de sens qu'au terme d'une prise de conscience de moi qui n'est jamais immédiate pour nos âmes incarnées. De Dieu seul on peut penser que sa plénitude se suffit à soi-même. Et pourtant, bonum diffusivum sui, il nous a créés.

Pour que nous puissions prendre des décisons, il faut que ce monde réponde à certaines exigences. Lesquelles ?

Il faut d'abord qu'il soit un peu stable, permanent au delà de quelques jours ou de quelques semaines. Sans quoi, si le cycle de l'univers tait aussi court que le cycle décisionnel, aucune comparaiso enter un état antérieur et un résultat ne serait possible. La décision n'aurait aucun sns. Il faut aussi qu'il soit un peu déterministe, ce qui est une aure forme de stabilité. Et qu'il comporte des répétitivités pour que j'aie pu prendre connaissnce des déterminismes. Et qu'ainsi je puisse faire des projets alternatifs et choisir.

Il faut aussi qu'il soit un peu instable, un peu indéterminé, qu'il laisse place à mon choix. Et il faut que cette indétermintaino puisse être embrayée sur mon mouvement décisionnel.

Cette instabilité, ce oint d'ancrage pour mon ction pourrait être mise en relation avec les travaux de René Thom sur les " ensembles de catastrophe ", à partir desquels des évolutions qualitativement brutales et énergétiquement importante peuvent se spécifier, bien que n'étit distinguées au départ que par des impondérables.

Si la matière n'avait pas de brain, je pourrais sans doute agir avec une énergie nulle, en choisissant bien mes cibles. Mais il y a du grain, comme le montre le démon de Maxwell. Pourtant, il doit y avoir un point d'enracitement où le niveau d'énergie nécessaire rejoint les constantes d'incertitude, et par où la vlonté du sujet peut passer dans l'objet. En effet, il ne peut y avoir décision que si la valeur (binaire) du choix est inconnue avnat qu'il ne soit fait. Il y adonc, après, quelque chose de plus, et qui peut être connu. C'est bien que que l'on refuse à la machie quand on dit qu' " il n'en sort que ce que l'on y met ".

Décision implique donc deux niveaux, celui de la stabilité et celui de l'instabilité.

Mais la décision est aussi toujours l'imposition d'une forme sur un fond. Cela suppose des relations quantitatives. Disons " une certaine quantité de fonds " nécessaire pour que la forme se dessine. Une décision binaire suppose encore assez peu de chose, au moins l'écart énergétique nécessaire pour distinguer un signal du bruit qui l'entoure. Mais les décisiosn vont se combiner, s'ajouter. Il faut un champ, à la fois homogène pour être globalisé (blanc, neutre, isotrope) et avec une structure qui permette l'écriture : sans grain, le crayon ne prend ps.

Par là, la décision nous ramène à la représentation.

En fait, même dans sa nudité binaire, la décision implique un large univers.

D'abord parce qu'il faut, pour que mon action ait un sens, que les décisions successives que je prends au fil des cycles puissent se " capitaliser ". Leurs règles d'assemblge peuvent être plus ou moins comlexes, sans doute aussi variables que les types de décison, tant sous l'angle du décideur que sous celui du " monde " concerné. Cela appelle par exemple des concepts comme concaténation, méta-système, mémoire. Il y a des décisions de pure persévérance, à la limite de pure persistance. Plsu long est le sillon dorit tiré dans la glèbe, plus vaste doit être le champ où il s'ouvre.

Ensuite, parce qu'il faut que la décision soit mienne. Et comme nous sommes des milliards, il faut qu'un esace suffisamemnt riche nous délimite et nous spécifie.

Enfin parce qu'il faut que les formes soient assez riches pour être belles, assez variées pour être intéressantes, assez solides pour perdure. Tout cela demande beaucoup.

Il faudrait préciser et quantifier tout cela. Ce ne devrait pas être impossible.

Ce que l'on pourrait contester, c'est notre point de départ sur la richesse de la décision. On pourrait peut-être imaginer des décideurs beaucoup plus simples. Cependant, la convergence des exigenes au niveau du sujet et du monde, et sans doute la possibilité de pousser les déductions dans de nombreuses dimensions, conduit à penser que cette décomposition n'est pas arbitraire.