3Approches numériques du sens

Pierre Berger

Club de l'Hypermonde, 29 aout 1995

Document provisoire de travail. Ne pas communiquer.

Le sens. Mot essentiel, un peu magique. Un Jacques Arsac en fait l'apanage de l'homme. Deleuze en analyse la logique. La sémantique, dont c'est la spécialité par définition, en explore des aspects surprenants et ariés, depuis l'épistémologie subjectiviste de Korsybsky jusqu'à l'école française animée par Greimas.

Les informaticiens et les télécommunicants ont mis le sens entre parenthèses, à la suite de Shannon, et cette simplification de leur domaine n'a pas été pour rien dans leur succès. mais aussi des limites de leurs réflexions, sinon de leurs réalisations. Nous voulons montrer ici qu'une certaine modélisation du sens est possible, voire une certaine métrique, et que cela peut aider à comprendre de concept, sans pour autant exclure son éventuelle dimension transcendante.

Et même, plus précisément, nous montrerons que diverses acceptions du sens: performance, évocation, orientation... se prêtent à une échelle de valeurs depuis le bit élémentaire jusqu'aux valeurs transcendantales. Avec une sorte de continuité.

LE SENS COMME ACTION A REALISER A LA RECEPTION D'UN MESSAGE

Le premier sens du sens, c'est la valeur "performative" d'un message. En executant l'ordre donné, le récepteur prouve qu'il en a "compris" le sens. Au pied, le chien. Au sixième, l'ascenseur. Et, des millions de fois par seconde, un micro-processeur comprend ce qu'on lui demande, par interpréteur, compilateur ou système d'exploitation interposé, en exécutant les actions définies par la sémantique des programmes ou des touches du clavier.

L'effet peut être invisible de l'extérieur, du moins dans l'immédiat. Un simple enregistrement dans une mémoire par exemple.

Dans un message, tout n'est pas significatif. le système récepteur n'en comprend qu'une partie.

Prenons, par exemple, une machine à trier des objets: pommes, pièces sorties de fonderie, cartes perforées, bouteilles, plis postaux, messages d'une messagerie électronique. La seule information qui intéresse la machine, c'est celle qui lui permettra d'accomplir sa fonction de tri: grosse/petite, bonne/mauvaise, case de 1 à 12, sac postal, boite aux lettres électronique.

Distinguons deux cas:

- l'information nécessaire est explicitement, formellement, inscrite sur l'objet, d'une manière directement compréhensible par la machine; c'est le cas de la carte perforée, d'un code postal en barres, de l'adresse d'une boite postale électronique;

- l'information doit être déduite des caractéristiques "naturelles" de l'objet, par des procédés qui vont des plus simples (diamètre ou poids d'une pomme) aux plus complexes (vision artificielle et reconnaissance de formes pour détecter pièces ou bouteilles défectueuses).

Parfois aussi, c'est l'origine même du message qui définit sa signification. Un ascenseur, par exemple, ne reçoit que des données binaires élémentaires, des pressions sur des boutons. Le sens (à quel étage aller) découle du bouton choisi. Sur un poste de travail (micro-ordinateur, terminal), des significations complexes seront attachées à la pression sur la touche Envoi ou sur la souris, en fonction de contextes de plus élaborés avec les interfaces conviviales, les menus déroulants, etc.

Enfin, dans d'autres cas, l'information pertinente ne découle pas d'un message explicite émanant d'un utilisateur extérieur, mais simplement d'une perception plus ou moins globale par le système. Un capteur de température, par exemple, indiquera à la chaudière domestique ou à la soufflerie de refroidissement d'un appareil quand elles doivent se mettre en marche ou

s'arrêter.

Ici encore, on peut aller très loin. Les missiles de croisière seront équipés de disques optiques pour comparer ce qu'ils voient avec des images en mémoire et s'orienter ainsi de leur cible par approches successives.

On pourrait aussi faire une mesure "matérielle" ou "énergétique" du sens, en appréciant les effets du message. Le code de déclenchement de la bombe atomique a, de ce point de vue, un sens très fort. Cela peut paraitre grossier, mais les effets énergétiques, en retour, influent sur les systèmes informationnels. ...

Plus le système récepteur du message se perfectionne, plus le passage du message:

- apparition du code

- puis du programme, donc du langage

- puis dépassement des algorithmes a résultat certain (reconnaissance).

Dans le système élémentaire à un bit, on a une panoplie d'opérations aussi simple que le message. Dès que l'on va plus loin, il faut faire un certain "mapping" des messages dans les opérations. Exemples:

- une suite indéfinie de bits en entrée peut commander des états successifs d'un opérateur binaire unique en sortie, à condition d'avoir un automate qui lit sucessivement les bits

- un bit unique en entrée peut déclencher un nombre indéfini d'opérations élémentaires, s'il fait démarrer une suite ou un programe.

Dès que l'on dépasse quelques bits, apparaît le code, car il est efficace.

A partir d'un certain niveau, se justifie les metadata. Les informations en entrées se décomposent en données et operations, ou au moins paramètres pour agir sur ces données. (Header d'un fichier de texte ou d'image, préfixes Edifact).

Pour améliorer le nombre de bits utiles (significatifs) par rapport au nombre total de bits transmis, on peut soit passer aux metadata, soit employer la compression.

Donc: la quantité de sens portée par un message dépend:

- de la longueur du message

- de son taux de redondance

- de la puissance interprétative du récepteur

- de l'accord sur les codes entre récepteur et émetteur

On peut montrer cette progression par l'exemple d'une paire de fils qui se présente à moi, sans que j'aie a priori d'idée sur ce qu'elle transporte. On peut décrire un scénario progressif de compréhension.

- D'abord je prends contact avec prudence, pour m'assurer qu'elle ne porte pas de haut voltage desctructeur

- Ensuite je branche un contrôleur électrique classique, et je décèle ou non une tension continue ou alternative. L'existence ou non d'une telle tension, et non niveau, pourrait dans certains cas constituer un signal intéressant.

Si la tension varie, elle peut le faire régulièrement selon une fréquence. Si je trouve du 50Hz de bonne régularité, le signal est "vous êtes sur le secteur EDF". Surtout si le voltage atteint 220V.

S'il n'y a pas de "courant fort", je peux abaisser mon seuil de perception et rechercher les courants classiques de "signaux". Dans certains cas, je trouverai des signaux de type téléphonique, une fréquence porteuse, et je trouvera éventuellemnet qu'il y a émission d'un message binaire, que je capterai efficacement à l'aide d'un modem.

Aux niveaux énergétiques bas et aux hautes fréquences, je finirai toujours par trouver un certain nombre d'émissions radio ou TV.

Restera ensuite à passer à la compréhension du sens véhiculé par ces signaux. Ou bien en obtenant du "langage naturel" ou des images, ou bien en récupérant des fichiers ou des messages de type informatique.

Dans certains cas, la progression dans le sens ne se fera que par un accord explicite avec l'émetteur: je devrai indiquer mon code, respecter certaines procédures. Le passage du sens exige en quelque sorte une symétrie. Chacun doit donner du sens à l'autre. Ou payer, ce que l'on peut interpréter comme une avance sur du sens à venir...

Le monde naturel lui même ne cesse d'émettre des signaux. Certains y reconnaissent même le message de Dieu. Pour d'autres, l'ensemble de ces messages est trop incertain ou trop contradictoire pour cela.

Et cela nous conduit à un autre aspect majeur du sens. Il ne peut se réduire à l'action déclenchée par un message. Si un mot, une phrase, une mélodie, une madeleine à l'heure du thé... veut dire quelque chose pour moi, c'est qu'elle évoque en moi des sensations, des images, des émotions, une volonté d'agir.

LE SENS COMME EVOCATION

L'effet d'un message peut n'avoir aucun effet extérieur au système récepteur, mais se traduire par une activite intérieure, en particulier appeler des images et plus généralement un ensemble d'information dans les parties les plus actives de la mémoire. De la conscience pour l'homme. Le sens d'un mot, c'est ce qu'il évoque pour moi.

L'écran du poste de travail en donne une autre illustration, à la fois prothèse de l'utilisateur pour piloter la machine et prolongement de la mémoire centrale du poste, exprimant graphiquement l'état du système, qui lui permettra d'interpréter les ordres abrégés voire purement binaires donnés par l'utilisateur.

La préparation des impressions sur imprimantes à laser montre un autre type de "champ de conscience". Il s'agit de traduire, sous forme graphique, le résultat d'un travail. Texte, données, dessins. Dans une mémoire intermédiaire, parfois rattachée à l'imprimante elle-même, l'ordinateur imagine à l'avance ce qu'il va imprimer, descendant jusqu'au point élémentaire, le pixel.

Un pas supplémentaire sera franchi quand cette image même sera exploitée, "regardée" par l'ordinateur lui-même, comme le fait actuellement l'auteur ou le graphiste sur un écran de PAO, ou le décideur cherchant sur un histogramme le point d'inflexion significatif qui guidera son choix ou sa créativité.

A quoi bon relire, ré-interpréter, re-connaître une image que l'on a soi-même construite, dont on connaît tous les élements, tous les contenus. Deux raisons.

La pratique des arts plastiques, d'abord, apprend que le concepteur ne peut totalement imaginer, concevoir sa page, dans l'abstrait. Il doit procéder par essais et erreurs. Les contraintes à respecter sont tellement nombreuses et précises qu'il faut aboutir à des arbitrages. Les structures se télescopent au moment de leur concrétisation sur une surface nécessairement limitée, obligeant par exemple à renoncer à des polices de caractère trop ornées, même si la diversité du texte ou la volonté de stylisation y pousse. Il faut donc réaliser une maquette, puis la regarder pour la mettre au point, détecter des incompatibilités, etc. Pour bien voir l'effet, d'ailleurs, l'artiste parfois cligne des yeux pour que le flou fasse apparaître les masses, etc. Ces processus pourraient s''automatiser.

Deuxième réponse, justement, c'est la méthode récemment imaginée du "recuit simulé", destinée à révéler des structures difficiles à déceler par les procédés classiques.

Par ailleurs, on pourrait rattacher à ce type de fonctionnement l'action des "moniteurs" matériels et logiciels utilisés pour suivre, et le cas échéant optimiser le fonctionnement des grandes machines. Pour une part, en effet, leur tâche est de "regarder" ce qu'il y a dans la mémoire vive de la machine (et dans ses registres) et d'en extraire quelques paramètres significatifs. Voir par exemple, l'ouvrage de Paans sur MVS

Autrement dit, l'ordinateur travaille par évocation d'images dans un champ de pixels avant de tirer les conclusions et de passer à l'action. Il modélise ainsi assez nettement le concept d'évocation lié au sens. Et le cas du missile à disque optique, comparant les images fournies par sa caméra avec celles stockées sur son disque optique, est un cas particulier... évocateur.

L'expansion du sens peut prendre un tour pervers. Signalons ici les phénomènes de pompage ou le "bruit de calcul" en traitement du signal

(Bellenger).

Sur les ordinateurs récents, une forme de mémoire immédiate, de conscience élémentaire, est préservée durant le "sommeil" par une pile. La quantité d'information ainsi conservée en mémoire vive peut se limiter à l'heure et à quelques données système élémentaires (systèmes DOS ordinaires) ou permettre la reconstitution quasi immédiate de la situation de travail au moment où l'on a éteint la machine (mode Resume, chez Toshiba notamment).

Comme pour le caractère performatif du sens, son caractère évocatif peut s'étudier comme une montée progressive de quelques bits jusqu'à l'indéfini et à "l'ineffable", avec les stades intermédiaires des automates et du langage.

Plus le système est puissant, autonome, riche de processeurs et de mémoires, ou de sensibilité et d'expérience, plus chaque message peut entrer chez lui en résonance, déclancherr des actions intéressantes. Ce sera d'ailleurs au prix de la fermeture à un grand nombre de messages considérés comme inintéressants. La profondeur exige le silence.

MESURER LE SENS

Non seulement le sens se matérialise dans les machines, mais on peut l'évaluer de manière quantitative.

Dans les cas les pluus simples, sens du message e variété de la machine s'exprimeront simultanément par quelques bits: par exemple une température interprétée par le bilame d'un chauffe-eau.

Dans les cas plus élaborés, le système récepteur du message devient plus complexe, et la mesure du sens peut se faire à plusieurs niveaux. En traitement du signal, par exemple, l'échantillonnage fournit, par unité de temps, un nombre élevé de bits, mais fortement chargés de bruit et donc il faudra extraire, à grand renfort de filtres, algorithmes et de circuits électroniques ad hoc, les bits réellement significatifs.

De même, en vision artificielle (voir l'article de Castan), l'image matricielle de base est traité d'abord à bas niveau (pixel, petites zones), puis à haut niveau (traits significatifs, relations...), pour aboutir à une description adéquate du réel perçu par la caméra d'entrée. La vision naturelle procède de manière similaire (Marr).

On peut essayer de rechercher les racines pour une mesure du sens. Par exemple une simple porte binaire. Le sens d'un input est alors donné par l'output. C'est insuffisant, le sens de sens est trop pauvre. Il faut un système plus riche.

GENERATION DE L'ACTION OU DU MESSAGE DE SORTIE

Dans les systèmes élaborés, une fois le processus de compréhension achevé, c'est par un processus non moins complexe de "génération" que le système passe à l'action, ou au moins à une expression extérieure (musique, affichage). Selon les cas, cette génération se traduit par un accroissement du nombre des bits par rapport au message germinal, si l'action consiste à faire la synthèse d'un texte, d'une image, d'une procédure ou d'un processus de fabrication. Dans d'autres, au contrarie, l'action se réduira à quelques bits, fortement significatifs pour un autre système récepteur (la décision du patron, le "Fiat" de Marie à l'Annonciation)... voire à rien du tout si le sens du message ne conduit à aucune action. Dans certains cas, le résultat pourrait être négatif (informations contradictoire conduisant à supprimer des informations en mémoire perdant leur valeur... désinformation!).

MAXIMISER

Etant donné la multiplicité des niveaux et des phases, il est sans doute illusoire de chercher une mesure générale du sens applicable dans tous les cas.

Par contre, on devrait pouvoir comparer entre elles des situations, des processus, des messages. De même que, pour la complexité, on ne donne pas de valeurs absolues, mais des ordres de grandeur, et que cela suffit à orienter la recherche et le développement de nouveaux algorithmes, par exemple. Voir notamment Aho et Bellenger.

Par exemple, à partir d'une image digitalisée, on pourrait classer différentes machines d'interprétation selon la "quantité de sens" qu'elles peuvent y trouver. La plus simple de fournirait qu'un bit (clair/foncé, homogène/découpée en zones, etc.). Une machine plus évoluée y reconnaîtrait différentes formes, différents caractères, jusqu'à pouvoir lire le texte qui y est contenu.

On voit d'ailleurss que l'évaluation dépend à lafois du message et des capacités du récepteur. Une machine très simple ne pourra trouver beaucoup de sens dans le message le plus riche. Lancée sur un interrupteur, une brique et une bible feront le même effet. Au mieux, la machine simple sera-t-elle transparente, et fournira en sortie l'essentiel du message d'entrée, comme le facteur porte la lettre sans la lire.

Mais une machine complexe peut-elle donner beaucoup de sens à un message simple. La réponse n'est pas simple. Dans certains cas au moins, une machine complexe peut inférer d'un message beaucoup plus d'information qu'il n'en comporte en lui-même, ne serait-ce que par l'exploitation du contexte.

On pourra donc mesurer le sens à condition d'avoir suffisamment délimité une catégorie de systèmes, de messages, d'environnements où faire la mesure. On ne cesse d'ailleurs de le faire, sous des formes plus ou moins intuitives, quand on qualifie un texte de dense, une pièce d'ennuyeuse.

En fait, la maximisation du sens est un objectif permanent. Elle anime aussi bien le mystique, qui cherche constamment le message de Dieu partout, que l'ingénieur qui cherche l'efficacité des machines et en particulier du dialogue homme-machine.

L'EXEMPLE DE L'INTERFACE HOMME-MACHINE

Une bonne interface homme-machine permet à l'utilisateur de communiquer à la machine un maximum de sens avec un minimum d'effort, de mouvements de souris ou de frappes de touches. Sans pour autant multiplier le nombre des touches, car assez rapidement on dépasse le cadre de ce qui se retient aisément. L'expérience a conduit à un optimum de l'ordre de soixante, avec des touches de fonction autour de la base Qwerty-Azerty sanctionnée par l'usage (mais non comme on le croit parfois par une bonne démarche ergonomique).

Par conséquent, l'interface doit permettre de commander les fonctions les plus fréquentes avec une touche unique, et réserrver les combinaisons de deux voire trois touches, à des fonctions rares (par exemple le Ctrl/Alt/Del qui fait redémarrer un PC...).

Les langues naturelles appliquent ce principe traduit par la loi de Zipf (voir par exemple dans Martinet): la longueur d'un mot est inversement proportionnelle à la fréquence de son utilisation.

Pour une machine donnée, cependant, le message le plus efficace pour un effet donné ne sera pas forcément le plus court... car il faut tenir compte du rythme de perception, des nécessaires redondances, etc.

Le perfectionnement des éditeurs conduit à des développements de tous ordres, depuis les travaux formalisants de Meyer jusqu'aux graphismes ludiques de Macintosh et aux environnements "hyper" (Hypercard,

Hypertalk, Hyperdocument. Nous n'en connaissons que les débuts, comme on peut le montrer en développant le concept d'éditeur prédictif, qui a quelques racines dans Word6. .

EMETTRE PLUS DE SENS

Pour que j'émette plus de sens il faut:

- plus d'égalité de puissance d'émission; peut-être pourrait-on prouver ici, dans un processus bien shannonien, que l'égalité entre les hommes, loin d'être une pure revendication éthique, est le moyen de maximiser les transferts de sens;

- que le monde soit plus réceptif; le monde matériel et ses limites en finesse, en ductilité; les autres plus nombreux (natalisme), qu'ils écoutent mieux; c'est à dire qu'ils entendent, mais aussi qu'ils donnent de l'importance à ce que je dis; sens de l'écoute, disponibilité;

- améliorer les canaux, outils vers le monde, canaux vers les autres; les médias

Comment faire pour que chacun ne soit pas insignifiant dans un univers à dix milliards d'hommes. Autrefois cela se résolvait par la fermeture des espaces géographiques, et par la recherche d'espaces "vierges". Aujourd'hui, il faut transposer cela dans des espaces informationnels: spécialités professionnelles, jeux, clubs en tous genres.

Cela peut sembler trop abstrait, mais sera résolu par la concrétisation des interfaces, des présentations informatiques.

PEUT-ON MODELISER LA "CONSCIENCE" ?

Le sens ramène aux valeurs, aux valeurs morales. Chez Greimas aussi: sa sémantique structurale, sa sémiotique, se veulent fondamentalement neutres. Mais ses objectifs, à la différence de chercheurs orientés par exemple vers la traduction automatique ou les systèmes documentaires, visent les valeurs fondamentales (chez Bernanos, ou dans l'Evangile pour le groupe d'Entrevenrnes). Aider à mieux entendre l'autre, à cerner les valeurs essentielles qui nous propose à travers le corpus de ses textes. Démystification critique, mais aussi respect.

Mais finalement, cette maximisation du sens devra être prise à son compte par la machine réceptrice elle-même. Une bonne machine sera de plus en plus celle qui optimise elle-même, autant qu'elle le peut, la quantité de sens qu'elle reçoit, qu'elle transmet. Non seulement c'est possible, mais encore ce sera demain l'un des principes fondamentaux de leur conception.

Que ce soit possible, nous en avons montré une ébauche en électronique il y a quelques années, avec notre robot Max. Il choisissait lui-même, parmi un certain nombre de canaux de perception, celui qui lui paraissait le plus significatif, en mesurant notamment la "variété" de deux chaînes de radio-diffusion.

Mais tout système d'exploitation multi-utilisateurs en fait autant. Il vise à exploiter au mieux son unité centrale en changeant de programme chaque fois que le programme en cours se met en attente... c'est à dire ne lui envoie plus de sens.

LE SENS COMME ORIENTATION

Un bit isolé n'a pas de sens. Le oui et le non peuvent être codés par une tension haute ou basse, sans inconvénients. Mais plus le message, ou le système de message, s'allonge, plus il devient impossible de changer le sens d'affectation d'un bit déterminé. Ou alors il faut recourir au métalangage, indiquer pour ce bit son mode de codage, etc.

Le sens d'un bit peut venir soit des autres bits du meme message ou du meme systeme, soit de l'environnement matériel, des conventions.

S'il y a un sens de l'Histoire, c'est à cause du caractère irréversible de la mémoire. le sens à un sens.

L'économie. Le marché crée aussi un sens. Un produit moins cher sera toujours acheté, il condamne donc définitivement les produits antérieurs... si la différence de prix est basée sur une différence réelle, technique essentiellement.

Concilier le déterminisme avec la liberté individuelle par le biais de la statistique. Je crée du sens si mon action est assez forte pour qu'elle fasse changer le déterminisme. Image: un nuage de moustiques (un volume de molécules) immobile malgré le mouvement brownien de chaque animal (molécule). L'action d'un moustique a un sens s'il fait changer le centre de gravité du nuage.

Mais, surtout, la fonction de maximisation de L donne un sens à toute action particulière et à la limite a l'ensemble de l'existence... mais seulement sous un certain nombre de réserves.

Il faut d'abord se restreindre à un sous-univers digitalisé, et dans lequel on peut établir des lois probabilistes de durée et de valorisation des bits. Alors, en mesurant l'ensemble des effets de mes actions sur cet univers, je peux definir le sens de ma vie.

LE SENS, MOI ET LES AUTRES

Nombre de philosophes ou penseurs disent que l'on ne peut maximiser le sens pour soi sans faire entrer les autres... dans l'équation.

Il y a un volet de soumission: client first, obéissance du moine

Et un volet de don, d'action: organisation du monde, pouvoir, charité.