Le Monde Informatique, 22/11/1996

STRATEGIES

FUSI0N AXA/UAP

Le fou prend la tour

Du point informatique, la fusion entre deux des plus grands assureurs français peut s'analyser comme une victoire de l'audace sur la prudence, des architectures réparties sur les systèmes centraux traditionnels. Au moins dans la mesure où l'on connaît l'informatique de ces grands groupes, dont la communication porte plus souvent sur des points de détail "médiatiques" que sur les véritables outils de production ou de stratégie.

Le bunker de l'UAP

L'UAP a toujours insisté sur la prudence. Pourtant, sous la présidence d'Yvette Chassagne, au début des années 80, Roland Lejart, directeur du département informatique, se voit nommé aussi responsable de la "mission des technologies nouvelles". Et deux projets innovateurs voient le jour au milieu des années 80.

Imadoc, une belle GED, représente un des premiers efforts en vraie grandeur dans ce domaine. On annonce des gains de productivité de 30% et une généralisation prochaine. Mais elle ne vient pas: difficultés techniques ou barrage syndical? Vendôme formation vise l'EAO (enseignement assisté par ordinateur) de masse pour former "11 000 personnes à leur poste de travail". Cette piste aussi fini par être abandonnée (LMI du 9/12/1985)

Echaudée, la Compagnie reste ensuite silencieuse. En 1987, elle montre son bunker informatique de Lille, dont "l'exigence de sécurité a été le fil d'Ariane" (LMI du 20/4/87).

Le tempérament prudent de Xavier Gout, qui prend la tête de l'informatique en 1992, confirme cette stratégie, axée sur le contrôle des budgets et des développements centrés sur le transactionnel de masse. (LMI des 26/10/92 et 3/6/94). Ce qui n'empêche quand même pas la mise en place de quelques dix mille postes de travail sous Windows.

Les réseaux évolutifs d'Axa

Innovation informatique et fusions sont quasiment routine chez Axa, qui maintes fois "essuie les plâtres" pour toute la profession. A commencer par son ancêtre le groupe Drouot, premier assureur français à disposer d'un ordinateur, un IBM 705 acquis en 1957.

Les expériences novatrices se suivent régulièrement au plan de l'organisation et du social. Enrichissement des tâches au Secours dans les années 80. Télétravail aux Mutuelles Unies (télétravail, LMI du 9/6/86). A la fin des années 80, le groupe se lance dans la construction d'une architecture technique en couches, du client/serveur avant la lettre, Axanet.

En 1988, l'intégration des AGP donne lieu à une vaste opération informatico-immobilière qui dégarnit les sièges parisiens pour répartir les bureaux en banlieue. Et la nouvelle architecture permet de "fusionner en souplesse" (LMI des 4/6/90, 11/6/90 et 9/9/91). Tout récemment, enfin, Claude Cargou est le premier du secteur à jouer la carte internet/extranet, au moins à titre expérimental (Réseaux et Télécom, mai 1996). Ce qui n'empêche pas, ici aussi, de conserver une solide informatique centrale sur mainframes IBM.

Ainsi, au fil des décennies, l'audace informatique d'Axa aura mieux servi sa politique de croissance et de conquête que les solutions soigneusement bétonnées de l'UAP. Comme aux échecs, le fou avec ses obliques déroutantes prend la tour, massive et lourde. Comment va se passer la fusion des informatiques. Aucun des deux partenaires n'entend le dire dans l'immédiat. Mais la culture expansive et mobile des informaticiens d'Axa devrait sans trop de difficulté prendre la maîtrise de l'ensemble. Sans déclencher nécessairement un séisme à l'UAP. @PIERRE BERGER

LEGENDE:

Claude Cargou (Axa), héritier d'une longue tradition innovatrice

Xavier Gout (UAP), une image de prudence et de stabilité