@TITRE:Les progiciels comptent plus que l'architecture
@CHAPO:Tout est sous-traitable, et les entreprises pourraient se passer d'informaticiens maison. La poussée de SAP pourrait faire bascule l'équilibre traditionnel entre architectures et progiciels.
@TEXTE:Les responsables informatiques des grands comptes commencent à changer radicalement l'idée qu'il se font de leur rôle et des fonctions de leurs services. Plus nombreux encore que l'an passé à se rendre à l'invitation de Finaki, 70 des plus gros budgets informatiques se sont retrouvés pour trois jours au Club Méditerranée d'Opio. Le thème choisi "L'architecture du système d'information, une réponse possible à la crise informatique actuelle", semblait bien répondre à leurs préoccupations.
En fait, de session plénière en table ronde et d'entretiens de couloir en séances de synthèse, l'architecture ne parvenait guère à convaincre les participants de son importance. Tantôt l'on s'embourbait dans des débats byzantins sur la définition des systèmes ouverts, tantôt on s'égayait dans les labyrinthes des architectures applicatives, ou fonctionnelles, et de leurs relations avec les architectures matérielles ou techniques. Pour déboucher sur de beaux paradoxes comme :"Le challenge de l'architecture, c'est d'être structurante à court terme et souple à long terme".
La vraie question émergea au cours de la table ronde "Make or buy", faire ou acheter. Comme le résumait le dirigeant d'un très grand compte (qui nous a supplié de ne pas le citer, craignant de vives réactions syndicales): "Une entreprise qui se concentre sur son métier doit-elle encore avoir des informaticiens? La réponse plutôt majoritaire est non. Mais il faut savoir contractualiser, se structurer fortement pour le faire, formaliser plus, s'imposer cette discipline".
Les raisons abondent pour aller en ce sens. En période de crise, les gestionnaires de l'entreprise voient d'un bon oeil la transformation des coûts de structure en coûts variables. Les techniciens constatent que la construction des systèmes requiert la combinaison de savoir-faire de plus en plus nombreux. Les utilisateurs, et les directions générales, voient d'un bon oeil se réduire des équipes traditionnellement coûteuses et difficiles à encadrer: un fournisseur se contrôle plus facilement qu'un salarié.
Jusqu'à présent, cependant, les entreprises butaient sur spécificité de leur organisation, de leur gamme de produits, de leur culture, même. Et sur l'allergie de toute architecture propre aux injections de progiciels du commerce. SAP pourrait bousculer toutes ces barrières à la manière d'un bull-dozer.
Beaucoup des grands comptes français en utilisent ou en expérimentent déjà au moins quelques modules. Les constructeurs ont des accords pour le proposer dans leurs contrats d'intégration. Quant aux grandes SSII qui commercialisent des progiciels sur ce créneau, elles font grise mine face à un avenir déjà difficile. Car, si tout est sous-traitable à terme, dans l'immédiat les budgets de sous-traitance tendraient plutôt à se rétracter!
Faire de SAP le standard unique des applications de gestion présenterait bien des avantages pour les entreprises, ne serait-ce que par l'instauration d'un langage commun et de nouvelles dimensions pour les EDI (échanges de données informatisés). Mais, tant les effectifs internes des services études que les personnels de régie se verraient menacés de réductions drastiques.
Reste à savoir si les nouvelles versions du produit répondront à ses ambitions. Si les dirigeants des entreprises françaises renonceront à leur applicatifs "propriétaires". Et si l'industrie française du logiciel se laisseront faire sans réagir. Le soleil du Club Med n'incitait pas aux grandes inquiétudes, mais cette édition 90 des Entretiens d'Opio pourrait bien faire date.
@SIGNATURE:De notre envoyé spécial, PIERRE BERGER