Je t’envoie un mail écrit pour un autre ami, qui me disait :  il me suffirait que chacun respecte son prochain, qu'il partage ou non la même croyance religieuse ou philosophique, respect voulant dire en langage vulgaire "lui foutre la paix".

Je ne crois pas qu’on puisse se sortir du problème des religions en “se foutant la paix”.

- Intellectuellement, les doctrines religieuses ne résistent pas aux assauts de la raison, que ce soit au plan métaphysique, moral ou historique.  Donc, nécessairement, les autorités religieuses ne peuvent accepter la liberté de pensée.  De l’Islam vers 1500 à Vatican 1  et tout récemment (une vingtaine d’années,  le retour au serment “antimoderniste” pour les prêtres).

- Si l’autorité fondamentale est religieuse, la démocratie n’est pas acceptable.  L’Eglise catholique ne s’en est accommodée qu’à la fin du XIXe siècle, et non sans problèmes aujourd’hui encore. Et ne parlons pas des musulmans, ni de la Palestine.

- Si l’on “croit vraiment”, on ne peut qu’être prosélyte.  En tous cas pour les musulmans et les chrétiens.  Puisque les bons vont au paradis et les méchants en enfer (c’est répété comme une litanie dans le Coran),  c’est un devoir de convertir.  Un de mes frère (intégriste) m’a encore récemment écrit que, à mon âge, je devrais me préoccuper de mon salut éternel.
A ma connaissance, la question est différente pour le judaïsme, puisqu’il y a un “peuple élu”, et qu’on ne peut y entrer sans difficultés (et encore, ai-je entendu, n’est-on jamais totalement accepté).

- Si l’on “pratique vraiment”, on se distingue sensiblement du monde laïc.  Pratiques alimentaires (jeune et abstinence chrétiennes,   halal  musulman, kasher juif).  Pratiques vestimentaire. Pratiques d’activités (pas de travail le dimanche pour les chrétiens, arrêt de presque toute activité pour les juifs,   ramadan et prières quotidiennes  pour les musulmans). Sauf à rester très discrets (dont peu satisfaisants pour les pratiquants), ces comportements sont un vrai problème pour la vie sociale, y compris au travail.

En pratique, “on s’arrange”, mais non sans un certain malaise chez beaucoup.  Quand la démocratie et “les lumières” dominent, les religions périclitent (Europe continentale) ou deviennent des pratiques personnelles, discrètes, sans grande portée morale (monde anglo-saxon).

Un exemple, traité en détail dans un livre récent: le monachisme en France.  Les monastères qui ont fait un “aggiornamento”, à partir des années 1950 sont presque tous en voie disparition. Seuls ont un recrutement de jeunes et un avenir les monastères intégristes  (Fontgombault, Le Barroux).

Je conclus sur moi-même: élevé dans une famille très pratiquante,  cinq ans de pensionnat à la Pierre-qui-Vire, deux ans de grand séminaire, trente de pratique active (scouts, conseil pastoral de la paroisse, animateur liturgique)…  j’ai fini par quitter l’Eglise franchement en 1992. Avec, comme pour le tabac, d’abord pas mal de nostalgie, puis une indifférence sinon un dégout croissant.

Dans l’immédiat, nous avons un pape génial.  Si l’Islam et le judaïsme pouvaient se trouver des leaders du calibre de François,  les choses avanceraient peut-être…