LA SYSTEMIQUE

Pierre Berger. Vers 1973


Orientations fondamentales

Eléments

Structures Principes sur les structures

Dnyamique Principes sur la dynamique

Systémique de la valeur Valeur de la systémique

Préceptes pour une bonne systémique Aspects chrétiens


1. ORIENTATIONS FONDAMENTALES

1.1 Principe de base

Le développement de la systémique correspond à plusieurs besoins de notre temps. Dépasser le rationalisme et les divisions de la rationalité classique, incarnée par Descartes, tout en gardant une approche scientifique et dans la mesure du possible quantitative des choses.

Nous avons choisi de présenter la systémique en commençant par un type déterminé de représentation, qui n'est évidemment pas le seul possible. Par contre, pour faire un exposé cohérent, il faut bien commencer par faire des choix.

Un schéma de base est proposé (figure 1). Une boite blanche (qualifiée de "noire" si l'on ne s'intéresse pas à son contenu). Deux flèches : les entrées (intrants, inputs) et sorties (extrants, outputs), qui relieront la boite à d'autres boites ou à un "environnement" indéterminé.

Figure 1: le processeur élémentaire

Appelons cette boite "processeur". Posons que son activité est un processus. Que tout système peut se représenter par un réseau (en principe borné) de processeurs.

Pratiquement, tout est dit : un système est un réseau borné de processeurs élémentaires. Bien entendu, il y a d'autres définitions. On pourra y revenir.

Dans un assez grand nombre de cas, on dispose d'un jeu fini de processeurs élémentaires (et insécables par définition) : alphabet, pièces de Meccano ou de Lego, tableau de Mendéleieff, etc.). L'analyse pourra être considérée comme terminée quand on aura totalement réduit le système global à un assemblage de ces fonctions.

Figure 2:Les composants du " système " Lego

Le réductionnisme considère que "on peut réduire à des parties l'être étudié et par conséquent on peut le reconstruire à partir de celles-ci". En fait, on ne parlera de système au sens propre que s'il y a un certain excès de structure par rapport à la rationalité intuitive (le 7 de Miller, pour faire image), avec des aspects contre-intuitifs dont la valeur se mesurera aux résultats obtenus par la modélisation. Par exemple:

- persistance "anormale" d'une séquence répétitive: "il applique systématiquement saprocédure";

- étendue "anormale" d'une hiérarchie, d'un système de classification;

- boucles, et en particulier rétroactions, faisant apparaître les "niveaux" intéressants du système (voir les typologies de Le Moigne, reprises de Boulding, etc.).

On pourra comparer le concept de système à d'autres concepts:

Structure : ensemble des règles d'assemblage, de liaison, d'interdépendance, de transformations... invariant formel d'un système (Morin, La Méthode, 1977).

Organisation. Cette notion est étroitement liée à celle de structure sociale, mais il est préférable de ne pas la considérer comme son synonyme. On pourrait définir la structure sociale comme un arrangement de personnes dans un système institutionnel de relations déterminées, et réserver le terme d'organisation à un arrangement d'activités : organisation = structure + programmes.

1.2 Quelques corollaires immédiats

En représentant le processeur, on a dessiné essentiellement une frontière, c'est à dire une barrière dans un plan. Elle comporte des portes, et bien sûr, on décrira les règles de passage par ces portes. La systémique est donc une théorie qui part du global, y délimite un objet, et se préoccupe autant de qu'il contient que de ce qui l'environne, et plus encore peut-être de la communication entre ces deux mondes. Elle entend plus unir que diviser, mais elle reste nécessairement, pour une bonne part, une "analyse", une décomposition.

Le système est ouvert. Il y a bien sûr des systèmes, des processeurs fermés, sans flèches de communication avec l'extérieur. Mais, au fond, c'est un cas limite, bien qu'il ait été à l'époque classique très utilisé. Cette ouverture fait que la systémique ne pense pas absolu, éternel, isolé, mais essentiellement contingent, immersion dans un environnement dont on n'oubliera jamais la présence, les contraintes, les exigences.

On emploie encore l'expression "système fermé" s'il y a des liaisons avec l'extérieur, mais sans qu'elles soient définies formellement. Réciproquement, le système, du fait même de son ouverture, crée autour de lui un "champ de forces" (Bruter).

L'environnement d'un système est a priori considéré comme sans structure. A moins qu'on ne considère comme environnement le système plus global dans lequel il est plongé. Selon les cas, on modélise ou non cet environnement.

On a fait un dessin, pas une phrase. La systémique est essentiellement un modèle, un paradigme, une image. Elle n'est pas une théorie, au sens classique, qui se déroule magistralement depuis les axiomes jusqu'aux théorèmes et aux applications. Un paradigme, c'est à dire un ensemble de concepts, mais aussi de schémas, d'images et même d'attitudes. On opère par analogie, par suggestion plutôt que par démonstration. C'est une force, ce peut être une limite. Cela n'empêche pas, cependant, quand le domaine étudié s'y prête, de formuler des théories, plus spécialisées et limites, dans le cadre général du paradigme systémique.

Dans l'environnement, sinon dans la boite elle-même, il y a l'observateur. La systémique ne prétend pas à l'objectivité de la science d'hier. Le modélisateur sait qu'il n'est pas neutre, et ne manquera pas d'expliciter autant que possible et nécessaire, ses limites et ses engagements idéologiques et économiques (préoccupation qui, en 1987, paraît passablement soixante-huitarde).

Par exemple Morin, dans La Méthode : "Mon effort de méthode tend précisément à m'arracher à cet auto-centrisme absolu par lequel le sujet, tout en disparaissant sur la pointe des pieds, s'identifie à l'Objectivité souveraine".

Il faut d'ailleurs d'emblée reconnaître que ce modèle est simplificateur. Structurer implique le plus souvent simplifier. Si l'objet, a priori, est un patatoïde dans l'espace-temps, un ectoplasme... faire un dessin, c'est poser qu'il y a des invariants, c'est à dire une structure. Le temps est donc d'emblée mis au second plan. C'est le cas de le dire. En outre, les dessins se déploient sur des surfaces planes. On ramène donc l'espace au plan. Ce mode de représentation peut introduire des biais qu'il faudra corriger. La systémique, par exemple, n'a pas le tempérament dialectique et tend à minimiser les conflits.

On peut enfin se poser des questions sur la nature de la correspondance entre le système et les objets qu'il représente. Question délicate, qui rejoint de classiques discussions d'épistémologie e base. Pour la majorité des auteurs actuels, "les systèmes ne sont pas dans la nature", ils sont une construction artificielle qui sert à la comprendre et à la maîtriser. Le Moigne s'efforce de préciser ce mode de correspondance (figure 3), en prenant "théorie du système général" comme synonyme de "théorie de la modélisation". Cette position ne fait pas l'unanimité.

Figure 3: la modélisation selon Jean-Louis Le moigne

1.3 Quelques questions générales sur la systémique

Centre. Tout système a un intérieur et un extérieur. Tout système a-t-il un centre. Centre de gravité ? Le haut de la hiérarchie

Boucle/Nuage

Centre unique/ sous-centres = sous-systèmes

Démocratie= plusieurs centres

Centre implique périphérie (Hess)

Unités centrales/local

Centralisé/décentralisé. Plus ou moins.

Diamètre/distance au centre

Organique et fonctionnel :

Un système existe parce qu'il y a rencontre entre des opportunités organiques et fonctionnelles, entre une offre et une demande, des besoins et des produits. Compromis économiques.

1.4. Quelques définitions

Système. Bernard Roy (11/77): Entité complexe traitée (eu égard à certaines finalités) comme une totalité organisée, formée d'éléments et de relations entre eux, les uns et les autres étant différenciés et définis en fonction de la place qu'ils occupent dans cette totalité et cela de telle sorte que son identité soit maintenue face à certaines évolutions.

Système. Le Moigne (Théorie du Système Général) : Quelque chose (n'importe quoi, identifiable), qui fait quelque chose (activité = fonction) et qui, doté d'une structure, évolue dans le temps, dans quelque chose (environnement) pour quelque chose (finalité)

Système. Mélèse. Un système est quelque chose qui opère une transformation entrée/sortie.

Théorie: suite de personnes s'avançant en procession. Ensemble de connaissances donnant l'explication complète d'un ordre de faits.

Théorie (PB): Ensemble de signes et de règles de construction employant ces signes. Plus des axiomes. Par construction, on obtiendra des théorèmes.

Paradigme: modèle de déclinaison ou de conjugaison dans une grammaire (Quillet)

Paradigme: ensemble des relations fondamentales, d'association et/ou d'opposition entre un nombre restreint de notions maîtresses qui vont commander toutes pensées, discours, théories.

Il y a des différences subtiles, mais importantes, entre les mots "paradigme", "théorie" et "modèle". Paradigme nous réfère à un ensemble d'hypothèses fondamentales et critiques sur la base desquelles théories et modèles peuvent se développer. Théories et modèles sont plus complètement spécifiés. (Steinbrunner, cité par Le Moigne).

Intuitivement:

Paradigme: ensemble ressemblant à une image, un espace un peu vague, mais évocateur, stimulant

Théorie: ensemble ressemblant à une séquence, plus abstrait, mais susceptible de démonstration, de vérification/falsification.


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