Hebdo
No 116. 19 mai 2003

Sommaire : Trois questions à Bruno Oudet, SMSI, ministère des Affaires étrangères| L'actualité de la semaine | Théories et concepts | Enseignement | Entreprises | La recherche en pratique | Manifestations | Le livre de la semaine | Détente


"Je souhaite que l'Asti soit accréditée au Sommet. Cela permettrait à ses membres de participer à ses travaux, tant pour y apporter leur contribution que pour bénéficier du haut niveau d'échanges permis par une telle manifestation internationale. "

Trois questions à Bruno Oudet

Conseiller pour le SMSI "Société civile", ministère des Affaires étrangères.

Asti-Hebdo : Le SMSI va se tenir en septembre à Genève. De quoi s'agit-il ?

Bruno Oudet : Le SMSI, Sommet mondial de la société de l'information (en anglais WSIS, The world summit on the information society) est un sommet thématique de l'ONU, qui en a confié l'organisation à l'une de ses agences, l'UIT (Union internationale des télécommunications). Ce sommet se décompose en deux étapes, une à Genève du 10 au 12 décembre 2003 et l'autre à Unis en novembre 2005.

La société mondiale de l'information évolue à une vitesse vertigineuse. L'accélération de la convergence entre les télécommunications, la radiodiffusion, le multimédia et les TIC... je n'ai pas besoin d'expliquer aux lecteurs d'Asti-Hebdo que le monde vit une véritable métamorphose, que des bouleversements radicaux se préparent dans tous les domaines de notre vie. Pour que cette dynamique continue sur sa lancée et bénéficie à l'ensemble de la communauté internationale, il est nécessaire de lancer des réflexions, de partager des expériences et le savoir-faire, et de chercher à harmoniser les points de vue sur le plan mondial.

Le Sommet entend offrir à tous les principaux acteurs une occasion exceptionnelle de se rassembler pour essayer de mieux comprendre cette révolution et ses incidences sur la communauté internationale. Les rôles joués par les différents partenaires (Etats membres, institutions spécialisées des Nations unies, secteur privé et société civile) pour coordonner harmonieusement la mise en place de la société de l'information dans le monde seront également au coeur des préoccupations du Sommet et de sa préparation.

Ce Sommet devrait déboucher sur l'élaboration d'une déclaration d'intention politique claire et d'un plan d'action concret.

A.H. : En quoi les chercheurs en Stic sont-ils concernés ?

B.O. : Les chercheurs sont concernés dans leur métier même. Ils sont au coeur de la société de l'information et y jouent un rôle crucial. Ils sont aussi appelés à participer au Sommet par leur appartenance à "société civile", c'est à dire en pratique des "organisations non gouvernementales", aux associations qui les regroupent à différents titres et plus précisément à celles qui sont membres de l'Asti et à l'Asti elle-même.

Les contributions au Sommet et la participation à ses travaux peuvent prendre diverses formes :
- mise en place d'un réseau constructif,
- encouragement de la coopération entre les différents acteurs,
- présentation de contributions de fond,
- organisation de réunions,
- organisation de sessions de formation,
- formulation de propositions opérationnelles,
- fourniture d'un appui et d'un financement.

Les chercheurs et enseignants en Stic pourraient intervenir sur de nombreux thèmes. Le plus technique pourrait être celui de la sécurité, mais aussi l'organisation du marché des logiciels libres, la gestion d'Internet... Les autres thèmes relèvent des TIC vus du point de vue des sciences humaines : stratégie des TIC dans les différents pays, analyse des usages, étude des histoires à succès, des meilleurs pratiques.

Un autre point majeur est la mise à disposition des savoirs informatiques à la disposition des professeurs du "Sud". Et symétriquement, les moyens de leur permettre de contribuer sans complexes à cette grande mise en commun. Par exemple dans un bon système d'évaluation "par les pairs". Les chercheurs français ne doivent pas se présenter comme des donneurs de leçons mais comme participant au développement de la société mondiale du savoir. Le savoir est distribué, il n'est pas le monopole des chercheurs du Nord. Reste à donner au Sud les moyens de se faire entendre au sein de la communauté des chercheurs. Une intégration du Sud dans l'Internet du savoir est d'ailleurs un des objectifs que se fixe le Sommet.

Techniquement, on pourrait par exemple chercher à mettre en place des serveurs qui proposeraient des supports de cours dans le domaine de Stic, sans exiger le recours à des matériels coûteux. Des efforts ont déjà été faits en la matière, et le Sommet sera une bonne occasion aussi bien de les faire connaître que de faire de nouvelles propositions.

A.H. : Comment peut-on y participer?

B.O. : C'est aux associations qu'il convient de demander leur accréditation. Ce pas franchi, leurs membres peuvent participer aux travaux, en étant physiquement présents aux réunions de Genève, en donnant mandat à leurs collègues de les représenter s'ils ne peuvent pas être présents, ou en contribuant sur les différents forums mis en place à l'occasion du Sommet. La participation aux réunions de Genève est gratuite, mais c'est à chacun de trouver le financement de ses frais de transport et d'hébergement. Le secrétariat de la Société civile a un petit budget de bourses qu'il réserve aux participants des pays du Sud.

Je souhaite que l'Asti soit accréditée. Cela pourrait s'étendre à toutes les associations qui en sont membres. Et par là, tous les chercheurs en Stic pourraient participer à ces travaux, y apporter leur contribution et bénéficier de la richesse des échanges permises par une manifestation au plus haut niveau international.

Propos recueillis par Pierre Berger


Actualité de la semaine

Jean-Jacques Gagnepain remplace Alain Costes

(Communiqué par le web-SG du CNRS). Par décret du 9 mai 2003, paru au Journal officiel 11 mai 2003, Jean-Jacques Gagnepain, directeur de recherche de classe exceptionnelle du CNRS, est nommé directeur de la technologie, en remplacement de M. Alain Costes, admis à faire valoir ses droits à la retraite. Le décret

Gouvernement et recherche

Encore deux positions cette semaine.

SNCS. Henri-Edouard Audier, membre du bureau national du SNCS-FSU, dans SNCS-HEBDO n°20-03, du 15 mai, stigmatise "Une recherche sans organismes, sans chercheurs et sans instances scientifiques". Citons le :

Un mystérieux Conseil stratégique de l’innovation, dont on ne sait s’il est la branche armée de l’UMP ou pas, vient de faire exploser une bombe à savoir un rapport que résume Le Figaro du 12 mai.

Le rapport prévoit : « la création de sept à dix Fondations nationales de recherche consacrées chacune à un domaine prioritaire », alimentées par des fonds européens, des contrats industriels, des dons et legs et … « de tout ou partie de la dotation que verse l’Etat aux EPST».

Le rapport propose : «une réforme complète des statuts des personnels avec l’instauration de trois échelons communs aux EPST et aux universités : chercheurs sur CDD de 2, 3 ou 5 ans, professeur assistant (entre 30 et 40 ans) et professeur (à partir de 40 ans) […]. L’âge de titularisation qui est de 31 ans aujourd’hui dans les EPST pourrait intervenir dix ans plus tard.»

Chacune des Fondations sera justement sous la responsabilité d’un DG nommé en Conseil des ministres.

...

La Conférence des présidents d'université , a pris connaissance de l'avant projet de loi sur l'autonomie des universités qui propose de modifier le code de l'éducation sur le plan de l'enseignement supérieur... Toutefois, certaines propositions de la Conférence et qui ont été retenues dans le projet de loi, revêtent une forme non satisfaisante, voire inacceptables en l'état. Il en est ainsi, par exemple, de la désignation du Comité d'orientation stratégique (COS) qui doit revenir à l'établissement.(Le communiqué de la CPU)


Théories et concepts

Lanternes magiques

Signalons, sur cet ancêtre de notre PréAO (ainsi que du cinéma, de l'EAO...), le site http://www.luikerwaal.com/index_uk.htm , et rappelons que Jacques Perriault lui a consacré deux ouvrages : Mémoires de l'ombre et du son (Flammarion 1981) et La logique de l'usage, essai sur les machines à communiquer (Flammarion 1989).


Enseignement

L'EPI prend position sur la "lettre aux enseignants »


Le Bureau national de l’ EPI, réuni à Paris le 9 mai 2003, déplore que le ministre de la Jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, dans sa lettre adressée à l’ensemble des enseignants, ne retienne pas les technologies de l’information et de la communication parmi les dossiers « de grande envergure ».

Les technologies de l’information et de la communication, au cœur des processus de transformation de la société, doivent être une priorité explicite pour le système éducatif. Comment agir dans son époque ? comment la comprendre sans une solide formation générale intégrant les dimensions scientifiques et techniques ?

L’association réaffirme avec force la valeur culturelle de l’informatique et des technologies de l’information et de la communication. Le système éducatif se doit impérativement d’assurer l’égalité des chances dans ce domaine crucial pour l’avenir.

Alors que la plupart des réformes retenues par le ministre , sinon toutes, auraient mérité un volet « informatique et TIC », ce n’est qu’à propos de l’apprentissage de la lecture qu’on peut lire qu’il sera fait « une évaluation des ressources offertes par les technologies de l’information et de la communication pour servir les apprentissages de la lecture et de l’écriture ». Comment les enseignants novateurs qui savent d’expérience l’impact positif sur les élèves de la pratique raisonnée de l’informatique et des TIC peuvent ils se retrouver dans ce texte qui, outre le fait qu’il nous ramène des années en arrière, propose une fois de plus des évaluations déjà faites ?

L’absence totale d’allusion aux TIC dans le chapitre sur « l’amélioration de la formation des enseignants » mérite d’être soulignée, alors qu’il s’agit là d’un problème non résolu et qui compromet l’avenir du système éducatif.

Le Bureau national demande que les mesures concrètes annoncées par cette lettre prennent effectivement en compte le dossier des technologies « nouvelles », tellement nouvelles qu’elles ne semblent pas s’imposer à l’esprit du plus haut responsable du système éducatif.

Usages des TIC dans l'enseignement supérieur

La mission UNF (Université numérique francophone) et le CNE (Comité national d’évaluation) organisent des séminaires le 14 mai 2003 avec les établissements d’enseignement supérieur de la région Ile de France et le 2 juillet 2003 avec les établissements d’enseignement supérieur de province (Amphithéâtre Gay Lussac, ministère délégué à la Recherche et aux nouvelles technologies, 25 rue de la Montagne sainte Geneviève, Paris 75005, Pavillon Joffre). Plus de détails

Parmi les objectifs du séminaire : évaluer les usages actuels de l’enseignement numérique dans les établissements d’enseignement supérieur en France, avec quatre thèmes :
- équipements informatiques collectifs et individuels et leurs connexions internet,
- productions numériques internes et externes aux établissements,
- formations de base aux usages de l’enseignement numérique pour les étudiants et les enseignants,
- pédagogie, information et communication via les TIC dans la vie des étudiants et des enseignants en présence et à distance.

Formation à distance

Denys Lamontagne, directeur de Thot / Cursus, propose un point de vue sur les perspectives de développements en formation à distance

Par ailleurs, l'Amue signale le glossaire www.educnet.education.fr/superieur/glossaire.htm , qui signale lui-même que certaines définitions proviennent de :
- le grand dictionnaire terminologique : www.granddictionnaire.com
- Anemalab www.anemalab.org/eformateurs/glossaire.htm
- le glossaire de la formation à distance : http://www.telecom.gouv.fr/documents/index.htm
- le glossaire d’ymca-cepiere.org : http://www.ymca-cepiere.org/guide/glossaire.htm


Entreprises

Risque bancaire et Stic

Dans la banque, l'informatique est au coeur de la gestion des risques. Bertrand Lemaire, dans Le Monde informatique du 16 mai commente ainsi les accords dits de Bâle II qui viennent d'être signés : "Tout comme les IAS (International accounting standards), les accords de Bâle II sur la comptabilisation des risques remettent en cause les modes de fonctionnement des systèmes de gestion. Si elle est limitée au secteur bancaire, la réforme est profonde.

Le papier se fond dans le système d'information

Pour Pierre Landry, 01 Informatique : Impossible à remplacer, le papier est peu à peu apprivoisé par le système d'information. Les techniques de numérisation, anciennes, s'améliorent sans cesse. Mais la jonction avec les processus informatisés ne s'opère pas si facilement.

GRC... ou les Grosses Recettes du Commerce (des lociciels)

Un dossier (signé Maryse Gros et François Jeanne), fait le point sans complaisance sur un des concepts qui a brillé à l'horizon des développements informatique, la GRC... "un des plus beaux exemples d'aveuglement collectif de clients"... Mais les produits sont toujours là (plusieurs tableaux comparatifs les présentent) et l'avenir profitera peut-être de l'expérience acquise.


La recherche en pratique

Rapport de l'Inspection générale

L'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche rend accessible son rapport sur le renouvellement des générations d'enseignants chercheurs.

Manifestations

Appropriation sociale

Le Credoc et le Germe (Paris 7) organisent le 27 mai à 17 heures, campus Jussieu amphi 24, une conférence sur L'impact des NTIC sur les modes de vie : L'appropriation sociale des nouveaux moyens de paiement. Merci de confirmer votre présence à Claire Faret, (Communiqué par la Diffusion Paris 7).

Manifestations des associations fondatrices de l'Asti

- Afia
- Afig
- Afihm
- ASF - ACM Sigops
- Atala
- Atief
- Cigref
- Creis
- GRCE
- Gutenberg
- Inforsid
- Specif


Le livre de la semaine

Internet : la complexité sous le capot

Rien de plus difficile que de faire simple. Nous l'avions noté dans un récent dossier à propos des services web. Et, sous la cascade des normes et standards qui les caractérisent (Soap, UDDI...), la grosse brique de Laurent Toutain Réseaux locaux et Internet, des protocoles à l'interconnexion (3eme édition revue et augmentée) nous rappelle que rien ne se simplifie quand on descend encore plus profond. . Sous la facilité du web que nous utilisons tous les jours en quelques clics, se cache un lourd empilement de machines, lignes de communications et surtout de protocoles, résumé (page 37) par un grand schéma intitulé "la pile protocolaire". Amateurs s'abstenir !

En 844 pages (en petits caractères) et 21 chapitres, l'auteur nous conduit du câblage aux corrections en passant par les différents types de réseaux, avec leur administration, leur sécurité et la gestion de leurs flux. Un index de 18 pages (toujours en petits caractères et sur deux colonnes) confirme la richesse du domaine.

Le succès de l'ouvrage a conduit à cette troisième édition, qui prend en compte les évolutions des réseaux et aborde de nouveaux thèmes comme IPV6, MPLS, le routage IS-IS et explique le fonctionnement des organismes de standardisation comme l'IETF, l'IEEE et UIT. Enrichie de nouveaux exemples et applications, elle place les protocoles dans leur contexte, sans pour autant constituer une traduction complète des normes ou de RFC".


Détente

Collez l'oreille au télégraphe

Si vous vous sentez plus poète que technicien (ou si vous êtes poète autant que technicien), rêvez un peu en compagnie du poète et philosophe américain Henry Thoreau, qui passait une bonne part de ses journées à parcourir les friches du Massachusetts, vers 1850. Sous le titre Henry Thoreau sauvage, un auteur français, Léon Bazalgette, lui a consacré une biographie (F. Rieder et Cie, Paris 1924). Dès le milieu du XIXe siècle, les fils du télégraphe sillonnaient l'Amérique, et Thoreau n'y était pas indifférent... à sa manière, comme le raconte son biographe :

Lorsqu'il veut apprendre des nouvelles du monde, Henry Thoreau colle son oreille aux poteaux du télégraphe, le long de la voie ferrée. On ne saurait expliquer, tellement vous confond ce murmure d'océan qui vous arrive du coeur d'un mât vibrant. C'est en beaucoup plus grand, infiniment plus sonore et plus riche, la même histoire reprise, que vous confie un coquillage, lorsque vous l'appliquez contre votre oreille.

L'écouteur, seul, au pied du poteau, loin du bureau de poste, reçoit un flot de communications ; il n'en distingue pas le sens, mais leur musique lui suffit. On dirait qu'elles ont fait le tour du globe avant de retentir dans les pores du bois ; elles arrivent de si loin que l'on voudrait pour les loger être une demeure moins étroite. Les dépêches varient suivant l'humeur du jour, la position du vent, la qualité de l'air. Henry ne manque jamais, en passant, de venir écouter s'il y a un message pour lui. Bien singulier, le jeu de cette harpe. Vous pouvez passer vingt fois par là et n'entendre qu'un vague fredon ; et puis, tout à coup, un beau jour, comme si des choses énormes se tramaient alors dans le monde, les cordes se sont mises à vibrer avec une intensité, une ampleur inouïes. L'audition est pour vous seul ; les journaux ne l'ont point annoncée. Soyez sûrs que personne n'est aux écoutes à un mât récepteur, à moins qu'un gamin ne s'amuse, comme vous, à écouter la musique, plus belle que la locomotive qui passe sur la voie ferrée.


L'équipe ASTI-HEBDO : Directeur de la publication : Jean-Paul Haton. Rédacteur en chef : Pierre Berger. Secrétaire général de la rédaction : François Louis Nicolet, Chefs de rubrique : Mireille Boris, Claire Rémy et Armand Berger. Asti-Hebdo est diffusé par FTPresse.