Sommaire : Cinq questions à Inbar Fijalkow | Théories et concepts | Enseignement | Le livre de la semaine | Détente |
ABONNEMENT/DESABONNEMENT| PAGE D'ACCUEIL DE L'ASTI | NUMEROS PRECEDENTS.
Asti-Hebdo : Image et signal... ces concepts semblent bien éloignés l'un de l'autre...
Inbar Fijalkow : Les points communs ne manquent pas entre les deux domaines, et surtout du point de vue qui nous intéresse principalement à l'Etis : la restauration, l'interprétation. Entre nos différents groupes, d'ailleurs, la différence se fait plus par les outils que par les applications. Le groupe signal emploie surtout les outils de déconvolution, de débruitage. Le groupe image part des images nettoyées pour y opérer, par exemple, des sélections de régions ou une indexation qui permettra de les interpréter (par exemple, pour l'aide au diagnostic médical) ou de les classer (bases de données).
D'ailleurs, s'il faut caractériser brièvement l'orientation actuelle, il faut parler de "traitement conjoint" : on se rend compte que les optimisations que chaque métier obtient dans sa spécialité ne vont pas aussi loin que des traitements plus globaux. Qu'il s'agisse d'interpréter une image aussi bien que de transmettre de l'information à haut débit.
Hebdo : Le "traitement conjoint" est donc un vecteur très actuel de la recherche et de l'innovation ?
I.F.Oui. Pour nous, plus techniquement, il se concrétise dans une modalité récente de développement : les turbo-codes.(NDLR : rien à voir avec le Turbo-Pascal cher aux programmeurs des années 90). Inventés par Claude Berrou et Alain Glavieux (ENST Bretagne) en 1993, ils ont prouvé leur efficacité au point que la Nasa y fait appel pour ses communications à très longue distance (deep space).
Le principe s'applique à des problèmes trop complexes pour qu'une optimisation soit possible, en particulier avec les moyens limités dont on peut disposer dans un terminal, un téléphone portable. Il s'avère que la décomposition du traitement en deux parties, chacune de complexité raisonnable, mais itérée un nombre de fois suffisant (de l'ordre de 6) permet d'atteindre, sur un petit processeur, des résultats comparables à ceux d'un gros système.
Nous utilisons largement ce principe ici, où nous parlons par exemple de turbo-égalisation du signal, ou de turbo-compression. Ce deuxième point est typique d'un traitement conjoint, où l'on prend en compte aussi bien des problèmes de bas niveau (proche des conditions physiques de transmission) que de haut niveau, comme l'heure de la journée. Les caractéristiques du trafic varient en effet beaucoup. A la sortie des bureaux, par exemple, il faut satisfaire un grand nombre d'utilisateurs de portables, qui se contentent d'un signal vocal relativement peu exigeant. A d'autres moments, au contraire, il faut véhiculer des flux de musique ou de vidéo, sur un nombre d'utilisateurs plus restreint, mais avec une haute qualité. Les systèmes d'information et les données informatiques en général exigent une fiabilité bit par bit, mais n'ont pas de très lourdes contraintes de temps réel et de continuité de la transmission.
Ce concept de traitement conjoint pourrait avoir des impacts même sur les standards de communication (par exemple JPEG 2000), car certains bits sont plus importants que d'autres. Les uns, correspondant aux basses fréquences, portent des éléments essentiels pour la réception de l'image, pendant que d'autres portent sur les détails, la partie fine de l'image. Pour optimiser l'emploi des canaux de télécommunications, il est important d'en tenir compte. Et jusqu'au niveau des algorithmes sinon des processeurs eux-mêmes.
Comme vous le voyez, traitement d'image et de signal ne sont pas des idées neuves... cela fait une quarantaine d'années que l'on en parle, mais il y a encore beaucoup à faire.
Hebdo : De quels moyens disposez-vous à l'Etis ?
I.F. : Notre équipe est une unité de recherche commune à l'Ensea et à l'université de Cergy-Pontoise, et affiliée au CNRS. Nous sommes une vingtaine de permanents (un chercheur CNRS et des enseignants-chercheurs), répartis en quatre groupes de recherche :
Le groupe "architectures pour le traitement en temps réel de l'information" a par exemple assuré la coordination scientifique d'une action portant sur la reconfiguration dynamique des architectures. Ce projet continue actuellement et regroupe les efforts émanant de dix laboratoires. Deux projets similaires existent aux Etats-Unis, supportés l'un par la Darpa, l'autre par le MIT.
Le groupe image s'est fait reconnaître au niveau international par ses activités en reconstitution tridimensionnelle, avec des images de haute résolution couleur et multi-vues. Les applications intéressent aussi bien l'IGN (Institut géographique national) que Inra (recherche agronomique) ou l'Inserm (domiane médical). Ils sont particulièrement concernés par l'indexation d'images pour des bases de données.
Le groupe neurocybernétique développe des architectures de contrôle neuronales pour des robots autonomes utilisant la vision comme principale source d'information.
Enfin, le groupe signal a recentré ses activités autour de deux axes : modélisation et estimation statistique d'une part, signal pour les télécommunications d'autre part. L'explosion des communications portables, mais aussi les difficultés rencontrées (par exemple avec l'UTMS) créent des besoins considérables.
Notre groupe s'investit particulièrement dans les méthodes qui permettent de faire du traitement conjoint. Les Français ne sont pas les seuls à s'y investir, mais nous gardons une certaine avance au plan international,
Les communications s'appuieront sur des analyses psychologiques, cognitives, ergonomiques, sociologiques, économiques pour d'une part décrire empiriquement des cas d'usages réels et en tirer les enseignemnts et, d'autre part, anticiper les futurs usages, selon une dimension prospective.
Jacques Baudé. EPI