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Stic-Hebdo

No 68. 28 novembre 2005

 

Sommaire : Asti 2005 : Libre et public. | L'actualité de la semaine | Théories et concepts | Enseignement | La recherche en pratique | | Manifestations |


"Le mouvement du logiciel libre prend racine dans un idéal qui postule la liberté et le caractère universel du savoir et de l'information."

Asti 2005 : Logiciel libre et service public

Les 2èmes rencontres des sciences et technologies de l'information, organisées par l'Asti (1), se sont déroulées à Clermont-Ferrand du 24 au 26 octobre 2005. Une session thématique a été consacrée aux enjeux de société du logiciel libre, à la convergence existant entre le libre et le service public, l'enjeu de la coopération et les ressources pédagogiques. Co-organisée par Frédéric Couchet, délégué général de l'April (2) et Jean-Pierre Archambault, coordonnateur du pôle de compétences logiciels libres du Sceren (3), membre du bureau national de l'EPI (4), elle a réuni Gérard Blanchet, de Linux-Arverne, Michèle Drechsler, IEN en Moselle (5) et Benoît Sibaud, président de l'April. Nous leur avons demandé de nous indiquer les principales problématiques abordées lors de la table ronde.

Jean-Pierre Archambault : d'abord une vue d'ensemble.

Les logiciels libres connaissent un réel développement et suscitent un engouement remarqué. Ils présentent des atouts techniques indiscutables issus de leur mode de réalisation, à savoir celui du fonctionnement de la recherche scientifique. Ils signifient aussi, d'abord, une philosophie, garantie de liberté, d'indépendance et de pérennité. Leur fondement repose sur un esprit de coopération, de partage du savoir, pour l'enrichir et le faire progresser.

Un logiciel libre est un logiciel garantissant un certain nombre de libertés à ses utilisateurs : la liberté de l'utiliser et de l'exécuter pour quelque usage que ce soit, la liberté d'étudier son fonctionnement et de l'adapter à leurs besoins, la liberté d'en redistribuer des copies et enfin la liberté de l'améliorer et de rendre publiques les améliorations de telle sorte que la communauté toute entière en bénéficie.

Les logiciels libres signifient des coûts informatiques moindres. Ils jouent un rôle de régulation de l'industrie informatique grand public dont la structure favorise la constitution de quasi monopole (coûts marginaux tendant vers 0, importance des coûts fixes, externalités de réseaux). Associés aux standards ouverts ils sont un facteur de diversité. Logiciels dont la qualité est reconnue, ils sont synonymes de sécurité et permettent l'indépendance des entreprises, et des pays.

La question se pose du degré de transférabilité de leur approche à la réalisation d'autres biens informationnels ou de connaissance. Des licences comme Creative commons pour les ressources s'inspirent de la GPL.

John Sulston, prix Nobel de médecine, évoquant les risques de privatisation du génome humain, indique que « les données de base doivent être accessibles à tous, pour que chacun puisse les interpréter, les modifier et les transmettre, à l'instar du modèle de l'open source pour les logiciels » (Le Monde Diplomatique décembre 2002). Ce propos illustre la question de savoir si le modèle du libre préfigure des évolutions en termes de modèles économiques et de propriété intellectuelle (droit d'auteur, brevets). Or, il y a relativement de plus en plus de biens immatériels. Et de plus en plus d'immatériel et de connaissance dans les processus de création de la richesse. Il s'agit donc d'un enjeu majeur.

L'enjeu réel du logiciel libre est avant tout social et sociétal, de par son essence même : la liberté. Terme devant être pris dans son sens civique : liberté d'expression, liberté d'association, liberté d'user à sa guise de l'information disponible et de la partager au bénéfice de chacun et donc de tous. Le logiciel libre permet une réelle appropriation citoyenne de l'informatique. Le mouvement du logiciel libre prend racine dans un idéal qui postule la liberté et le caractère universel du savoir et de l'information.


Jean-Pierre Archambault : il y a donc des enjeux de société. Par exemple dans le secteur de l'édition, en particulier scolaire.

Effectivement, le monde de l'édition scolaire est entré dans une période de fortes turbulences de par l'irruption du numérique, les outils informatiques et Internet bouleversant les conditions de réalisation des ressources classiques (papier, audiovisuel, photo), signifiant supports et documents nouveaux et favorisant l'émergence de milliers d'auteurs. Des produits numériques viennent ainsi faire concurrence au manuel scolaire, « enfant chéri » des éditeurs, dont ils accentuent la crise. Les TIC modifient profondément le paysage de l'édition et viennent perturber la marchandisation des produits scolaires qui, si elle ne date pas d'hier, présente néanmoins un persistant côté paradoxal, à savoir qu'elle s'opère en l'absence de marché, en fait dans un marché captif des parents et des collectivités territoriales.

Les « nouveaux auteurs-utilisateurs », l'association Sésamath par exemple (6), se placent essentiellement dans une logique de service public et coopèrent à grande échelle dans une démarche relevant du paradigme du logiciel libre. Ils mettent à disposition de leurs collègues sur Internet, gratuitement et librement, leurs documents. Dans le même temps ils passent des partenariats avec des éditeurs public et privé pour réaliser des documents d'accompagnement, à des prix raisonnables, qui connaissent un grand succès auprès des enseignants. On peut y voir les prémices d'un nouveau modèle économique pour l'édition scolaire.

Michèle Drechsler : un autre exemple d'auteurs-utilisateurs (7), dans l'enseignement primaire.


Chaque enseignant peut devenir auteur. Ecrire un scénario pédagogique, produire une ressource est un acte de formation en soi. C'est ainsi que le plan d'animation-formation de la circonscription de Saint-Avold Sud favorise la création d'un réseau d'enseignants auteurs et utilisateurs. Une animation proposée en 2003-2004 a consisté en l’utilisation des potentialités didactiques des logiciels de logiciels libres à l’école élémentaire. Des enseignants de la circonscription, une vingtaine, ont choisi cette animation. Ils se sont engagés, et ont commencé à produire des fiches d’utilisation de logiciels pédagogiques libres, à dégager leurs fonctionnalités, à rédiger des scénarios pédagogiques. Ces fiches étaient destinées à un cédérom multiplateforme (Windows, Apple et Linux) de logiciels pédagogiques libres pour l’école primaire et la grande section de maternelle.

Ce projet piloté par la mission veille technologique du CNDP a donné lieu à une édition par les CRDP de Paris et de Versailles, et à un partenariat avec la société Apple. Il vise à mettre à disposition des enseignants des logiciels libres. Il a également pour objectif de susciter la constitution de communautés d’utilisateurs, échangeant documents et pratiques pédagogiques (8).

Les enseignants sont les professionnels de la pédagogie. Les ressources pédagogiques se situent dans le coeur de leur métier. Nous ne pouvons pas nier la richesse de leur production, de leur utilisation et leurs apports en matière de formation et de professionnalisation. Des formes nouvelles de formation professionnelle des enseignants voient le jour. Elles prennent appui sur les productions pédagogiques des enseignants, individuelles ou collectives qui, bien que ne datant pas d 'hier, connaissent un essor sans précédent avec les TIC et les réseaux. Les ENT (environnements numériques de travail) vont encore renforcer cette évolution et favoriseront la mise en place de dispositifs permettant la production et la diffusion de ressources pédagogiques indexées avec des métadonnées, des normes et des standards.

Gérard Blanchet : quel peut-être le rôle des collectivités locales ?

Les collectivités territoriales (régions, départements, communes) peuvent avoir un rôle d'impulsion dans ce domaine. Je citerai l'exemple (pas le modèle, le point d'accroche peut être différent d'un endroit à un autre) de la distribution de 64 000 packs de deux cédéroms, contenant des logiciels libres, aux lycéens de la Région Auvergne à la rentrée scolaire dernière. Cette opération a pris place dans la politique de la Région, déjà amorcée l'an dernier, de gratuité des manuels et des ressources scolaires et des premiers équipements de lycéens professionnels.

Partie de l'idée de gratuité cette opération intègre bien à l'arrivée l'idée de liberté chère aux promoteurs du logiciel libre. L'éditorial du Président de région et du Vice-Président chargé des Lycées, à l'ouverture du premier cédérom, indique : « Le conseil régional d'Auvergne, soucieux de donner un plus large accès à l'univers internet et à l'exploration numérique, offre à tous les lycéens auvergnats un pack de logiciels libres. Car ces logiciels libres ne concernent pas seulement les informaticiens mais l'ensemble des citoyens. ». C'est bien cette idée d'éducation populaire ou citoyenne qui est au coeur de cette opération. L'idée de partage est également présente puisque le texte précise ensuite : « Les logiciels proposés sont simples d'utilisation et offrent de fortes potentialités créatives et pédagogiques, tout en incitant à la création d'une communauté d'utilisateurs qui échange ses expériences ».

Cette initiative, qui a eu un fort écho en France et en Europe, donne de la Région une image dynamique et moderne. Elle suscite déjà des idées identiques dans d'autres régions, et nous comptons bien, par notre présence à Educ@tice, la promouvoir ailleurs.

L'impulsion de la Région fait également sentir ses effets dans un autre domaine, je veux parler de la vie économique. Facilitée par le vice-président chargé de la vie économique, notre association a rencontré le président de la Chambre régionale de Commerce et d'Industrie qui nous a déclaré être favorable aux logiciels libres qui sont une opportunité notamment pour les PME/PMI. Ce n'est pas seulement un engagement verbal puisque Cybermassif et son organisme de formation Practic (9) ont demandé à Linux-Arverne d'animer des stages de formation « logiciels libres » en direction des entreprises. Un premier atelier va avoir lieu le 24 novembre consacré à la suite bureautique OpenOffice.org.

Nous avons trouvé, avec cette initiative Lycée+, le point d'accroche pour la promotion des logiciels libres dans le domaine de l'éducation ou ailleurs. Nous sommes convaincus que cette initiative ne sera pas sans conséquence sur le choix qui sera fait par les cinq collectivités de la Région (région et quatre départements) dans le domaine des ENT dans le second degré et le supérieur. Un enjeu important de la prochaine période va être ENT propriétaire ou ENT libre. Comme le Vice-président chargé des lycées à la conférence de presse de rentrée a indiqué que ce choix des logiciels libres était un choix politique nous avons bon espoir sur le choix qui sera fait.

Nous commençons juste « à tirer les premiers fils » de cette initiative Lycée+. Nous avons ainsi été saisi d'un projet d'une communauté de communes du Livradois-Forez associant entreprise locale d'édition, un lycée professionnel sur Clermont, une maison des artistes, le collège et le groupe scolaire visant à mutualiser les logiciels libres utilisés.

Un autre projet commun de Linux-Arverne et Clermont-communauté : accueillir en 2007 les RMLL (10) à Clermont-Ferrand nous a amené à constituer un groupe de travail associant les différents acteurs intéressés par un tel événement : Université Blaise Pascal, Isima, Cust, Chambres de commerce et d'industrie, Cybermassif, Adimac, Admira/Cartic, CRDP, ARD d'Auvergne, auxquels vont se joindre bientôt le conseil régional et le conseil général. Même si notre candidature n'est pas retenue, l'ensemble du travail fait ensemble par tous ces partenaires ne peut avoir que des retombées positives ... pour le logiciel libre.


Benoît Sibaud : il a beaucoup été question de brevets logiciels et de l'EUCD (11) ces derniers temps. Pouvez-vous nous en parler ?

L'actualité est effectivement chargée, avec deux menaces juridiques majeures pesant sur les Stic : les brevets logiciels et la transposition de la directive européenne EUCD 2001/29CE, via le projet de loi français sur le droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information (DADVSI).

Le logiciel, comme la musique ou la littérature, est protégé dans son expression par le droit d'auteur, du seul fait de sa création ; tandis que le système des brevets vise quant à lui la protection du concept même d'une oeuvre. Selon la convention de Munich, les logiciels ne sont pas brevetables en Europe. Les grands éditeurs de logiciels et les cabinets de juristes en brevets ont essayé de revenir sur ce texte en soutenant la directive européenne COM 2002/0047 (COD) sur « la brevetabilité des inventions mises en oeuvre par ordinateur ». Cela a donné lieu à trois longues années de lobbying intense et de pratiques douteuses (votes durant des réunions du Conseil des ministres sur la pêche, modifications de calendrier de dernière minute, etc.).

Une large coalition d'hommes politiques, de scientifiques, d'économistes, d'associatifs, d'entreprises et de citoyens s'est formée : elle a argué notamment l'absurdité de breveter des raisonnements mathématiques, évoqué les risques sur l'innovation et mis en avant la menace économique pour la majorité des entreprises informatiques européennes. Elle a ainsi permis le rejet de cette directive le 6 juillet dernier.

Mais déjà les partisans d'une brevetabilité des algorithmes, des mathématiques et des méthodes commerciales s'avancent et reviennent batailler via la notion de brevet communautaire et le projet de directive européenne IPRD II (12) sur la contrefaçon.

Le projet de loi DADVSI, la transposition française de l'EUCD déjà adoptée au niveau européen (équivalent en pire du DMCA (13) américain), doit être examiné en décembre prochain. Malgré les nombreux effets négatifs du texte, argumentés depuis plusieurs années par l'initiative EUCD.info, le gouvernement a décidé de faire passer le texte en urgence, donc sans vrai débat parlementaire. Le projet de loi va légitimer les dispositifs techniques de contrôle de l'usage et de traçage, et rendre théorique le droit à la copie privée (alors même que les utilisateurs paient une redevance pour copie privée sur les supports numériques).

Il va aussi permettre la création de vrais monopoles : les gros éditeurs de logiciels et les majors de l'audiovisuel pourront décider qui pourra regarder quoi, quand, comment, combien de fois, etc. Ainsi je ne pourrais plus lire mes DVD avec le logiciel de mon choix, transférer mon CD vers mon baladeur MP3 ou même le prêter à un ami. Et ces monopoles nuisent bien évidemment à l'interopérabilité.

En pénalisant la diffusion d'informations sur les mesures techniques, le projet de loi s'attaque aussi à la recherche en informatique, notamment en sécurité. Citons aussi le communiqué interassociation des archivistes, bibliothécaires et documentalistes qui indique que « la France s'apprête à se doter d'une des législations les plus déséquilibrées d'Europe ».

Michèle Drechsler : les licences Creative commons sont-elles une réponse dans le paysage éducatif éditorial ?

Les licences Creative commons constituent un ensemble de licences régissant les conditions de réutilisation et/ou de distribution d’oeuvres. Leur but est de fournir un outil juridique qui garantit à la fois la protection des droits de l'auteur d'une œuvre artistique et la libre circulation du contenu culturel de cette œuvre, ceci afin de permettre aux auteurs de contribuer à un patrimoine d'œuvres accessibles dans le « domaine public ».

En préalable des titulaires de droits exclusifs, ces licences permettent d’autoriser à l’avance le public enseignant à effectuer certaines utilisations selon les conditions exprimées par l’auteur. Il ne s’agit pas d’assurer une protection technique aux œuvres placées sous licence Creative commons, mais de proposer à la communauté éducative une information sur les droits et utilisations consenties à titre gratuit : copie privée et exceptions légales sont préservées, mais aussi partage sur les réseaux d’échange de fichiers (peer-to-peer), reproduction, distribution, représentation publique, parfois modification…

Internet a offert à tous l'accès à des contenus extrêmement diversifiés et d'une grande richesse. La croissance du volume de l'information en ligne devrait encore s'accélérer au cours des prochaines années. L'avènement d’outils comme Spip ou autre CMS permettant à tous de publier des contenus dans Internet sans avoir à maîtriser d'obscurs langages de programmation, pousse de plus en plus d’enseignants à joindre les rangs des diffuseurs de contenus pédagogiques.

La simplicité, la qualité et la flexibilité qu'offrent les licences de Creative commons devraient inciter le plus grand nombre de ces diffuseurs à associer « leur œuvre » à l’une des variantes de la licence. De l'autre côté, la normalisation des relations entre les consommateurs de contenus et les auteurs devrait permettre une meilleure diffusion générale du capital artistique, pédagogique, intellectuel humain en informant les consommateurs sur les droits que les auteurs veulent bien leur accorder.

Néanmoins et comme le proposait Roberto Di Cosmo dans un texte qui date déjà de huit ans, il faudra faire un choix. « L'informatique et les ordinateurs nous donnent la possibilité de révolutionner notre façon de vivre au quotidien, mais c'est à nous de choisir si cette révolution doit aboutir à un Moyen-Âge technologique obscur dominé par quelques sombres seigneurs féodaux qui s'approprient l'écriture et tout moyen de communication de l'information pour collecter des impôts chaque fois que l'on respire, ou si l'on veut plutôt arriver à un monde ouvert et moderne, où le flux libre de l'information nous permettra de tirer parti des énormes potentialités de la coopération et du partage des connaissances ».Ce choix est toujours d'actualité dans le monde de l’éducation et les enjeux qu'il implique s'avèrent tout aussi importants en 2005 qu'en 1997, comme si le choix n'avait pas été fait. « Ce n'est pas à nous de le faire mais d'indiquer l'urgence de participer aux conditions de l'exercice de ce choix et de faire contrepoids au bruit de l'industrie qui réclame de limiter nos libertés, nos projets d'association et nos puissances de création ».

Le logiciel libre, les ressources libres, la Creative commons ce n'est plus seulement l'affaire des informaticiens, c'est une responsabilité civile qui s'inscrit dans le prolongement des préoccupations écologiques.« On ne se moque plus, aujourd'hui, de ceux et celles qui réclament des protections contre la pollution de l'air et la privatisation de l'eau. On remerciera peut-être, demain, ceux et celles qui, aujourd'hui, militent pour la protection de la connaissance comme bien commun et universel et pour la survie même de l'éducation». La Creative commons ne serait-elle pas la clé pour que ce rêve devienne réalité ?

Michèle Drechsler : des implications institutionnelles en matière de formation ?

Les organisations du système éducatif, comme les entreprises, doivent mettre en place les conditions favorisant les processus de production, de formalisation et de dissémination des savoir-faire. Il est important de favoriser les processus organisationnels permettant d’amplifier les connaissances individuelles et de les cristalliser au niveau collectif au travers du dialogue, des discussions, du partage d’expérience, de l’information. Comme pour les communautés de recherches scientifiques, le travail en réseau est recherché dans le système éducatif où il faut repérer les connaissances cruciales, les préserver, les valoriser et les actualiser. Il faut promouvoir et développer des actions de revitalisation des savoirs « fossilisés », encourager le retour d’expérience, les échanges de pratiques .

Grâce à la banalisation des outils informatiques et des réseaux, le développement des communautés de pratiques est facilité avec la production de ressources libres Ces dernières permettent la transmission de savoirs tacites, basés sur l’expérience dans l’action et les savoirs explicites acquis par la formation. Pour Claude Thélot «Il faut développer et capitaliser les observations des pratiques des enseignants ». Pilotage, formation professionnelle des enseignants, fonctionnement des communautés de pratiques, s’interpénètrent dans des dynamiques nouvelles. Les enjeux en sont le partage des connaissances, leur gestion organisée, la compétence des enseignants, la formation… en définitive la qualité de l’enseignement et l’efficacité du système du système éducatif.

Benoît Sibaud : pour terminer, une question que se posent souvent les institutions qui veulent recourir au libre pour leur propre compte : comment faire vivre un projet de logiciel libre ?

Plusieurs modèles de développement peuvent être utilisés pour faire du logiciel libre. Il peut tout d'abord être développé par une équipe restreinte, communiquant les sources de leur logiciel libre uniquement avec les binaires de ses produits. Il peut à l'opposé être développé de manière totalement ouverte à l'aide d'une forge (regroupant tous les outils de travail collaboratif nécessaires) accessible sur l'Internet. Une infinité de variantes et de combinaisons de ces deux extrêmes (la cathédrale et le bazar) sont utilisés.

Par contre, comme pour tout projet logiciel, il faut disposer des moyens techniques et gérer les aspects relationnels et communicationnels.

Ainsi pour disposer de nombreux outils, on peut avoir recours à une forge (sur Internet, Sourceforge, Savannah, Gna!, Admisource, Adullact, etc. ou, moins ouvert, une forge dédiée sur un intranet) pour obtenir un site web, un gestionnaire de code source, un système de suivi des bogues, des listes de diffusion, des forums de discussion, un espace de téléchargement, etc.

Il faut aussi veiller à assurer la communication du projet, auprès des utilisateurs réels ou potentiels, des développeurs, des décideurs, etc. Suivant les cas, il peut s'agir d'une dépêche sur un site communautaire, d'un message sur une liste d'annonces, d'un communiqué de presse ou d'une interview dans une revue professionnelle. Un site web bien fait, sur la forme et le fond, contenant de la documentation et des captures d'écran, aide aussi beaucoup à la diffusion.

Mais il ne suffit pas de communiquer vers l'extérieur, il faut aussi animer le projet et donc l'ensemble des développeurs qui y participent : définir un plan de route, veiller à ce que les utilisateurs reçoivent des réponses à leurs questions, à ce que les bogues soient pris en compte, ne pas oublier les tâches ingrates (documenter, déboguer, maintenir une version ancienne, coder une fonctionnalité peu « sexy », etc.). Si les développeurs sont nouveaux dans le monde du logiciel libre ou n'ont jamais travaillé dans un modèle ouvert, il faut bien évidemment les former et les encadrer.

Et tout cela implique que pour avoir un projet qui avance vite, il faut y mettre les moyens, donc payer suffisamment de développeurs. Un développeur à temps plein avance plus vite qu'un bénévole travaillant en soirée, et il est illusoire si l'on est pressé de compter uniquement sur des bénévoles surmotivés susceptibles de se ruer sur les tâches ingrates.

Propos rassemblés par Jean-Pierre Archambault

1) Fédération des associations françaises des sciences et technologies de l'information.
2) April : association pour la promotion et la recherche en informatique libre, membre de l'Asti.
3) Sceren : Services culture éditions ressources pour l'Éducation nationale ; regroupe le CNDP, les CRDP et CDDP (centres national, régionaux et départementaux de documentation pédagogique).
4) EPI : association Enseignement public et informatique, membre de l'Asti.
5) IEN : inspectrice de l'Education nationale.
6) Sésamath : association de professeurs de mathématiques de collège, www.sesamath.net.
7) Jean-Pierre Archambault et Michèle Drechsler, Des enseignants auto-producteurs, http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a0501a.htm
8 )http://lamaisondesenseignants.com/index.php?action=afficher&rub=32&id=151
Site espace 1 degré du pôle de compétences des logiciels libres
http://cndpll1.hosting.cri74.org/
9) Pôle de ressources et d'accompagnement aux TIC pour l'entreprise
10) Rencontres mondiales du logiciel libre
11) European union copyright directive
12) Intellectual property rights enforcement directive
13) Digital millenium copyright act


Actualité de la semaine

Femmes et Stic : la fracture numérique a-t-elle un genre ?

Une journée consacrée au thème Femmes et Stic aura lieu à Paris le lundi 5 décembre prochain. L'invitation est signée de Catherine Vautrin (ministre déléguée à la Cohésion sociale et à la parité), François Goulard (ministre délégué à l¹Enseignement supérieur et à la recherche) et le Comité interministériel pour la promotion de l'égalité des chances entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif.

Le thème se décline plus précisément Femmes face aux sciences et technologies d¹information et de communication : de l'école à l¹emploi, la fracture numérique a-t-elle un genre ?". Elle se tiendra de 9h30 à 18h00 au ministère, 1 rue Descartes à Paris. Au programme :
- Ouverture par Elisabeth Giacobino (directrice de la recherche).
- État des lieux, constats par Isabelle Collet (chercheuse en sciences de l'éducation : genre et informatique).
- Table ronde : Pourquoi si peu de filles ? Y a-t-il une résistance des usages à l'informatique et au multimédia ? (Françoise Massit-Folléa, ENS-LSH, chargée de mission au département Nouvelles technologies pour la société au ministère).
- Table ronde. L'accès aux métiers : formation initiale. Comment décrypter les filières de formation ? (Brigitte Rozoy, professeur des universités, chargée de mission et Yvonne Pourrat, chargée de mission Ecoles d'ingénieurs et société, CDEFI).
- Table ronde. L'accès aux métiers : insertion professionnelle (Christine Charreton, chargée de mission à l'égalité entre les femmes et les hommes - Université Claude Bernard, Lyon 1).
- Table ronde 4. Dans le monde professionnel : réalité d'aujourd'hui, réalité de demain (Laurence d'Ouville, chargée de mission, département Synthèse et international - Anact).
- Quel rôle pour les médias ? par Dominique Leglu (directrice de rédaction de Sciences et avenir).

(NDLR. On notera que ce problème est traité aussi, au niveau du scolaire, par une journée que nous signalons en rubrique enseignement.)

Renseignements et inscriptions.


Enseignement

Un point de vue de l'EPI

Nous lisons sur Educnet que les technologies numériques sont devenues un "outil important d'aide au travail aussi bien à l'école qu'à la maison". Pour Gilles de Robien, si élèves et étudiants utilisent massivement l'internet, c'est que "l'école joue pleinement son rôle".

Note de l'Epi : Nous craignons que les commentateurs soient emportés par leur enthousiasme ! Comment peut on parler d'outil "important" quand (page 4) la fréquence d'utilisation pour 57% des élèves de 11 à 18 ans est de "au moins d'une fois par mois" (catégorie bien floue qui n'aide pas à se faire une opinion sérieuse), voire "moins souvent" ou "jamais" ? Par ailleurs (page 5) "Les NTIC prennent toute leur place au sein des établissements universitaires" avec 14 % des étudiants qui utilisent l'ordinateur "au moins une fois par mois" et 43 % (vous avez bien lu) "moins souvent ou jamais". Comment le ministre peut-il parler d'utilisation massive ? Ces enquêtes coûteuses nécessiteraient pour le moins, outre des item plus précis, une analyse et des commentaires plus rigoureux ! Voir le bloc-notes de l'association.

Colloque SIF : Les institutions éducatives face au numérique

Organisé par la Maisons des sciences de l'homme, ce colloque se tiendra, les 12 et 13 décembre prochains, au Carré des sciences (1 rue Descartes à Paris). Il est proposé par les enseignants/chercheurs réunis au sein du séminaire Industrialisation de la formation. Il réunira des spécialistes de diverses disciplines : chercheurs, mais aussi praticiens, enseignants, cogniticiens, éditeurs... et visera à confronter des problématiques relatives à la diffusion des technologies en réseau dans le champ de la formation. Les réflexions seront menées autour des quatre axes suivants :
- institutions, organisation, économie,
- approches pédagogiques,
- de la ressource au dispositif,
- enjeux et incidences des « territoires numériques » créés par les réseaux de formation. Informations et inscriptions.

Attitude des filles et des garçons en Europe face aux TIC.

Alors que les garçons sont plus attirés par les TIC et plus autonomes, les filles apprennent à utiliser l'ordinateur principalement à l'école; le système éducatif semblant permettre de rééquilibrer la situation. Une étude récente d' Eurydice (PDF).

TIC pour les prépas

Depuis 4 ans, l’association ePrep oeuvre pour les technologies de l’information et de la communication au service du développement et du rayonnement des classes préparatoires aux grandes écoles et des formations équivalentes. Le prochain colloque (bisannuel), se tiendra les 5 et 6 mai à Cergy-Pontoise, sur le thème de l’ouverture sociale et internationale de l’accès aux grandes écoles par les TICE (technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement).

Par ailleurs Interstices met en ligne un document sur l'utilisation pédagogique des TIC dans les classes préparatoires.

Actualisation des connaissances

Les Dossiers de l'ingénierie éducative ( N° 52, octobre 2005) traitent de l'actualisation des connaissances dans l'enseignement et de la prise en compte en classe de l'actualité. Ces évolutions s'étaient déjà accélérées avant l'apparition d'Internet. Comment ces phénomènes sont-ils en train de changer de nature, avec Internet, dans les démarches pédagogiques comme dans les pratiques individuelles des élèves et des enseignants ? Ce dossier suit deux axes, celui des médias et celui des savoirs. Quelques articles en téléchargement.

Tic à l'école : taxonomie et obstacles à leur intégration

Robert Bibeau écrit dans la revue de l'EPI : "Vingt ans d'effort et d'investissement et pourtant ce que l'on dit et ce que l'on écrit sur l'intégration des TIC en classe au Québec et probablement ailleurs dans le monde n'a pas changé. On dénombre toujours un petit cercle d'initiés, des enseignants enthousiastes qui utilisent les technologies avec leurs élèves ; une masse d'enseignants dans l'expectative, attendant qu'on leur fasse la preuve de la pertinence pédagogique et de l'accessibilité de ces outils ; et une mince frange de « réfractaires » qui n'y croit tout simplement pas." L'article.

Rubrique réalisée avec la collaboration de Jacques Baudé


La recherche en pratique

E-research en Australie

Jean Grisel (Diffusion Paris 7) signale un rapport au gouvernement australien sur l'e-research. (81 pages en PDF). Au sommaire : enabling research, enabling cooperation, enabling people, better access to data, networks and hardware resources, shared services resources, specific application resources, structural issues.

Pensez à archiver !

A l’occasion du désamiantage de Jussieu, une inspection systématique des placards techniques condamnés a permis la collecte de documents d'archives qui y avaient été stockées par divers services. La découverte la plus spectaculaire concerne des documents de Wolfgang Doeblin, jeune et brillant mathématicien, mort en 1940. Un article de Thérèse Charmasson, Stéphanie Méchine, Marc Petit, avec la collaboration de Bernard Bru, paru dans la Revue d'histoire des sciences fait le point

Ces archives auraient pu être détruites. N’attendez donc pas déménagements ou départs en retraite, pour prendre contact avec le service des archives de votre entreprise, université ou des archives publiques concernées (souvent, les archives départementales)pour la sauvegarde de la mémoire de votre composante, service, laboratoire ou discipline. Dans le cas de Paris 7, qui signale cet article dans sa liste de diffusion, il faut contacter les archives de cette université.


Manifestations

Consultez le site des associations membres de l'Asti, où vous trouverez les manifestations qu'elles organisent.

Pour les manifestations TIC en rapport avec l'enseignement et la formation, consulter le site Educnet.

La loi Informatique et libertés révisée : info ou intox ?

Le vendredi 9 décembre 2005, à 16h30, à l’occasion de l'assemblée générale d'Adeli, Gilles Trouessin, vice-président de l'association animera une table ronde pour faire le point sur la révision de la loi Informatique et Libertés, avec les intervenants suivants :
- Arnaud Belleil (Cecurity .com et AFCDP), Philippe Blot-Lefèvre (Vision Consultants),
- Eric Caprioli et Isabelle Cantero (Caprioli & Associés), Michel Delcey (APF et CISS),
- Xavier Leclerc (Experian et AFCDP), Annie Marcheix (ancien membre de Delis)
- Christophe Pallez (secrétaire général de la Cnil).

La loi de 1978 dite "Informatique et les libertés" est un texte à la fois novateur et fondateur en matière de respect des libertés individuelles : "novateur" car c’est le premier paru en France et même en Europe ; "fondateur" car il constitue le point de départ fondamental à la rédaction de la Directive Européenne sur la protection des données personnelles (1995). Avec l’émergence des NTIC et autres nouveautés cybernétiques et informatiques, cette loi avait besoin d’évoluer. Par ailleurs, avec l’obligation de transposition en loi française de la directive européenne, l’occasion a été donnée au législateur français d’harmoniser sa loi de 1978 avec la directive de 1995.

Cette évolution a été faite "à la française" avec une certaine innovation et notamment la proposition de création d’un nouveau métier : celui de "Correspondant à la protection des données personnelles".

Mais, à près de 500 jours de la parution au JO de la révision de la loi , où en est-on réellement ? En théorie, est-elle applicable ? En pratique, est-elle utilisable ? A-t-on fait semblant, presque dix ans après la parution de la directive européenne, de moderniser cette loi pour la rendre utopique ? La table ronde a pour objectif de débattre, non pas de l’utilité de la révision, mais de son "utilisabilité". Les intervenants sont des acteurs motivés par la réussite de la mise en application de cette loi révisée : représentant de la Cnil et des groupements de défense des usagers de l’informatique et notamment des usagers de l’informatique de santé, avocat, juriste ou innovateurs autour de la confiance, la sécurité et la maîtrise des nouveaux systèmes d’information.

Gilles Trouessin est Consultant Senior de la société Oppida, spécialiste de sûreté-sécurité des systèmes d’information, animateur de la commission "Sécurité(s) & Sûreté(s)" d’Adeli, expert de la sécurité des SIS (systèmes d’nformation de santé) et des SIH (systèmes d’information hospitaliers.).

La table ronde se tient de 16h30 à 18h30, à l'hôtel Mercure Terminus Est (5 rue du 8 mai 1945 Paris 10e). L'accès est libre, mais l'inscription est obligatoire


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