Association Française des
Sciences et Technologies de l'Information

Hebdo
No 28. 2 avril 2001

Sommaire : Trois questions à Gérard Assayag | L'actualité de la semaine | La recherche en pratique| Théories et concepts | Le livre de la semaine | Détente

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Trois questions à Gérard Assayag

Directeur de l'équipe de représentation musicale, Ircam

Asti-Hebdo : La musique peut-elle une source d'inspiration pour les informaticiens ?

Gérard Assayag : La composition musicale, et plus généralement la représentation des structures musicales posent des problèmes informatiques intéressants et difficiles. Elles conduisent à recourir aux techniques informatiques les plus pointues, en raison de la nature fortement combinatoire du domaine et de la complexité des structures mises en jeu.

Il faut associer de nombreuses dimensions : la mélodie (horizontale), l'harmonie (verticale), mais aussi le rythme, les timbres. Il faut faire évoluer de nombreux processus parallèles avec des échanges d'information et des synchronisations.

Deux approches s'opposent, d'ailleurs. L'approche "réductionniste" sépare les différents points de vue. C'est la manière naturelle de travailler pour les compositeurs. Ils traitent séparément les hauteurs, les rythmes, l'harmonie et la mélodie, ils génèrent des matériaux... après quoi il s'efforcent de recoller les morceaux. Ce qui ne va pas de soi, puisque chacun des morceaux a sa logique propre. Cette façon de travailler n'a rien d'idéal. Elle s'explique par l'histoire de la théorie musicale, qui fonctionne ainsi depuis très longtemps, qui insiste beaucoup sur les hauteurs et sur l'harmonie, mais tend à négliger le rythme. Un des gros enjeux de la recherche musicale, et de l'informatique musicale en particulier, est de résoudre les problèmes ainsi posés.

A l'opposé, la méthode "holistique", que nous essayons d'implémenter, s'appuie sur des bases statistiques, sur la théorie de la complexité, de l'analyse et de la compression des données. Dans l'analyse d'un texte musical, elle cherche à reconnaître des patterns, des formes, pour stocker l'information musicale de la manière la plus concise possible, conserver dans la représentation toute la néguentropie du signal musical de départ.

Cette approche combine mélodie, harmonie et rythmes pour organiser l'information musicale en tranches successives, déterminées par l'arrivée d'événements nouveaux. Chaque tranche (ou couche) est traitée comme un super-symbole, et la musique comme un flux de symbole. On essaye alors d'en trouver la logique statistique de fonctionnement. On peut alors, par exemple, faire des prédictions sur les symboles qui vont apparaître, et s'appuyer sur cette logique pour composer.

Hebdo : Ces nouvelles approches intéressent-elles les compositeurs, qui peuvent aujourd'hui trouver sur le marché des outils élaborés comme les "séquenceurs" ?

G.A. : A partir du moment où les compositeurs commencent à utiliser beaucoup l'ordinateur, ils perçoivent les limites des outils disponibles, et en particulier des séquenceurs. Ce sont des programmes que l'on a pensé pour eux. Et qu'ils ne savent pas comment faire évoluer dès qu'ils commencent à vouloir "sortir des cases". C'est à partir de là qu'ils viennent vers nous.

On s'aperçoit d'ailleurs qu'ils entrent facilement dans la logique de la programmation, parce qu'il y a une certaine parenté entre la programmation et la composition musicale, qui consiste à déployer une logique dans le temps.

Les langages que nous développons, particulièrement dans le cadre du projet Open Music que je dirige, sont à base de connectique et de schématique des processus. Ils assurent une sorte de passage continu entre les niveaux de langage : ceux où l'on spécifie les algorithmes et ceux de l'éditeur, avec lequel on construit et modifie les objets musicaux et, in fine, le signal audio. Les différents niveaux sont unis dans la présentation graphique de l'éditeur.

Hebdo : Mais ne faites-vous pas de la musique pour intellectuels ?

G.A. : Nos approches, au contraire, s'inscrivent bien dans un mouvement actuel de fusion stylistique. Alors que l'on tendait à séparer complètement la musique électronique du grand public, celle des DJ, de la musique contemporaine savante, nous voyons aujourd'hui tomber les frontières entre cases. De ce point de vue, l'Ircam est un lieu très ouvert.

Nous avons par exemple accueilli il y a deux ans le jazzman américain Steve Coleman. Il est connu pour avoir beaucoup expérimenté en matière d'utilisation de l'ordinateur, notamment pour introduire dans son spectacle des éléments qui donnent un second souffle au principe, essentiel au jazz, de l'improvisation. Nous avons fait un concert aux Bouffes su Nord, du jazz de très bonne qualité avec une interaction permanente machine/interprètes.


L'actualité de la semaine

Une femme à la tête d'IBM France

Cathy Kopp vient d'être nommée président-directeur Général d' IBM France. Entrée chez IBM en septembre 1973 en tant qu'ingénieur technico-commercial, Cathy Kopp, 51 ans, est mariée et a deux enfants. Elle était directeur général d'IBM France depuis août 2000 et succède à Bernard Dufau, qui reste administrateur de la société.

Le fait est remarquable dans une industrie (et une discipline) où les femmes sont encore très minoritaires aux niveaux supérieurs des hiérarchies.

Stic et progrès social

Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a ouvert le 29 mars 2001 la deuxième journée du colloque Net2001, consacré aux usages des technologies de l'information. A cette occasion, il a souligné la nécessité de mettre les outils de la société en réseau au service d'un projet social progressiste.

Pour lui, la transformation de l'action des pouvoirs publics se résume en cinq points :
- les outils de la société de l'information doivent rendre le citoyen plus autonome, en lui donnant accès à plus d'informations et à plus de services,
- ils doivent permettre la déconcentration de l'action publique tout en préservant l'égalité entre les territoires et entre les personnes,
- ils doivent être mis au service de la transparence des décisions politiques et de l'action publique,
- ils doivent permettre aux citoyens, aux observateurs, aux corps intermédiaires et aux agents publics eux-mêmes de contrôler la rationalité des choix et l'efficacité de l'action publique,
- les outils informatiques doivent enfin faciliter la concertation dans les choix entre toutes les parties concernées et renforcer la solidarité entre les acteurs d'un même projet.

(Extraits du communiqué du ministère)

La Vermarcht s'interdit les produits de Microsoft

Signalé par l'Aful, à noter un article du Spiegel (texte allemand) indiquant que les produits de l'éditeur américain ne donnent pas à l'armée allemande de garanties suffisantes contre des intrusions.

Cybersurveillance

La Cnil vient de publier ses conclusions sur la cybersurveillance des salariés dans l'entreprises. Son rapport est téléchargeable (au format PDF).

La recherche en pratique

Puces à ADN

Le CNRS poursuit en 2001 son action intitulée "Puces à ADN", dotée cette année d'un budget de 7 MF. L' appel à propositions est ouvert uniquement aux équipes qui ne sont pas actuellement soutenues par le programme CNRS " Puces à ADN appel d'offres 2000 ". Les projets soumis peuvent réunir plusieurs équipes placées sous la coordination d'un chef de projet qui doit nécessairement appartenir à une structure CNRS (UPR, UMR, FRE, UPRESA).

Groupware

La lettre de la MTIC fait le point sur "Le groupware et l'open source", "des outils bien sympathiques". (29 mars 2001). Le dossier au format HTML

Les systèmes d'information du CNRS

Le numéro 2 (mars 2001) de la lettre des systèmes d'information du CNRS est paru. Au menu :
- XlabUniv, une passerelle entre les systèmes d'information Xlab (CNRS) et NABuCo (Université) ;
- Numélec, le nouveau système électronique de numérotation des actes internes du CNRS (décisions, circulaires...) ;
- Listes de diffusion, forums, sites web : des outils électroniques au service des communautés professionnelles ;
- Prochainement en ligne : un répertoire des emplois-types qui permettra de prendre connaissance des aires de mobilité professionnelle accessibles ;
- Community of Science : une visibilité internationale pour l'expertise scientifique du CNRS.

Théories et concepts

Plantes virtuelles

Spécialité du Cirad de Montpellier depuis des années, les plantes virtuelles vont connaître un nouveau printemps avec le projet Soleil, mené en partenariat avec l'Inria.

Langage naturel

Ce sera le thème du prochain numéro de TSI (3/2001, Editions Hermès), animé par Daniel Kayser et Bernard Levrat.

Géodépendance

Ce concept, né du développement des terminaux mobiles, commence à faire naître des produits spécifiques; C'est le cas de Phonevalley qui, selon son communiqué "choisit opt[e]way pour développer son offre de services géo-dépendants".

Applications typiques : planifier un voyage, calculer un itinéraire, rechercher des points d'intérêt (hôtels, restaurants, cinémas, stations services), proposer une assistance routage, répondre à des situations d'urgence (panne, localisation d'un service).

Rappelons qu'opt[e]way (graphie non conforme aux bons usages français, mais que ne doit pas faire une start-up pour attirer l'attention...), créée en 1998, est basée à Sophia Antipolis (Côte d'Azur) avec des bureaux à Paris et Redwood City (USA). La société emploie aujourd'hui 80 personnes.

Contact virtuel

Deutsche Telekom lance son service de Centre de Contact virtuel intégrant les solutions Genesys d'Alcatel. Il s'agit essentiellement de doter les centres d'appel de fonctions élaborées de routage. Le communiqué conclut : "Allez sur le site http://www.genesyslab.com pour plus d'informations.

L'imprécision... une vertu ?

En tous cas deux chercheurs de l'université de Milan ont développé un langage spécialement basé sur cette nouvelle forme de "fuzz". Il s'agit essentiellement de perfectionner les moteurs de recherche sur le web. Les auteurs, Daniel Montesi et Alberto Trombetta, ont publié leur travail dans le Journal of Virtual Languages and Computing, 2001/12.

Infométrie

Solaris et l'Adest font un appel à contribution pour le numéro 8 de la revue Solaris, sur le thème : Infométrie et nouvelle économie politique du savoir : état des lieux, comme l'indique l' appel publié sur le site de la revue.

Le point sur le télétravail

Le salon Net 2001 à la Cité des sciences et de l'industrie accueillait mercredi dernier une table ronde sur les enjeux économiques du télétravail. Autour de la table, Jean-Patrice Savereux, Directeur des infrastructures IBM France, Bruno de Beauregard, PDG de Mayetic et Pierre Lecocq, Président directeur général de Danel, sont venus raconter leurs différentes expériences, sous l'œil averti d'Alain Béréziat, Directeur du projet télétravail à la Direction de l'Innovation de France Télécom et modérateur du débat pour l'occasion.

"Oui, les technologies de l'information et de la communication modifient et offrent de nouvelles perspectives dans l'organisation du travail en entreprise" résume Erwan Luce, dont l'article figure dans DRH Actu du 30/03/2001. Dans ce même numéro : "La communauté des travailleurs en pantoufle"


Le livre de la semaine

La boite à outils de l'e-commerce

"Développement de sites-e-commerce", de Vivek Sharma et Rajiv Sharma (Campus Press) vous propose en 609 pages, mains au clavier, de faire le tour des outils de base de l'e-informaticien : HTML, servlets, JavaScript, SQL et JDBC et XML, sans oublier les cookies ni le CGI. Tout cela est présenté de manière simple, et pourrait donner envie, même aux non-informaticien (j'allais dire, (que Saint Isidore de Séville, saint patron des informaticiens, me pardonne) même aux chercheurs)) de mettre la main à la pâte.

Une fois les bases élémentaires en main, le livre décrit méthodiquement les grands volets des systèmes de gestion: inventaire, profils, commandes, livraisons, rapports sans oublier le commerce proprement dit. On n'oublie pas la vérification des cartes de crédit ni (hélas, c'est essentiel), la sécurité. De grosses annexes et un site de téléchargement pour tous les codes-source confirment la volonté d'aider à développer soi-même. Les anciens y retrouveront les charmes de l'informatique micro à ses débuts. A chaque génération, sa révolution !

Bouquins

A nos lecteurs travaillés par le virus historien et bouquiniste, signalons le site Bouquins.net qui leur permettra de rêver, voire de retrouver les manuels de programmtaion de leur enfance (ou de celle de leur papa ou papy).

Détente

Bush privé de mails

Selon le New-York Times, le président des Etats-Unis s'abstiendra d'envoyer des e-mails à ses collaborateurs. Ses conseillers lui ont en effet certifié que tout courrier électronique, même privé, "pourra être retenu contre" lui et faire l'objet d'une enquête judiciaire. George W. Bush se voit donc privé d'e-courriers, ce qu'il déplore dans son dernier mail envoyé à 42 de ses amis, trois jours avant de prêter serment.

C. D. © Internet Actu 26/3/2001

Le sexe du téléphone

Ce n'est pas une blague, mais le titre d'un ouvrage/numéro spécial de la revue Réseaux, animé par Louis Quéré et Zbigniew Smoreda, aux éditions Hermès. Avec un constat simple : les femmes téléphonent plus que les hommes - plus souvent, plus longtemps - et elles se servent du téléphone autrement que les hommes et pour faire autre chose. Les Stic ont-elles des explications à apporter ? Ou les neuro-sciences, peut-être.
L'équipe ASTI-HEBDO : Directeur de la publication : Malik Ghallab. Rédacteur en chef : Pierre Berger. Secrétaire général de la rédaction : François Louis Nicolet, Chefs de rubrique : Mireille Boris, Armand Berger. ASTI-HEBDO est diffusé par FTPresse.