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Pierre Berger. Mes mémoires

Ai-je été un bon futurologue ?

On lit trop souvent que "personne n'avait prévu Internet, ni le micro-ordinateur à domicile". C'est vrai dans le détail, parce que les détails de la technologie n'étaient pas prévisibles encore. Mais c'est faux dans l'orientation générale de la pensée de nombre d'observateurs lucides, Jules Verne et Robida au XIXe siècle, et nombre d'auteurs vers la fin des années 1930, par exemple Birkenhead, le conseiller scientifique de Churchill.

Je n'ai découvert ces textes qu'au cours des années 1990. Mais chez moi, un environnement familial favorable (voir le chapitre consacré aux machines de mon père et de ma mère) s'est très tôt combiné avec une imagination très active (trop, parfois), pour me laisser entrevoir les possibillités de l'avenir. Je revois ma mère, à Clamart, devant le téléphone noir à clavier rond qui datait d'avant-guerre, me parler du service SVP. Il a été créé, dans les années 1930, pour encourager l'utilisation du téléphone. C'était un service relativemnet coûteux, visant plus les entreprises que les particuliers. Il a apparement survécu à la monté d'Internet, puisqu'il est accessible sur le net ( http://www.svp.com/). Suivez mon regard...

Pour moi, tout au long de mon existence, les annonces de technologies sont venues confirmer mes prévisions plutôt que les surprendre. Mais parfois beaucoup plus tard que je ne l'avais pensé. Comme me l'a dit un jour ma collègue Sylvie Hériard-Dubreuil : "Pierre, tu as toujours deux trains d'avance. C'est un de trop". Deux exemples :

- Au début des années 1980, le réseau Arpanet existait déjà. Il était même accessible depuis la France sur le minitel. Je l'ai testé au domicile d'une amie de Marie-Thérèse, à Amiens, en échangeant des messages avec un informaticien installé aux Etats-Unis. J'en ai déduit, logiquement mais bien trop tôt, que le Fax n'avait aucun avenir, puisqu'il était bien plus rationnel d'envoyer les images en complément de messages. Exact... sauf que les débits des lignes et les performances des Minitels et autres apparels de prix accessibles étaient trop faibles, et ont donc ouvert un large marché aux télécopieurs pour une vingtaine d'années.

- A la même époque, la même erreur ma coûté cher, car j'ai cru qu'il était possible de rentabiliser un système d'information (dictionnaire plus informations quotidiennes), et j'ai donc créé Télémapresse... qui n'a vécu que le temps de manger son capital.

 

 

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Dès ces années 1960, je réfléchis sur le concept de "réseau général", une préfiguration d'Internet, avec moins d'images, une structure plus centralisée et n recours plus intense à l'intelligence artificielle (sur ce point, jusqu'aux années 1985, mes fictions ont toujours dépassé la réalité ; ensuite, je suis plus prudent !). J'y combine deux schémas ternaires :
- capteur/processeur/actionneur (automates finis, informatique (le mot date de 1962))
- voir/juger/agir (cadre de travail dans l'action catholique).

Dans les années 2000, quand je dis que je faisais déjà une telle anticipation quarante ans plus tôt, on ne me croit pas ou on me considère comme un visionnaire. Je n'avais pas tant de mérite que cela. Sans même parler de Jules Verne, à cette éoque, un Pierre Lhermitte, resonsable informatique d'EDF, lançait l'idée d'une IDF (Informatique de France) et un Auricoste proclamait que désormais, inforamtique et télécommunications ne formaient plus qu'un seul concept. Cela se concrétisera en 1978 avec le rapport Nora-Minc et son terme "télématique", annonciateur du minitel et qui aurait pu être la base d'Internet, mais... l'histoire s'est construite autrement.

Les réseaux se développent à proportion et, dans mon livre "Maintenant l'hypermonde", que j'achève (si l'on peut dire, car il est bien mal fini) vers 1989-90, je prévois la transition qu'opèreront les ménages en numérisant un jour toute leur documentation, films compris. Ce qui, dans mon cas, sera achevé une quinzaine d'années plus tard.