@SURTITRE:GESTION DES RESSOURCES

@TITRE:Dialoguer d'abord,

facturer ensuite

@CHAPO:Rien ne sert de facturer l'utilisateur s'il n'en comprend pas le langage. Une fois le dialogue instauré, reste à adapter l'outil aux évolutions actuelles de l'informatique. Difficile!

@TEXTE:"Les patrons de la DSI sont toujours sceptiques quand on commence à leur parler de facturation interne, en raison de sa lourdeur. Mais leur intérêt pour la question s'améliore beaucoup quand arrive le moment des négociations. Ils tendent même a devenir d'une imagination extraordinaire pour demander des présentations variées des coûts et des recettes". Avec ses phrases à l'emporte-pièce, mais toujours marquées au coin de l'expérience et du vécu de l'informatique au quotidien, Alain Roche, directeur de la production d'Essilor, aura fortement marqué la journée "facturation du service informatique" organisée fin février par le CMGF (Computer measurement group France).

Le climat de l'entreprise ne se prête pas nécessairement à une telle formalisation. A La Poste, par exemple, les directions utilisatrices ne se sont jamais vraiment intéressées aux facturations élaborées par l'informatique. Test décisif: "Nous avons volontairement arrêté d'envoyer les listings... personne n'a crié pour les réclamer", rappelle Gilbert Pariente, responsable Cellule études économiques.

Parfois, comme à La Redoute, les techniques classiques de facturation suffisent encore: il s'agit surtout de ventiler le coût des sites centraux, sur la base d'unités d'oeuvre éprouvées: la seconde de CPU et les volumes de stockage disques. Mais la facturation ne porte ses fruits qu'en obtenant l'adhésion des utilisateurs. "Il faut s'efforcer d'identifier les services qui ont une signification pour le client et qu'il peut accepter ou refuser à sa guise. On ne peut pas extrapoler les anciennes méthodes de facturation aux organisations décentralisées et continuer à vendre le temps de cuisson des plats", explique François Stehlin, de Framatome (responsable du centre informatique de Lyon). Le passage des unités d'oeuvre techniques au unités fonctionnelles exige de l'expérience, mais aussi de la créativité, illustrée notamment par Jean Corbel (directeur du développement de TS FM).

La facturation va donc de pair avec une attitude "commerciale", qui conduit l'informatique à se doter de "technico-commerciaux" ou de "chargés de clientèle". De fait, elle se trouve mise en concurrence avec les prestataires extérieurs, notamment les offreurs de FM. Au CIC-Paris, c'est même la demande d'externalisation d'une filiale qui conduit la DSI à formuler une proposition alternative. Et donc à se mettre en mesure de "vendre à prix de marché des prestations de qualité commerciale, à se mettre dans la même situation qu'un prestataire externe" raconte Olivier Rivaille, responsable logistique au département Production Informatique. Alain Roche confirme: il faut "se comporter en entrepreneur, réduire les dépenses, rechercher des marchés, négocier et agir, faire du marketing et de la recherche de clientèle".

Pour tous, l'arrivée des nouvelles technologies pose de nouveaux défis à la métrologie et à la construction de bons systèmes de facturation. Micro informatique, systèmes départementaux, mode client serveur, et demain l'Intranet (cités par Olivier Rivaille) posent des problèmes techniques difficiles. Le CMGF a du pain sur la planche. Il faut définir de nouvelles métriques, de nouvelles unités d'oeuvre, à la fois techniquement pertinentes et significatives pour les utilisateurs. Il faut aussi trouver le vocabulaire qui passe la rampe. Le mot "forfait", par exemple, entraîne des réactions de rejet, alors que le même type de contrat qualifié d'"abonnement" donne satisfaction. Les informaticiens vont devenir psychologues!@SIGNATURE:PIERRE BERGER

///////////////////////////////////////////:////sous-papier

@TITRE:Framatome: dialoguer en situation évolutive

@TEXTE:"Nous sommes en train de chercher notre voie. Je n'ai pas de certitudes", lance François Stehlin avant d'expliquer la stratégie de facturation du groupe Framatome, portant sur l'informatique scientifique (stations Unix et Cray) aussi bien que sur la gestion.

@INTER:Décentralisation et réactions de l'informatique

@TEXTE:Au fil des ans l'informatique se décentralise, et la facturation existante influe sur le comportement des utilisateurs comme de l'informatique. En scientifique, les utilisateurs se replient sur les stations Unix et se retirent progressivement du Cray. L'informatique contre-attaque et remplace le XMP par un J916 dix fois moins cher. En gestion, les utilisateurs se lancent à la recherche de solutions micros et font eux mêmes leurs développements. Il suffit d'un stagiaire "l'espace d'un été, pour bricoler une application". L'informatique réagit en remplaçant l'IBM 390 par un 9321 d'occasion et des disques moins chers. Elle passe en maintenance tierce et externalise le pupitrage. Enfin, pour la gestion de métier (informatique industrielle), les utilisateurs figent les nouveaux développements pour limiter les coûts. L'informatique externalise VM et se lance d'urgence dans une migration Unix.

@INTER:Adapter la facturation elle-même

@TEXTE:La facturation s'adapte à ces nouvelles conditions... mais sans donner complètement satisfaction aux utilisateurs. Le coût du réseau, en forte augmentation, est répercuté de plus en plus sur les postes de travail. Les ressources centrales (IBM et Cray) restent vendues à la seconde CPU, qui a baissé de façon spectaculaire. Cela fait plaisir aux clients... "mais c'est trop tard, ils n'en veulent plus".

Les nouvelles ressources Unix posent un problème: la seconde CPU n'est pas un indicateur pertinent. Peu représentatif de la structure de coût de l'atelier, il varie considérablement d'une machine à l'autre, et s'avère difficile à mesurer dans une organisation en client/serveur.

Les postes de travail ne peuvent plus se tarifer au coût moyen, car cela permet aux possesseurs de vieux micros amortis et peu puissants d'obtenir pour le même prix une machine neuve dernier cri. Il faut donc évoluer vers une facturation du poste à son prix de revient réel (mais quelle gestion!) ou au moins introduire des classes d'équipements.

Quelques orientations se dégagent. Dans la mesure du possible, éviter la facturation au compteur et privilégier les formules de type abonnement. Choisir des unités de mesure que le client peut comprendre et sur lesquelles il a une possibilité d'action. Ne pas hésiter à banaliser les ressources qui concourent à un même service et évaluer le coût de la fonction sollicitée plutôt que l'organe mis en oeuvre. Enfin et surtout "mettre en évidence le coût complet d'une fonction et le rapporter à un indicateur significatif dans le métier de l'utilisateur".

@INTER:Le pour et le contre

@TEXTE:Les formules trop élaborées courent deux risques: l'émiettement excessif des prestations (l'utilisateur ne s'y retrouve plus) et une répartition insuffisante des coûts globaux "Tout n'est pas optionnel et il faut bien faire payer le couvert".

Mais une bonne facturation a des avantages certains. Elle met en évidence la valeur ajoutée de l'informatique par rapport au métier de l'utilisateur. Elle démontre que l'informatique n'est pas aussi chère que le client ne le pendait. Elle permet de rebondir sur les bonnes questions et d'engager des actions d'amélioration ciblées dont on pourra mesurer les résultats.

////////////////////////////////////encadré

@ENCADRE TITRE:CIC: la DSI en route vers le professionnalisme

@ENCADRE TEXTE:Une des difficultés de la facturation interne, c'est qu'elle ne peut se contenter des principes élaborés par le contrôle de gestion. Ne serait-ce que par l'instabilité du coût des unités d'oeuvre et du taux d'activité. Il faut une nouvelle approche, qui réunisse l'ensemble des charges imputables, les répartisse par prestation et les valide par itérations successives.

Mise en concurrence, la DSI doit observer et connaître le marché. Et surtout les prix. (NDLR: ce qui peut conduire à des démarches proches de l'espionnage industriel). Il faut investir en métrologie et en tableaux de bord. Et mettre en place un nouveau métier, le technico-commercial.

Pour le client, le bilan de l'opération fait apparaître l'objectivation des besoins et des niveaux de services, d'où des possibilités nouvelles de prévision. La maîtrise des coûts de service responsabilise: "Notre premier client, à sa première facture, a identifié des gens qui semblaient avoir une forte consommation. Il s'agissait d'accès à l'infocentre. Deux mois plus tard, ils étaient réduits de moitié".

Pour l'informatique, la facturation oblige au professionnalisme, à la transparence, à la mise en place d'une métrologie fructueuse.

///////////////////////////////////////////////::///////encadré

@ENCADRE TITRE:Essilor : en avoir ou pas

@ENCADRE TEXTE:"Moins on en met dans les charges de structures, mieux on est vu par la direction générale". Bien sûr, il se s'agit que d'une raison secondaire, qui vient après la responsabilisation, la normalisation et la bonne gestion. Mais Alain Roche sait que les effets secondaires peuvent motiver tout autant que les grands principes. Et la facturation a le mérite de répartir les coûts informatiques dans les budgets des directions opérationnelles. Elle conduit aussi à "faire ce qui est accepté et pas plus": on lance un projet parce qu'on a trouvé un client, pas pour se faire plaisir.

Avec les années, la facturation change de dimension. Hier, une politique des coûts, aujourd'hui une politique de services. Et demain, une politique de retour sur services. "Là, on aura tout gagné", conclut Alain Roche, à qui vingt ans d'expérience n'ont rien fait perdre de sa créativité et de son optimisme. Sinon, d'ailleurs, mieux vaut ne pas faire de facturation du tout!