@DOMAINE:MODELISATION
@T RUB2:"Se concentrer sur l'essentiel"
@SOUS-TITRE:Jean-Pierre Barberis, directeur de la division Conseil et technologies, Industrie, administration, Sema Group.
@INTW QUESTION:La modélisation traditionnelle semble aujourd'hui bousculée par le succès des grands progiciels. Comment voyez-vous l'avenir de ces outils de stratégie et de management?
@INTW NOM:Pierre Barberis:
@TEXTE:Le produit, c'est de la théorie en boite. Tout un pan de l'activité des entreprises a été largement théorisé: gestion de production classique, gestion comptable et financière. Les modèles sont même enseignés dans les écoles. Leur partie la plus mécanique a pu se transformer en produits comme Baan, SAP, Oracle. Réciproquement, ces produits peuvent servir à enseigner la théorie.
Mais bien des domaines ne bénéficient pas encore de modèles. On enseigne la théorie de la banque, mais pas la théorie des processus bancaires. Qu'est-ce qu'un coeur de système d'information bancaire, par exemple? De nouveaux modèles se développent, concernant des champs nouveaux et s'enseignent dans les écoles de commerce (Harvard, Stanford). Des chercheurs font la théorie de la propagation du commerce électronique. L'orientation client vient nettement en tête des projets qui nous intéresse. Or, dans ce domaine, la théorie manque, les modèles n'ont donc pas pu être mis en boite.
En fait, les modèles matérialisés par les produits font sentir leur âge. Il y a un décalage de dix ans entre l'apparition du modèle et sa transcription des produits, avec les phases intermédiaires de généralisation théorique et de formalisation.
Or le monde des affaires d'aujourd'hui entre en rupture complète avec le passé: globalisation, nouvelles conceptions de la logistique, changement des canaux de distribution avec l'apparition du commerce électronique. Les technologies se généralisent de plus en plus vite. Pour atteindre 50 millions de consommateurs, il a fallu 100 ans à l'électricité, 25 ans à la télévision, 5 ans à Internet. Les modèles ont donc du mal à suivre.
En particulier, les grands modèles dits "d'entreprises" issus des réflexions menées dans les années 80-90 sont maintenant condamnés. On a voulu faire des modèles généraux de la banque, de l'industrie automobile... Les professionnels admettent mal qu'une équipe vienne de l'extérieur leur apprendre leur propre métier théorisé. "Si c'était vrai, cela se saurait".
Cela explique en partie les succès partiels des grands progiciels intégrés, difficiles à mettre en oeuvre. On entend dire qu'un tiers des projets n'aboutissent jamais, un tiers n'atteignent pas leurs objectifs, et un tiers seulement donnent satisfaction.
@INTW QUESTION:Peut-on échapper à ces lourdeurs ?
@INTW NOM:P.B. :
@TEXTE:Nous voulons suivre une voie vraiment nouvelle: s'attaquer aux nouvelles filières, aux nouveaux problèmes. Pour la chaîne logistique, par exemple, le développement de logiciels appropriés à une situation concrète ne s'accommode pas facilement des grands logiciels intégrés. L'effort nécessaire pour plaquer une théorie sur une organisation et faire évoluer les comportements s'avère considérable. Et si l'on veut appliquer le modèle dans sa totalité, l'échec est presque certain. En tous cas, les résultats ne sont pas à la hauteur de l'effort.
Nous voulons donc nous consacrer ("focus", diraient les Américains) sur les 10 ou 15% vraiment critiques. Sur les points qui ont une importance vitale pour le client. Soit parce qu'ils "font très mal à un instant t", soit qu'ils concernent vraiment leur positionnement sur leur marché, la valeur de leurs produits, soit qu'il exigent une transformation importante.
Par exemple, dans le texte, je pense au circuit court, au réapprovisionnement immédiat. Nombre d'entreprises ne sous-traitent plus en Asie du Sud-Est. Elle s'approvisionnent directement en Europe, font payer leurs stocks par les magasins de vente, et réassortissent pièce par pièce, ce qui implique une courte distance entre le magasin et le site de production.
@INTW NOM:Comment isoler les points critiques ?
@INTW NOM:P.B. :
@TEXTE:Pour mettre le doigt sur ces points critiques, nous devons disposer d'un modèle global (en l'occurrence, un modèle logistique) et d'un arbre de décision dont le parcours montre ce qui est important. Et finalement un outil d'analyse du modèle pour en extraire les sous-parties essentielles. Voilà ce que nous avons fait avec Iteor Business Practice in Logistics.
Pour construire cet arbre de décision, nous avons formé un groupe de travail européen et nous l'avons testé dans une trentaine de sociétés.
Cette démarche permet de réduire le modèle, de se concentrer sur le quart intéressant, et de montrer le type d'actions à lancer. On se concentre alors sur les parties les plus difficiles. Pendant les premières phases d'étude, de modélisation, il faut toujours un membre du groupe qui joue le rôle d'aiguillon, qui demande en permanence "à quoi ça sert".
Quant aux systèmes d'information en place, à l'héritage (legacy), cela peut coûter une fortune de les désosser complètement. Il peut être plus intéressant d'y ajouter simplement quelques modules et de faire les interfaces nécessaires. Ce n'est pas toujours possible.
Celui qui propose un modèle global fait penser à un médecin qui, avant de soigner votre grippe, commencerait par vous expliquer toute la théorie de la médecine. Cela risquerait de durer longtemps!
@INTW QUESTION:L'orientation objet survivra-t-elle à la montée des progiciels intégrés?
@INTW NOM:P.B.
@TEXTE:D'une manière générale, on va de plus en plus découper les modèles, pour permettre de se concentrer sur l'essentiel. Notre méthode Iteor soutient cette démarché. Nous avons écrit ses modules les plus généraux en HTML, pour les mettre à la disposition du public. Nous commercialiserons les modules complémentaires (par exemple l'Urbanisation). Et le travail conduit finalement vers la méthode orientée objet la plus récente, UML.
Nous investissons aussi sur quelques secteurs clés, comme la banque, et les exigences de changements importants liées à la banque directe. Les avantages décisifs viendront des nouveaux canaux de vente, les centres d'appel, etc. @CARRE BLANC
@T ENCA1:CINQ CATEGORIES DE PROJETS
@TEXTE ENCA:Actuellement, Sema s'intéresse prioritairement à cinq catégories de projets:
- orientation client (customer care, centres d'appel, entrepôt de données, commerce électronique),
- progiciels intégrés (là où les grands modèles sont pertinents),
- grands systèmes avec workflow (surtout dans l'administration et les grandes institutions sociales),
- infrastructure,
- exploitation.