@ST:BANQUE

INTERVIEW

Hervé Sitruk, Mansit

@INTW QUESTION:Il y a trois ans, vous vous inquiétiez du faible niveau d'investissement informatique dans les banques. Où en sommes-nous aujourd'hui ?

@TEXTE:Dans ce rapport au Conseil national du Crédit, nous exprimions quelques craintes, qui se confirment aujourd'hui. Par rapport à d'autres pays, nous observons toujours un écart sur les niveau d'investissement. Il s'explique en particulier par l'insuffisance de rentabilité des banques françaises, mais aussi par le maintien de certaines rigidités.

Notons que les banques ne bénéficient pas, aujourd'hui, du remboursement de TVA sur les investissements technologiques. Comme on peut estimer entre 25 et 40 milliards de F(selon qu'on intègre ou non l'ensemble des services) la dépense informatique des banques, les 20% de la TVA représentent entre 5 à 10 milliards de F de subventions fiscales. On comprend que la TVA et sa logique ne s'applique pas aux opérations bancaires proprement dites, mais pourquoi pas aux investissements technologiques?

Malgré tout, les banques ont baucoup fait pour rénover leurs architectures, et pour aller vers les systèmes ouverts... qui ne s'avèrent pas si ouverts que cela, et ne consttuent pas aujourd'hui un axe majeur d'évolution. Au contraire, les grands systèmes intégrés retrouvent un certain intérêt économique et font revivre la notion d'économie d'échelle. Les dirigants bancaires le savent bien, mais les utilisateurs ne le comprennent pas, et y voient une volonté de reconcentration de l'informatique au profit des informaticiens.

Aujourd'hui, l'effort est placé sur les dispositifs concurrentiels.

Une des spécificités de la banque française, c'est l'importance des dispositifs interbancaires. Ils sont utiles aux clients et ont sensiblemnet réduit certaines coûts, mais ils sont aussi un frein dans la compétition interntionale.

Il faut rechercher un équilibre entre interbancarité et compétition. Il reste à en trouver une formulation claire.

Par ailleurs, nous entrons dans l'ère de l'ouverture européenne (indépendamment des problèmes propres à l'Euro). Or l'Allemagne et l'Angleterre appliquent des stratégies différentes. En Allemagne, l'essentiel de l'investissement interbancaire est assuré par la banque centrale. Ce qui explique, par exemple, que moins de 5% des opérations de paiement passent par la carte.

Au Royaume Uni, il est à la charge des banques, qui ont restreint autant que possible leur niveau de concertation pour laisse le champ le plus large à la compétition. Aussi leur système de compensation (Bacs) est-il extrêmement viellot. Le coût d'une transactino atteint et dépasse 10 centimes euro, contre un centime euro en France. La carte à puce n'y est donc pas diffusée, même si les Britanniques considèrent qu'ils'agit d'un projet majeur... mais qui n'a pas encore trouvé son "opportunité économique".

Les banques ayant des moyens restreints, imposent donc trois impératifs à leurs directions informatiques:

1. mettre le maximum d'effort dans la logique de compétition

2. répondre aux besoins des différents métiers plutôt qu'aux exigences de l'architecture

3. comprimer les coûts. En pratique, la pression porte tout particulièrement sur les télécommunications, à un moment où le développement de nouvelles applications transactionnelles, l'emploi croissant des applications existantes et le recours généralisé au temps réel augmentent considérablement les consommations. Sur ce point aussi, les banques françaises sont défavorisées, et font pression sur leur responsable télécom pour qu'elles fassent appel à la concurrence ou parviennent à obtenir des rabais importants de l'opérateur principal.

Le deuxième poste de coûts, les ressources humaines, reste incompressible, et continue même à augmenter.

Pour le logiciel, les banques cherchent des solutions de plus en plus standard. Mais on voit bien, avec l'exemple d'Exa, marqué par l'empreinte du Crédit Agricole, que le développement de progiciels appellerait une certaine indépendance entre les fournisseurs et les banques.

Il y a une demande de progiciels de caractère international et surtout européen, car la logique du vieux continent diffère fondamentalement de la logique américaine. Les Américains souhaitent diffuser leurs solutions et leurs méthodes, mais l'Europe entend défendre sa manière de travailler et d'organiser le métier. Cela aggrave les coûts et rend difficile l'intégration au niveau mondial.

L'Europe entend maintenir le banquier au centre de la chaîne de valeur ajoutée et l'informatique y joue un rôle majeur. De nouveaux acteurs ("non bank banks") apparaissent. Les opérateurs de cartes (Visa, Mastercard), pour l'instant, ////// Mais le danger majeur vient de firmes comme Microsoft, qui apparaissent comme des prédateurs. Au point que le projet Integrion d'iBM est plutôt situé du côté bancaire, tout en laissant ayant pour acteur principal un opérateur technologique, le constructeur.

Il y a aujourd'hui un besoin très fort de relance de l'investissement technologique. Il est indispensable que les pouvoirs publics le soutiennent, et ils pourraient le faire par la logique de la TVA.

@INTERVIEW QUESTION:La banque française est-elle en retard sur ses concurrents étrangers ?

@TEXTE:Distinguons trois domaines. Pour l'informatique de production, d'abord, je n'ai pas le sentiment d'un retard. Il y a un besoin de rénovation, il y a des banques qui peinent et n'arrivent pas à suivre. Mais l'investissement technologique ne joue pas vraiment comme facteur de décision car, comme disent les Anglais :"les clients français sont gentils avec leur banque". Cependant, le besoin d'investissement accroît le besoi de fusions et de rapprochements au plan informatique. Un certain nombre de structures mutualistes ou régionales, par exemple, accélèrent le rytème de leurs fusions.

Pour l'informatique d'agences, les dispositifs en place sont corrects. On s'interroge plutôt sur le trop grand nombre d'agences, qui coûtent cher aux banques, ici encore sans se traduire par une différenciation forte dans les clientèles. D'importants projets, comme celui de la Société Générale, traduisent une volonté d'évolution vers une nouvelle logique appuyée sur une réflexion en profondeur sur les mutaions qu'Internet implique pour le système informatique des agences. La vision existee. Mais la mise en oeuvr prendra beaucoup de temps, car elle exige des ressources, même si elle promet des économies à terme.

C'est sur la banquer électronique et vocale que la France semble en retard, avec son minitel qui semble archaïque... surtout dans le discours des Américains. Le retard est réel pour les technologies mises en oeuvre. En revanche, en termes de services réellement offerts, il y a peu d'équivalents au niveaun international de ce dont dispose le client français. Toutes les banques, ou presque, offfrent des prestations télématiques. Ailleurs, celui qui lance une expérience pilote passe pour un grand innovateur, alors qu'il passerait inaperçu en France.

Des technologies comme le paiement à distance, la monnaie virtuelle ou le porte-monnaie électronique se développent peu chez nous. Pour une raison simple: il n'y a pas de marché. Au plan international, la plupart des projets ne sont pas directement rentables, mais visent à mettre en place des solutions carte à microprocesseurs, opérationnelles en France.

La banque vocale est particulièrement en retard chez nous, tant par le nombre de dispositifs en place que par le volume des appels par la clientèle. Les expériences de l'Allemagne et du Royaume Uni montrent que les meilleurs résultats s'obtiennent en la concevant comme complémentaire du réseau d'agences.

En France, les utilisateurs ne sont pas habitués à la facturation des services bancaires, très coûteux aux Etats-Unis, en Allemagne, en Grande-Bretagne. Les commerçants français paient une commision de 0,6 à 0,8% sur les paiements par carte bancaire, contre 1,8%, 2,4 et même 3% dans le reste de l'europe. En Italie, les particulier paient à la ligne d'écriture sur leur relevé tout supportant comme chez nous des dates de valeur. Ces prix absorbent aussi bien le prix de la fraude que les investissements de développement. Chez nous, la blocage de la tarification bloque de nombreux projets, comme l'image chèque.

A cela s'ajoute, au Royaume Uni par exemple, une rationalisation sociale que nous n'accepterions pas chez nous, il faut être clair.

Entre le moèle anglo-saxon et le modèle français, il y a peut-être une juste voie à trouver.