@SURTITRE:JEAN-NOEL SORRET, DIRECTEUR CENTRAL DU MATERIEL DE L'ARMEE DE TERRE

@TITRE:"Gérer des flux et non plus des stocks"

@CHAPO:Le passage aux systèmes ouverts et aux standards du marché doit permettre à l'arme du matériel une adaptation permanente aux crises nouvelles comme à la coopération inter-armées et inter-alliée. Sous l'autorité du général de division Jean-Noël Sorret, et du colonel Jean-Paul Hamon, directeur du projet, la transition vers Unix entre actuellement en phase opérationnelle.

@INTERVIEW QUESTION:Pourquoi engager aujourd'hui les frais d'une refonte informatique alors que les budgets de la Défense doivent respecter des contraintes de plus en plus serrées?

@INTERVIEW REPONSE:Jean-Noël Sorret. La première raison, impérative, vient de l'apparition de nouveaux systèmes d'armes, dont la complexité exige un "soutien logistique intégré" et un retour permanent d'expérience vers les industriels. Déja, il y a quelques années, le système de communications Rita nous avait obligé à mettre en place une application spécifique. Il faut aujourd'hui se donner la capacité de gérer des chars Leclerc, des hélicoptères de combat ou de missiles évolués comme le CL289. Aux données de gestion classiques s'ajoute aujourd'hui la documentation, qui doit se conformer aux normes internationales à commencer par les standards Cals (Computer aided acquisition and logistic support) imposés par le ministère américain de la Défense et activement soutenus par la France.

Ensuite, le Simat (système d'information de la maintenance de l'armée de terre) doit s'adapter aux crises nouvelles, et à la nécessaire "continuité paix-crise-guerre, grâce à trois caractéristiques: projetabilité sur tous théâtres, modularité pour adapter avec rigueur les moyens de maintenance aux forces projetées, interopérabilité avec les autres armées (aviation, marine) et avec les autres pays, comme le montrent nos interventions actuelles en ex-Yougoslavie. Nous devons y coopérer aujourd'hui même avec les Russes, puisqu'ils sont à Sarajevo. Aucune intégration n'est possible dans l'immédiat. Mais nous souhaitons mettre en place des structures appropriées au sein de l'ONU.

Enfin, la maintenance coûte cher, il faut savoir ce qu'elle coûte. Pas seulement de manière globale, mais au niveau de telle action déterminée ou de tel type de système d'arme. La maintenance doit participer à la maîtrise du coût global de possession des matériels. Elle doit permettre un contrôle de gestion global et cohérent pour l'ensemble des prestations.

@INTERVIEW QUESTION:Comment traduisez-vous ces exigences dans votre nouveau système d'information?

@INTERVIEW REPONSE:J.-N.S. Le Simat tiendra compte des toutes dernières technologies an matière d'unités centrales, de réseaux et de bases de données, tout en communiquant avec les différents systèmes d'information précédemment développés au sein de l'armée de terre. Il pourra par exemple alimenter périodiquement, ou en temps réel, le tableau de bord du Cemat (chef d'état-major) et du ministre de la Défense (NDLR:système décrit dans LMI du 8/2/93).

Son architecture prend en compte tous les niveaux hiérarchiques impliqués dans la maintenance, de l'état-major au corps de troupe, en privilégiant l'opérationnel. Il automatise les tâches d'exécution sans valeur ajoutée. Il fournit des outils de proposition de scénarios pour les décision de gestion, et des outils de simulation pour le pilotage global à moyen terme.

@INTERVIEW QUESTION:Comment se fait la transition avec le système actuel

@INTERVIEW REPONSE:J.-N.S. J'ai choisi de ne pas tout installer en même temps, mais par morceaux, car il s'agit de rénover le système d'information dans la continuité. Pour ne pas démotiver les utilisateurs, du fait de la durée des développements, j'ai fait développer un module avant les autres, de manière à pouvoir mettre rapidement en place une des applications. Les matériels se déploient actuellement et jusqu'à la fin de l'année, et ils seront opérationnels au 1er janvier 1995 avec le module de gestion des munitions.

Pour les autres applications, comme nous installons les nouveaux matériels avant leur re-conception, il nous a fallu les convertir, alors qu'elles étaient écrites en Lem, langage propriétaire de la Sfena. L'opération nous a permis de les homogénéiser et de faire un tri parmi leurs fonctionnalités. Surtout, ce mode de transition nous permet d'apprendre aux utilisateurs à se servir des nouveaux matériels et de la base de données Ingres. Le changement sera donc progressif.

@INTERVIEW QUESTION:De quels moyens disposez-vous pour ces développements

@INTERVIEW REPONSE:J.-N.S. . Le schéma directeur informatique a bénéficié de l'aide de la Cegos, au début des années 90. La conception du système s'appuie d'abord sur une équipe d'assistance à à la maîtrise d'ouvrage (4 intervenants, 25 personnes du Simat), avec Sema Group comme maître d'oeuvre (25 personnes, budget de 20 millions de F).

La réalisation du module de gestion des munitions se déroule actuellement, avec la CGI (une quarantaine de personnes en tout). Enfin, la production des autres modules du Simat, le marché sera passé cette année, pour un budget de 80 à 120 millions de F. Elle s'appuie sur les outils SQL d'Ingres, avec du langage C, notamment pour les interfaces avec le référentiel sous GCos8, géré par le SCTI (Service central de traitement de l'information).

@INTERVIEW QUESTION:La maintenance exige une quantité croissante de documentation. Comment sera-t-elle prise en compte dans votre système?

@INTERVIEW REPONSE:J.-N.S. Au moins sur une partie des matériels, on devra trouver des écrans graphiques et des logiciels de documentique. Dans une station de travail pour régiment (de chars) Leclerc, il faudra pouvoir gérer la documentation, considérable, de ce blindé. Il faut étudier la possibilité de transmettre, ou au moins de mettre à jour cette documentation par transmission de données. Car, quand on projette des matériels complexes sur un site d'intervention aussi éloigné que la Somalie ou le Cambodge, il doit y rester opérationnel plusieurs mois voire plusieurs années.

@INTERVIEW QUESTION:Personnellement, comment définissez-vous vos relations avec l'informatique

@INTERVIEW REPONSE:J.-N.S. Elle ne me passionne pas particulièrement, bien que je sois un peu informaticien au départ: j'ai travaillé sur IBM 1130 (un ancêtre de la mini-informatique) dans les années 70. Mais, pour ce qui concerne le Simat, je me suis surtout efforcé de ne pas descendre dans l'arène technique. Mon rôle est de veiller à la cohérence du système, d'en faire vraiment le système d'information de la maintenance de l'armée française, prenant ses racines à la DGA et s'étendant jusqu'aux régiments. Et de suivre tous les aspects financiers et contractuels des relations avec nos partenaires industriels.

@SIGNATURE:Propos recueillis par Pierre Berger.

@LEGENDE PHOTOS:Jean-Noël Sorret:"Pour les systèmes d'armes complexes, il faut savoir faire l'interface avec les industriels et la DGA"