Machines à calculer

in Nouveau Larousse illustré, vers 1900, publié sous la direction de Claude Augé, à l'article Machine.

La première machine à calculer fut inventée par Pascal : il avait dix-neuf ans. Dans un article de l'Encyclopédie, Diderot décrit cette machine, dont on peut voir quelques exemplaires au Conservatoire des arts et métiers ; malgré les efforts des plus grands géomètres, de Leibniz et de d'Alembert, la machine à calculer de Pascal n'a jamais pu réaliser qu'un compteur faisant des additions et des soustractions.

En 1673, Leibniz a présenté à la Société royale de Londres le plan d'une machine qui devait servir à effectuer les quatre règles de l'arithmétique. La machine de Pascal a été successivement modifiée par Lépine en 1725, par Hillerin de Boistisssendeau en 1730. Dans toutes ces machines, les frottements sont tellement considérables qu'elles ne peuvent fonctionner régulièrement. La solution rigoureuse du problème des machines à calculer, solution dynamique, a été donnée par le docteur Roth, qui a laissé à sa mort, en décembre 1886, une quinzaine de modèles de ses machines, complètes ou inachevées, pour lesquelles il a dépensé plus de cinq cent mille francs. Ces modèles sont aujourd'hui déposés au Conservatoire des arts et métiers.

C'est à un autre français, Thomas (de Colmar) que l'on doit, en 1820, le modèle d'une machine appelée arithmomètre, permettant d'effectuer rapidement les quatre opérations. Cette machine, dont chacun des mécanismes auxiliaires est un chef d'oeuvre de patience et d'efforts, a été perfectionnée par le fils et le petit-fils de l'inventeur. Le général Sebert l'a décrite dans le "Bulletin de la société d'encouragement pour l'industrie nationale" (1878).

Toute machine arithmétique contient quatre organes fondamentaux : le générateur, qui correspond à l'inscription des nombres sur lesquels on opère ; le reproducteur, qui effectue l'opération ; le renverseur, qui permet d'exécuter la soustraction au lieu de l'addition et la division au lieu de la multiplication, et enfin l'effaceur, qui joue le rôle de l'éponge sur le tableau : il fait disparaître les résultats en ramenant tous les chiffres à leur position initiale.

Dans l'appareil de Thomas, chaque tour de manivelle produit successivement les termes d'une progression arithmétique ; une disposition spéciale effectue le recul des produits partiels. On peut dire que cette machine matérialise l'opération de la multiplication, telle qu'on la pratique habituellement.

Maurel et Jayet ont présenté à l'Académie des sciences, en 1849, une machine qui donne les 4 opérations, comme l'arithmomètre de Thomas : elle opère plus rapidement, mais sa construction est plus compliquée.

Un anglais, Charles Babbage, entreprit en 1828 un calculateur universel devant donner et écrire les termes successifs des progressions arithmétiques de divers ordres. La première partie seule fut achevée en 1833 ; l'inventeur se ruina, et mourut avant d'avoir achevé son oeuvre.

George Schutz, de Stockholm, et son fils Edouard, réalisèrent le rêve de Babbage. Ils ont construit une machine exposée à Paris en 1855, et admirée par Babbage lui-même.

Un savant russe, Tchebichef, a réalisé en 1882 une machine dont les mouvements sont plus continus et plus uniformes que dans les machines précédentes. La partie principale, le reproducteur, donne une seconde solution rigoureuse, solution cinématique, du problème de l'addition. L'explication en a paru dans la "Revue scientifique" (23 septembre 1882).

Henri Genaille a imaginé une disposition qui constitue une solution graphique de l'addition des retenues des produits élémentaires dans la formation d'un produit partiel. Ses "réglettes multiplicatrices", construites en collaboration avec Lucas, fournissent par simple lecture le produit d'un nombre quelconque par un nombre d'un chiffre.

Citons encore la machine de Léon Bollée, du Mans (Exp. univ. de Paris, 1889), qui donne tous les produits d'un nombre par un chiffre quelconque.

Signalons enfin l'arithmographe Troncet, invention beaucoup plus simple, au moyen duquel les quatre opérations sont faites avec rapidité.

Ces machines, que nous venons de passer en revue, fournissent mécaniquement les résultats d'opérations arithmétiques ; on pourrait les appeler "machines à calculer arithmétiques", pour les distinguer des machines à calculer algébriques, dont le but est de calculer mathématiquement les inconnues d'une formule algébrique. A chaque formule correspond une machine.

Trouver une pareille machine, c'est construire mécaniquement la formule qu'elle permet de calculer. L. Torrès, dans un mémoire présenté à l'Académie des sciences de Paris (2/4/1900), "a donné une solution théorique, générale et complète des problèmes de la construction des relations algébriques et transcendantes par des machines" (Rapport d'Appel). Il a présenté à l'Association française pour l'avancement des sciences (session de Bordeaux), une machine qui calcule, avec une erreur relative moindre de 0,01, la racine de certaines équations trinômes.