6/12/1989 Exposé de Monique Linard (Linguistique)
Laboratoire des sciences de l'éducation (Université Paris X-Nanterre)

Qu'a à voir l'informatique avec les sciences de la cognition ?

ML établit un parallèle entre la linguistique et l'informatique par leurs concepts communs : la connaissance, la représentation, l'information, et leurs problèmes communs

L'analyse sémantique du concept de "traitement de l'information" tel qu'il est utilisé en informatique montre qu'il ne retient qu'une toute petite partie des sens que ces mots ont dans le langage courant. De même, en linguistique, Saussure a élaboré sa théorie du signe en élaguant l'acte de parole. L'histoire de la linguistique se traduit par une prise en compte progressive d'éléments exclus au départ. Le renouveau apporté par Chomsky avec sa logique propositionnelle a ouvert le champ scientifique de la linguistique, pourtant la grammaire générative du langage applique à la traduction automatique a fait "flop" par l'absence de la sémantique. C'est à partir de cet échec que se développent actuellement les modèles sémantiques (cf. la grammaire narrative, en réseau, organisée en scénarios : cf. Hagège qui propose de prendre en compte l'acte de parole).

L'IA a suivi le même chemin, contrainte de réintégrer, après les échecs dont parle Dreyfus, les dimensions éliminées. IA et linguistique fonctionnent sur la même notion, avec les mêmes conflits. Dans les deux cas, le problème du sens est posé (cf. la fable de la chambre chinoise de Searle). or si la syntaxe est un système fermé, la sémantique est un réseau ouvert, illimité. L'IA a besoin de la linguistique et de la psychologie, auxquelles elle peut aussi beaucoup apporter.

Le problème fondamental est celui de la séparabilité du représenté et de sa représentation, du sens et de la forme : il est commun aux trois sciences. Certaines expériences montrent qu'on ne peut dissocier la représentation de l'état psychologique. L'hypothèse de l'inconscient est irréductible à une perspective positiviste.

Si l'information n'existe pas en soi, mais résulte d'une interaction, il n'y a plus de réel, seulement des processus. Il n'y a plus de science du réel. La psychologie apporte une dimension génétique de ces problèmes : on entre alors dans un système de circularité inacceptable pour beaucoup. L'informatique a contribué à montrer la puissance et les limites de l'hypothèse de la réalité. "Le réel est calculable" n'est en fin de compte qu'un postulat métaphysique.

Compte-rendu rédigé par C. Hoffsaes