13/06/1991 Exposé de Didier Vaudène (informatique)

Laboratoire informatique théorique et programmation (Université Paris VIII)

Tous les traitements d'information (TI) sont-ils réductibles à du calculable ?

et partant, aux théories de la calculabilité (CLC) ? On l'admet actuellement comme une évidence

Cf. l'argument du rasoir Ockam : si TI est réductible à CLC, l'un des deux termes est éliminable. Ne pas appliquer cet argument, c'est supposer l'existence d'au moins un cas de TI qui ne relève pas de CLC ou l'inverse. Actuellement, on ne sait pas récuser l'évidence de la réductibilité de TI à CLC.

La problématique des niveaux nous donne intuitivement à penser que TI n'est pas réductible à CLC. L'usage de la notion de niveau (discret) se développe dans beaucoup de disciplines, mais demeure sans fondement théorique, bien que usage s'avère opératoire. S'il y a des niveaux, il y a des changements de niveaux, donc des transitions entre niveaux. D'où la question : une transition entre niveaux (discrets) est-elle (toujours) réductible à une transition entre états (discrets), donc à la CLC. Or les CLC sont construites sur le fini mathématique, lequel est supposé irréductible, donc sans niveaux, de sorte que les transitions entre niveaux ne sont pas réductibles à CLC.

Le problème initial se décompose donc en deux questions :
. Q1 : tout TI est-il réductible à un traitement automatique d'information ?
.Q2. : tout TI est-il réductible à CLC ? Cette seconde question cache en fait une double question, car toutes les CLC ne conçoivent le calcul que comme des rapports entre écritures :
- Q2' : tout TI est-il réductible à un rapport entre écriture ?
- Q2'' : tout rapport entre écritures relève-t-il de CLC ?

La question Q2'' et une question pivot, car c'est la seule qui permet d'envisager, d'un point de vue théorique, la non-réductibilité de TI à CLC.

La question Q2'' interfère avec les évidences concernant la position normative actuelle de l'écriture, en particulier le postulat implicite de l'homogénéité entre écritures (PstHmg), admis comme une évidence, que DV énonce ainsi : "Il est impossible de trouver deux écriture, strictement bornées de toutes parts dans le fini, telles qu'il soit impossible de trouver une procédure formelle effective admettant l'une comme donnée et l'autre comme résultat"". En effet, il suffit de composer un algorithme de Markov comportant une seule règle de réécriture, dont l'une des écritures est la partie gauche et l'autre la partie droite.

Il est donc impossible de réfuter PstHmg au moyen d'un contre-exemple. Or, puisque toute articulation entre les mathématiques et la "réalité" passe par des rapports entre écriture (mesures, modèles effectifs...) les transitions entre niveaux ne sont formellement et théoriquement accessibles que préalablement recueillies comme des rapports entre écriture, au même titre que les transitions entre états. Donc, par PstHmg, tous ces rapports entre écritures relèvent de CLC.

Par conséquent, si la référence à des transitions de niveaux est théoriquement fondée, ces transitions ne sont pas réductibles à des transitions d'états. Mais puisque toutes ces transitions viennent s'écraser dans les raports entre écritures soumises à PstHmg, distinguer transitions d'états et transitions de niveaux, c'est récuser PstHmg en dépit de l'impossibilité de lui opposer un contre-exemple. Récuser PsgHmb, c'set affirmer que tous les rapports entre écitures, même strictement bornées.. ne sont pas "les mêmes", bien qu'il soit impossible d'avérer leur différence par un procédé formel ; c'est aussi poser l'hypothèse qu'il y a des différences indécelables entre des écritures qui coïncident pourtant formellement, ce qui entre en conflit avec les postulats et les évidences qui régissent la formalisation logique et mathématique.

Faire référence à des changements de niveaux, c'est faire référence à quelque chose qui ne relève pas de l'opposition entre ce qui est calculable et ce qui ne l'est pas au sens de CLC. L'IA vient se heurter à ce problème, mais ce problème ne lui est pas spécifique car il concerne divers postulats fondamentaux du discours scientifique actuel.

La discussion fait apparaître que les théories scientifiques ne sont pas exemptes de contradictions, et que celles ci sont liées au devenir des sciences. A cet égard, l'informatique et l'IA figurent parmi les disciplines où se manifestent certaines problématiques fondamentales assurant l'articulation des théories scientifiques.

Compte-rendu rédigé par D. Vaudène