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6. Danger moral

"Le culte de la raison n'a pas été seulement un produit, mais une cause de la Terreur... La scolastique était une arme à deux tranchants. Passée entre les mains des laïques, un jour vint où elle s'appela le rationalisme et blessa ceux qui l'avaient imprudemment forgée.

"Détruire l'illusion au nom de la raison, c'est peut-être se rapprocher de la vérité, mais c'est assurément supprimer la paix" [De Launay]

"L'esprit artistique tend à disparaître de la terre devant une mentalité d'ingénieurs et de commerçants, comme l'esprit poétique devant le prosaïsme des intérêts vulgaires" [De Launay]

Duhamel, selon Olivier Maisani (voir biblio)

La civilisation contemporaine risque de perdre son équilibre menacé par deux dangers : la machine, l'étatisme... La machine, " délégation de puissance ", qui utilise, en vue d'une tâche déterminée, l'énergie retirée à un produit naturel, altère la vie de l'âme qu'elle corrompt au profit de l'automatique... La machine tue l'esprit : par elle, l'image et le bruit suspendent la réflexion. La presse... propage " l'esprit primaire le plus agressif et le plus malfiasant "....

Il ne s'agit pas de renier le progrès, de répudier la machine; mais il faut retrouver le sens de la responsabilité, de l'humain, et le goût de la vie intérieure... pour cette oeuvre le livre étant le seul instrument efficace, car il autorise l'arrêt prolongé sur la page...

6.1. Déshumanisation/taylorisme

"En face du travailleur, deux attitudes sont possible: l'une ne le considère que comme une sorte de machine charnelle, accessoire et servante de la machine de métal, et n'estime en lui que le rendement. L'autre respecte en lui la valeur réactrice l'homme..." Daniel Rops, note liminaire à [Dautry]

Paul Valéry, dans préface à [Dautry]

"Combien de métiers se réduisent à un automatisme, et lui sacrifient peu à peu ce qu'il y a dans l'homme de plus précieux... le langage a utilisé ce mot dans des locutions dont l'une en relève le sens: métier de roi; l'autre le réduit à désigner une machine: métier à tisser.

"Mais, quand la machine est humaine, elle se défend quelquefois, et quelque temps, contre l'abêtissement de la tâche identique et périodique...

"Je crains bien que la transformation moderne des moyens de produire n'ait, jusqu'ici, accru la part de l'automatisme...

"... la machine a conquis plus d'emplois, au point de faire, en quelque sorte, reculer l'ouvrier devant elle

"Le développement d'entreprises immenses et d'une complexité extrême entraîne nécessairement une diminution réciproque de la personnalité des hommes qu'elles emploient, jusqu'aux environs du sommet. Au sommet, l'initiative, l'invention, le vouloir, se concentrent: en ce point, le travail redevient oeuvre.

"Ce qu'on nomme aujourd'hui dictature revient à un essai de traiter la fabrication continue de "l'ordre social" selon le modèle qui s'est imposé aux vastes exploitations et sociétés de production dont je parlais. Tous ces mécanismes exigent une précision extrême et une surveillance permanente des écarts individuels. Quelles que soient leurs différences nominales et idéales, ils ne peuvent exister que par une simplification des individus qui permette de les orienter identiquement dans le champ des forces de l'Etat; et il importe que cette modification agisse jusque dans la profondeur affective et intellectuelle de chacun d'eux. Il faut donc que les sentiments, les idées, les impulsions soient oivrés, comme tout usins, à la consommation des esprits et à la nutrition des âmes, par un être central. Le "psychisme supérieur" et la plénitude des puissances de l'action sont réservés à celui-ci. Il est l'unique homme complet de sa nation, et donc, dans notre temps, une manière de demi-dieu. Parfois, il manifeste par un acte symbolique qu'il assume en sa personne les principes de tous les métiers, prend la pioche, ensemence, pointe un canon, conduit une machine, paraît aussi en prince des athlètes... (NDLR: rejoint un peu Sismondi)

"Les avantages, les bienfaits, les vices, les dangers de ces régimes sont évidents: il suffit de se rendre sensible à tel ou tel autre aspect de ce que l'on observe pour admirer ou abhorrer passionnément..."

"Le Français ne réussit vraiment très bien que lorsque l'idée jaillit d'un cerveau unique... l'esprit d'équipe qui fait leur force (aux Américains)

"... La conscience... d'un métier que l'on exerce enrichit l'être entier par la présence d'un modèle d'action, de coordination et d'accomplissements vérifiables...

6.2. Le chômage. Constat et causes

"Trente millions de chômeurs dans nous offrent aujourd'hui le spectacle paradoxal de la mise dans l'abondance et soulignent la cruauté qui résulte du désordre de nos systèmes économiques" [Dautry]

"... une fonctionnaire dont la principale occupation paraissait être d'apposer un timbre humide dans une case de la carte de chômage." [Roubaud]

"Le chômage grandit et la misère gagne en profondeur. la misère dans l'abondance" [Duboin 35]

"Quand des hommes manquent du nécessaire devant des machines qui font, en une heure, le travail qui demandait huit jours il y a cinquante ans.." [Dautry]

"L'on peut concevoir un temps où le rôle de l'ouvrier se bornera presque à surveiller des mécaniques comme, dans certains pays exotiques, les blancs se bornent déjà à contrôler le labeur des nègres" [De Launay)

"Le fait nouveau s'est produit en 1917, mais es conséquences n'ont apparu que douze années plus tard, en 1929. On peut le décrire ainsi: les perfectionnements continues de l'outillage industriel et agricole, conjugués avec l'emploi de plus en plus massif des énergies capturées dans la nature (houille, pétrole, chutes d'eau) font croître la production de toutes les choses utiles aux hommes jusqu'à un point où celle-ci peut augmenter en même temps que le chômage".

"Pour tout observateur impartial, il est incontestable que c'est le chômage des hommes dont le travail était devenu inutile qui provoqua la crise américaine, et non pas la crise qui provoqua le chômage" [Duboin 35]

Henri Comte de Paris. "Machinisme et chômage"

La "machine" ne travaille-t-elle pas contre l'homme au lieu de travailler pour lui? N'en fait-elle pas un esclave, un chômeur, au lieu de le libérer? Quelle set sa part de responsabilité dans la crise actuelle.

L'appareil économique qui comprend machines, capitaux, travailleurs, produit, transforme, échange des choses et des services.

Cet appareil fonctionne pour satisfaire les besoins d'un certain milieu.

L'histoire traduit deux tendances successives et contraintes. Du XIIe au XXe siècle, ce milieu s'est étendu des cadres du canton, au monde entier; depuis quarante ans, il s'est amenuisé et il est revenu aux limites de la nation.

On ne peut donc envisager en soi l'évolution du machinisme, élément de l'appareil économique; il faut élargir le débat et considérer l'évolution économique dans son ensemble. Les phases du machinisme ont varié depuis le XVIIIe siècle.

Certes, la roue est une machine puisqu'elle diminue l'effort à fournir par l'homme mais en fait, le machinisme date de l'utilisation de la force de la vapeur, car déjà des machines aidaient l'homme dans le textile par exemple, mais la force leur étant fournie par le courant des rivières, leu usage était limité et leur rendement restreint.

A parler exactement, ce n'est pas le machinisme qui a apporte bien-être et bonheur matériel apparent aux masses; ce fut la captation des forces inépuisables de la houille, puis, plus tard, de la houille blanche, qui, multipliant le potentiel producteur de l'humanité, permit de créer et de satisfaire des multiples besoins nouveaux: des appareils ménagers électriques aux transports rapides, de la viande à tous les repas à l'appareil de TSF, du cinéma hebdomadaire au week end à la campagne.

Notons que les besoins humains se classent en deux catégories: les besoins alimentaires quantitativement limités et les autres besoins pratiquement infinis.

La machine fut mal accueillie parce qu'elle évinçait dès sa mise en service une main d'oeuvre de placement immédiat difficile. La durée de rééducation professionnelle des ouvriers désaxés créait un chômage endémique qui justifiait en apparence leurs revendications, mais au fond la thèse de l'économie classique, d'après laquelle la machine, lin de provoquer le chômage, créer de la main-d'oeuvre, se vérifiât pendant tout le XIXe siècle.

Pourquoi les faits vérifièrent-ils cette thèse pendant cent ans pour la démentir ensuite pendant vingt-cinq ans?

Parce que trois ou quatre pays dans le monde furent d'abord les seuls à s'industrialiser. L'appareil économique concentré en Franc, e Angleterre, en Allemagne, disposait alors des débouchés et des ressources du monde entier; les besoins nationaux qu'il satisfaisait ne représentaient qu'une faible partie de sa capacité de production - pratiquent trois ou quatre nations possédaient le monde.

Ce n'est pas les besoins à satisfaire qui dirigent la pensée des entrepreneurs, mais le désir d'utiliser au maximum le rendement de la machine. Les salaires, ayant une tendance naturelle à croître, il fallait, pour abaisser le prix de revient, réduire la part d'amortissement supportée par chaque unité produite. D'où la nécessité de faire travailler sans cesse la machine. Il se démontre que l'expansion productrice de la machine est aussi spontanée que celle des gaz. On en vint rapidement à inverser l'ordre logique: tels besoins, tel travail, telle machines; la notion des besoins à satisfaire, point de départ normal du raisonnement, fut remplacée par la notion de la capacité productrice de la machine.

Dans l'industrie, les services commerciaux, obligés à vendre tout ce que l'ingénieur daignait leur fournir, en étaient réduits à conquérir tous les marchés mondiaux, tant que la chose fut possible.

De plus, l'emploi de la machine a d'autres effets qui renforcent cette tendance à la surproduction continue. La machine aide le travailleur, amis elle représente un capital à amortir et à rétribuer. Donc, l'introduction de chaque nouvelle machine dans le mécanisme producteur, accroît l'importance du facteur capital dans l'économie. la découverte de Watt, par exemple, donna un immense valeur aux mines de houille et un rôle prépondérant aux "nouveaux" capitalistes qui les possédaient. Les bénéfices qu'ils réalisaient dans les affaires ne pouvaient sue les inciter à développer leurs investissements industries.

La machine à vapeur implique la concentration autour de ses foyers de tous les moyens de production (ouvriers, matériel, capitaux). C'est donc un centre d'attraction qui attire vers la ville, d'autant plus que le machinisme intégral postule, en régime de libre échange, la disparition de l'agriculture dans les pays où il s'st le plus développé.

En effet, les pouvoirs d'achat s'échangent contre des pouvoir d'achat; la capacité d'achat de l'agriculture est donc limitée par le montant de ses ventes; celles-ci ne peuvent dépasser un maximum, déterminé par la capacité d'absorption alimentaire des hommes,; qui est limitée, comme nous l'avons dit plus haut.

Cependant, les assures besoins étant presque indéfiniment extensibles, les produits industriels qui les satisfont peuvent s'échanger entre eux. Ceci conduit à élever le niveau de vie des citadins; la disproportion avec le standard de vie des campagnes provoque l'exode des ruraux vers les villes.

Cette lui qui joue entre les nations incita les pays agricoles fournisseurs de manières premières à créer des industries chez eux; la machine qui se transporte partout, et les capitaux européens qui cherchaient à s'investir dans les pays jeunes, favorisèrent cette naissance d'un nouvel appareil économique, qui allait concurrencer l'économie de la vieille Europe.

Jusqu'en 1900, cette économie fonctionna normalement sur le vieux continent; son accélération régulière et sans à-coup, les énormes bénéfices réalisés, permettaient d'amortir les capitaux.

Grâce à leur concentration et à une action de masse puissamment aidée par la mystique socialiste, les ouvriers organisés en syndicats acquirent un rôle politique suffisant pour obtenir la diminution des heures de travail et la hausse des salaires.

A partir de 1860, quatre facteurs nouveaux vont contribuer à généraliser l'emploi de la machine:

1° Les ouvriers multipliant leurs exigences, on cherche à les remplacer par la machine qui est muette;

2° La concurrence naissante des pays d'outre-mer, incite à améliorer le rendement heure pour abaisser le prix de revient (ce qui donna à l'appareil économique un plus grande vitesse);

3° Le machinisme accroissant le rôle de l'argent dans la production, les capitalistes (qui disposaient de vastes bénéfices) facilitent la généralisation de l'emploi des machines par des apports constants;

4° Les découvertes, l'utilisation de nouvelles forces, les progrès scientifiques créent des occasions nouvelles de mécaniser l'industrie.

C'est pourquoi la production, sans règle ni borne, est toute l'histoire des XIXe et XXe siècles.

Avant la guerre, comme on l'a vu précédemment, la lutte était déjà fortement engagée entre les vieux pays industriels et le monde. Les milieux d'expansion des économies nationales commençaient à s'amenuiser.

La guerre, par ses destructions, accéléra l'évolution, l'Europe n'eut pas trop d toutes ses forces pour ses propres besoins; les pays d'outre-mer créèrent de puissants instruments économiques pour leurs besoins que l'Europe ne pouvait plus satisfaire, et pour ceux des belligérants.

En 1919, il fallut reconstituer les stocks épuisés; la France, grâce aux dommages de guerre, suréquipa ses industries du Nord; l'Allemagne, grâce aux profits de l'inflation, en fit de même; de leur côté, les Etats-Unis et le Japon étaient devenus des pays industriels; l'Afrique du Sud, l'Amérique du Sud, l'Australie, ne supprimèrent évidemment pas leurs industries récentes, elles les abritèrent derrière des barrières douanières.

Ainsi le monde commença de surproduire. La situation n'était plus saine. Deux expédients dissimulèrent encore durant plusieurs années la situation réelle: l'inflation des crédits et la suppression de l'amortissement.

Dans une économie inorganisée (libérale disait-on), pour vaincre les concurrents, il faut abaisser les prix de revient.

Les ouvriers s'accrochaient aux salaires élevés correspondant à la période d'euphorie économique, tandis que la part du capital était incompressible, car les oligarchies financières veillaient au respect de taux d'intérêts élevés.

D'autre part, la guerre ayant transformé des centaines de milliards den fumée, les capitaux réels, subsistant encore ne permettaient pas d'abaisser substantiellement les taux d'intérêt.

Il restait trois recours:

1° L'accélération de la vitesse de l'appareil économique pour abaisser les prix. Cette méthode réclamait des machines, toujours des machines nouvelles, plus rapides, plus perfectionnées et plus chères. Or, tous les pays s'entouraient de barrières douanières de plus en plus élevées.

2° Le crédit. La guerre avait enseigné à jouer de ce nouvel instrument. Les banques construisirent des pyramides de crédit pour développer les usines, renouveler leur équipement et masquer la perte de substance en capital réel.

3° On en vint à supprimer l'amortissement du matériel, car remplacer un machine avant qu'elle ne soit hors d'usage, c'est faire supporter aux prix de vente un double amortissement. Le remplacement est possible quand l'accroissement du rendement en vaut la peine et quand les débouchés le justifient. Or, le monde se compartimentait d plus en plus. Le crédit à la consommation entretenait encore artificiellement la capacité d'achat.

La concurrence s'exerçait à l'intérieur de chaque pays entre les industriels. On ruinait la petite épargne que la société anonyme polarise; les crédits payaient les jetons de présence et les dividendes, mais il eût été difficile de rembourser le capital.

Cette situation contra nature ne pouvait s'éterniser. Le crédit soutenait l'invraisemblable édifice, mais le crédit se contracte avec autant de rapidité et de facilité qu'il s'épanouit.

Une vague de méfiance passé. Ce fut la débâcle e Wall Street. Le crédit qui est du vent passa aussi vite qu'il avait soufflé. Mais ce vent était l'oxygène d'une économie artificiellement exaltée; en disparaissant, il a condamnait à l'étouffement

La surproduction, latente depuis quinze ans, parut au grand jour, on vit que partout, les usines étaient équipées pour des besoins triples des nécessités réels. Ce fut la cries, le chômage de millions d'hommes. elle provoqua un repliement plus vif encore des pays sur eux-mêmes; par la voie des contingentements et des réglementations de devises, le monde a été conduit rapidement vers l'autarchie.

Il est maintenant aisé de répondre à la question posé. La machine a contribué au chômage actuel, mais la folie des hommes et leur appât du gain sont encore plus qu'elle responsables.

Le machinisme a des conséquences dans d'autres ordres de faits:

Mécanisée à l'excès, la main-d'oeuvre a été rendue impropre à toute autre besogne que celle qu'elle avait l'habitude d'exécuter automatiques.

Malgré toute son habileté, la machine ne peut imiter le travail de l'artisan d'autrefois. Certains métiers artistiques ont souffert de cette mécanisation; dans l'ensemble, la production est devenu impersonnelle. Par contre, le travail a, avant tout, une grande fonction éducative. Sa nécessité s'impose à l'humanité. Le chômage parmi les jeunes gens a des conséquences effroyables car, il faut le souligner, la suppression ou l suspension du travail c'est, pour la plupart des individus, l'impossibilité de devenir ou de rester des homes.

La chaîne est la suivante: machine, concentration économique, conquête du monde, mécanisation, auto-défense du monde, surproduction, crise, chômage; La machine est ainsi, avec la bêtise humaine, la cause déterminante du chômage sans en être la cause antécédente.

Du machinisme (Chapitre XXXVII de [Simart])

Lorsque des savants désintéressés eurent, par génie spéculatif et par expérimentations patientes, arraché aux lois naturelles des bribes de leurs secrets, et qu'ils eurent doté l'humanité de ces moyens prodigieux que sont les machines thermiques et la domestication de l'électricité, l'industrie s'empara avidement de ces découvertes. Son rôle, sinon primordial du moins éminent, fut de discipliner les forces nouvelles aux mille besognes commises depuis des millénaires aux mains humains.

En peu d'années, la vie matérielle du monde en fut transformée, son potentiel de jouissance multiplié. Des objets d'un coût jusqu'alors élevé et dont l'usage était réservé à l'élite possédante en furent popularisés, leur emploi devint

soudain familier à des centaines de millions d'individus. Le progrès dans cette voie alla de telle sorte que le simple bien-être actuel d'un petit bourgeois ou d'un bon artisan eût été un luxe inconnu aux plus grands de la terre d'il y a seulement quelques siècles - ces secondes de l'univers.

D'autre part, les fatigantes tâches corporelles qu'il fallait bien qu'une portion de l'humanité accomplît, depuis le déchargement des bateaux et la manoeuvre des pierres lourdes jusqu'au travail des mines, s'en trouvèrent adoucies et le bras de l'homme allégé par les muscles d'acier des machines.

Tout d'abord, la mise à la disposition de notre espèce, hier encore animale, de ces forces mystérieuses, l'étourdit un peu. On n'osa s'en servir qu'avec timidité, on fut tout heureux des moindres résultats. Le tour que l'artisan manoeuvrait au pied depuis des siècles, on le pourvut joyeusement d'un volant, d'une courroie, et l'homme poursuivit la tâche ancestrale.

C'est alors que des individus au cerveaux puissamment organisés, des hommes qui avaient le don de s'abstraire suffisamment pour qu'à leurs yeux -tels ces hindous en prière qui s'évadent de leur corps et pour qui toutes choses terrestres deviennent d'une même grandeur- le matériel humain fût sur le même plan que la matériel machine, et qu'un ouvrier et outil ne fussent plus que deux éléments immatériels du problème à résoudre, entreprirent d'augmenter notre puissance par une rationalisation de l'effort humain, par une spécialisation des besognes, par une fragmentation de la tâche totale réduite à une suite de tâches primaires que le travailleur parvient à exécuter en un temps beaucoup plus court.

Brusquement, le monde industriel fut illuminé. Les résultats pratiques donnèrent d'ailleurs raison aux formules: le prix de revient d'un objet se révélait bien moindre si chacune de ses parties était fabriquée par un ouvrier spécialisé, devenu par l'habitude extrêmement adroit aux gestes sommaires qu'on lui demandait de répéter incessamment, sans plus. La perte de temps que constitue le passage de l'esprit d'une opération à l'autre était annulée. La régularité de la tâche simplifiée amenait cet automatisme sans lequel les éducateurs disent qu'on ne sait pas, et qui permet seul l'instantanéité du réflexe.

Un autre avantage industriel, dès qu'il ne s'agit plus de créer un objet mais de fabriquer un millier de pièces identiques, ou de veiller sur le fonctionnement toujours égal à lui-même d'une machine-outil, c'est qu'il n'est plus nécessaire de recourir à des ouvriers d'élite, ni amoureux de leur métier. Ce serait plutôt le contraire. L'automatisme dompte mieux et plus vite les cerveaux rudimentaires. Des compagnies américaines, paraît-il, ont poussé cette constatation à l'extrême, embauchant de préférence des ouvriers idiots pour certaines besognes; au moins, la curiosité intelligence, le souci du beau travail ne les troublent pas...

Ces exagérations écoeurantes mises à part, il demeure que la spécialisation du travail, cet enchaînement de chaque homme à la place exacte qui lui convient, devant un acte élémentaire qui correspond à ses facultés, cette normalisation, ce taylorisme, ce fordisme, comme on voudra le nommer, aboutit à une fabrication abondante et bon marché des objets usuels, dont tous les habitants de la planète profitent.

Ce n'est pas rien, pour l'humanité, d'avoir des automobiles telles qu'un contremaître peut y prétendre, et des appareils de T.S.F. grâce auxquels l'artisan le plus humble peut se distraire à Mozart, à Puccini ou à des tangos argentins. Ces grandes idées théoriques issues d'être rigoureux et vivifiées par de grands capitalistes, par les potentats milliardaires de l'industrie, ont eu pour résultat une démocratisation du confort et des jouissances qui fut un des éléments les plus actifs de l'évolution des moeurs.

Mais dès lors, du fait de cette rationalisation, le travail de l'homme cessa d'être une activité joyeuse, presque un bonheur en soi. Et cela c'est peut-être le plus mortel danger que l'humanité ait couru depuis la préhistoire.

Quand l'ouvrier était attaché à une besogne intéressante, quand on le chargeait de produire à lui seul un objet complet, ce qui est évidemment l'idéal en cette matière, ou même, pour ne pas remonter à l'âge d'or, quand il collaborait avec quelques compagnons à une fabrication, ce qui était universel au XIXe siècle et persiste encore dans maintes usines de nos vieilles cités, son travail était par lui-même un but. L'homme quittait l'atelier, non pas certes en chantant comme on le voit aux images d'Epinal, mais avec la sensation que sa journée était finie et qu'il l'avait bien employée. Il entendait par là que sa tâche humaine était accomplie. Certes il aimait à retrouver des amis, et sa famille, et d'autres distractions, mais, hors quelques pochards et d'incurables flâneurs, l'acte principal de s vie était révolu.

Aujourd'hui, lorsque l'ouvrier est une cellule anonyme de ces immenses organismes que sont les usines américaines ou américanisées, lorsqu'il frappe huit heures durant sur le troisième boulon gauche d'une pièce éternellement renouvelée qui se présente à lui toujours à la même place ou lorsqu'il guide le choc d'une machine à estamper qui crache un par une des millions de pièces ébauchées dont il n'aura jamais une seule terminée entre les mains - l'homme finit par s'adapter sans murmure à ce rôle dépouillé d'initiative, qui rabat toute velléité d'intelligence et qui annihile peu à peu l'individualité en ne lui demandant plus que d'être l'organe visuel et enclancheur du complexe outil-homme.

Un tel tavelle sans saveur perd sa qualité d'élément essentiel d'une vie. Il n'est plus qu'un moment nécessaire mais partiel de l'existence et qui ne saurait prétendre à la remplir. L'ouvrier s'en désaffecte. Il pense, en travaillant, à ce qui l'attend après. La journée devient, et les mots mêmes de la loi s'y prêtent, un complexe où l'on dort huit heures, où l'on travaille huit heures et dont on vit alors les huit autres heures. Huit heures par jour de loisir et de joie! C'est littéralement une merveille. Mais je ne puis m'empêcher de songer que le sabotier que je voyais naguère, en Morvan, fabriquer chez lui des sabots de l'aube au crépuscule, partant du fût de noyer pour ne quitter la chaussure que polie et poncée et ornée de sa bande de cuir noir - le sabotier avait toute la journée comme heures de joie.

Qu'on ne se méprenne pas sur ma pensée. Je ne suis point jusqu'au bout le Mahatma Gandhi dans sa haine et sa proscription de nos méthodes occidentales; je ne demande point qu'on recommence dans chaque famille à tisser ses draps ou son linceul. Les plus subtils philosophes me démontreraient-ils que là seulement est le bonheur que je leur répondrais qu'il est trop tard: l'évolution ne saurait faire machine arrière.

Je dis seulement que nous sommes à un moment délicat du monde, et plein d'incertitudes et de dangers.

Cestes, je la vois bien, la société future, avec ses citoyens tous instruits et occupant leurs loisirs à se délasser judicieusement ou même à se cultiver encore l'esprit et le corps, et acceptant avec un tranquille sourire les quelques heures d'insipide besogne machinale dont la Cité aura besoin pour surveiller son mécanisme. Comme je les admire et les comprends, ces hommes complexes, à la fois manoeuvres et intellectuels, ces véritables hommes libres!

Le mal est que notre société, très loin encore de ce stade de civilisation, a retiré au labeur humain son intérêt de jadis et le charme qu'il pouvait avoir, sans accorder à l'homme la possibilité de reporter et intérêt désaffecté sur autre chose. Elle a donné au travailleur le désir de se distraire, mais elle a oublié de multiplier en conséquence les bibliothèques et les lieux de sport.

Alors, dame, les heures de travail révolues, l'ouvrier se retrouve la tête vide, le coeur insatisfait, baillant et désoeuvré. Il va, à son chois, au bistro, au cinéma, au lupanar.

J'aurais tort d'en parler comme d'épouvantails. En eux-mêmes, et à doses modérées, ce ne serait pas la mort des hommes. Ce qui es grave, c'est cette insatisfaction, ce désir vague, cette appétence de quelque chose d'autre, ce dégoût pour a vie présente, qui met l'homme au désespoir et le citoyen dans un état propice aux pires idées de subversion. Le petit commerçant ni l'artisan en chambre ne ressentent à ce point la profonde crise de bonheur qui affecte la classe des ouvriers 'usines, lentement transformés en manoeuvres.

Comment remédier au péril? Est-ce faire un rêve trop hasardeux qu'imaginer le progrès mécanique corrigeant les propres aux qu'il engendre? En somme, c'est principalement l'utilisation e la vapeur, force intransportable, qui a poussé les industriels grouper les artisans dans de vastes usines. Auparavant, de grandes affaires et de grosses fortunes s'étaient édifiées, par semple en Angleterre et à Lyon, en distribuant le travail à domicile à des milliers de familles.

Ce que la vapeur - utilisation somme toute encore grossière des forces naturelles, approximation médiocre d'une récupération théorique de l'énergie - ce que la vapeur avait inévitablement centralisé, pourquoi l'électricité, qui va partout, ne pourrait-elle le disperser de nouveau?

Sans rêver d'une France artisanale, il est certain qu'il est maintes industries qui s'accommoderaient d'un travail à la tâche, sur machines-outils installées à domicile.

Quelques centaines de milliers de foyers pourraient être ainsi reconstitués, rien que dans notre pays. Or, qui dit foyer établi dit calme, respect de soi, absence à peu près certaine de folies outrancières.

Le principe du foyer propriété de chaque famille, il n'est pas niable que nous en avons méprisé l'importance. Si la bourgeoisie, au cours des derniers siècles, avait consacré quelques milliards à la construction de maisons ouvrières, payables par annuités et acquises à la veuve en cas d'accident, la proportion de révolutionnaires, d'aigris et de désaxés ne serait pas ce que nous montrent périodiquement les scrutins politiques. Mais la disparition du toit familial, son remplacement par un campement entre quatre murs loués dont pas un plâtras ni une ferrure ne vous appartient, a mis au coeur de l'ouvrir citadin une incertitude de l'avenir, un sentiment de précarité qui le pousse aux aventures, qui l'incite à jouer son va-tout.

Pour ce qui est des hommes occupés à ces tâches qui nécessiteront toujours de gigantesques outillages centralisés, il faudra réfléchir s'il ne convient pas de revenir sur le morcellement de l'effort, s'il ne serait pas habile de recommencer à donner un objet entier à fabriquer à un même individu, au lieu de la condamner à la confection éternelle d'un pièce détachée. Les théoriciens du taylorisme éclateront de rire ou d'indignation. Les gros industriels sortiront leurs barèmes et déclareront qu'ainsi nous augmenterions le coefficient "main d'oeuvre", d'où le prix de revient total. La capacité universelle serait en conséquence diminuée dans une proportion calculable à un dix-millième près...

C'est possible. Je sais fort bien que si je pouvais organiser mon travail personnel de telle sorte qu'aucune seconde ne soit perdue dans ma journée, sans un geste inutile ni un regard distrait, j'augmenterais formidablement ma capacité de production, mon "rendement". Mais je sais aussi que je mourrais de dépression nerveuse en peu d'années, si ce n'est de semaines.

Je ne doute pas non plus que l'humanité ait un rendement matériel optimum avec les méthodes rationalisées du travail usinier. Je crains simplement que l'état psychique du monde en pâtisse. [Simart]

6.2.1. Inégalités

"On désire également (et c'est très naturel) être mieux logé, mieux éclairé, mieux chauffé, mieux nourri. Chacun de ces progrès a beau se vulgariser très vite, il n'en accuse pas moins un peu plus la différence que crée la richesse et, rendant le contraste plus vif du riche au pauvre, contribue à développer la voracité des appétits qui fait les haines" [De Launay]

6.3. Les solutions et attitudes

6.3.0. Emerveillement/inquiétude

"L'époque à laquelle nous vivons n'est-elle pas merveilleuse? ... nous assistons à un épanouissement inouï de la science et de la technique. Des siècles de travail acharné ont été nécessaires jadis pour réaliser des progrès que la science moderne effectue en l'espace de peu d'années et même de mois. ... Nous avons l'impression d'une explosion formidable des énergies créatrices... pour rendre l'Homme maître de l'univers" [Aisberg]

Mais aussi des inquiétudes

"A côté de grands cataclysmes sociaux, à côté d'immenses catastrophes économiques, au moment où toutes nos conceptions habituelles changent de valeur et de contenu..." [Aisberg]

La difficulté de la rencontre

"Pour aller chez les Chinois, on peut choisir entre les gares du Nord ou de Lyon, le Transsibérien par Moscou ou le paquebot par Marseille et Singapour... Mais pour aller chez les dactylos? .." [Roubaud]

Contestation du tertiaire comme improductif

[Roubaud] faisant écho aux marxistes "... le grand mépris de l'ancêtre pour le scribe pâlot et bossu, pour le clerc besogneux qui consume sa vie chétive dans l'ombre des bureaux" [Ponthière]

"... tous les travailleurs: manuels, techniciens et savants" [Besnard]

(Le bureau) "n'est pas dans l'entreprise un organisme parasitaire dont il faut avant tout redouter les végétations" [Ponthière]

"Le chef et ses lieutenants... s'installaient dans le prestige du fauteuil à ressorts, jouaient du tableau de commandement électrique, affirmant leur pouvoir d'une brève parole au téléphone intérieur, appelant à eux, d'un geste

distrait, par la simple pression d'un bouton d'ivoire, les jolies dames empressées à blocs-notes et crayons pointus" [Roubaud]

La recherche de solutions/l'adaptation

L'armée de l'air allemande "avait déjà sur nous l'avantage d'une structure conçue pour l'application d'un plan d'opérations moderne et précis. Entre elle et les formations aériennes qui avaient disparu en 1919, après la défaite, il n'y avait plus de ressemblance. En France, nous avions assujetti le progrès technique à la préparation de la guerre passée" [Stehlin]

6.3.1. La foi, le courage

"Vous devez vous dire que votre avenir est entre vos mains. Pour qu'il soit brillant, il faut d'abord que vous ayez foi dans le travail... Le travail forcené est aujourd'hui notre devoir à tous... nous jouissons de le vie, d'autres sont morts pou ronds la conserver... Il ne faut pas qu'on puisse dire que nos frères ne sont morts que pour assurer notre repos". [Dautry]

"Donner à l'ouvrier la possibilité de vivre, en même temps que des raisons de vivre" [Dautry]

"... n'écouter... ni ceux qui veulent entretenir les conflits... ni ceux qui veulent développer une production malsaine par un machinisme excessif, ni ceux qui veulent détruire la machine qui a libéré l'homme" [Dautry]

"Le scepticisme dissolvant n'est plus de mise" [Dautry]

"Le vieux fonds français de courage, d'altruisme et de sacrifice..." [Dautry]

"Dans le coeur solidement trempé d'un pilote de ligne, il n'existe pas, cet effroi devant la mort qui fait aimer la vie terrestre au point que chacun de nous craigne de la risquer et de la perdre. Qui de nous, au contraire, n'a pas cette secrète ambition, ce légitime orgueil d'une fin digne de nos efforts, de nos luttes, de nos sacrifices librement et ardemment consentis". Mermoz, in [Mortaine]

Dans la même collection, chez Plon en 1935: Jean Mermoz, Lyautey, La reine Astrid, Le roi Georges V, Hélène Boucher, Le roi Edouard VIII, Rouget de Lisle et "La Marseillaise", Les cadets de l'Alcazar, La princesse Marina. a paraître : Le comte de Paris et la famille de France.

6.3.2. La révolution

6.3.2.1. La révolution qui se fait, qu'il faut assumer:

"Nous assistons, non sans quelque stupeur, à la fin d'un monde périmé, que commence à remplacer un monde nouveau. Cette révolution, dont les générations antérieures à la Grande Guerre sont les victimes et les jeunes gens les témoins indifférents ou satisfaits, n'est pas moins profonde que celle qui a marqué la fin du XVIIIe siècle" [De Launay]

6.3.2.2. qu'il faut comprendre:

"Ce qui importe, c'est de fixer dans son évolution rpide le monde qui naît, le monde nouveau" [De Launay]

Révolution: "On abuse pas mal de ce mot, trop souvent et trop aisément défini comme une utopie. Je ne veux en garder ici que le sens le plus général, celui de changement d'autorité. [Rougemont 36]

6.3.2.3. qu'il faut faire

Marx, bien sûr. Mais aussi chez les plus modérés. Et à droite, qui débouchera sur la "révolution nationale" de Vichy.

"Les ignorants qui veulent recommencer la civilisation par l'âge de pierre se rencontrent avec les blasés qui finissent par chercher leur satisfaction dans l'excentricité, le crâne peint en vert d'un Baudelaire ou la queue coupée du chien d'Alcibiade. La puérilité et le snobisme vont converger vers l'art nègre" [De Launay]

"... partout, à travers le Monde, des courants révolutionnaires de tendances diverses et souvent opposées essayent de se faire jour et de se développer." [Besnard]

"Le salut se trouvera dans cette révolution lente et ample dont Lucien Romier a montré l'avènement" [Dautry]

6.3.3. Développer les machines

Leur destruction est souvent évoquée, mais qui est sérieusement pour à l'époque? Lombroso

"C'est la science qui prolonge et améliore la vie humaine. C'est elle qui, après avoir libéré les esclaves, diminue chaque jour le dur travail des hommes et permet d'ouvrir à tous le domaine consolant des joies du loisir, de la pensée et de l'art. Inventé par l'homme pour servir l'homme, la machine ne peut être rendue responsable de notre actuelle misère"[Dautry]

Horloge pointeuse: "Il était nécessaire d'assurer un contrôle des heures d'arrivée et de sortie du personnel qui fît disparaître toute possibilité de contestation sur les heures, source de conflits entre contrôleurs et contrôlés: les contrôleurs automatiques disposés à l'entrée des ateliers ontréaliser très heureusement ce but" [Dautry]

"Augmenter la production et surtout le rendement..." [Dautry]

(baisser les prix de revient)

"... la campagne qui est faite en faveur d'une compression de nos prix de revient. Elle s'apparente à la dévaluation monétaire qui, dans l'esprit de certains, nos permettrait d'exporter parce que nous fabriquerions meilleur marché! ... Plus on comprime les prix de revient, moins on a de chances de vendre au dehors. ... (car si)... je veux exporter des articles très bon marché, grâce à la compression indéfinie de mon prix de revient (c'est à dire en comprimant les moyens d'existence de mes ouvriers, car c'est ça que cela veut dire), mes articles s'adresseront à la masse des consommateurs étrangers... mon exportation sera très préjudiciable aux producteurs qui se sont installés de l'autre côté des frontières, et ils ne tarderont pas à trouver le moyen de refroidir mon zèle" [Duboin 35]

(contre les machines)

"Il était certain pour moi que les excès de l'industrialisme étaient à la base de tous les problèmes de notre époque, y compris ceux de la femme et qu'il était urgent, si l'on voulait atténuer les maux de notre siècle, de ne plus s'attacher à des détails mais de se décider à combattre l'ennemi dans son centre vital, le machinisme" [Lombroso]

"Les Grecs, les Romains, les Egyptiens -comme les Chinois modernes- arrivèrent pour les machines... tellement près des mécanismes qui font l'orgueil de notre civilisation actuelle, que l'on se demande comment et pourquoi ils ne sont pas arrivés vraiment à la réalisation de ces mécanismes. Je crois... qu'ils ne voulurent pas y arriver parce qu'ils étaient orientés à redouter plus qu'à envier le machines dont nous sommes si fiers". [Lombroso]

"Nous savons que les prêtres égyptiens craignaient tellement la vulgarisation de leurs découvertes en physique et en mécanique, qu'ils avaient deux écriture pour les fixer: l'une prou les initiés, l'autre pour le public". [Lombroso]... Aristote s'excuse de parler de physique "science méprisée des sages et des philosophes"

"Rome fit un grand nombre de lois non seulement contre la diffusion de l'or, mais même contre son extraction... Par contre, aucun effort n'était ménagé pour diriger les Romains vers l'agriculture".

"Il s'en fallut de peu que Tibère ne fît emprisonner l'inventeur d'une fabrication de verre malléable qui aurait permis de se passer d'un grand nombre d'ouvriers verriers. Il s'évertuait à trouver du travail aux citoyens et jugeait dangereux celui qui inventait la machine à réduire la main-d'oeuvre".

En Chine, "Le gen qui interdit formellement à chacun d'empiéter sur le bien du voisin... ne peut s'accorder avec le machinisme, qui pourrait à bon droit prendre pour lui la devise "Après moi le déluge"... il est contraire aux exportations "parce que celles-ci conduisent tôt ou tard à l'emploi de la force", il s'oppose aux sociétés anonymes "dans lesquelles chacun est tenté de satisfaire ses intérêts contre deux des autres"

"Les Chinois n'adoptèrent pas nos machines bien que les Européens aient voulu les leur imposer avec la force parce qu'ils étaient contraires aux immoralités indispensables au triomphe de ces machines. Ils les adopteront peut-être le triste jour où triomphera la révolution que nous avons provoquée et qui aura bouleversé leur tenace moralité"

"Le Christianisme le fut plus encore (contraire au machinisme)... Le christianisme - qui conduit l'homme à un monde irréel - cherche, grâce à cela, à différencier l'homme de la bête, à subjuguer ses sens, à lui faire trouver de la joie à les dominer et du plaisir à se soumettre à la faim, à la soif, à

l'abstinence, à la misère; par le christianisme l'homme peut transformer sa douleur en allégresse, s'exalter et jouir de ses souffrances comme des biens les plus réels"

"L'intelligence, le coeur, la sensibilité, tout est concentré dans l'adoration de Dieu, dans la recherche des desseins de Dieu; il faut arriver à faire abstraction des joies et des douleurs réelles, en s'imaginant et en goûtant d'avance les joies éternelles. Les dirigeants chargés de conserver cette orientation épient et répriment tout ce qui pourrait rompre la trame fragile des songes magiques.

...

l'idéal de la richesse, de la santé, du commerce avec les peuples voisins n'éveillait aucun écho à cette époque (le moyen âge), au contraire de la beauté, du patriotisme local, de la morale Comment des hommes, ainsi orientés, auraient-ils pu apprécier des machines capables de procurer seulement le luxe et des plaisirs sensuels ou des méthodes de vie qui auraient étouffé l'imagination et n'auraient visé qu'aux biens matériels?

"Alors que les Romains, les Grecs ou les Chinois ont été défavorables à l'industrialisme pour des raisons politiques et morales, la civilisation médiévale l'a été pour des raisons sentimentales"

"Le moyen âge lutte contre toute innovation dans l'industrie, parce qu'il lutte pour la fixité de la vie"

... "Et comme le désir du martyre n'est pas fréquent, il n'est pas étonnant de voir que les inventeurs, au lieu de divulguer leurs découvertes, cherchaient à les cacher, et nous devons les dénicher dans le Dictionnaires Infernaux, les livre de magie du moyen âge, dans les machines de théâtre, les Narrische Weisheiten où elles se trouvent cachées aux yeux des profanes sous le couvert de la folie e de la bizarrerie"

"Il y eut de tout temps des inventeurs, mais l'orientation de l'époque ne leur offrait pas souvent la possibilité de réaliser leurs inventions et de les faire adopter par la masse. De même nous offrons actuellement moins des possibilités aux génies philosophiques et politiques qu'ils n'en auraient eu alors"

...

"Je ne m'arrête pas à discuter si le luxe que l'homme se procure aujourd'hui vaut l'intelligence et la morale qu'il a perdues. ... Mais il me semble que l'on peut déclarer ceci en toute assurance: qu'une conception de la vie, une orientation différente de la nôtre peut exister, que les Romains, les Egyptiens, les Chinois, diversement orientés, avaient des aspirations, des répugnances qui -directement ou indirectement- s'opposaient à l'utilisation de la science dans un but industriel, à la multiplication de la production, à l'augmentation du gaspillage."

"De même pourtant qu'avec notre orientation, il nous est impossible d'arriver au degré où Rome, la Grèce, le moyen âge et la Chine arrivèrent comme perfection esthétique, politique, sociale et morale, perfection qui fut la conséquence logique de leur orientation - de même il ne leur était pas possible de songer aux applications de machines dont le seul avantage est d'augmenter le luxe, les dépenses, les gâchages, l'ostentation, toutes choses qu'ils dédaignaient." [Lombroso]

(origines du machinisme)

"Pour que les machines collectives puissent agir, il faut qu'un grand nombre d'individus... soient libres et disposés à abandonner leur foyer à refouler leurs aspirations individuelles... pour travailler aveuglément aux ordres d'un industriel, et à ses heures... uniquement en vue d'un certain salaire plus ou moins librement stipulé.

"Or ce n'est ni toujours ni facilement, ni partout

"Ce fut là la difficulté à laquelle se heurta Sir Beaumont qui découvrit la "terre qui brûle". Lorsqu'il voulut exploiter le vastes gisements de charbon... il ne peut trouver des "mercenaires"... Aux Etats-Unis, lorsqu'en 1804 le général Humphrey ouvrit les premièes fabriques de tissus, les paysans ne voulurent pas y envoyer leurs filles. Pour décider les indigènes de l'Afrique, de l'Amérique ou de la Chine à travailler pour de l'argent, il fallut recourir à l'alcoolisme ou à l'opium... les villes luttaient pour s'enlever quelques artisans qualifiés

6.3.4. Réduction du temps de travail

Matignon: 40 heures, congés payés

"la réduction de la journée de travail... sera peut-être utile, mais ne sera certainement pas suffisante..." [Dautry] analyses de Jouvenel

6.3.5. Le protectionnisme/nationalisme

"... le libéralisme économique absolu est mort. IL ne pourrait revivre sans ramener le niveau de vie des pays de haute et vieille civilisation, comme le nôtre, au niveau de vie de populations le moins évoluées." [Dautry]

"Le nationalisme économique... il ne faut pas prendre l'importance des échanges pour une fin." [Dautry]

"Ne faut-il pas en effet remettre d'abord la maison en ordre avant de penser à instaurer l'ordre international" [Henri]

"Ce nouvel état de choses oblige la nation à se réfugier dans l'autarchie, c'est-à-dire à vivre en vase clos, sauf pour les exportations qu'elle cherche, au contraire, à développer coûte que coûte". [Duboin 35]

"Cette exaspération du nationalisme économique généralisé s'est exprimé nettement à la Conférence monétaire et économique de 1933 à Londres. Réunis pour rechercher et trouver les bases d'une collaboration internationale, les pays y représentés ne réussirent qu'à faire ressortir leurs particularismes intransigeants" [Henri]

"Ainsi s'unifient côté à côte une série de barbaries nationalisées qui doivent un jour, faisant explosion, s'opposer les unes aux autres en d'implacables et mortels conflits" [De Launay]

"Déjà, de tous côtés et malgré tous les grands projets d'entente douanière qui semblent un moment sur le point d'aboutir, les frontières se ferment et se hérissent de prohibitions ou de douanes. En attendant les Etats-Unis d'Europe, toujours promis et toujours reculant dans les nuages, nous voyons les débris de plus en plus fragmentaires des anciens Etats s'envelopper jalousement de murailles de Chine" [De Launay]

"On compte sur la Société des Nations: pivot d'illusions et de rêves, sur lequel, au dire des optimises, doit sans heurts et sans secousses tourner le monde futur" [De Launay]

La Société des nations "n'a -jusqu'à présent- que trop prouvé son impuissance. Elle n'a pas su faire oeuvre créatrice." [Henri]

6.3.6. La dévaluation et le taux de crédit

Keynes, répartir des richesses

Dévaluation anglaise

33, moratoire des banques aux US, dévaluation du dollar, abandon de l'étalon or

37, 38 deuxième et troisième dévaluations françaises

"C'est en observant les déboires apportés par le système de l'étalon-or, dans son application entre 1925 et 1930, que certains en sont venus à préconiser la dévaluation, c'est à dire la diminution du poids d'or contenu dans l'étalon monétaire, ou la monnaie sans support métallique" [Henri]

"La dévaluation n'est pas capable d'établir un nouvel ordre économique pour quatre raisons

1° La dévaluation ne résout pas la crise économique

2° La dévaluation ne résout pas le problème budgétaire à moins qu'elle soit accompagnée d'une très sévère déflation fiscale et budgétaire

3° Puisque les dépenses se multiplient, la dévaluation ne diminue pas les charges fiscales

4° L'inflation monétaire, sous quelque forme qu'on la représente, y compris la dévaluation, ne peut provoquer le démarrage d'une économie en faillite" [Henri]

Le salariat ne doit pas être le seul à souffrir des restrictions qu'impose la situation. Il faut créer des conditions favorables à un abaissement du taux d'intérêt du capital. Mais il serait utopique d'espérer beaucoup de cette mesure car il faudra, en même temps, reprendre l'amortissement du matériel, notion trop oubliée.

6.3.7. La planification

"Le libéralisme économique, au moins au sens classique, est désuet. ... Avec le libéralisme, nous nous trouvons en face d'un enchevêtrement de pignons, de ressors, et de manivelles, dont aucun ne commande tout le système" [Henri]

"... dans une discipline qui s'appliquera à l'organisation de la production et de la répartition Seul un Etat indépendant arbitrant en fin de compte des intérêts incohérents... rejoignant les principes qu'avait conçus le Moyen Age... limitation du nombre des maîtres-artisans..." [Dautry]

URSS

systèmes planifiés de type socialistes [Besnard]

"La solution du collectivisme est à écarter nettement" [Henri]

"Le socialisme, quoiqu'il s'en défende, nous conduit, si l'on ne réagit pas contre lui, tout droit au communisme, c'est à dire aux travaux forcés" [De Launay]

"L'étatisme et le protectionnisme plaisent à quelques-uns parce qu'ils permettent de régenter, de surveiller, de dominer et de constituer l'immense jeu de fiches représentant nos pensées et nos actes, nos biens, nos revenus et nos dépenses..." [De Launay]

"Il est évident qu'il fallait couper la chaîne au moment où la concurrence devenant destructive, en organisant la production

"La libre concurrence, sans danger quand les horizons sont sans limite, devient mortelle en vase clos. Des expériences récentes dans l'industrie automobile ont montré les méfaits de la concurrence quand les marchés sont saturés. L'organisation corporative pour parer aux conséquences des nationalismes économiques devenait, vers 1920,, un impératif absolu.

"En fait, plus que de la concentration, le chômage est le fruit du désordre professionnel."[Henri]

(le laisser faire)

"Pendant combien de temps des mécaniciens orthodoxes sont-ils venus nous assurer qu'il ne s'agissait, en somme, que d'une panne cyclique? Qu'il n'y avait donc lieu que d'attendre que le moteur de l'économie mondiale veuille bien repartir tout seul. Les partisans du laisser-faire ont-ils désarmé?

On leur répondra que les crises d'autrefois étaient des crises de disettes, provoquées précisément parc qu'on manquait de tout. Qu'il est donc un peu puéril de les assimiler à une crise d'abondance à laquelle on donne le nom de surproduction.

Que si de crises de surproduction se sont déjà produits, on n'en trouve aucune trace avant l'ère de l'énergie industrielle qui commence avec l'invention de la machine à vapeur, c'est à dire à l'instant où le génie de l'homme lui a permis d'utiliser les forces naturelles qui dormaient dans les forêts préhistoriques et avec lesquelles il a décidé les machines à marcher toutes seules. Et cela remonte à peine à 150 ans! Se baser sur une période aussi courte pour édifier une loi établissant la périodicité des crises de surproduction, n'est-ce pas un petit peu présomptueux?" [Duboin 35]

6.3.8. La décentralisation

au sens géographique et politique

"La petite vielle ou la ferme n'ont plus d'horizon. On y étouffe. L'horizon idéal, dont on rêve, c'est le cinéma, Montmartre et les boulevards. Et les tâches bureaucratiques, ou la sinécure du fonctionnaire, sont préférées au rude travail de la campagne" [Henri]

"Administrativement, la monarchie peut décentraliser, car elle ne craint pas les dissociations qui guettent les républiques faibles (exemple de l'Espagne)... une décentralisation matérielle, juridique et morale". [Henri]

"Comme l'a dit Barrès, "la nationalité française est faite de nationalités provinciales. Si l'une de celles-ci fait défaut, le caractère français perd un de ses éléments.

"Les institutions monarchiques permettront aux provinces de vivre la vie originale et forte qui est leur raison d'être. Elles se reconstitueront rapidement, grâce à la décentralisation économique, à la création d'assemblées des intérêts régionaux, à la renaissance des universités provinciales, à la défense de la littérature et des arts locaux.

"Les administrations centrales pourront alors répartir l'essentiel de leurs attributions entre les diverses provinces. L'Etat recouvrera la liberté d'examiner à loisir les problèmes généraux pour lesquels, à l'exclusion de tous autres, il a reçu sa mission" [Henri]

"L'emploi du moteur électrique a rendu possible la déconcentration de l'industrie et nous voyons dans cette tendance un remède au chômage" [Henri]

En 1936, Louis Renault installe sa première usine décentralisée au Sud du Mans.

"Lénine avait écrit: "L'électricité, c'est le communisme". Nous pensons qu'il parlait pour la Russie seulement, ou alors ils s'est lourdement trompé, car l'emploi du moteur électrique a rendu possible la déconcentration de l'industrie et nous voyons dans cette tendance un remède au chômage, donc aux ides subversives, dont les progrès sont fonction de la misère des hommes.

"Le principal avantage de cet éparpillement des entreprises réside dans le fait qu'il s'accompagne d'une déconcentration bancaire, rendant impossible l'octroi de ces crédits inconsidérés qui sont à la base de la crise. Les banques régionales et locales, qui connaissent personnellement les moyens d'action et les limites des entreprises qu'elles soutiennent, sont beaucoup plus prudents pour accorder des crédits que les grandes banques centralisées à Paris. [Henri]

au sens organisationnel

"Dans l'organisation de votre travail, sachez à la fois consentez et décentraliser" [Dautry]

peut se coupler avec le régionalisme, le retour à la terre

"Aujourd'hui les débouchés de l'industrie reprennent une grande importance dans l'agriculture nationale; ils sont fonction des prix de vente des denrées alimentaires.

Il faut donc revaloriser celles-ci; renversant la tendance des siècles derniers, pour abaisser le niveau de vie des villes, il faut élever celui des campagnes, ce mouvement de bascule arrêterait l'exode vers les villes et à la vérité, seule une civilisation nouvelle, plus rurale que citadine apporte un horizon d'espérance." [Henri]

avec le corporatisme des monarchistes "Son programme est le corporatisme régional et national, avec le contrôle et la surveillance de l'Etat".

Ses conséquences sont terribles pour l'ouvrier parce qu'il n'a que son salaire pour vivre. C'est pourquoi l'agriculture peut connaître la misère mais elle ignore le chômage. Or, la corporation, en faisant de l'ouvrier un "multicapitaliste" participant au patrimoine corporatif, familial et personnel, lui évite de compter sur la charité publique dans les périodes de malheur.

(autarchie individuelle)

"La baisse générale du pouvoir d'achat... fait désirer à certains hommes de pratique l'autarchie des individus... Une petite maison et juste le terrain nécessaire pour me permettre de vivre de mes légumes, de ma basse-cour! Ne plus connaître, enfin, les besoins d'argent qui empoisonnent l'existence"... Faisons lui remarquer que le genre de vie qu'il réclame est précisément celui des Berbères, au sud de Marrakech. Point n'est donc besoin d'aller leur vanter les besoins de notre civilisation, si c'est pour les rejoindre dans leur misère. Mais, à l'amateur d'autarchie individuelle, il n'est facile de démonter qu'elle n'est même pas praticable en France en l'an de grâce 1935" [Duboin 35]

6.3.9. Spécialisation

"Le défaut commun aux organisateurs et à la plupart des mortels, leur péché mignon, est de regarder leur ouvrage avec des oeillères. L'ingénieur et le mécanicien ne considèrent que les techniques, les machines et les procédés administratifs qui augmentent une production brute, le psychotechnicien réservera toutes ses faveurs aux problèmes psychologiques, le physiologiste aux moteurs humains, le comptable à la comptabilité, etc. Le difficile est de faire le tour complet d'un système travaillant complexe, d'en examiner les aspects nombreux." [Ponthière]

"Toute fonction doit avoir son organe"[Ponthière]

6.3.10. Distinction programmable/non programmable

"Dans le cas où le chef est complètement informé par ses bureaux, il lui suffit de déduire avec certitude une décision imposée par les faits, il fait acte d'administration expérimentale. Dans les autres cas, quand l'incertitude lui permet un choix ou quand sa passion l'empêche d'entendre son bureau, il fait acte d'administration empirique, intuitive, passionnée, qu'on appelle aussi "politique" et qui serait le privilège du gouvernement." [Ponthiere]^

6.3.11. Le chef. Formation des élites

"Je demande aux techniciens de la machine de concevoir leur rôle d'une façon large, humaine, qui dépasse les exigences de leur profession quotidienne... il faut que l'ingénieur soit humain" [Dautry]

Le "Chef" obéi et responsable est indispensable dans toute entreprise, toute organisation de lutte, de travail ou de production" [Dautry]

6.2.12. Un pacte social

"Pour conclure avec l'ouvrier un accord stable et fructueux dont tout le monde profitera et pour susciter un nouveau pacte social, cette atmosphère de généreuse allégresse... il ne faudrait a-t-on dit, qu'un peu de bonheur et de propagande..." [Dautry]

la croyance à des solutions qui résolvent tout, des systèmes

"Ce système... aura pour but de réaliser la synthèse des intérêts particuliers et tendra, par là-même, à l'établissement d'un intérêt général sur la base de la plus grande égalité sociale." [Besnard]

"Tous les remèdes, tous les plans proposés pour ressusciter le passé sont autant de devis de réparation à effectuer sur moteur qui est bon pour la ferraille.. Que manque-t-il donc aux Français pour être, tous, plus riches qu'ils ne l'ont jamais été Une législation de l'abondance remplaçant toute la législation de la rareté" [Duboin 35]

6.2.13. La guerre

Hitler

"... cet état de malaise chronique où l'on ne redoute plus, où l'on attend avec résignation une guerre devenue inévitable, comme le soulagement d'un abcès qui crève" [De Launay]

"Combien de gens, avant 1914, déclaraient: "La guerre est impossible, parce que les banques de tous les pays ont des intérêts trop enchevêtrés... La finance ne pourrait pas arrêter la guerre, même si elle le voulait. Elle a beau façonner l'opinion électorale par sa domination despotique sur la presse... Ce qui l'intéresse, ce sont les affaires nouvelles, les fournitures de guerre, les émissions, le jeu sur les variations des changes, les spéculations sur ces larges déplacements de cours qu'amènent dans toutes les Bourses les périodes critiques.

La solidarité internationale joue pour s'en partager les profits, non pour réduire ces profits en en tarissant la meilleure source... Les assurances ne suppriment pas les sinistres. Quand le commerce va mal, il arrive qu'elles les multiplient." [De Launay]

"Les Bulgares, les Roumains, les Serbes et les Grecs ne sont sortis du joug turc que pour se battre entre eux... La mode chirurgicale n'est pas aux greffes, mais aux séparations de frères siamois, sauf à ce que chacun des amputés occupe ensuite un siège à Genève" [De Launay]

6.2.14. L'humour

Diverses BD sur le machinisme (déjà, Robida)

Charlot

le film où tout le monde à l fin pêche à la ligne

Le refus et le passéïsme. Georges Duhamel.

La culture

"Pour reprendre les termes de Sorel, disons qu'on en est arrivé à considérer la culture comme un produit de consommation, et non comme une activité de production" [Rougemont 36] ... "Séparation du peuple et des "gens cultivés", séparation de l'esprit et des pouvoirs réels, voilà le terme d'une évolution, ou mieux d'une décomposition dont nous sommes les victimes, par surcroît de malheur inconscientes. On peut résumer d'un seul mot les effets de cette décadence: c'est un dessaisissement de la culture" [Rougemont 36]

"On voit maintenant l'importance décisive de ce que j'appelle la commune mesure de la pensée et de l'action. On voit que cette commune mesure est l'essence même de toute culture" (Rougemont 36]

6.2.15. Sublimation religieuse

bonne santé des couvents, Jeanne d'Arc

"Le relâchement spirituel de l'individu, le désir d'accroître le bien être, de jouir un peu de la vie de la cité" [Henri]

"L'homme moderne a perdu jusqu'à la notion, jusqu'au goût de la solitude et du silence" [De Launay]

"Il est un remède d'un autre ordre (au chômage) dont l'importance n'est pas moindre: il faut refaire l'éducation spirituelle de l'humanité.

Le vrai responsable, c'est l'homme. C'est le capitaliste qui voulait des dividendes et des intérêts élevés, c'est le financier qui, pour toucher des commissions, envoyait l'industriel à l'abîme, c'est l'industriel qui n'a pas su prévoir un destin pourtant clair, c'est l'ouvrier qui voulait travailler toujours en touchant toujours davantage. Est-il logique d'avoir tenté d'exploiter le monde entier et de s'indigner en voyant les autres se défendre.

La machine est une invention humaine, c'est une chose, c'est la chose de l'homme, celui-ci ayant un esprit, s'il n'avait pas prostitué cet esprit, s'il n'était pas devenu matérialiste, la machine ne l'aurait pas asservi.

Les paroles du Testament :"Conquérez la Terre" ne signifiaient pas que l'homme pouvait être remplacé par l'instrument qu'il arracherait à la terre, mais qu'il devait s'en servir pour alléger sa tâche.

Demandons aux fauteurs de ces désordres un grand acte de courage, qu'ils renoncent aux chimères qui justifient leur paresse, leurs goûts du lucre et leurs besoins de jouissance exaspérés.

Devant les faits inéluctables comme la restriction du rythme économique par la limitation des besoins alimentaires, l'homme, sans renoncer aux avantages matériels, doit méditer et rechercher un nouvel ordre donnant la suprématie aux valeurs morales" [Henri]

6.3.16. Autorité, dictature, fascisme

"... chez les plus agissants de ces tout jeunes, un besoin assez général de discipline qui contraste avec l'individualisme et le libéralisme des générations antérieures" [De Launay]

"C'est un dilemme: ou bien la République reste démocratique, c'est la faillite; ou bien elle se résout à la dictature d'un homme ou de quelques uns, et ce n'est plus la Démocratie" [Henri]

"L'Anglais, qui garde comme nous la tradition surannée du parlementarisme" [De Launay]

"Les rois subissaient jadis parfois des remontrances de leurs parlements, tandis qu'aujourd'hui les parlements devenus rois ne songent plus à se morigéner eux-mêmes" [De Launay]

"De tous côtés on aspire vers l'autorité, vers la discipline, vers la dictature: que celle-ci doive être d'ailleurs exercée par un Mussolini, un Staline, un Mustapha Kemal, un Hitler, un Roosevelt, beaucoup moins différents dans le fond que dans la forme" [De Launay]

"Puisque nous sommes voués au despotisme, mieux vaut encore la forme de Mussolini que celle de Lénine" [De Launay]

Variante monarchiste: "Fidèles héritiers d'une tradition millénaire qui nous fut transmise de père en fils, nous voulons forger, avec le peuple, le destin de la France" [Henri]

"C'est du côté de la constitution même de la société qu'il faut chercher la solution" [Henri]

"La démocratie vit au jour le jour. La dictature ne pense qu'au lendemain. La monarchie règle le présent et prévoit l'avenir" [Henri]

"L'Eglise, dont la doctrine a toujours été de rendre à César ce qui appartient à César, c'est à dire de servir, quels qu'ils soient, tous les gouvernements établis, a compris que le peuple était aujourd'hui le souverain et s'st applique un peu bruyamment à encenser les démocraties" [De Launay]

6.3.17. Réduction du nombre des fonctionnaires

"La monarchie n'a pas besoin d'un corps de plus d'un million de fonctionnaires pour assurer les élections" [Henri]

"L'Etat fort n'est pas et ne peut être l'Etat apte à toutes les tâches. La force ne lui vient que lorsqu'on l'a réintégré dans ses foncions propres et rendu compétent sans parage dans son ordre.

Un pays ne saurait se prétendre réellement libre que si la puissance publique y est réduite au minimum indispensable; sécurité intérieure et extérieure, justice impartiale, finances publiques saines" [Henri]

6.3.18. Minimum vital et action sur les bas salaires

"L'avenir du pays exige que tout Français puisse fonder et lever une famille. La richesse naturelle de notre pays, lorsqu'il sera bien géré, doit permettre d'améliorer la condition de l'ouvrier. De même, la garantie d'un minimum vital à chaque famille est la plus essentielle des réformes." [Henri]

Pour résorber le chômage, il est visible que l'on est obligé d'évaluer les salaires sur de nouvelles bases.

Il faut égaliser les conditions, réviser le standard de vie général, en soulageant, avec les bénéfices obtenus, la misère des chômeurs, non pas en leur accordant des secours, mais en leur procurant n travail rentable. [Henri]

"Aujourd'hui même, malgré les expériences si nettes de l'Allemagne et de l'Angleterre, un parti puissant ne veut-il pas nous imposer l'assurance-chômage?

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6.3.19. Politique nataliste

La production sans cesse développée, il faut concevoir une augmentation du nombre des consommateurs. Or l'enfant est un consommateur de premier ordre, car c'est un destructeur qui ne produit rien jusqu'à quinze ans.

"Vous croyez à la surproduction, s'écriait Mussolini. Il n'y a pas de surproduction. Il y a une sous-consommation. La dénatalité est une des causes de la crise. Il faut avoir des enfants, beaucoup d'enfants. Moi, j'en ai cinq. L'enfant est un consommateur remarquable car il détruit tout: ses livres, ses jouets, ses vêtements: il mange! La vie économique d'un pays dépend de sa population. Croire qu'un peuple nombreux devient un peuple pauvre est une erreur. Quand j'étais jeune, j'ai vécu dans une province dépeuplée et misérable; aujourd'hui, elle est très habitée, aussi la vie y est-elle plus facile. Les nations doivent avoir beaucoup d'enfants si elles ne veulent pas mourir..."

Les paroles de l'Ancien testament: Croissez et multipliez, reprennent une saisissante actualité.

6.4. Femmes/féminisme

"L'émancipation féminine est un autre trait caractéristique du monde nouveau. Aux garçons affirmatifs et imberbes se mêlent partout des jeunes filles aux jupes courtes et aux idées longues...

"L'attitude que vont prendre les femmes dans les questions politiques et sociales où elles commencent à intervenir directement peut produire une révolution comparable à celle qui a anéanti le monde antique le jour où le christianisme les a fait sortir du gynécée. Le bulletin de vote n'est pour elles qu'un moyen d'influence ajouté à beaucoup d'autres. Mais qui sait dans quelle direction cette influence va s'exercer? Ce ne sera pas, à coup sûr, dans le sens du calcul impartial et abstrait. Ne va-t-il pas en résulter un élément de nervosité, de sentimentalité, ajouté à la fébrilité que les heures angoissées de la guerre ont trop souvent introduites dans les tempéraments, au physique comme au moral" [De Launay]

"On verra sans doute se réaliser... cette égalisation, cette identification de la femme avec c l'homme que l'on appelle solennellement l'émancipation de la femme. Les femmes feront alors de la politique, ni plus ni moins mauvaise que celle des hommes, peut-être seulement un peu plus impulsive, fébrile et sentimentale. Mais, si l'on veut parler histoire naturelle, l'évolution des êtres semble plutôt tendre à leur spécialisation qu'à leur confusion et la différenciation des sexes dut apparaître à son premier jour un progrès quand ne connaissait encore que des hermaphrodites. Il n'est donc pas sûr que, dans l'ensemble, l'humanité gagne au développement actuel des androgynes". [De Launay]

"La culture intellectuelle que l'homme n'a plus le temps d'acquérir, étant désormais voué à la mécanique appliquée et aux affaires, c'est la femme qui se l'assimile à sa place... Peut-être ainsi sauveront-elles quelque chose de notre histoire, de notre langue et de notre orthographe" [De Launay]^