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Speech, Writ, Cloud

Parole, écrit, cloud

Vers un troisième âge de la politique

Un scénario pour espérer

Nous assistons aujourd'hui à la déconfiture de ce que nous appelons la démocratie. C'est à dire l'Etat de droit fondé sur la technologie du papier. Il a succédé aux relations tribales/claniques, basées sur le geste et la parole. Il est en train de laisser la place à de nouvelles formes de gouvernance fondées sur le cloud, c'est la dire l'ensemble connecté des machines, des objets et des humains.

Dans l'esquisse qui suit, nous ne faisons volontairement pas la différence entre constats, projections et désirs, laissant ces analyses, indispensables, à une rédaction ultérieure.

La parole

La parole est le mode de décision qu'ont pratiqué et que pratiquent encore les petits groupes humains. La famille, la ttibu, le clan. Incluons-y le geste, caresse ou "tope-là". Il a été précédé par les systèmes gestuels des espèces animales les plus proches de nous. La parole humaine y a ajouté le langage articulé et la mémoire des textes (traditions, mythologies, généalogies et épopées narrées par les anciens our par les Aèdes.

Ce mode a ses limites. Spatiales : même une vois de Stentor ne peut s'entendre au delà de quelques dizaines de mètres. Temporelles : la parole se dit et s'entend dans l'instant. Et la mémoire perd sa fidélité au fil des ans comme au fil des répétitions.

L'écriture

Elle prend le relais de la parole et progresse avec ses supports et ses technologies, depuis les tablettes d'argile et les stèles gravées jusqu'aux rotatives. Et elle fonde le droit, et l'Etat de droit.

La politique basée sur l'écrit va se perfectionner, par grandes étapes suivies de décadences. Egype, Droit romain, Codes de la Révolution. Constitutions et codes synthétiques. Noter ce terme "code", qui vient du latin "codex", et employé notamment une des grandes bases du droit roamin, le Codex justinianus.

Cela ne va pas sans inconvénient par rapport à la parole. Nous le rappellent des formules comme "dura lex sed lex" (La loi est dure, mais c'est la loi) ou "La lettre tue et l'esprit vivifie" (Saint Paul).
- L'écrit crée une distance entre ses auteurs et ses lecteurs. Elle ne traduit qu'imparfaitement "l'intention du législateur".
- La langue tend à devenir plus complexe, à encourager les spécialisations. Plus l'on avance, et plus les textes juridiques deviennent illisibles au commun des mortels ("Langage de notaire", ou traité de Maastricht).

Le fonctionnment actuel de nos démocraties est toujours basé sur le papier: les candidats impriment leurs programmes, les électeurs apportent leur bulletin, les dépouillements sont centralisés pour les comptages et compte-rendus finaux.

En pratique, ces processus "papier" sont de plus en plus doublés par des processus électroniques. Avant les élection, par les médias et les sondages. Au cours du processus de vote, par la communication électronique des résultats au site central, et leur annonce sur les ondes.

Mais on voit bien que cela fonctionne de moins en moins bien. La démocratie du papier n'est plus à la mesure de l'Europe. Elle fonctionne encore (de plus en plus mal) aux Etats-Unis et en Inde. Elle n'existe pas ou que formellement en Chine

Plus grave, les dirigeants eux-mêmes, qui assument les "trois pouvoirs" de Montesqieu, sont de plus en plus dépassés. En partie du fait de l'agressivité des oligachies mondiales, certes. Les démocrates se découragent donc, notamment en France. Quelques "printemps" sympathiques ne suffiront pas à refaire le Printemps que le Monde attend. D'ailleurs, ils ne sont pas nés du papier, mais d'Internet et des réseaux sociaux.

Le Cloud 1

C'est donc au niveau global de l'informatique, dans le Cloud, qu'il faut espérer mettre en place la démocratie de demain, capable à la fois de coordonner efficacement les décisions des humains et les automatismes de leurs machines. L'Etat-machine n'est qu'un prolongement naturel de l'Etat de droit. Le code informatique succède au code sur papier (le mot "code" (codex) désigne à l'origine le remplacement des rouleaux de parchemin par des paquets de feuilles séparées).

Cela ne se fera pas sans douleur. Le Cloud, pour une part, corrigera les défauts de l'écrit, mais il apportera de nouvelles ruptures, analogues à celles du passage de la parole à l'écrit, mais d'une ampleur encore plus grande.

En effet l'efficacité du cloud passe par un développement des automatismes, disons des "robots" (mais, sauf exception, il n'y a a aucun intérêt à les doter d'un corps "humanoïde", bien au contraire). De toutes façons, comme l'humanité a décidé de ne pas se changer elle-même, mais laisse libre cours au développement des automatismes, les robots sont de plus en plus performants et compétitifs par rapport aux humains. Dans le domaine politique comme dans tous les autres domaines.

Le Cloud crée une autre menace: par sa nature même, il concentre l'inforamtion et le pouvoir. Déjà Sismondi, au XIXe, écrivait en substance "Il suffirait que le roi d'Angleterre, en tournant une manielle, fasse fonctionner toutes les machines du pays". Aujourd'hui, la décision se concentre entre les mains de quelques dirigeants politiques et surtout économiques. Ce qu'on peur appeler "le Gnafa" (Google, NSA, Apple, Faceboook, Amazon) pour faire image. C'est à la fois une caractéristique du capital (prévue par Marx) et un effet purement technologique: les machines communiquent mieux et plus vite que les humains.

Horreur ? Peut-être. Mais c'est ce qui est en train de se passer sous nos yeux. Sous les formes les plus diverses, depuis les transactions financières jusqu'aux sanctions pour excès de vitesse, en pasant par les distributeurs de billets, les péages d'autoroutes ou l'accès aux transpots en commun, l'attibution de prêts (algorithme de scoring), le management des hommes dans les entreprises (CBS, computer business systems).

Et, magré d'épisodiques et locales résistances, nous y sommes consentants. Par intérêt (dirigeans de grandes entreprises), par manque de confiance dans les autres pour nous juger, par facilité et économie.

A des politiciens pourris et incompétents, nous préfererons des systèmes informés bien mieux que nous en temps réel, communiquant rapidement entre eux sur toutes la planète et pilotant tous les objets pilotable

On a peur du transhumanisme, non sans raison. Mais on laisse les automatismes s'installer partout. Et on ne s'en trouvd pas plus mal, bien au contraire (si on laisse de côté le problème du chômage, qui n'est peut-être pas une conséquence de l'automatisation, d'ailleurs).

Dans cet Etat-Machine où nous sommes déjà très engagés, les humains ont trois modes d’action légitimes sur le système politique:
- la programmation des logiciels; qui prolonge l'écriture des lois,
- la désobéissance civique.
- l'action au niveau de petites structures.
 
Mais ces trois modes s’appuient de plue en plus fortement sur des machines:
- la programmation avec les compilateurs et les systèmes d’exploitation
- la désobéissance civique avec les réseaux sociaux  (dès qu’on dépasse des actions strictement individuelles ou de tout petits groupes, en général peu efficaces, sauf exception (le suicide du pauvre tunisien).
- la vie familiale avec la communication électronique (SMS, Skype...) et la mémoire électronique (archives familials sur disque), et la vie personnelle elle-même est de plus en plus "prothétique".

Entrons dans le détail de fonctionnement de cet Etat-Machine.

- Perception
http://www.news.gatech.edu/2011/03/08/how-can-robots-get-our-attention