Cet article a fait l'objet d'une présentation à la Convention Informatique. De gauche à droite : Pierre Berger, Nicolas Vichney (Le Monde), Perrette Becquevort-Ferrié (directrice de l'AIG, éditrice d'Informatique et Gestion) et J.C. Briffaut (Sicob ? ).
Les fonctions de la presse spécialisée en informatique.
Pierre Berger
Informatique et Gestion no 52 , novembre 1973
La définition des fonctions de la presse spécialisée se heurte à la multiplicité des moyens, des problèmes et des types d'hommes concernés. Il est cependant possible de discerner quatre missions principales fondées sur quatre couples lecteur-environnement. L'évolution rapide des matériels et des concepts qui est prévisible pour les années prochaines donnera un rôle particulier et important à la presse spécialisée. Cet article fait l'objet d'une communication à la convention informatique.
Tout essai d'approche systématique des missions de la presse spécialisée en informatique se heurte d'emblée à une difficulté: la variété des approches, des domaines, des lecteurs.
DIVERSITE DES APPROCHES
Des mathématiques à la psychologie
De la mécanique à la chimie moléculaire, de la biologie aux sciences humaines, toutes les disciplines scientifiques concourent peu ou prou au développement de l'informatique.
Des composants à l'organisation des entreprises Les éléments composant les systèmes informatiques peuvent, à quelques simplifications près, s'organiser en ligne depuis les composants, mécaniques ou électroniques jusqu'aux techniques d'organisation, en passant par les processeurs, les systèmes hardware, le software de base et d'application, les méthodologies, etc. (figure 1).
Chaque niveau est considéré comme un moyen par le niveau suivant et le considère comme un "utilisateur".
Cette organisation linéaire est d'ailleurs actuellement remise en cause pour des raisons dont nous traiterons en conclusion. Elle reste encore valable aujourd'hui pour l'essentiel, et correspond d'ailleurs à la variation parallèle d'un certain nombre de paramètres: du moins complexe au plus mobile... encore que l'on s'aperçoive progressivement que les hommes ont une force d'inertie bien supérieure aux masses atomiques.
De l'industriel au scientifique Les différents types d'informatique peuvent aussi être mis en ligne (figure 2), en se basant par exemple sur les caractéristiques spatio-temporelles du cycle transactionnel
Par rapport à cette classification, des domaines comme l'informatique médicale couvrent tout le champ des types de transaction: le monitoring cardiaque a les caractéristiques de l'informatique industrielle, la gestion hospitalière a le double caractère d'administration et de management, et la recherche médicale se rattache souvent étroitement (par le biais des études statistiques) à la gestion des dossiers médicaux.
Une famille particulière d'informatiques semble remettre en cause cette classification: où placer l'enseignement assisté par ordinateur et la conception elle aussi assistée par ordinateur, ainsi que la documentation automatique? En pratique, on peut aussi y distinguer des types de transaction différents: la consultation courante ou l'assistance proprement dite à l'élève relèvent du niveau de l'informatique administrative, pendant que les études générales qui seront faites à partir des grandes évolutions du système (docimologie, perfectionnement des thesaurus, etc.) se rattachent à l'informatique scientifique.
Cette classification relève d'informatiques de coût normal, respectant le principe de subsidiarité, c'est-à-dire laissant chaque transaction s'effectuer au niveau le plus bas possible. Des cas particuliers (projet Apollo par exemple), où les coûts relèvent d'autres systèmes de mesure que la vie courante des entreprises, peuvent conduire à résoudre des problèmes d'informatique industrielle (pilotage du LEM) à partir de distances "cosmiques".
De l'hôtesse d'Air France au chercheur en chambre
Toutes ces sources de variété engendrent bien entendu une extrême diversité des lecteurs potentiels de la presse spécialisée, qui conduira chaque magazine à choisir un marché suffisamment nombreux et suffisamment cohérent pour amortir un certain niveau de frais de publication.
La figure 3 est une esquisse de (je croix qu'une ligne manque ici) de revues spécialisées en informatique classés selon deux axes: leur niveau hiérarchique (ou de culture générale) et leur plus ou moins grande proximité de l'ordinateur. Le caractère contestable de ce tableau prouve précisément la difficulté de cerner des cibles précises.
Le bulletin de la CFDT
"L'informatique en lutte" peut par exemple être considéré comme ayant choisi la population spécifique des techniciens et cadres travaillant chez les constructeurs et sympathisant avec cette centrale syndicale.
Le Courrier de l'Informatique,
quotidien de coût relativement élevé, vise essentiellement les services commerciaux des fournisseurs. Zéro-Un-Informatique Hebdo, à l'autre extrême, vise une large diffusion dans tous les milieux suffisamment concernés par l'informatique pour souhaiter se tenir au courant hebdomadairement.
Informatique et Gestion est lue à la fois par des informaticiens et par des gestionnaires, et veut être un dialogue entre eux. Au coeur de la "cible", l'informaticien de gestion, ou si l'on préfère le responsable informatique d'entreprise (qui n'est pas forcément un informaticien au sens où un universitaire prend ce terme, par exemple), dans deux fonctions irremplaçables:
--contrôle global des coûts consacrés à l'informatique, contrôle qui demande à être centralisé en raison de l'importance des masses budgétaires en cause et du gaspillage qui résulterait 'acquisitions non coordonnées de matériels et de services (c'est la fonction "acheteur" du responsable informatique d'entreprise);
--construction et mise en cohérence des différentes applications informatiques de l'entreprise ou de l'organisme; s'il y a lieu de se méfier des mythes de la "gestion intégrée", il ne faut pas pour autant céder aux charmes de l'anarchie, d'où notamment l'importance de la méthodologie (fonctions de concepteur, d'animateur et de contrôleur).
Comment définir des missions
Devant un tel disparate, comment cerner des missions suffisamment précises pour pouvoir, comme diraient les informaticiens, être "implémentées"?
Nous distinguerons quatre missions en nous appuyant sur quatre types de relations entre le lecteur et son environnement.
DU FOURNISSEUR A L'UTILISATEUR
L'informatique est un secteur qui consomme des sommes importantes de produits et de services. On parle de 2% du produit national brut, ce qui n'est pas négligeable. Comme l'évolution technologique n'a jamais cessé d'être rapide dans ce domaine, sinon en quelques périodes où la conjoncture plus difficile et le besoin général de "souffler un peu" conduit les constructeurs à ralentir leurs annonces, il y a en permanence une importante quantité d'information sur les produits et services à faire passer aux consommateurs, en l'occurrence les "utilisateurs". La source de ces informations étant les fournisserus (figure 4).
Cette mission relève d'une presse spécialisée dans la mesure où seule les plus importantes nouveautés intéressent le grand public, lequel n'a pas besoin du luxe de détails techniques et commerciaux exigés par l'informaticien.
Le terme même de nouveauté n'a d'ailleurs pas le même sens dans les deux cas. Pour l'informaticien, si le constructeur Y se met à fabriquer lui aussi une imprimante à 2.000 lignes/minute alors que le fournisseur X en vend depuis deux ans, c'est une nouveauté (surtout si le prix est intéressant). Alors que cette nouvelle ne présente aucun intérêt pour le grand public.
Cette information sur les produits est celle que la presse spécialisée remplit le plus facilement. Certains périodiques axent d'ailleurs leur action sur ce point. Gilbert Cristini écrit par exemple (dans sa préface à l'Annuaire général des fournisseurs en informatique): "En informatique comme ailleurs, tout se réduit, finalement, à des choix de produits et des choix de fournisseurs".
Une mission bien remplie Cette mission est une des mieux remplies. Depuis 1947, en se limitant à la revue de la mécanographie, devenue Informatique et Gestion en 1968 et à Zéro-Un-Informatique, la presse spécialisée a annoncé quelque 4 000 "nouveaux produits" et le chiffre annuel continue de croître fortement. La figure 5 et le tableau qui l'accompagne détaillent la nature et la progression de ces annonces.
Mission relativement facile à remplir pour plusieurs raisons: --l'information est assez aisément disponible auprès de fournisseurs qui ont tout intérêt à faire connaître leurs produits, sont donc accueillants pour les journalistes et disposent souvent de services de presse étoffés et compétents,
--c'est un domaine où l'information est relativement facile à traiter par un journaliste un tant soit peu formé. On peut faire un bon papier sur des nouveautés sans nécessairement faire d'efforts intellectuels ou synthétiques importants. De plus, c'est un domaine qui convient bien au tempérament de journalistes qui aiment à rechercher l'événement, et si possible le "scoop", c'est-à-dire l'information importante et que l'on est le premier à donner,
--cette information est accompagnée d'un support publicitaire qui a été plus grand qu'aujourd'hui mais reste encore très substantiel et semble croître à nouveau. Les périodiques ont donc tout intérêt à bien couvrir cette catégorie d'informations. La presse spécialisée reste un support attrayant en offrant la garantie de toucher au point sensible des lecteurs sélectionés.
Mais des difficultés spécifiques D'abord, la facilité due au courant commercial a son revers: les fournisserus donnent une information nécessairement orientée, et -- plus ou moins clairement selon les sociétés -- cherchent à influencer les rédactions.
Les pressions sont parfois explicites et brutales dans les petites sociétés: on menace de faire cesser les contrats de publicité. Elles sont plus subtiles dans les grandes, comme l'a bien montré le livre blanc publié l'an passé sur cette question. Si l'on a affaire à un attaché de presse sympathique, et a fortiori à une charmante attachée de presse, il peut y avoir des choix cornéliens (enfin, ne dramatisons pas) entre l'information due au lecteur et l'amitié d'un interlocuteur avec qui l'on continuera nécessairement d'être en rapports.
Ensuite, la nature des produits leur coût et leur complexité obligent les journalistes à transmettre pratiquement sans contrôle les informations qui leur sont sonnées. quand un nouveau mot dèle d'automobile est annoncé, il est facile à Renault ou à Ferrari d'inventer des journalistes spécialisés et de leur faire vérifier chronomètre en main qui la voiture atteint effectivement le 100 kilomètres/heure, départ arrêté, en tant de secondes.
En informatique, les produits sont annoncés plusieurs mois avant d'être effectivement disponibles, et ne peuvent donc être essayés. Et de toutes façons leur complexité est grande, leur essais sont des opération coûteurses et souvent contestées. Les clients eux-mêmes disposent rarement de bench-marks (nous sommes dans une industrie américaine!) avant de signer leur contrats.
Enfin, le marché est marqué par des fournisseurs dominants, en particulier par IBM.
Une certaine forme de juste voudrait que l'on consacre numéro Un une surface rédationnelle en rapport avec sa position sur le marché. Ce qui viendrait à lui donner la une chaque parution et plus de moitié de chaque numéro... on ne satisferait personne, à commencer par IBM soi-même, nées par son volume qui lui ____ des chocs en retour en vertu la loi anti-trust.
En pratique, le sens égalisant, des journalistes les conduit à parler de tout le monde, ) tenir compte autant de l'intérêt technique et conceptuel d'une nouveauté que du volume d'affaires qu'elle entraînera. Mais l'équilibre est difficile à trouver et toujours un peu boîteux. Il est bien connu que la presse et les entreprises dominantes ont du mal à s'entendre. D'autres secteurs en ont fait l'expérience.
Rubriques permanentes et études comparatives
Si c'était si facile, on n'aurait pas besoin de journalistes spécialisés.
En pratique, ce type d'information se traduit sous différentes formes. Les rubrique "nouveaux produits" sont permanentes dans l'ensemble de la presse spécialisée. Elles se composent de textes assez brefs donnant les caractéristiques des produits et leurs prix (pas toujours faciles à obtenir des fournisseurs).
Les annonces importantes sont commentées. Elles situent le marché ouvert aux nouveaux produits et services, les points originaux, les limites d'utilisation. Elles insèrent l'événement dans une évolution générale et un environnement.
Il serait souhaitable ici de faire beaucoup plus. L'idéal serait de pouvoir immédiatement situer chaque produit nouveau parmi ses concurrents, d'en peser les avantages et les atouts spécifiques, d'en cerner les limites.
Cela est en pratique impossible pour deux raisons:
--il faudrait constituer et maintenir une documentation lourde et pratiquement hors de portée des entreprises de presse,
--cela s'inscrit mal dans le mode de travail des journalistes qui, par nécessité et aussi par référence au journalisme type, celui des grands quotidiens, ont tendance à vivre dans le présent et dans l'action plutôt qu'à entretenir de beaux fichiers.
D'où le rôle des "études compratives" (en général, on ne peut pas parler de bancs d'essais puisque les comparaisons se font sur le performances nominales annoncées par les fournisseurs). La formule est largement utilisée par les revues de consommateurs (Que choisir) et par la presse spécialisée, en particulier Zéro-Un Informatique mensuel et Informatique et Gestion.
Ces études font le point sur une catégorie de produits disponibles à un moment donné. Les analyses sont assez fouillées et les constructeurs sont assez motivés à fournir des informations détaillées de manière à faire bonne figure, tout en se plaignant le plus souvent du caractère draconien des indispensables tableaux. C'est compréhensible.
C'est justement l'inconvénient de ces études: il fait choisir des paramètres qui correspondent bien à tel problème, mal à tel autre.
C'est justement l'inconvénient de ces études: il faut choisir des paramètres qui correspondent bien à tel problème, mal à tel autre.
De plus, ces tableaux se périment assez vite. De nouveaux produits apparaissent, les caractéristiques des autres changent (les prix en particulier).
Pour ce type d'articles, il est essentiel que les auteurs soient clairement identifiés et que leurs fonction garantissent l'objectivité des comparaisons. La solution la meilleure est de confier le travail à un ou des journalistes spécialisés. Certains organismes professionnels, certaines sociétés de conseils et quelques grands utilisateurs peuvent aussi apporter un précieux concours.
Il va de soi que ces tableaux ne dispenseront jamais un acheteur potentiel de reprendre l'étude pour son compte. Mais ils restent une catégorie d'article très demandés et très appréciés des utilisateurs, qui y trouvent des idées, des orientations et des check-lists. Un lecteur me disait: "De toutes les revues que je lis, je ne garde que les numéros où il y a des études comparatives".
Des études de synthèse sur certains catégories de produits ou de services peuvent aussi être très intéressantes.
On en trouve en fait assez peu. Reste le cas des articles consacrés à un produit particulier. Cela prête lieu à controverse. Est-il valable de consacrer un article entier (de 4 à 8 pages de revue) à un produit déterminé?
Oui, pour certaines nouveautés très originales et importantes. Et c'est d'autant plus utile que les constructeurs ne diffusent qu'au compte-gouttes une documentation qui leur coûte fort cher. Mais il faut sélectionner les produits (au risque de faire es jaloux) et trouver l'auteur adéquat. La solution la plus facile est de reproduire une documentation obtenue du fournisseur (quitte à la récrire) ou à demander à un de ses représentants de faire le "papier". Et qui, en effet, connaît mieux un produit que celui qui l'a conçu et qui le promeut?
Utile dans certains cas, cette solution est dangereuse: le promoteur d'un produit est toujours plus ou moins partial, en toute bonne foi.
Aussi, en général, nous évitons ce type d'article. Il y a cependant parfois la possibilité d'orienter l'auteur potentiel vers la description générale de concepts ou de techniques utilisés dans le produit, ce qui conserve un certain intérêt pour le promoteur de celui-ci tout en limitant le caractère publicitaire de l'article et en ouvrant au lecteur des perspectives plus larges, car le concept peut ouvrir sur toute une famille de produits.
Qui sont les fournisseurs?
Au-delà de la technique, des produits proposés, l'utilisateur, avant de faire son choix, s'intéresse à la solidité générale de ses interlocuteurs. Il droit s'interroger, s'il est prudent, sur la solidité financière, humaine et technique des sociétés avec qui il passe contrat.
Ce souci est très important en informatique, où la majeure partie des produits vendus appellent un service après-vente, une maintenance et des développements qui porteront sur plusieurs années. La grande presse et la presse financière ne s'intéressent qu'aux sociétés les plus importantes, et visent surtout à répondre aux besoins d'information des clients de la Bourse?
C'est donc un des rôles de la presse spécialisée de donner des renseignements reliant finance et technique en matière informatique, et d'informer sur les très nombreux fournisseurs de produits informatiques dont une grande partie sont de moyennes et petites entreprises.
Alors que nos confrères étrangers sont habitués depuis longtemps à traiter de ces problèmes, c'est seulement assez récemment que la presse spécialisée française a commencé à s'intéresser de près à ces questions pourtant essentielles. Comme d'habitude, les débuts ont été assez difficiles, les entreprises étant peu habituées de leur côté à répondre à des questions précises en la matière. Peu d'entre elles acceptent d'indiquer leurs bénéfices, et nombre d'entreprises considèrent leur chiffre d'affaires comme confidentiel.
Heureusement, l'évolution est favorable. Il était difficile, il y a dix ans, d'obtenir sur un stand du Sicob une information technique précise (il n'y avait guère d'attachés de presse et les commerciaux de faction sur les stands écarquillaient les yeux quand on parlait de cycles de base). Il était difficile, il y a cinq ans, d'obtenir un prix (ces journalistes sont vraiment impossibles). Ces renseignements sont la plupart du temps faciles à obtenir aujourd'hui. On peut donc espérer que, demain, les entreprises trouveront normal qu'on leur demande leurs bénéfices, et que les journalistes, se plaçant du point de vue de la clientèle, essaient de cerner au mieux la valeur des entreprises dont ils annoncent les produits.
DES OFFICIELS AUX ADMINISTRES
Les informaticiens ne sont pas seulement des "utilisateurs", et l'informatique ne se résume pas à des échanges de produits et de servies.
Au-delà de la micro-économie, celle des entreprises, il y a la macro-économie, et parfois même la politique. Au rapport fournisseur-acheteur s'ajoute un rapport officiel particulier.
Relevons de nombreux centres d'initiatives et donc d'informations
--L'Etat lui-même, particulièrement par l'intermédiaire de la Délégation à l'Informatique, mais aussi par certain ministères, en particulier les PTT, du fait des relation de plus en plus étroites entre informatique et télécommunication. Mais l'Education nationale est active aussi en matière de formation. D'autres services ont des actions concernant la presse spécialisée: DGRST, Copep, Iria, etc.
--L'Etat encore pour un certain nombre de problèmes spécifiquement politiques comme la liberté individuelle menacée par les banques de données, la législation du travail, etc.
--Les instances régionales dans certains cas. Quelquefois les collectivités locales.
--Les syndicats professionnels, de personnel ou patronaux. Notamment, dans notre cas, les différentes instances installées rue de Presles: FNIE, SPER, SFIB. Citons aussi le Syntec, la Fédération des importateurs de matériels de bureau, etc.
--Des organismes comme l'Afnor, la Fnege, le Cnipe, des instituts de recherche ou des universités, etc.
--Les associations professionnelles spécialisées. En particulier l'Afcet, l'Afin, l'Adasp, l'Adira... en Belgique, l'Asab.
--Les organisateurs de rencontres et de manifestations, Sicob en tête.
--Les représentation commerciales à Paris de pays étrangers, par exemple le rès actif U.S. Trade Center, buromaschinen, etc.
Ces organismes officiels peuvent en quelque mesure être considérés comme des founisseurs de services d'un type particulier.
Les informations portent surtout sur:
--des décisions officielles, législatives ou réglementaires,
--des informations statistiques, dans notre cas, la Copep joue un rôle central, et quel journaliste spécialisé n'aimerait avoir dans son bureau un terminal connecté à la banque de données de Jean-Michel Treille!,
--des indices (indice Syntec), conventions collectives, recommandations,
--des informations sur les rencontres qu'elles organisent et les documents qu'elles publient. Le caractère non commercial de ces organismes éliminent ici, la plupart du temps, les problèmes de déontologie liés à la publicité. Par contre, nombre d'entre eux s'intéressent peu ) la presse spécialisée et sont mal organisés pour lui répondre. Ce n'est pas le cas, bien entendu, de ceux qui sont directement orientés vers notre secteur et sont en général bien organisés en ce sens.
Outre les pages d'information "événementielle", cette catégorie d'informations trouve place dans des rubriques comme "au Journal Officiel", calendrier des congrès et manifestations, etc. Ces instances sont parfois de bonnes sources de grandes études. Et les rencontres qu'elles organisent sont fort utiles à la presse en facilitant les contacts et surtout en ouvrant les interlocuteurs sur la nécessité de la communication.
DES THEORICIENS AUX FORMES PERMANENTS
Consommateurs, citoyens, les informaticiens sont aussi (sinon avant tout) des techniciens. La presse spécialisée est pour eux et pour ceux qui dialoguent avec eux un des grands moyens de recyclage permanent.
C'est peut-être une des missions que la presse a le plus de difficultés à bien remplir, au-delà des informations courantes qui permettent d'être et surtout de paraître "dans le coup".
Il est vrai que le monde d'aujourd'hui n'est pas tendre pour les professeurs, qu'ils parlent ou qu'ils écrivent, et qu'il ne faut pas trop s'étonner d'être critiqué dans ce domaine.
Mais c'est sans doute ici que la diversité des lecteurs et des techniques est la plus gênante. Chacun voudrait être pris à son niveau, c'est-à-dire ni encombré par des explications superflues, ni dépassé par des textes difficiles.
Sur certains points, les choix sont faciles. Seules des spécialistes s'intéresseront à une comparaison détaillée entre périphériques, et ne s'offusqueront pas d'un texte parsemé de cps, bpi et lpm, pour ne pas citer le si rare et pourtant si important MTBF.
Il en va autrement des grands thèmes que chacun voudrait approfondir en permanence, et en partant de son niveau. En matière de Cobol, par exemple, les uns voudront une initiation, d'autres les moyens de l'utiliser efficacement, d'autres des appréciations sur l'intérêt de son utilisation dans tel ou tel cas, d'autres enfin des comparaisons entre les Cobol fournis par les différents constructeurs, dont chacun sait qu'ils ont compatibles jusqu'au moment où l'on a vraiment besoin d'en changer.
Le même articles sera jugé banal, "bateau", par les uns, et trop difficile par les autres.
Ajoutons que les bons pédagogues sont rares. Le problème est particulièrement net en informatique.
En effet, l'informatique souffre beaucoup, et la presse spécialisée le ressent fortement, de la coupure profonde qui subsiste (malgré des progrès) entre l'industrie et les universités. Nombre d'universitaires ont du mal à faire publier leurs travaux... mais leurs articles peuvent rarement être accueillis en dehors des revues de sociétés savantes (en occurence, surtout les revues de l'Afcet et certains bulletins très spécialisés). Même quand les problèmes traités concernent assez directement les utilisateurs, la manière dont les chercheurs en traitent, leur vocabulaire, leurs approches, les rendent inassimilables par l'informaticien d'entreprise.
On trouve plus facilement de bonne littérature chez les constructeurs et les sociétés de conseil. Ces dernières réunissent trois qualités:
--elles sont relativement indépendantes des constructeurs, et ont donc en mesure de donner les vues "désintéressées",
--elles sont au contact des utilisateurs, donc ont un certain sens du concret,
--elles ont la possibilité et le désir d'atteindre le niveau de généralité nécessaire, ce qui est souvent assez difficile aux utilisateurs, trop pris par leurs responsabilités spécifiques.
Distinguons trois niveaux d'articles: théorie, vulgarisation, recettes. Les informaticiens sont particulièrement amateurs de ces dernières. Mais il est bien difficile de les satisfaire. En effet, la diversité des matériels, des systèmes d'exploitations et de leurs releases, des applications... est telle qu'il est rare de pouvoir trouver des recettes suffisamment générales. Les clubs d'utilisateurs et leurs bulletins ont là un rôle à jouer que personne ne peut remplir à leur place.
Les journalistes spécialisés sont souvent très bons sur ces sujets. Mais ils doivent, hélas peut-être, consacrer une grande part de leur temps aux deux mission précédentes, c'est-à-dire à chercher et traiter l'information émanant des fournisseurs et des instances officielles.
LA COMMUNAUTE INFORMATIQUE ET SES MEMEBRES
Haut-parleur ouvert à toutes les séquences émises par les fournisseurs, les instances officielles les théoriciens de tout niveau, presse doit encore se brancher sur ses auditeurs eux-mêmes.
C'est sans doute le plus difficile. L'auditeur principal, c'est-à-dire l'utilisateur, n'est guère tenté de parler. Le journaliste doit faire pratiquement tout le chemin:
--trouver l'utilisateur qui a quelque chose à dire,
--le convaincre de l'intérêt de faire part de son expérience,
--souvent écrire l'article lui-même, trop heureux encore si l'utilisateur-signataire obtient de sa direction générale l'autorisation de publier. Des expériences récentes m'ont encore montré que ce n'était pas si facile.
Résumons le tout par un symbole peut-être un peu brutal: quand un journaliste déjeune avec l'attaché de presse d'un fournisseur, c'est le fournisseur qui paye. Quand un journaliste déjeune avec un utilisateur, c'est le journal qui invite.
Il est vrai que, assez souvent, l'utilisateur a été indiqué par un constructeur, et que celui-ci reste en fait le véritable animateur de l'opération. C'est parfois lui qui écrira l'article pour son client. Bien que l'intérêt de tels articles sont de ce fait limitée, la caution d'un utilisateur qui signe n'est tout de même pas négligeable.
On s'étonne parfois que les utilisateurs, du moins ceux qui écrivent, soient si optimistes. Pierre Samson écrit à juste titre dans un récent éditorial d'Informatique et Gestion: "L'utilisateur est las de ne trouver dans la presse que des bulletins de victoire, alors que le chemin du succès est semé d'embûches. Que les auteurs décrivant une réalisation n'hésitent pas à évoquer les problèmes auxquels ils se heurtent: respect des plannings, surestimation des possibilités d'un matériel, projets mis en échec par des facteurs humains imprévisibles".
Mais qui aurait intérêt à s'attarder sur échecs et difficultés? Le fournisseur du produit fautif? La société de service éfaillante? Le responsable informatique trop ambitieux? La direction générale imprudente? Il y a une conspiration du silence bien naturelle et qui n'est que rarement rompue. Le procès IBM/Flammarion est un des rares exemples où il a été possible de dire quelque chose... en publiant tout simplement le texte du jugement, remarquable de clarté et même à l'occasion d'humour (il n'y à pas lieu ici d'en discuter les conclusion). Il y a d'ailleurs d'autres procès, mais en général, aucune des deux parties, cela se conçoit, ne convoque la presse.
Ces attitudes pourraient changer à l'image des moeurs américaines où les consommateurs sont mieux organisés pour prendre la parole.
Outre ces descriptions de cas, heureusement il y a tout de même des systèmes qui tournent bien et donnent satisfaction, sinon ou s'en serait tout de même aperçu... Cet effet miroir est aussi réalisé par des tables rondes, des enquêtes auprès des utilisateurs, des compte rendus de manifestations. Parfoiis, les questions posées sont plus intéressantes que les exposés.
Ici, l'initiative appartient le plus souvent aux journaliste, mais les association d'informaticiens et les clubs d'utilisateurs sont une aide précieuse, ainsi que certaines sociétés de conseil et organes officiels qui consentent de temps en temps à communiquer certaines de leurs études de marché.
Le courrier des lecteurs est un instrument utile... que les lecteurs utilisent encore assez modérément. Parfois parce qu'ils pensent que les journaux sont accablés de lettres, ce qui n'est pas le cas, du moins de lettres intéressantes.
DANS LA BRUME QUI SE LEVE
On croyait donc commencer à y voir clair. L'informatique était censée parvenue à une certaine maturité, et je vous ai dessiné les grandes lignes et les grandes missions possibles de la presse spécialisée. Mais nous entrons dans une phase nouvelle. Les axes tracés se heurtent à de nouveaux développements, les frontières entre domaines sont allègrement franchies par de nouveaux venus, hommes ou produits, qui n'ont cure de les respecter.
Frontières entre hardware et software, entre utilisateurs et sociétés de service, en constructeurs et SCI, entre fonctionnel et organique, et même entre informaticiens et utilisateurs.
A l'heure où l'informatique industrielle rejoint les systèmes de gestion, où la gestion devient de plus en plus scientifique, où tout le monde traite de l'information, depuis le documentaliste jusqu'à la postière... où même la comptabilité devient humaine, qui s'y retrouvera? La presse spécialisée peut y aider.
Elle relèvera pare exemple deux facteurs qui convergent pour effriter le bloc de nos idées reçues.
D'abord la liquidation physique de 'unité centrale. Hier monstre sacré, aujourd'hui baptisée de gentillesses omme: "une puce dans le pied de 'imprimante", "un périphérique du erminal"...
Privés de centres, nos systèmes nformatiques devront trouver d'autres rincipes d'organisation. Jusqu'à résent, nos hiérarchies de concepts, de ersonnels et même de qualité de climatisation, nos méthodes d'annalyse, de programmation et d'exploitation s'organisaient en pelures d'oignon autour de ce noyau dur (et cher) qu'était l'unité centrale. Vers qui se tourner maintenant?
Ensuite d'une réflexion qui bouillonne, aujourd'hui de manière désordonnée et en des points isolés, qui demain sans doute convergera. Aujourd'hui, le bouillon est plutôt corrosif. Plus on se penche sur les travaux en cours, moins on croit avoir compris.
Bien des publication actuelles, et des travaux inédits, apparaissent provisoires; et même naïfs. Mais par là même prometteur.
On a l'impression, pour les matériels comme pour les méthodes, d'assister à l'érosion sinon à l'éclatement d'un ordre conceptuel qui pouvait paraître bien établi. Le rôle de la presse spécialisée sera donc tout différent de celui qu'elle s'est donnée à sa naissance.
Il y a cinq ans, de grandes sociétés pariaient sur l'informatique. De petites se créaient pour profiter de la manne. Il fallait créer tout à la fois un besoin, un marché, une industrie, un milieu professionnel (et donc une presse), une doctrine. Ce que certains, et qui parfois nous le reprochent, une technostructure. C'était encore l'époque de la croissance incoditionnelle. A des techniciens sûrs d'eux (et plus encore soucieux de le paraître), à des utilisateurs fascinés, par les séductions de la technique ou par la crainte d'être dépassés, il fallait une expression puissante et attrayante, avec ce petit zeste de mystification et de pari qui convenait à une époque soucieuse de grands desseins.
Le pari informatique a été gagné. Mais d'autres thèmes sont aujourd'hui à la mode, et une nouvelle doctrine est à construire. La presse spécialisée, en informatique particulièrement développée. C'est là un atout important qui n'a peut être pas été pour rien dans l'important rattrapage du "gap technologique" dont on se préoccupait tant il n'y a guère. Sur certains points, par exemple pour les méthodes, nous avons même des positions de pointe.
La presse spécialisée continuera de jouer son rôle.
Doit-elle ou non être une presse engagée? Je ne pense pas qu'elle doive s'engager pour telle ou telle orientation politique. Mais elle doit aider l'informatique d'aujourd'hui et de demain à se construire de manière satisfaisante pour tous et non au gré de celui qui a le plus d'argent ou qui crie le plus fort.
Statistiques
Il va de soi que ces chiffres ne sont pas significatifs à l'unité près. La notion de produit ne se prête pas toujours à un comptage rigoureux. Nous avons considéré comme différents deux produits s'ils portaient deux noms différents. Il y a des cas ambigus, des "modèles" qui ne sont que des variantes très semblables, pendant que toute "une famille de lecteurs de supports perforés" n'est parfois annoncée que globalement, alors qu'il s'agit de plusieurs matériels vraiment distincts.
D'autre part, le délai de réaction des périodiques n'est pas toujours régulier. Certains produits sont annoncés assez longtemps après leur présentation effective (quand un produit a été annoncé plusieurs fois, nous n'avons compté que la référence la plus ancienne).
La brusque montée de 1967 et la retombée de 1968 trouvent sans doute une part de leur explication dans la naissance de Zéro-Un-Informatique: ce nouveau support fut conduit à signaler un certain nombre de produits qui auraient pu l'être plus tôt. Le fait peut avoir été renforcé par une relative inefficacité, de 1966 à 1968, de la Revue de la Mécanographie finissante et des problèmes de démarrage d'Information et Gestion. Mais ces causes propres à la presse n'ont fait que renforcer deux raisons objectives: la crise de confiance due aux événements de mai et la fin d'une vague d'annonces "troisième génération".
Pour les années les plus anciennes, de 1947 à 1954, les chiffres devraient être majorés quelque peu, notre collection n'étant pas complète.
En tenant compte de ces remarques, on peut distinguer deux périodes. De 1947 à 1960, le développement reste limité et irrégulier. En revanche, à partir de 1959-60, la croissance est rapide, et continue de l'être.
Cependant, à partir de 1970, les annonces de processeurs et de produits-software plafonnent (et seront sans doute en régression pour 1973), mais les périphériques prennent le relai, principalement les terminaux et les "compatibles".
La ventilation choisie pour notre tableau de chiffres a visé à marquer la continuité de l'informatique à travers ce quart de siècle. Cette continuité est frappante, au delà d'évolutions qualitatives et quantitatives considérables, quand on parcourt les 297 numéros de la Revue de la Mécanographie et d'Informatique et gestion parus depuis la fin de 1947. On pourrait faire d'autres ventilations, par exemple par technologies (mécanique, lampes, transistors, circuits intégrés hybrides, circuits LSI), par support (ruban perforé, cartes perforées, bande magnétique, disques). Nous tenons bien volontiers nos fichiers à la disposition de chercheurs qui désireraient faire d'autres analyses, ou de plus fines.
Quelques remarques.
--Les annonces d'ordinateurs commencent brutalement en 1951 avec cinq machines: c'est la prise de conscience des développements américains.
--La ligne "tabulatrices" regroupe les tabulatrices proprement dites et les grosses machines de la mécanographie classique. Les annonces récentes (1971 et 1972) concernent des matériels assez particuliers.
--La ligne "encodeurs" regroupe les encodeurs actuels sur bande magnétique, mono ou multi-claviers, les perforatrices et vérificatrices de cartes et les matériels de saisie sur ruban perforé. Tous ces matériels remplissent la même fonction saisie d'information par lots pour traitement en différé.
--Les "entrées" sont tous les périphériques à fonctionnement séquetiel: lecteurs de cartes et rubans perforés, lecteurs optiques, CMC 7 et de marques... Les "sorties" ont des fonction symétriques. Les unités de bande magnétique sont à la fois entrées et sorties (mais n'accomplissent jamais les deux fonctions au cours d'un même traitement, se distinguant ainsi fondamentalement des mémoires auxiliaires).
--Bien qu'il ne s'agisse pas de périphériques proprement dits, nous avons groupé sous cette rubrique "périphérique séquentiels" les matériels et traitements du papier (rupteurs, déliasseuses reprographie), traitement du microfilm, car du point de vue informatique, ils accomplissent des fonctions du même ordre, que l'on peut considérer comme symétriques par rapport à l'encodage.
--Nous avons laissé à part les petites machines (additionneuses, quatre opérations, etc.), dont le rattachement à l'informatique a toujours été un peu douteux, et que d'ailleurs les revues n'ont pas toujours suivies très fidèlement. Fonctionnellement, il faudrait compter ces matériels parmi les processeurs.
Enfin, la ligne systèmes" regroupe différents produits associant hardware et software. Les cas les plus importants concernent le time-sharing et, aujourd'hui, certains systèmes clés-en-main.