4. PRINCIPES RELATIFS AUX STRUCTURES

4.1 Problèmes généraux

4.1.1 Coexistence de plusieurs structures

On tend souvent à décrire un système comme possédant "une structure". En fait, dans un système concret, il y a toujours plusieurs structures: officielle, officieuse...

Dans les organisations humaines, Mélèse (72) pose en principe: "Pour toute entreprise, partie de l'entreprise, fonction ou plus généralement pour tout organe considéré comme un système, on peut définir sa (ou ses) missions principales: c'est la raison d'être de cet organe dans un système plus large, qui peut toujours être décrite par une transformation entrées-sorties."

En pratique, chacun sait (et Mélèse lui-même) que "l'organigramme", à supposer qu'il soit explicité, ne correspond que bien imparfaitement à la structure réelle des relations entre personnes.

Entre les structures qui pourraient découler "naturellement" des propriétés des processeurs (et des ambitions des individus) et celles qu'institue le système, il y a toujours plus ou moins différence, donc opposition. D'où notamment les "jeux" entre l'acteur et le système décrits par Crozier.

De même, pour un même système, description fonctionnelle et organique convergent nécessairement au sommet, et peuvent converger aussi à la base, au niveau des composants élémentaires, ne coïncident pas complètement dans les zones médianes: il y a toujours des fonctions réparties entre plusieurs organes, et des organes qui remplissent plusieurs fonctions, sans compter des relations plus ou moins floues.

C'est seulement dans un système abstrait qu'organes et fonctions peuvent coïncider parfaitement.

Quand il y a plusieurs hiérarchies, on considère en général qu'elles doivent se recouvrir (compétences, responsabilités, horizon de prévision). (Source ?).

Il peut y avoir des objectifs partagés. Il n'y a pas - il ne peut pas y avoir - d'unicité des objectifs au sein d'une organisation. Deux raisons:

- vision de chacun,

- univers de rareté donc de compétition (Crozier).

4.1.2. Organique et fonctionnel

Si deux systèmes ont des structures semblables, les propriétés externes de leurs éléments respectifs (parties) seront comparables (Lussato 72).

Les propriétés de deux systèmes isomorphes sont d'autant plus comparables que la structure interne des parties est plus faible (Lussato 72).

Plus un module est petit, plus il a des chances de ressembler à d'autres modules qui accomplissent des fonctions semblables (Blumenthal).

4.2 Principe d'économie de structure

La nature, chaque système, économise toujours la structure, la complexité (Thom). Cependant, ce principe resterait à valider. Problème: bien définir la notion d'économie...

Par contre, il semble raisonnable de remarquer ou de poser un certain nombre de principes qui régissent les choix de structures par la nature ou par les hommes. On en a une validation intuitive par l'existence prédominante de structures types, présentant une certaine économie de moyens, une bonne stabilité: atomes, quadrupèdes, boules dans l'espace.

C'est ce principe d'économie qui est à la base du principe de hiérarchisation (minimisation du nombre d'arcs) et, qui sait, de tous les autres.

En outre, mais je crois pas qu'on en ait tenté une étude générale, les structures ne sont stables que sous certaines conditions quantitatives. Il y a le microscopique, le macroscopique et le télescopique. Relation avec les prothèses.

4.3 Principe de non totalisation

Un tout est plus que la somme de ses parties. Ce principe est attesté par la plupart des auteurs (notamment Bertalanffy, Morin).

(*Ce type de principe a pu inciter les capitaines d'industrie, au cours des années 70, à monter des conglomérats, au prix d'un certain disparate. D'autres, venus plus tard, ont appliqué le principe à des sociétés en difficulté: les parties valent plus que le tout. Ils ont gagné de l'argent en achetant des ensembles et en revendant par parties).

Voir plus loin le principe d'irréductibilité.

4.4 Principe de hiérarchisation

La hiérarchie est particulièrement économique.

La valence des processeurs (entrance/sortance) définira la taille des hiérarchies que l'on peut construire. Pour certains auteurs (Yona Friedman), il y a aussi des limites au nombre d'intermédiaires entre processeurs (dans le cas des hommes), donc de niveau hiérarchique et par là une limite maximale au nombre de processeurs appartenant à un même système. On arrive aux environs de 500 (chiffre repris par Daniel Carré pour ses études sur l'autogestion).

Il y a aussi un minimum: un système à un seul processeur ne peut pas être considéré comme hiérarchisé à proprement parler.

Herbert Simon s'est particulièrement intéressé aux structures hiérarchiques, au point qu'il écrit: "S'il existe, dans le monde, des systèmes complexes qui ne soient pas arborescents, ils doivent dans une grande mesure échapper à notre observation et à notre compréhension".

En effet, outre les économies de structure qu'ils comportent en eux-mêmes, les systèmes hiérarchiques semblent particulièrement bien convenir à notre entendement. On peut même préciser l'éventail hiérarchique: 7 plus ou moins 2. Nous pouvons percevoir, penser simultanément sept "chunks" (psychèmes, chez Lussato). Au delà, il nous faut les regrouper dans un chunk plus grand, de niveau supérieur.

H. Simon a aussi proposé la parabole des deux horlogers. L'un d'eux construisait des pendules organisées en modules indépendants et stables. L'autre était obligé de tout démonter à la moindre réparation. Comme nous sommes aux Etats-Unis, c'est le mauvais qui a fait faillite.

Les exemples de hiérarchisation sont innombrables: biologie, langages, entreprises, documentation.

Cela dit, à partir d'un certain niveau, la hiérarchie ne semble plus suffisante. La démocratie, nettement plus complexe, a fait la preuve de son efficacité. Elle repose sur la co-existence de plusieurs hiérarchies, dûment séparées par le principe de séparation des pouvoirs. C'est le fondement du libéralisme économique. Il s'y ajoute des exigences quantitative sur l'élasticité du marché, le nombre des partenaires, etc.

La séparation des pouvoirs pose des problèmes (pouvoir du médecin d'entreprise...). Dans les organismes évolués (le nôtre bien sûr), la survie dépend de la coexistence de plusieurs systèmes nerveux. Cette coexistence de plusieurs hiérarchies est à la fois précieuse et dangereuse (Lesourne).

Voir: coexistence de plusieurs structures (in problèmes généraux relatifs aux structures).

Humains: "... le problème dominant que nous avons mis en lumière: le problème de l'intégration de stratégies autonomes gardant leur liberté" (Crozier).

En parallèle: Morin sur les niveaux statistiques,

Zimmerman sur les réseaux ouverts (standards de télécommunications OSI)

4.5 Principe des seuils quantitatifs

Quand on étudie une catégorie de systèmes se répartissant selon une caractéristique quantitative donnée, on rencontre en général des seuils. Les exemples sont très nombreux:

- rapports de vitesse d'une automobile, efficaces seulement dans certaines limites,

- âges de la vie (crises/équilibrations de Piaget, et sagesse des nations sur l'adolescence, le troisième âge, etc.).

Les seuils proviennent notamment:

- des limites imposées par l'environnement: espace vital, cosmos, biotope, concurrence exigeant une taille minimale, emboîtement des sphères de Teilhard de Chardin, butée sur la saturation des bandes de fréquence, énergie consommée sur un circuit (si l'information parfaite existait, il n'y aurait jamais saturation)

- des limites de "finesse du grain",

- des limites spécifiquement structurelles: valence pour les hiérarchies, minima pour le boucles.

Commande minimale.

Taille critique d'une entreprise.

Ces seuils sont parfois contestés en matière de structures sociales.

Contradiction/transfert

On atteint des seuils toutes les fois que la montée le long d'une valeur bute sur la satisfaction de la valeur antagoniste. A ce moment, on est obligé de passer à un concept plus complexe. Equilibre.

Exemple: ma montée individuelle sur un plan donné (richesse matérielle) va buter sur ma montée comme frère (justice/partage).

Dans certains cas, le déblocage sera permis par l'introduction d'une autre valeur qui déplacera l'équilibre: ouverture d'un nouveau marché, apport d'une nouvelle technologie.

Hobbs (dans l'étude Future Systems, d'Infotech). Si la taille des circuits (ici, le nombre de portes par pastille) continue à croître, la réalisation des machines sans précautions particulières devient de plus en plus difficile. En raison des limites du nombre de broches d'un boîtier, il est indispensable d'organiser la machine de telle sorte que les interconnexions entre circuits soient minimisées. Une solution consiste à organiser fonctionnellement la machine de telle sorte que de grandes fonctions soient accomplies par chaque chi avec un minimum de signaux de commande et d'échanges d'informations entre circuit. Cela est difficile avec les architectures traditionnelles.

A proximité des seuils apparaissent des propriétés spécifiques de "tendance" à s'en écarter ou à les franchir, d'instabilité, etc. (Figures 1 et 2).

FIGURE 1

FIGURE 2

4.5.1 Présentation d'une montée par seuils

Le système hiérarchique permet d'aller très loin. On sait coordonner des centaines de milliers d'hommes. On sait assembler, dans des machines complexes, plusieurs milliers de composants qui, avec les progrès de l'intégration, représentent eux-mêmes l'équivalent de plusieurs centaines de pièces élémentaires. Un système informatique peut donc être considéré comme l'assemblage de plusieurs milliards de caractères, dans des organisation essentiellement hiérarchiques, mais avec différents systèmes permettant de dépasser les possibilités des arborescences.

Comment la croissance va-t-elle se faire ? Les structures, hiérarchiques ou autres, que l'on dessine, doivent être matérialisées (même les structures non matérielles). L'accroissement du nombre des constituants formels peut se faire:

- par augmentation du nombre des constituants "matériels" de l'ensemble,

- par réduction du nombre de constituants matériels de chaque constituant formel.

Si le nombre de constituants matériels est très grand, on parlera de masse ou de quantité continue.

Dans certains cas, ce qui complique le raisonnement, le constituant matériel élémentaires est en fait une "grosse structure" qui pourra recevoir plusieurs fonctions formelles.

Il faudrait disposer d'une fonction d'utilité unique. Si les critères d'appréciation sont multiples, il faut les agréger. Parfois c'est possible et raisonnable, souvent non. Il faut alors recourir à d'autres processus, à des formes non formalisées d'agrégation, par exemple. Les techniques "multicritères" (Roy et al). par exemple visent à perfectionner les outils formels d'aide à la décision pour les appliquer aux cas difficiles.

Il est important de noter l'apparition de cette dimension d'utilité, ou de rendement... perpendiculaire à la direction du développement. La linéarité conceptuelle de la croissance s'évase en une forme à deux dimensions.

Par ailleurs apparaît ce que l'on pourrait appeler le transfert d'indifférence. Si je cherche l'optimum, je perds ma liberté le long de la dimension de développement, ou de la variable de commande. Si je veux viser à consommer le moins d'essence possible, je perds ma liberté de choix sur la vitesse de parcours. Mais, et paradoxalemnt, je retrouve une autre forme de liberté à proximité de l'optimum. Etudions deux cas différents.

a) optimum avec annulation de la dérivée (figure 13). Loin de l'optimum, je dois aller vers lui pour améliorer le rendement, ou même seulement pour m'éloigner des seuils dont la proximité est toujours menaçante. Au sommet, je peux aller de droite et de gauche sans perte sensible. Je le sens bien en voiture. Quand je suis dans une bonne plage d'utilisation d'un

rapport de vitesses déterminé, j'ai liberté d'accélérer plus ou moins pour m'adapter aux conditions de la circulation (figure 17). Par contre, si je suis dans le bas ou le haut d'une vitesse, mes possibilités d'action sont réduites: freiner fatiguerait le moteur, accélérer ne vaudrait rien non plus. De même, vendre ou ne pas vendre, quand je suis à proximité du prix marginal, est de peu d'importance.

b). Optimum avec vérité non définie (figure 14). Ici, le point optimal sur la variable de commande est bien déterminé. Mais c'est l'orientation qui devient indifférente. En quelque sorte, on peut faire tourner le système de valeur sans quitte l'optimum.

Ce sont ces transferts d'indifférence qui permettent la hiérarchisation des objectifs, et d'ailleurs sans doute tout simplement la définition d'objectifs. Je ne peux pas construire ma conduite en fonction d'un critère unique et absolu. Entre l'appel transcendant et l'évanescence du concret, il faut des niveaux intermédiaires.

On peut trouver un exemple de cette hiérarchisation par transfert dans le jeu des valeurs humaines. Les scolastiques et la tradition chrétienne insistent tout à la fois sur la fermeture aux riches du Royaume de Dieu, et sur l'impossibilité de se conduire moralement en dessous d'un certain minimum vital. Le rôle de l'ascèse sera dans une certaine mesure de se situer autour d'une bonne situation moyenne, sur le plan des richesses matérielles, pour que puisse éclore la morale et l'amour de Dieu.

Notons aussi que l'optimum se paie d'une certaine précarité: la tension qu'il engendre ne permet pas certaines adaptations le long d'autres dimensions. Le cheval de race comme la Formule 1 ne sont pas des "tous terrains".

Empâté par l'optimum, déchiré par des dimensions perpendiculaires, le rayon devient centre de rayonnement et bientôt prend corps, par une phase "cruciale": la fermeture.

La fermeture

Le rayonnement s'empâte et donne naissance à un corpuscule. La création d'un corpuscule nouveau à partir d'un rayonnement prend souvent l'allure d'une fermeture brutale (et en quelque sorte symétrique) de l'"émetteur" et du "récepteur" sur eux-mêmes.

Physiquement, c'est l'émergence de la chose. Il y avait une protubérance, il y a tout d'un coup d'un objet indépendant, séparé. Il peut rouler. Un pavé, qui peut s'éloigner ou que je peux prendre en pleine figure, si un autre use de cette mobilité contre moi.

Processus d'une généralité extrême. Division cellulaire. Coupure du cordon ombilical, goutte d'au tombant de la stalactite (ô, éphémère objet qui retournera à l'adhérence après les quelques fractions de seconde qui sépare sa naissance du haut de la stalagmite), quantum d'énergie quittant l'atome pour l'imprévisible des mouvements browniens, chef ou animateur qui doit se distancier de la foule pour assumer son rôle.

Processus qui s'impose objectivement à moi dans l'évidence des phénomènes quotidiens. Mais processus esssentiel aussi au fonctionnement de ma pensée. Je ne peux pas multiplier indéfiniment les prédicats, il me faut bientôt un substantif pour les regrouper. Au noeud des relations, il faut assez vite que je donne une consistance, fût-elle virtuelle, pour appuyer la suite de mon raisonnement comme de mon discours.

Aussi, sans attendre le grand bouclage des sphères teilhardiennes, le simple rebondissement sur les limites de ma conscience a fait naître... la chose. Ronde, révolvante, révolution fondamentale. En la formant, je la pose, à moins qu'elle ne se pose elle-même, dans son existence autonome, avec son intérieur, son en soi.

Je la libère, mais je me libère aussi. Elle se détache du fond, elle s'élève au dessus du sol: grain de liberté pour elle, gain de propreté, de pureté pour le fond, de planéïté pour le sol débarrassé de cette taupinière. Naissance de l'enfant qui permet à la mère de retrouver la séduction de ses lignes. Départ de la fille mariée, qui donne l'occasion à la mère de retrouver sa liberté perdue par les charges de l'éducation, si elle a pu garder à son coeur la souplesse nécessaire à de nouvelles entreprises.

Attributs psychologiques et pratiques de la chose, qui peuvent se décrire mathématiquement. Lire Bruter et Thom, bien sûr. La chose est un fermé borné. Il n'y a pas d'intersection entre deux choses. Elles peuvent par contre se toucher. Et, avec un peu de raffinement, on pourra concevoir qu'une chose soit partie d'une autre chose.

C'est aussi à cette émergence fondamentale que nous pouvons enraciner des distinctions importantes: flou et net, analogique et digital.

Flou et net. Il suffit de comparer les courbes caractéristiques des ensembles flous avec les cercles d'Euler-Venn traditionnellement associés aux ensembles "vulgaires" pour retrouver cette représentation de l'émergence (figure 16). Et ne dira-t-on pas d'une figure qu'elle se "détache nettement" sur le fond, pendant qu'une autre se fond dans le flou artistique.

FIGURE 16

Analogique et digital (voir chapitre spécial). En simplifiant un peu, on peut considérer qu'un ensemble flou a une fonction d'appartenance continue, analogique, alors que celle d'un ensemble vulgaire est binaire, digitale. Mais nous avons noté plus haut le caractère arbitraire, volontariste, du versant digital de la représentation. De même, et c'est toujours avec un peu d'arbitraire, par une pétition de principe, que nous posons ou acceptons la fermeture de la chose et son émergence dans l'autonomie. Le sceptique, certaines familles de poètes et d'artistes, certaines attitudes des religions orientales, refusent cette individuation profondément inscrite au contraire dans notre culture judéo-chrétienne.

Il y aura toujours quelque chose de choquant dans le discours. Il suffit du langage pour que nous soyons "tous des assassins". Parler, c'est déjà un peu classer, un peu juger, un peu tuer. Mais c'est aussi faire naître.

Chunk de Miller et Simon.

La résorption des pédoncules

Dans la phase qui suit la fermeture, le système (la chose, le corpuscule...) tend à la renforcer pour "se rapprocher de l'optimum". C'est la résorption des pédoncules, pour tendre vers la sphère parfaite, en opposition avec la droite parfaite qui symbolise la relation. On parlera de rationalisation, de centration, voire de concrétisation (Simondon).

Constituée dans son autonomie, refermée, la chose tend à renforcer son autonomie. Elle creuse l'écart entre elle et le fond. Entre elle et moi. Tendance vers la sphère, qui enchantait les anciens, qui séduit encore le moderne. cocon, oeuf de la poule comme du grand oeuvre alchimique.

Réduction du bruit, du grain. Nombril réduit à une cavité symbolique, déstructuration des codes redondantes qui deviennent cycliques pour être plus efficaces. Polissage des pièces après abrasion des racines de coulée, des traces de joint du moule. Mon sexe se rétracte après l'amour, comme les poings de Cassius Clay après le une-deux vainqueur, comme les protubérances de l'amibe une fois la bactérie capturée. Et je prends soin, quand je prends une photo au soleil, d'éviter que mon ombre n'apparaisse sur l'image: elle introduirait une relation parasite entre le "sujet" photographié et le sujet qui photographie.

Exemples et références:

Aristote: sphères célestes.

Ledoux (et bien d'autres): architectures sphériques.

Machiavel: liquidation des complices de la prise de pouvoir.

Mélèse: fermeture d'un service sur lui-même

Simondon: concrétisation

Teilhard de Chardin: résorption des pédoncules, nombreuses "sphères"

D'Udine: belles sphères de matière.

Thomas d'Aquin: corps glorieux.

Wanty et Clausewitz sur la guerre...

Axiomatisation: fermeture de la théorie

Objectif: fermeture de la finalité sur un projet.

Fermeture des ailes de l'ange en prière. Suppression par le prince machiavéllien des complices qui l'ont aidé à prendre le pouvoir. Meurtre oedipal du Père.

Jean-Louis Bory (dans "Sur Balzac") a dit des personnages de Balzac qu'il y a "de l'air autour d'eux". Et ce n'est pas un hasard. Balzac voulait, pour sa comédie humaine, construire un système. Il a employé pour cela une technique originale: les mêmes personnages réapparaissent d'un roman à l'autre. La société balsacienne se ferme donc sur elle-même. Elle trouve ainsi une "objectivité" qui donne consistance à chacun de ses protagonistes. De plus, Balzac a maintes fois repris ses oeuvres pour accroître cette cohérence.

Ce n'est pas par hasard que la chose tend vers cette rotondité. Elle y gagne en efficacité. C'est une application du principe d'autonomie. La sphère est le solide pour lequel le rapport surface/volume est le plus faible. De son centre, car elle a maintenant un centre, la chose atteindra rapidement un point quelconque de sa périphérie, comme Napoléon manoeuvre par les lignes intérieures. L'objet technique de Simondon marche vers son "intégration", comme le système informatique.

Rotondité de la chose symétrique de la mienne. L'objet ne se fonde dans sa réalité que dans la mesure ou moi, son créateur ou son observateur, je deviens objectif, impartial, détaché, indifférent. Mon enfant ne deviendra adulte que si, moi-même, je tourne rond.

Hélas, cette optimisation se paie d'un éloignement plus grand. La chose devient concrète, donc opaque. Le prince de Machiavel n'est plus vraiment un membre de son peuple. Et le non-initié se sent plus exclu encore de la théorie par la perfection sans faille de son formalisme. Bourbaki, en principe, est lisible par tous, sans aucune formation mathématique, puisque tout découle des axiomes. En pratique, il faut une démarche préalable de formation aux mathématiques.

Mais, à ne plus m'appartenir, la chose peut appartenir à tous. Elle ne me présente plus de face privilégiée, mais sa sphéricité est la même sous tous les points de vue. La stèle était sur ma terre, ou sur celle d'un ami. La statue en ronde bosse peut être emportée où bon semblera par le premier venu assez fort pour al prendre. Objectivée, scientifique, la connaissance peut être acquise par n'importe qui. Les sciences sont un moyen de promotion sociale, alors que les lettres, et même la philosophie, jamais tout à fait désengagée du philosophie, reste engagée dans la relation maître-disciple et ne se dissocie pas d'une culture plus difficile à conquérir par l'autodidacte.

figure 18

L'altérité

La fermeture constitue les objets, les choses, dans leur altérité réciproque, se traduisant notamment par le caractère aléatoire de leurs relations.

La résorption des pédoncules, c'est la dé-structuration de la chose avec l'extérieur. Au point de rencontre des rayons, l'origine n'appartient qu'à la chose, simple émanation plus ou moins virtuelle de son environnement. Maintenant, elle prend possession de soi.

Je ne peux donc plus décrire cette relation. Du fait de cette déstrucruration des relations qui me liaient à la chose, je ne peux plus la décrire adéquatement (voir: principe d'irréductibilité). Je lui ai donné un nom qui résume le noeud des attributs... mais par la même opération qui a fait naître la substance, réelle ou virtuelle, j'ai rendu tous ces attributs inadéquats, tout en ouvrant une possibilité indéfinie d'attributs nouveaux.

Pour prendre un exemple, quand je pose (moyennant d'ailleurs un peu d'approximation) qu'un miroir donne une image d'un objet placé devant lui, l'image dépasse chacun des rayons que j'ai utilisé par exemple pour la construire. Et, à partir du point image, je peux construire une infinité de rayons.

Au caractère formel de ma relation à la pré-chose, à cette intersection de deux ou trois rayons que j'ai maintenant qualifié d'image, succède l'aléatoire d'un concret qui m'échappe. Exigence de la chose même dans sa "volonté" de subsister et de croître. Exigence même de mon intellect qui ne pouvait plus embrasser tant d'attributs.

C'est pourquoi d'ailleurs nous pensons que les débats portant sur le caractère relationnel ou substantiel de notre connaissance n'ont pas de grande portée pratique. Dans l'exercice quotidien de mes facultés perceptives et intellectuelles, je passe sans cesse d'un mode à l'autre, et il ne peut en être autrement.

Avec cette altérité, naît l'aléatoire, dont Vendryes rappelle qu'il s'agit d'une notion relationnelle entre "causes indépendantes".

L'en soi

La fermeture implique la séparation entre un "intérieur" et un "extérieur". Bien que la fermeture ne soit pas strictement indispensable à cette distinction, c'est tout de même à ce modèle qu'on se réfère d'habitude maison, cellule biologique, pays avec ses frontières.

La chose, finalement, n'est peut-être rien d'autre que cette rupture entre un intérieur et un extérieur. Son environnement interne lui est presqu'aussi étranger que son environnement interne. Une pièce se définit par ses contours, et par une notion générale de "matériau".

Mais la cellule ne se réduit pas à sa membrane. Sa structure informe tous les éléments qui la constituent, ou plutôt est la constitution de même de tous ses éléments en tant que tels.

Cependant, plus on s'éloigne du niveau propre à la chose, vers des composants de plus en plus fins, moins l'appartenance devient nette. Chacune de mes cellules est bien mienne, génétiquement signée. Mais les atomes constituant chaque cellule ? Dans une machine, plus l'on va vers des composants plus fins, plus ils sont interchangeables. Encore pourrait-on préciser et quantifier ces relations liant une "distance" du composant à l'ensemble et la facilité de le remplacer par un autre, équivalent.

Dans une entreprise, le patron s'identifie avec elle. Les cadres, assez largement encore. Mais le manoeuvre ? Encore faut-il se garder de toute simplification.

De même, vers l'extérieur, la chose s'approprie dans une certaine mesure son environnement proche. Eaux territoriales, distance de fuite, marché réservé, sédimentations révélatrices et protectrices. Mais l'influence s'estompe avec la distance, comme la gravité.

La rupture entre intérieur et extérieur n'a donc pas la brutalité d'une surface "mathématique". La transition a quelque progressivité. Mais il y a transition. Le degré d'être de la chose se mesure, peut-être, dans la force de rupture qu'elle crée entre elle et son environnement, tant externe qu'interne, et entre ces deux environnements. Son épaisseur, en quelque sorte.

La dé-localisation

Une des manifestations de la rupture, c'est ce qu'on appelle la dé-localisation des fonctions. On pourrait dire aussi la rupture de l'isomorphisme entre le fonctionnel et l'organique.

Simondon va plus loin, avec son analyse de l'abstrait/concret. Dans l'objet concret, toutes les pièces jouent plusieurs rôles. Mais de plus, il y a synergie des fonctions, et la différenciation va dans le même sens que la condensation de fonctions multiples sur la même structure.

On peut lire aussi en ce sens les considérations de Mélèse sur l'organisation des entreprises avec la méthode AMS.

Enfin, notons que, pour les activités conscientes, cette délocalisation prend un caractère volontaire. Je garantis ma liberté ou simplement mon existence en plaçant un écran entre l'autre et moi. Le chef protège son autorité, le subordonné réserve sa marge d'autonomie, en laissant à l'autre quelque incertitude sur son comportement.

D'ailleurs, la pudeur l'exige.

Et la roue tourne

Eh bien, je pouvais m'y attendre, mais j'en reste toujours étonné. Bouclée, isolée, polie, la chose s'est mise en mouvement.

Simple dérive, d'abord. Cosmonaute coupé de sa fusée, comme dans tant de romans de science-fiction, et qui s'en voit peu à peu définitivement écarté. Je ne sais plus exactement où est l'autre. Drame: s'il s'éloigne, il m'abandonne. S'il s'approche par trop, je risque d'être écrasé, ou transpercé. Comment concilier l'impossible, le mouvement et l'ennuyeuse permanence?

Tourner. C'est une grande réponse de la nature. Cycle, réalité si profonde. A la fois mouvement et fixité, liberté et régularité, fermeture sur le perpétuel recommencement et ouverture sur le temps, rondeur et linéarité.

Non que ce soit la seule solution. Je peux imaginer un mouvement brownier au sein d'un patatoïde pour jouer le même rôle. Mais le mouvement périodique, cyclique, a quelque chose de simple, de parfait, d'économique, par quoi son efficacité et sa généralité l'ont fait se répandre dans toutes les couches de l'univers.

Mais il suffit de poser le cycle pour qu'un foisonnement de rayonnements émerge, O magnifique roue de la bicyclette systémique, et que son existence propre s'affirme par des prédicats spécifiques, et notamment fréquence et amplitude, distorsion...

Mais, du fait qu'il a pris un mouvement indépendant de moi, et jamais tout à fait rationnellement lié à moi, la délocalisation de ses parties comme de son centre de gravité s'est accrue.

Et c'est le lieu de noter que le cycle, exprimant avec netteté l'altérité de l'autre et son irréductibilité à moi, est donc logiquement la base de certaines mesures de complexité.

Par réciprocité, je m'aperçois que moi aussi, je suis soumis à des cycles. Moi aussi, je tourne, si bien qu'à peine la chose détachée de moi, mon regard a commencé de se tourner vers d'autres objets ou vers d'autres régions de l'espace.

La temporalité dans laquelle je construis ou prends connaissance des choses est marquée de cycles nombreux: cardiaque, respiratoire, sommeil/veille (rythmes circadiens), mensuels, annuels, et le grand cycle de la naissance à la mort.

Et cela n'est pas indifférent à mon attitude vis à vis des mouvements du monde. (Parallèle aux types de prothèses, voir ce thème). Si leur cycle est trop court ou trop long, je ne peux les imaginer que par effort mental, par abstraction. A une extrémité, le point, à la fois "cercle de rayon nul" et intersection de deux lignes. A l'autre, l'infini de l'espace ou de l'éternité. Moins loin, les durées de cycle des tomes ou de la géologie. Les relations les plus intéressantes, mais aussi les plus dangereuses, viendront des cycles proches des miens. Avec des zones d'aveuglement ou de désagrément

Esquissons (figure à établir) une petite échelle des cycles par rapport aux miens. Faire parallèle avec structuration de L en mot binaire.

Mes sentiments diffèrent selon que les cycles sont un peu plus longs ou un peu plus courts quelles miens: ennui, respect, ou au contraire énervement, agitation, voire mépris.

4.6 Principe du jeu (slack)

Cette notion de jeu entre pièces ne plaisait guère à la mécanique classique. En fait, les systèmes mécaniques (et on doit pouvoir généraliser) ne fonctionnent bien que s'il y a un peu de jeu entre leurs parties.

Crozier emploie ce concept, mais dans un sens assez différent.

Tissu conjonctif entre organes.

Le développement des structures formelles, hiérarchiques ou autres, ne pouvant excéder des limites assez étroites, il est nécessaire de constituer entre les sous-systèmes, qu'ils soient subordonnés ou sur un pied d'égalité, des zones de transition non-structurées ou, ce qui revient pratiquement au même, structurées de manière radicalement différentes de celle des sous-systèmes concernés.

Il faut de l'huile dans les rouages, du caoutchouc entre les plaques, de la diplomatie dans l'application des principes.

Duprat étudie de plus près ce qu'il appelle l'alternance système population. Quand on parcourt une échelle hiérarchique ou une séquence d'opérateurs, on rencontre alternativement des phases structurées formellement en systèmes et des phases accessibles seulement de manière statistiques.

On pourrait de là passer à un "principe de séparabilité", d'écart quantitatif entre niveaux pour qu'ils puissent être bien distingués. Un chef n'est pas vraiment chef pour un seul subordonné. Il n'y a pas de grand homme pour son valet de chambre. IL faut un certain public pour qu'un orateur, une troupe de théâtre puisse s'exprimer, etc. Voir considérations parallèles à propos de la dymanique (les mouvements du fonctionnement).

Apprécier sous cet angle les limites du concept voltairien de Grand Horloger, et les expansionnismes impérialistes.

Essayer une définition plus précise et une typologie des "processeurs de jeu".

Le principe du jeu peut se relier au principe d'irréductibilité.

4.6 Principe de variété requise

Ce principe a été posé par Ashby: "Un système de variété V ne peut être totalement contrôle par un autre système que si le variété de ce dernier es au moins égale à V".

Cette règle est importante pour la construction des hiérarchies et de toutes les structures comportant des contrôles. Démontrée pour des machines formelles, on tend par analogie à l'appliquer aux processeurs humains: il faut être compétent pour commander.

4.7 Relations quantitatives

4.7.1 Idées générales

Pour savoir si un ensemble est dénombrable, il ne suffit plus de la hiérarchie minimale ensemble/éléments. Il faut encore disposer d'une application dans N. C'est à dire déjà d'une structure assez complexe.

Allons plus loin: l'ensemble est-il pratiquement dénombrable ? Cela suppose un observateur extérieur: moi, ou un ordinateur.

Pour ce qui est de moi, mes possibilités sont très limitées, si je limite mes outils de comptage à mon corps. On dit que, chez certains primitifs, la numération se limite à: un, deux, plusieurs, beaucoup. C'est l'emploi de bâtons, de systèmes d'encoches, de jetons... mais surtout l'écriture qui va augmenter, et considérablement, mes aptitudes à compter. On saura non seulement représenter des nombres très grands, et construire des procédures pour compter effectivement des objets nombreux: pointages, recensements.

Possibilités si grandes que la représentation excède la signification: qui ne s'est gaussé de ces grands chiffres comptables où l'on commence aux millions de francs pour finir aux centimes! Le nombre des chiffres "significatifs", et plus encore de ceux qui déclencheront ma décision, reste très faible.

Essayons de dégager des niveaux.

Au départ, la coupure fondamentale de 2, synonyme de netteté, et fortement associée, de nos jours, à l'ordinateur.

Ensuite, la coupure de 7. Plus ou moins 2, précise Miller qui a consacré tout un livre à ce chiffre extraordinaire par ses propriétés. C'est le point où cesse l'appréhension sensorielle directe du nombre. Au delà, il faut une procédure, une décomposition. Les plus doués vont sans doute un peu plus loin, jusqu'à douze peut-être... La numération habituelle a choisi la base 10, qui présente beaucoup d'avantages ergonomiques, et en particulier l'association aux

doigts de la main. Par contre, 10 n'est pas puissance de 2, ni multiple de 3.

Les exemples de coupure à ce niveau de 7 - 12 sont très nombreux. Il serait intéressant d'en tenter un recensement, voire une typologie. Notons la gamme, qui marque les deux limites 7 et 12, avec sept notes etdouze demi-tons. Et l'irritation ou l'excitation attachée au nombre 13: c'est le premier à être incontestablement au delà de l'immédiatement dénombrable.

Faut-il donner raison aux numérologues, à leur magie des codes et des chiffres. A Pythagore... il y a des raisons qui se prêtent à une analyse sans système.

La première: mon cerveau a des aptitudes limitées. Voir par exemple H.A. Simon, pour la coupure à 7.

D'autres ont un caractère objectif. Elles sont sensibles par exemple pour un seuil que l'on rencontre très fréquemment, et qui se situe autour de 32. Comme pour 7, il ne s'agit pas d'une limite absolument franche. Prenons 32 plutôt que 30, parce qu'il s'agit d'une puissance entière de 2, et que cela fera plaisir aux informaticiens. C'est même la racine cannée de 1024, le fameux K.

32 est à peu près le seuil de passage du discret au continu dans l'espace à deux dimensions. C'est par exemple la plus petite matrice de points qui permet une lecture immédiate de caractères. On utilise en pratique une matrice de 7 x 5. Mais on note aussi la lunaison de 29 jours, le mois de 28 à 31 jours, la durée d'attente juive de 40, exprimant par un étirement au delà ce 30 cet excès pénible.

Les raisons psychologiques de ce seuil sont claires, pour la matrice de 7 x 5 en particulier. Mais si l'on observe que l'inverse de 32 est à peu près 3%, on remarque c'est le taux où un écart d'une unité devient négligeable. On peut joue sur l'élasticité, passer au terme suivant d'un développement en série.

Certes, l'erreur devient encore bien plus négligeable à 1 000, mais 32 est souvent suffisant. A rapprocher des valeurs admissibles pour le Chi2 des statisticiens. Ou de la granulométrie.

Le nombre exige au moins deux niveaux: celui des éléments et celui de l'ensemble dont on donne le cardinal. Il en découle l'idée de domination. Et d'autant plus forte que le nombre d'éléments est plus grand, l'individu petit par rapport au groupe. Sous une élémentaire mathématique se cachent des réalités lourdes de sens.

Si une classe d'équivalence comporte un grand nombre d'éléments, le caractère commun sera d'autant plus contraignant (Lussato 1971 me semble-t-il en traite). Mais d'autres facteurs contrebalanceront peut-être cette uniformité. Si nous sommes nombreux, je peux modifier assez largement mon comportement sans grand inconvénient pour l'ensemble. A moins de modifier précisément le caractère qui globalise. Alors, une variation mineure peut déflagrer dans l'espace rangé de mes congénères. Contraintes physiques ou morales auront tôt fait de me ramener dans la norme.

Le nombre, source de la domination, ne la fera donc naître que dans certaines conditions, sous certains aspects. Certains ensembles sont munis de structures de réaction puissances pour réduire les anomalies. Ces structures même, intermédiaires entre l'ensemble entier et ses éléments, introduisent la hiérarchie, association de relations d'ordre et d'équivalence.

Minimum: "Pourquoi un choeur nombreux est-il plus "d'ensemble" qu'un choeur restreint? Ne serait-ce pas parce que, dans une nombreuse réunion d'exécutants, personne ne cherche à se signaler, à l'emporter sur la masse ? En petit nombre, les exécutants seront portés à rivaliser entre eux, plutôt qu'à se fondre dans l'ensemble". Aristote, cité par Charles-Marie Vidor, Initiation musicale.

La hiérarchie

Quand un ensemble est trop nombreux pour être commandé par une domination directe, comme le structurer, la relation de domination étant transitive par hypothèse ?

Solution la plus simple: un ordre total, mettanttous les éléments en ligne, chacun dominant un élément et étant dominé par un autre (à l'exception des extrêmes bien sûr). Le nombre de niveaux hiérarchiques sera égal au cardinal de l'ensemble. On admettra intuitivement que cette solution n'est pas plus satisfaisante, et que la domination du plus grand éléments restera toute formelle à partir d'un certain nombre de niveaux.

Les bonnes solutions font une combinaison de niveaux et d'accroissement régulier chaque fois que l'on descend d'un niveau à l'autre. Le taux d'accroissement est l'éventail hiérarchique.

L'exemple classique est l'armée, avec environ 25 niveaux du Deuxième Classe au Chef de l'Etat.

Le nombre des niveaux et l'éventail hiérarchique ne peuvent être pris arbitraitement, si l'on veut construire des structures viables. On retrouve les seuils: le nombre des subordonnés d'un même chef, le nombre des neutrons et protons dans un noyau atomique, ne sont pas quelconques. Les variations du défaut de masse en fonction du poids atomique sont même l'indice d'une certaine recherche d'un optimum par la nature. Encore l'optimum dépend-il du but visé.

Les éventails étroits (de 7 à 12) conviennent aux relations chaudes, aux riches interactions, aux bonnes formes. Pléiades et cénacles. Etoiles et polyèdres. En dessous de sept se perd presque la notion de pluralité:

couple comme une seule chair, Dieu en trois personnes, le dernier carré...

Nous avons essayé de dresser un tableau des largeurs, avec des exemples et quelques commentaires sur la nature de la relation.

Mais la substistance même de ces formes, de ces équipes, nécessite un espace, une matière qui les porte. L'espace continu est une limite, comme le liquide ou le gaz parfait. L'espace concret a toujours plus ou moins un grain, de taille mesurable. Il y a un nombre grains mesurable, à un ordre de grandeur près, dans une page de papier ou un bloc d'argile. Là, c'est un éventail hiérarchique très large qui sera recherché pour affiner le grain, lisser les formes, blanchir les feuilles, assurer la liquidité du marché, les compensations du suffrage universel... Beaucoup de processus technologiques ont précisément pour but de créer cet écart potentiellement fécond. Au prix le plus souvent de la destruction des structures préexistantes.

Pour les matériaux: broyage, concassage, défibrage, calibrage, mouture, tri, mastication, affinement chimique.

Pour les objets matériels de base: égalisation, labour, rabotage, limage, polissage.

Pour les relations animales et humains: loi Le Chatelier, bagotage militaire (noter les écarts hiérarchiques différents pour la guerre du ligne du Grand Siècle ou pour la guerilla), diviser pour régner, réduction des féodaux par Richelieu puis Louis XIV, dressage des animaux, esprit d'école, variété des embauches. Loi antitrust.

Objets immatériels divers: réassurance et réescompte, économies d'échelle par augmentation des nombres de base, de la longueur des séries.

Quand il devient impossible de préserver un "bon" écart hiérarchique, le système disparaît, à moins qu'il ne trouve une solution neuve pour faire face.

Les relations numériques entre niveaux ne sont donc pas quelconques. Entre un seuil minimal et un seuil maximal, on pourra souvent mettre en évidence un optimum plus ou moins étroit. La persistance au fil des siècles de quantités comme le nombre des lettres de l'alphabet ou la durée en années de la vie humaine a quelque chose d'impressionnant.

Il resterait à étudier le fait que le quantitatif fait aussi naître le qualitatif: il y a un écart "de nature" entre niveaux, et sans doute d'autant plus fort que l'éventail hiérarchique est plus large.

Saturation du spectre

Saturation du nombre d'emplacements de satellites

Nombre de produits par processeur.

Nombre de composants.

Zone de fonctionnement normal.

sous-charge/ennui

surcharge/fatigue

4.8.2 Exemples de nombres

Sur le slack:

1/7 minimal de séparation

(1/7)2 normal sans effort trop particulier 2%

(1/7)3 précision 5 o/oo

Pas des résistances, condensateurs

Horaires, durée de réunion

Taux de réserve libre

Principe: sauf cas particulier, une bonne décomposition en sous-systèmes:

- ne doit pas dépasser 7,

- ne doit pas s'écarter d'une répartition égale des "masses" entre les parties (de 1 à 7 par exemple), dans un éventail de salaires.

1. Pas de structure

2. Structure élémentaire, binaire, couple, fécond, brutal, droite/gauche, manichéen, deux jambes, symétrie, bit, tout ou rien

3. Trinité. Nombre idéal des enfants d'une famille. Trois hommes dans un bateau. Pratique (pieds d'une table, roues d'une voiture (mais insuffisant pour une chaise de dactylo), net, carré

5. mystérieux. pentagone, pentagramme

6. hexagone, abeilles, pavages

7. orbites atomiques

piliers de la sagesse

le premier passage

le petit tas

mots d'une phrase

lettres d'un mot

jours de la semaine

12. limite équipes humains

les apôtres

les mois de l'année

32. lignes d'une page, lettres et signes de l'alphabet, deuxième passage de niveau,

petite série

35. matrice alpha

40. seuil de sensibilité musculaire

carême, passage au désert

60. signes dans une ligne

minutes dans une heure/seconde dans minute

compagnie militaire

100. flotte de navire, d'avions

grand troupeau

années d'une vie

365 une année

1000 nombre de clients directs d'une entreprise

nombre de calculateurs annonces

tours minute d'un moteur

10 000

jours dans une vie

numéro matricule

population d'une petite ville

100 000

best seller

tirage d'un quotidien

grosse bibliothèque

millions

tours d'un moteur au cours de sa vie

instruction par seconde pour un calculateur

bits dans une mémoire centrale

milliards

circuits électroniques d'un ordinateur

étoiles voie lactée

10 23 Avogadro

2 puissance 19937 moins un: le plus grand nombre premier connu

Bandes passantes

téléphone 3 000 Hz

radio AM 10 000

FM 200 000

Hifi disque ou bande 15 000

TV commerciale 6 Méga

Câble Hertzien 20 Méga

Fibre optique (10 Giga)

(*numérologie. fausse piste, mais instructive. kabbale

lois numériques sur la langue

nombre de lettres, de mots

lois de Zifpf

codage de Huffmann

la vision nombre d'or, règles typographiques

corps, nombre de carctères par page

la composition en peinture

musique: les gammes

montre impossibilité transparence pour créer des species impressa adéquates

le fonctionnel non porteur de sens

n'être qu'un numéro

le réductionnisme*)

4.9 Principe d'irréductibilité

Un système réel (concret ?) ne peut jamais être totalement analysé, ni réparti entre ses composants, ni affecté à ses différentes fonctions.

Ce n'est qu'un aspect de l'en soi de la chose, de son existence tout court. Le psalmiste exprime bien l'identité de la mort et de l'analyse totale quand il dit "ils ont compté tous mes os".

Exemples: noyau d'un système d'exploitation qui ne peut être réparti entre les applications, tissu conjonctif d'un organisme, défaut de masse d'un atome frais généraux d'une entreprise (Motais de Narbonne).

Le résultat d'ensemble de l'entreprise est le fruit d'un travail commun dont il est difficile sinon impossible de dire qu'il appartient pour telle part à l'un ou à l'autre. Il provient d'une synergie des différents organes de l'entreprise (Motais de Narbonne, 75, page 188).

Un système réel, concret, ne peut donc jamais être tout à fait décrit comme une arborescence, ni même simplement décrit. Il y a toujours, autour de l'organigramme ou du schéma, d'autres relations, moins apparentes ou moins chargées d'énergie peut-être, ou moins significatives pour l'analyse que l'on mène, mais qui cependant contribuent à lui donner sa cohérence, son épaisseur, sa résilience, sa stabilité.

Fermeture, cycle, finalement l'existence est limitée fondamentalement à un certain degré de complexité, et l'on peut dire que la complexité n'est pas autre chose que la résistance de la chose à mon analyse. A la fois bonne, car elle témoigne du degré d'être de la chose, et mauvaise puisqu'elle se refuse à ma maîtrise et m'est donc inutile ou menaçante.

Deux notations, dans des domaines très différents. On voit ici qu'une chose ou un système sont fondamentalement différents d'un ensemble, puisque la théorie ensembliste postule, au moins en principe, une décomposition complète en éléments, notamment pour definir la relation d'inclusion: A contenu dans B est équivalent à "tout élément de A est élément de B".

De grandes entreprises (IBM ou NCR par exemple) tendent à se donner une organisation "vocationnelle", c'est à dire axée sur la réponse aux besoins de segments différenciés du marché. Mais on ne peut pas aller trop loin dans cette voie si l'on veut que la firme reste une.

Anais Nin: "Si je sais tout de l'autre, je ne le juge pas". En effet, si je savais tout de l'autre, il ne serait qu'une machine, et encore une machine abstraite.

L'entropie d'un système n'est pas égale à la somme des entropies de ses parties prises séparément.

La constitution d'un système s'accompagne toujours de mouvements d'énergie, endogènes ou exogènes (réactions endo ou exothermiques de la chimie par exemple). Certaines associations se font "toutes seules", tout naturellement, pendant que d'autres exigent de longs efforts ou de sensibles consommations d'énergie pour se constituer, voire pour se maintenir.

Ce ne sont d'ailleurs pas, semble-t-il, les plus simples ni les plus complexes qui sont les plus stables. L'échelle des défaut de masse est ici instructive. Peut-être pourrait-on la prendre comme une base (parmi d'autres) pour une approche quantitative générale des structures stables. On tend aujourd'hui à

faire des constations comparables en matière de systèmes sociaux, mais l'observation et les conclusions y sont rendues difficiles par la multiplicité des facteurs en cause.

On peut faire des remarques analogues pour la variété. On sent bien que l'espace des états d'une partie isolée diffère assez sensiblement de l'espace des états de cette partie prise dans un tout. Son appartenance à un système plus vaste lui impose des contraintes, mais elle profite aussi de la variété du tout. Je ne peux pas me déplacer beaucoup à l'intérieur d'un avion, mais grâce à lui je peux aller très loin et très vite. Cyrano est plus libre d'être seul, mais ne peut pas monter aussi haut que d'autres, plus coopératifs.

4.10 Défaut de masse

Loi des rendements décroissants.

Quantité de signification par bit. Degré de structuration.

Pour tenir les bits ensemble, il faut quelque chose.

4.11. Les lots dans la nature

Même dans une informatique très temps réel, le traitement par lots a une fonction structurelle, indépendante de l'informatique. D'ailleurs la nature utilise fréquemment la mise en lots: bol alimentaire, toilettages, troupeaux et galaxies. Même les activités intellectuelles sont groupées à certaines périodes.

L'Ecclésiaste, parallèlement à l'acceptation désabusée du caractère cyclique de l'univers, recommande ce groupement de ses célèbres balancements, il est un temps pour...

Tout message a le caractère d'un lot d'informations, dans la mesure où il comporte plusieurs parties, plusieurs lettres au moins. Et le concept même de processeur est une forme de mise en lots de ses intrants et de ses extrants.

La mise en lots est un des moyens de base pour passer d'un niveau de système à l'autre. Cela nous conduit à la grande dynamique de la croissance.

Il y a traitement par lots toutes les fois qu'un niveau donné de système traite de façon groupée des objets nombreux (normalement plus de 7, souvent des milliers) sous une commande unique.

L'informatique a repris ce concept à des technologies comme la chimie (batch, bassine). Mais un avion transportant de nombreux passagers, voire un composant électronique par rapport aux électrons, ou encore le sac postal...

Les éléments de niveau inférieur peuvent être entrés sous forme groupée et rendus de même, ou bien il peut y avoir au sein du système des opérateurs de constitution de lots à l'entrée et de dispersion à la sortie.

Suivants les cas, les objets sont conservés dans leur identité tout au long du processus (passagers, lettres, pièces mécaniques à l'usinage, contrôles), ou y perdent leur identité (fusion de pièces métalliques pour reconstituer du métal, totalisation ou calcul statistique) ou enfin y naissent comme objets séparés à partir d'un flux: presse pour la fabrication d'objets en plastique, génération de messages à partir d'une base de données.

Dans certains cas, le traitement décompose le lot pour traiter les articles un par un, quitte à les regrouper pour les fournir globalement à la sortie.

Il y a deux raisons pour recourir au traitement par lots:

- Des raisons structurelles, tenant à la nature même du traitement. C'est le cas toutes les fois qu'il ne s'agit pas de faire subir une opération à des produits qui conserveront leur identité tout au long du processus, ou qu'il est essentiel de réunir une masse critique (effets de groupe en relations humaines, réunions, marchés).

- Dans les autres cas, ce sont des raisons d'économie qui conduisent à grouper les objets pour bénéficier d'économies d'échelle: transports en commun par exemple. Cette économie se paie par l'introduction d'un rythme artificiel et de délais. Dès que les conditions économiques le permettent, ou que l'urgence domine, on tendra à revenir au traitement individualisé: voiture particulière, courrier par porteur.

La mise en lot se paie aussi par une banalisation des traitements qui néglige les spécificités individuelles. Tantôt c'est une simple perte en qualité de service, tantôt les inconvénients sont majeurs pour les objets détruits au cours du traitement, ou rejetés et le cas échéant repris par une filière de recyclage qui peut être très coûteuse (traitement des anomalies en saisie de l'information). (icono 205).

Les machines peut automatisées ne connaissent que leur cycle principal de traitement, auquel des opérateurs se chargeront de fournir des produits bruts, et dont ils retireront le résultat à la sortie. Cette contrainte sera levée par des dispositifs d'alimentation automatique (presse d'imprimerie par exemple).

Quant au cycle de la chaîne, en général commandé par les opérateurs, il est parfois automatiquement déclenché (détection du remplissage d'un réservoir, horloge).

Dans les machines un peu complexes, le cycle principal de traitement peut se décomposer en sous-cycles: rotation du moteur principal, cycle de base de l'unité de commande d'un calculateur.

Il peut aussi y avoir plusieurs cycles d'arrivée et de sortie, correspondant à des entrées et sorties multiples.

Ces différents cycles sont reliés entre eux de deux manières possibles.

Tantôt il existe entre eux une relation formelle. La plus simple est la coïncidence, notamment entre

- cycle de passage de la chaîne et fourniture des résultats,

- cycle principal de traitement et fourniture d'un produit élémentaire,

- cycle de chaîne et cycle d'arrivée (si le lot a été constitué par ailleurs), etc.

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