Hebdo
No 106. 10 mars 2003

Sommaire : Trois questions à Olivier Bonnaud, président du Club EEA | L'actualité de la semaine | Théories et concepts | Enseignement | Entreprises | La recherche en pratique | Manifestations | Le livre de la semaine | Détente


"Notre principale préoccupation est d'attirer les jeunes vers nos disciplines".

Trois questions à Olivier Bonnaud

Président du ClubEEA.

Asti-Hebdo : Le Club EEA est récemment devenu "association fondatrice de l'Asti". Pourquoi?

Olivier Bonnaud : A sa création, en 1960, les objectifs du club EEA étaient quelque peu révolutionnaires, puisqu'il visait à développer un enseignement dans des disciplines qui n'étaient pas reconnues comme telles : l'électronique, l'électrotechnique, le génie électrique. Ce milieu professionnel, depuis les années 50, était en pleine croissance. Il avait besoin de jeunes formés au niveau le plus élevé. Mais le monde de l'université et même des Grandes écoles ne connaissaient que la physique et la chimie. Le mot même d'électronique était banni. Moi-même, si j'y suis venu, c'est parce qu'un enseignant, d'ailleurs bien connu dans la communauté, m'en a montré tout l'intérêt. Pour les fondateurs du club, il s'agissait donc de convaincre les mieux universitaires, enseignants et chercheurs, de s'orienter dans cette voie. Les objectifs d'origine ont donc été avant tout pédagogiques.

L'importance de la recherche s'est peu à peu affirmée. Nous étions considérés un peu comme des mécaniciens, au sens le plus prosaïque du terme, en automobile : celui que l'on appelle quand les matériels scientifiques ont besoin de réparations. Il nous a donc fallu créer un nouvel état d'esprit, montrer qu'il existe une vraie recherche dans nos domaines. A EDF, par exemple, gérer le réseau de distribution, le structurer pour pallier l'arrêt d'une usine ou les effets du gel sur les lignes à haute tension... ne relève pas du bricolage avec une clé à mollette et une pince à dénuder. Cela impose une recherche à haut niveau, comme la commande des moteurs du TGVou du shutlle Paris-Londres, ou la conception et la fabrication de circuits microélectroniques (qui constituent les "puces").

Depuis quatre ans, nous avons fait de gros efforts pour faire reconnaître le club comme un interlocuteur pertinent pour les autorités qui pilotent la recherche. Nos commissions, sur les écoles doctorales, les habilitations, les thématiques (surtout au moment de la création du département Stic au CNRS) nous ont fait beaucoup avancer dans ce sens. Cette démarche devait tout naturellement nous conduire vers l'Asti.

A.H. : Quelle est actuellement votre principale préoccupation?

O.B. : C'est d'attirer les jeunes. Il faut les sensibiliser dès le second degré. Nous avons rencontré, en décembre dernier, les responsables du ministère à ce niveau. Et nous avons prévu des actions. Par exemple pour faciliter à ces enseignants de l'enseignement secondaire la participation à nos travaux pédagogiques. Mais aussi pour que nos disciplines fassent l'objet de formations et d'animations.

Nous avons de gros chantiers sur la pédagogie, notamment le LMD et les nouvelles technologies éducatives (Tice). Nous sommes en train de constituer une e-médiathèque, mettant à disposition de l'ensemble de notre communauté des cours interactifs. Nous avons produit en 2000 un CD-Rom destiné à promouvoir l'EEA. Nous en préparons une nouvelle version. Nous voulons montrer l'intérêt de nos disciplines, aussi bien par leurs applications (aéronautique, transports, informatique) que par leurs thèmes scientifiques.

Tous les deux ans, nous organisons une conférence éducative, le Cetsis-EEA. Son objectif est pédagogique, pour la rénovation constante de l'enseignement dans nos disciplines. Elle aura lieu cette année à Toulouse, à la fin de novembre. Notre coopération avec le ministère devrait permettre d'y accueillir des enseignants du second degré.

Mais, pour recruter, nous rencontrons un autre problème : la tendance des français (depuis Auguste Comte en tous cas), à classifier les gens, alors que notre travail fait constamment apparaître les transversalités, les interdisciplinarités. Par rapport au CNU (Conseil national des universités), nous nous situons dans les sections 61-63. Mais, par exemple, l'opto-électronique nous conduit aussi vers la section 30. Dans la conjoncture actuelle, où les jeunes sont moins attirés par les sciences, il ne faut pas faire la fine bouche. Un jeune scientifique compétent, à condition d'avoir un minimum de connaissances dans notre domaine, nous intéresse toujours. Il nous faut donc travailler sur les frontières, afin d'y cultiver un flou nécessaire pour attirer les compétences, sans pour autant sacrifier l'indispensable rigueur scientifique.

Nous nous comprenons très bien sur ces questions avec Specif, et en particulier nous nous entendons au moment des élections du Comité national CNRS

A.H. : Comment s'organisent vos activités ?

O.B. : Vous trouverez tous les détails sur notre site, www.clubeea.org. Les travaux de nos quelque mille membres s'organisent en quatre sections thématiques : électronique, électrotechnique, automatique (qui inclut la robotique et la productique), signal/ image. Chaque section a un président et un secrétaire, et organise des journées thématiques, le plus souvent de deux jours. En tout une douzaine de rencontres par an pour l'ensemble des sections.

Mais nous avons aussi un important travail au niveau des commissions, dont les objectifs sont transversaux par rapport aux sections : recherche, enseignement, relations internationales. Leurs présidents sont aussi membres du bureau, orchestré par un secrétaire général, un trésorier et le président du club. Chaque commission doit (en principe), comporter des représentants de toutes les sections ; elles sont ouvertes à tous et fournissent un énorme travail utile à l'ensemble de la communauté.

Au plan international, objet de notre troisième commission, nous cherchons par priorité à faciliter des accords avec les pays francophones. Il y a plus de cent millions de francophones dans le monde. Si nous ne nous intéressons pas à eux, cette culture va disparaître, et nous laisserons toute la place à la culture Macdo. Nous avons déjà des projets d'accords avec la Suisse, la Belgique et le Canada, le Liban et les pays du Maghreb. Nous sommes allés en délégation au Maroc en juin dernier et nous y retournerons cette année, en juillet.

Quant à l'Europe, nous sommes à l'origine de la création de l'EAEEIE (European association for education in electrical and information engineering). Elle travaille sur l'harmonisation des programmes dans notre domaine. Le réseau Theire regroupe 80 partenaires, avec pour but principal de créer des outils d'éducation et de mettre en oeuvre les Tice d'une manière harmonisée. Enfin, nous sommes en relation, bien entendu, avec les grandes associations américaines.

Concluons par notre congrès national annuel, autour de notre Assemblée générale. Il réunit chaque année entre 200 et 400 membres, selon la conjoncture et la facilité d'accès à la ville choisie. Sections et commissions y présentent la synthèse de leurs travaux. Il se tient ce printemps à Besançon, du 14 au 16 mai. Nous sommes en train d'en préciser certains thèmes, pour profiter des compétences particulières de la Franche-Comté en matière de microsystèmes, par exemple.

Le congrès est un moment privilégié où, selon notre vocation de club, se tissent des liens de camaraderie et d'amitié entre les membres. Le travail s'effectue dans la bonne humeur et les moments de détente sont toujours des points forts. Nous espérons donc être particulièrement nombreux cette année.

Propos recueillis par Pierre Berger


Actualité de la semaine

Le budget du CNRS dans le coma !

Dans un communiqué, le SNCS rend compte de la réunion du Conseil scientifique du CNRS, le mardi 4 mars. Le budget 2003 a fait l'objet d'une discussion et une motion a été votée à l'unanimité. Selon le syndicat, lors de cette discussion, la direction générale a été forcée de reconnaître que, contrairement à son éditorial optimiste du Journal du CNRS de janvier,
ce budget était très mauvais et que la science n'était pas prioritaire pour ce gouvernement. Les mesures de gels et d'annulation de crédits touchent tous les EPST, le Cnes (crise grave au Cnes) et les opérations ministérielles elles-mêmes (FST, etc..). Lire le communiqué du SNCS. Accéder au site du SNCS.


Théories et concepts

E-bomb

Selon 01 Net Des armes basées sur des ondes électromagnétiques et capables de déclencher un court-circuit généralisé mettant hors service tous les appareils électriques font couler beaucoup d'encre quant à leur utilisation prochaine.

Complexité

Deux titres vient de sortir, par des auteurs aux profils sensiblement différents
- Sciences de la complexité et vie politique, par Jean-Paul Baquiast. Tome 1 : Comprendre ; Tome 2 : Agir. Edité par Les Automates intelligences.


- La complexité, vertiges et promesses, par Réda Benkirane, aux Editions du Pommier. .

Machines pensantes et/ou conscientes

La machine peut-elle penser ? Ce thème, rebattu mais éternel (du moins tant qu'il y aura des hommes), continue d'inspire des auteurs. Viennent de paraître :
- Le défi des robots pensants par André Varenne (L'Harmattan) donne la parole à "de prestigieux chercheurs qui, grâce aux progrès de l'intelligence artificielle et aux fabuleuses perspectives des nanotechnologies, nous promettent l'avènement inéluctable des robots pensants".
- Modéliser et concevoir une machine pensante, par Alain Cardon (Editions des Automates Intelligents) propose une "approche constructible de la conscience artificielle".

Décision et neurosciences

Alain Berthoz, professeur au collège de France (et que nous avons interviewé dans notre numéro 21 ) publie La décison, chez Odile Jacob.

Parutions à l'Harmattan

Un nouveau type de citoyenneté. Francis Jaureguiberry et Serge Proulx, dans Internet, nouvel espace citoyen, visent "à mieux saisir les pratiques de communication liées au nouvel espace d'interactions sociales et symboliques que désigne, depuis une vingtaine d'années, l'appellation cyberespace".

Définir l'univers des jeux. Dans son Introduction aux enjeux artistiques et culturels des jeux vidéo, Sébastien Genvo se propose de jeter, sans complaisance, les bases d'une définition de l'univers problématique ouvert par la réussite exponentielle des jeux vidéo.

Interdisciplinarité. Deux titres :
- Le constructivisme, tome II. Epistémologie de l'interdisciplinarité, par Jean-Louis Le Moigne
- Ingénierie de l'interdisciplinarité. Un nouvel esprit scientifique, sous la direction de François Kourilsky, avec le concours de Jean Tellez.


Enseignement

France-Algérie

Le programme franco-algérien de recherche et formations doctorales fait l'objet d'un appel d'offres 2003 lancé par le Comité mixte d'évaluation et de prospective de la coopération universitaire franco-algérienne. Les nouveaux thèmes privilégient une approche pluridisciplinaire en sciences économiques et de gestion, sciences juridiques, géographie urbaine et sociologie. Contact : cmep@u-paris10.fr

Harmonisation européenne : dispositif LMD

La Conférence des présidents d'université (CPU) du 20 février prend position sur le dispositif LMD (motion adoptée à l'unanimité).
http://www.cpu.fr/Telecharger/LMD_Texte-CPU_20-02-2003.pdf


Entreprises

Le Cigref, en partenariat avec l'Afai, organise le 9 avril prochain le symposium Gouvernance du système d'information : l'IT Governance en actions. Pour en savoir plus : http://www.atica.pm.gouv.fr/upload/documents/Invit_Symposium.pdf


La recherche en pratique

La Documentation française met en ligne le rapport annuel d'évaluation de la recherche dans les établissements publics français.


Manifestations

Droit et développement du logiciel

Dans le cadre du DESS Génie logiciel, économie, droit et normes, de la Faculté de Nantes, est organisée le 4 avril 2003 une journée à laquelle sont invités les informaticiens "professionnels", les enseignants et les étudiants de droit et d'informatique. Elle traitera de ce qu'un responsable de service informatique a à savoir en matière de droit dans son activité professionnelle (le développement de logiciels).

Interviendront
- Daniel Duthil, président de l'Agence pour la Protection des Programmes (APP), éditeur des revues "Droit de l'Informatique et des télécoms" et "Expertises des systèmes d'information",
- Christiane Féral-Schuhl, avocat associé au Cabinet Salans,
- Edouard Piégay, Maître de conférences, Expert judiciaire en informatique de gestion, co-auteur du livre "L'expertise judiciaire en informatique de gestion"
- des enseignants de Nantes, Loïc Panhalleux et J.P. Clavier

Pour obtenir une invitation de participation gratuite à la journée, adressez un courrier à Henri Habrias

Manifestations des associations fondatrices de l'Asti

- Afia
- Afig
- Afihm
- ASF - ACM Sigops
- Atala
- Atief
- Cigref
- Creis
- GRCE
- Gutenberg
- Inforsid
- Specif


Le livre de la semaine

Les grilles informatiques

Sous ce titre, Marcel Soberman, membre des comités de projet et d'architecture du projet français de grille informatique à hautes performances e-Toile, labellisé par le RNTL, propose ici (chez Hermès-Lavoisier) une approche pédagogique du concept et de sa mise en oeuvre actuelle. Au sommaire : origines du concept, besoins dans les domaines scientifiques, architectures, présentation de quelques grilles, problématiques à lever pour un usage étendu.

Sa conclusion : "Nous sommes au tout début de la courbe d'un nouveau produit... les résultantes des travaux actuels de recherche et d'industrialiation vont au delà du lancement de produits : il s'agit de la mise en place d'infrastructures, de modèles de travail de fond pour les informaticiens et les utilisateurs, qui se placent dans une évolution à long terme.


Détente

Même si vous n'en avez pas rêvé, les Japonais l'ont fait

Il manquait, n'en doutez pas, quelques périphériques importants à votre ordinateur. Par exemple une cafetière , et pourquoi pas, une brosse à dents. Vous pouvez désormais acquérir ces produits et les connecter à votre machine, à condition de disposer d'un port USB. Même si vous ne lisez pas le japonais, les pages sont assez explicites (le texte d'ailleurs, n'ajoute pas grand chose à l'image et aux parties de texte en caractères occidentaux). D'ailleurs, le texte n'indique pas si la cafetière est fournie avec un serveur ou seulement en version "client".

Ces produits sont en vente chez un constructeur/distributeur japonais, Comsate, qui pousse l'humour jusqu'à baptiser Unisex un de ses boutiques. Les produits ont, il est vrai, ont un design à faire rêver (un peu froit tout de même).

Alcoolisme

Gregus (pseudo), tenancier de bar de son état joue par courriel, l'un de ses clients est aussi un fan de jeux informatiques mais n'a pas internet car sa femme a peur qu'il passe tout son temps devant son micro. Qu'à cela tienne, Gregus lui propose de jouer avec lui en s'échangeant des disquettes. Depuis, ce fidèle client vient plusieurs fois par jour échanger sa disquette et en profite pour boire un coup au bar. En définitive, tout le monde est content.
- le client peut jouer avec d'autres joueurs à son jeu préféré,
- le tenancier s'amuse aussi tout en s'enrichissant,
- la femme du client n'a toujours pas internet et donc son mari ne passe pas tout son temps devant son micro (mais au bar...).

Conclusion : la preuve est faite, internet encourage l'alcoolisme.


L'équipe ASTI-HEBDO : Directeur de la publication : Jean-Paul Haton. Rédacteur en chef : Pierre Berger. Secrétaire général de la rédaction : François Louis Nicolet, Chefs de rubrique : Mireille Boris, Claire Rémy et Armand Berger. Asti-Hebdo est diffusé par FTPresse.