Association Française des
Sciences et Technologies de l'Information

Hebdo
No 69. 1er avril 2002

Sommaire : Trois questions à Philippe Quéau, Unesco | L'actualité de la semaine | Enseignement | La recherche en pratique | Dans les entreprises | Manifestations | Le livre de la semaine | Détente |

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Sur vos agendas, notre journée du 15 mai Stic. De quoi parlons nous ? Comment en parler ?

Ce mardi à l'Asti-dej (à partir de 12h30 au siège de l'Asti, 33 rue de Trévise, Paris 9e) : présentation du programme de la journée du 15 mai.


Trois questions à Philippe Quéau

Directeur de la division Société de l'information, Unesco.

"Il vient un moment où l'on ne peut plus faire l'économie de la question du sens et des usages des Stic"

Asti-Hebdo : Vous avez récemment publié "La planète des esprits, pour une politique du cyberespace" (Odile Jacob). Pourquoi un scientifique comme vous, polytechnicien, animateur du salon Imagina pendant plusieurs années, s'est-il engagé dans une structure aussi "généraliste" que l'Unesco ?

Philippe Quéau : Pendant presque vingt ans, à Imagina, ma responsabilité a été de trouver, chaque année, les présentations les plus étonnantes, les plus révélatrices, les plus stimulantes. Mais vient un moment où l'on se pose des questions d'une autre nature, où l'on ne peut plus faire l'économie de la question du sens, où l'on devient sensible à des contradictions de plus en plus flagrantes, par exemple à l'élargissement du fossé dit "numérique" (digital divide).

Ce fossé n'a rien de numérique en soi. Il est avant tout social, économique, politique et culturel. La réflexion sur les conditions d'accès aux nouvelles technologies n'est pas de nature technique. Il y a manifestement un plan d'interrogation qui est d'ordre philosophique. C'est ce qui m'a conduit à écrire ce livre : une tentative pour placer les questions liées aux techniques sous le double éclairage de la philosophie et de la politique, c'est-à-dire de la philosophie politique.

Il y a quelque chose de profondément politique dans la toile, dans la manière dont le cyberespace se développe aujourd'hui, même si cette politique (ou ces politiques) n'est pas explicite. Il y a eu par exemple tout le volontarisme des années 90, d'abord aux Etats-Unis (Al Gore) puis en Europe (Martin Bangemann), allant de pair avec une volonté de dérégulation, de libéralisation du marché des télécommunications et, partant, de l'accès au Web.

On perçoit aujourd'hui, à travers des faillites retentissantes, la persistance de la "fracture numérique" et plus généralement la crise du Nasdaq, que les "mains invisibles" du marché ne sont pas la panacée.

Je n'ai pas pour autant de solution toute faite à apporter. Mais le moment est venu où l'on peut de bonne foi se poser la question d'un intérêt général mondial, afin de donner un "sens", une "direction" à l'évolution de la société de l'information. De penser par exemple aux moyens de limiter la fracture numérique à partir d'un niveau d'analyse qui englobe la planète entière.

Hebdo : Un intérêt général mondial... pouvez-vous donner un exemple concret ?

P.Q. : Rien de plus concret que le câble sous-marin de télécommunications Sat3-Safe. Il vient d'être installé par un consortium mondial. Partant du Portugal, il fait du cabotage le long de la côte Ouest de l'Afrique, atterrit en Afrique du Sud et en repart pour l'Inde en rasant la côte de Madagascar et de la Réunion.

Or des pays entiers n'y sont pas reliés, notamment le Congo (ex-Zaïre) et Madagascar. Pourtant, la ligne passe à quelques encablures de leurs côtes. Mais ils n'ont pas pu payer les 20 millions d'euros nécessaires au raccordement. Par conséquent, pour accéder à Internet, ils doivent passer par des liaisons par satellites, qui reviennent 400 fois plus cher. En revanche, l'île de La Réunion a pu se connecter, grâce une intervention de la Feder (Fonds européen de développement régional), organisme comparable à la Datar française.

Hélas, il n'y a pas de Feder mondiale ! Et l'Unesco, ou plus largement l'ONU, ne peuvent s'engager dans cette voie. Car ces organismes sont l'émanation des Etats, et les plus influents d'entre eux ont actuellement des positions diamétralement opposées à celles que je présente ici et dans mon livre. Ces idées de "bien commun" ou d'"intérêt général mondial" sont même tournées en dérision par les pragmatiques de la mondialisation, qui s'inscrivent dans la lignée des Thomas Hobbes, John Locke, Adam Smith et Friedrich Hayek.

Hebdo : Pensez-vous que l'ensemble de la communauté des Stic devrait s'impliquer plus en profondeur ?

P.Q. : Les scientifiques sont aussi des citoyens. Ils ne peuvent plus rester en dehors de la mêlée. A l'heure de la mondialisation, il n'est plus possible de vivre dans son laboratoire. Même pour des spécialistes comme les lecteurs d'Asti-Hebdo, isoler la technique c'est faire l'impasse sur les usages.

Faut-il aller jusqu'à dire, avec Lawrence Lessig, que "code is law" ? Ce serait, à mon sens, aller un peu vite en besogne de dire que le code (le logiciel au sens informatique) est de la loi, puisqu'il n'est jamais discuté en tant que tel. C'est un "code" immanent, pensé et conçu par certains, mais dont on ne débat jamais démocratiquement. Ce qu'il faut, justement, c'est mettre à jour cette loi immanente. Pour moi, la formule "code is law" traduit le fait que notre société est aujourd'hui largement dominée par la technique. Mais cette domination est "invisible", elle se confond avec le paysage. Et elle est donc sans réplique.

Mais attention. Si l'on est un technicien, ou bien on oublie d'être aussi un citoyen et on peut faire l'impasse sur l'impact de la technique. Ou bien on tente d'y réfléchir, et alors on doit le faire avec d'autres arguments, d'autres références que celles de la technique.

Pour moi, je suis, modestement, un humaniste, et j'essaye d'appliquer au cyberespace les idées qui m'ont beaucoup frappé chez un Teilhard de Chardin. Le titre de mon livre est d'ailleurs une reformulation de sa "noosphère". Et c'est aussi ce qui m'a incité à orienter ma carrière professionnelle vers l'Unesco en prenant à l'Unesco la direction de la division "Société de l'information". Dans ce cadre, je suis en charge du nouveau programme intergouvernemental "Information pour tous". Il couvre les domaines de l'information, de l'informatique et du cyberespace, les aspects éthiques, sociétaux et juridiques de la société de l'information, les politiques d'accès universel à l'information, la formation aux NTIC, les technologies de l'information au service de l'éducation, de la science, de la culture et de la communication, les outils et systèmes de traitement et de gestion de l'information, les bibliothèques, les archives ainsi que les programmes "Mémoire du monde" et "Infojeunesse".

Quant à vos lecteurs, je pense que la manière la plus naturelle pour eux de prendre leurs responsabilités est de s'engager dans les grandes associations internationales professionnelles, qui sont en réseau avec l'Unesco. Et pour commencer, tout simplement, de participer aux activités de l'Asti, qui regroupe en France les représentations de ces grandes associations mondiales.


L'actualité de la semaine

Francis Jutand présente les réseaux thématiques pluridisciplinaires

Le directeur du département Stic du CNRS a présenté mardi dernier à la presse les nouvelles structures d'animation qu'il met en place. On en trouvera le détail sur le site du département.

Quarante programmes vont être lancés, chacun doté d'un budget d'un million de F. Ils ont pour mission :

Concrétisant le concept, trois animateurs de RTP ont présenté leurs réseaux :

Présidentielles : quelque pointeurs

Le Monde informatique du 29 mars consacre deux pages au programme des candidats, avec notamment une série de "petites phrases".

Un intéressant tableau sur Yahoo.

Assez décalé, mais pourquoi pas, celui de Cyberpolitik.

Temps-réels "section virtuelle et technotrope du Parti socialiste" a aussi fait un travail digne de visite. Il met lui-même des pointeurs sur les sites de

Pour Pierre Larrouturou: "Internet, c'est mettre l'intelligence en réseau" 01 Net.

Vote électronique

Les mairies de Mérignac (Gironde) et de Vandoeuvre (Meurthe-et-Moselle) ont annoncé leur volonté de faire tester à leurs habitants des systèmes de vote électronique pour les prochaines élections présidentielles et législatives : vote par Internet et urne électronique munie d'un lecteur d'empreinte. Validée par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), l'opération a pour but de tester la faisabilité technique d'un tel vote. Lire l'article sur service-public.fr.

Internet et la famille

Quelle place joue Internet aujourd'hui au sein de la famille ? C'est la question que s'est posé le ministère de l'Emploi et de la solidarité lors des "Rencontres Internet jeunes et familles" et à laquelle une enquête parallèle, réalisée par la Sofres, a tenté de répondre sur la demande de Bayardweb.

Les conclusions de ces deux initiatives tendent vers les mêmes tendances. Les familles, dans l'ensemble, reconnaissent l'apport pédagogique considérable de ce média mais demeurent inquiètes en ce qui concerne l'accès à certains sites illégaux et préjudiciables. Le ministère se propose de répondre à cette inquiétude en diffusant gratuitement un logiciel de filtrage des contenus qui sera téléchargeable sur son site, où une étude comparative des logiciels de contrôle parental est déjà en ligne. Notons cependant que plus de 90% des français pensent qu'Internet incarne la modernité.


Enseignement

Bourses des formateurs en informatique graphique

L'ACM Siggraph attribue des bourses aux enseignants qui souhaitent participer au congrès 2002 (San Antonio, Texas, du 21 au 26 juillet). Un programme particulier leur est consacré. Ces bourses sont intéressantes, car elles couvrent les frais de transport, l'hébergement, l'entrée au congrès et toutes les publications. Elle sont réservées aux enseignants soutenus par leur employeur dans cette démarche, et ne vivant pas en Amérique du Nord (c'est à dire tout sauf Canada, US et Mexique).

Les demandes doivent parvenir avant le 17 mai. La notification d'attribution sera envoyée fin mai. Pour plus de précisions s'adresser à Patrick Saint-Jean ou Thierry Frey, Paris ACM Siggraph.


La recherche en pratique

Prix des technologies de l'information

Télécom Paris et son Association des ingénieurs organisent pour la quatrième année consécutive le "Prix des technologies de l'information", le 3 avril 2002 à l'Echangeur, 66 rue des Archives, 75003 Paris.

Hauts débits et recherche

Le Conseil stratégique des technologies de l'information vient d'émettre un avis sur les hauts débits, les contenus, la formation et la recherche et développement.

Jeunes chercheurs

Le ministère publie une première synthèse (RTF) du colloque "Génération jeunes chercheurs".


Dans les entreprises

Le livre électronique attend des jours meilleurs

Le livre électronique était la vedette du salon du Livre 2001. Il s´est fait discret lors de l´édition 2002, commente Peu de stands, peu de produits, peu de battage. C'est la conclusion de Transfert.net, qui interviewe notamment Jean-Pierre Arbon, pionnier de l'édition électronique.

Confirmant ce point de vue, Asti-Hebdo publiera prochainement une interview de Sami Ménascé, fondateur des éditions Hermès-Sciences.

Usages et utilisations des TIC dans les entreprises franciliennes

La diffusion Paris 7 signale la parution de document


Manifestations

Stic : De quoi parlons nous ? Comment en parler ?

Au cas où vous auriez échappé à tous nos messages annonçant cette manifestation, il n'est pas trop tard pour en prendre connaissance (et même pour vous inscrire). Il suffit de ... demander le programme !


Le livre de la semaine

Veille stratégique... et automatique

Le titre La veille stratégique sur l'Internet (Hermès/Lavoisier) très général, cache la technicité du contenu, et le domaine précis - la veille automatique - sur lequel se sont concentrés les auteurs, Henri Samier et Victor Sandoval, qui sont tous deux chercheurs et enseignants mais aussi praticiens.

L'introduction donne les principes de la "surveillance de l'environnement de l'entreprise". L'ouvrage balaye ensuite les ressources à mobiliser : sources d'information (des pages entières de pointeurs sur des sites utiles) puis les outils de veille automatique (présentation sommaire comparative de plusieurs dizaines de produits). Une méthodologie, appuyée sur des études des cas, permet de cadrer la démarche. Conclusion : il existe un système de veille automatique adapté à tout budget. Mais il est indispensable d'avoir les compétences nécessaires pour le concevoir de manière optimale.


Détente

Pouce !

Pierre Fontaine, dans Internet Actu du 28 mars, signale une étude, menée auprès des moins de 25 ans dans neuf villes du monde. Elle montre que les "teenagers" et les jeunes adultes ont développé une nouvelle aptitude morphologique, à force de jouer à la console, au lieu de couper du bois à la hache, de téléphoner sur des portables ou de faire du stop : ils sont habiles avec leur pouce ! A tel point qu'ils font de plus en plus de choses avec ce doigt. D'ailleurs, les jeunes Japonais, qui, quoi qu'on en dise, sont friands de castes et de bandes à vagues relents féodaux, sont surnommés les "thumb tribe" ou "thumb generation".


L'équipe ASTI-HEBDO : Directeur de la publication : Jean-Paul Haton. Rédacteur en chef : Pierre Berger. Secrétaire général de la rédaction : François Louis Nicolet, Chefs de rubrique : Mireille Boris et Claire Rémy. Asti-Hebdo est diffusé par FTPresse.