Association Française des
Sciences et Technologies de l'Information

Hebdo
No 70. 8 avril 2002

Sommaire : Cinq questions à Jean-Pierre Corniou, Renault | L'actualité de la semaine | Théories et concepts | Enseignement | La recherche en pratique | Dans les entreprises | Manifestations | Le livre de la semaine |

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Cinq questions à Jean-Pierre Corniou

Directeur des technologies et systèmes d'information, Renault

"Mettons les agents intelligents au service d'un nouvel urbanisme des systèmes d'information"

Asti-Hebdo : Vous êtes DSI (vous préférez dire CIO) de Renault. Pourquoi avoir pris en surcroît la charge de président du Cigref et la peine d'écrire des ouvrages comme la synthèse que vous venez de publier chez Hermes-Lavoisier "La société de la connaissance" ?

Jean-Pierre Corniou : Dans la vie professionnelle, il faut dire ce que l'on fait ; s'exposer, se mettre en déséquilibre créatif. Il faut aussi faire ce qu'on dit, et en permanence mesurer les écarts. J'avais publié en 1990 "Qui a peur de l'informatique". Dans ce nouvel ouvrage, j'essaie de faire passer quelques messages. Je veux dire surtout : C'est dur d'être CIO dans le monde d'aujourd'hui, mais c'est aussi un métier exaltant. Et je veux démystifier la technologie : elle n'existe que par la qualité des hommes et des femmes qui s'en servent.

Parler de traitement de l'information et de la communication, c'est toucher à quelque chose de très intime dans l'expérience cognitive de l'humanité et de l'individu. Le XIXe siècle a permis de domestiquer l'énergie et de créer pour l'homme une prothèse musculaire. Le XXe a porté sur les fonds baptismaux, mais nous n'en sommes que là, le concepts et les premiers outils permettant de créer une prothèse cérébrale et intellectuelle.

Hebdo : Quel rôle jouent les chercheurs dans cette création ?

J.-.P.C. : Trois catégories d'acteurs ont contribué à l'émergence de la société de l'information telle qu'on la connaît aujourd'hui.

Les premiers sont les entrepreneurs. Certains d'entre eux ont été eux-mêmes des innovateurs, disons même des chercheurs. Ils ont eu l'audace de mettre leurs idées sur le marché. Je pense en particulier à Seymour Cray et Ken Olsen.

D'autres sont des entrepreneurs-entrepreneurs, dont Bill Gates est l'exemple type : entré à Harvard, il en sort presque aussitôt, sait tirer profit de l'effervescence des années 70 et, avec intelligence et habileté, transforme une petite firme provinciale en une multinationale qui a fait l'an dernier un chiffre d'affaires de 27 milliards de dollars. C'est le rêve américain, avec son melting pot, sa route 128, sa Silicon Valley, et cette alliance improbable entre les soixante-huitards et les militaires qui a engendré Internet. L'originalité du modèle de développement américain est passionnante à montrer, avec sa souplesse et aussi sa roublardise (notamment en matière de libre échange).

Les deuxièmes sont les chercheurs proprement dits, et je rends hommage au MIT (où a été conçue l'infrastructure de l'informatique) et au Parc (Palo Alto research center, de Xerox), où toute l'informatique moderne a été inventée.

Les troisièmes sont les utilisateurs et, au premier rang, les informaticiens d'entreprise. Une catégorie qui m'est chère et que je trouve, aujourd'hui, un peu "coincée". En quelque sorte, l'informatique a gagné, mais les informaticiens ont perdu. Ils sont aujourd'hui face à un vrai défi.

C'est tout le sens du travail que je mène au Cigref : redonner à la famille des informaticiens d'entreprise sa rationalité systémique. Mais aussi retrouver la fraîcheur qu'ont eu les créateurs de l'association dans les années 70.

Il y a place pour une informatique d'entreprise qui ne se résume pas à être le cheval de Troie des fournisseurs, qui apporte une crédibilité au processus d'innovation et lui donne un prolongement que ni la technologie en elle-même ni les outsourceurs ne peuvent lui apporter.

Hebdo : Quels types de recherche vous semblent actuellement les plus importants pour votre entreprise ?

J.-P.C. : Je mettrai en tête l'interface homme-machine. En automobile comme en systèmes de gestion, c'est vraiment la dernière frontière, la dernière barrière entre l'homme et la machine.

Dans un véhicule automobile, l'informatique a pénétré par l'électronique. Au lieu d'une vision systémique, on a informatisé des fonctions isolées. Et l'on se retrouve aujourd'hui avec une multiplicité de calculateurs dans la voiture, mais sans backup, sans redondance, sans réseau local et sans intégration au niveau de l'interface homme-machine.

Aujourd'hui, un cadre comme moi dispose d'un assistant personnel numérique, d'un téléphone et d'un ordinateur portables plus un ordinateur dans son bureau... et j'ai la chance d'avoir dans ma voiture un système de guidage Carminat. Tous ces outils sont isolés.

Je voudrais que tous ces systèmes coopèrent pour me dire "Tu as rendez-vous à 18 heures au siège pour parler de CRM. Je t'ai regroupé les principaux documents sortis sur la question depuis un mois, et préparé un extrait de ton courrier électronique à ce sujet. Ta voiture t'attend au parking et le système de guidage t'indiquera le meilleur chemin à prendre pour aller au siège, étant donné que le périphérique est bloqué en ce moment".

Hebdo : Les applications de gestion posent le même problème ?

J.-P.C. : Exactement. On nous a dit que les ERP allaient permettre de faire dialogue des applications jusqu'alors retranchées chacune dans son domaine. "Vous n'aurez plus à gérer les interfaces ; de plus nos produits intègrent les meilleurs pratiques mondiales, vous n'aurez donc même plus à réfléchir sur vos processus". Or ce n'est pas vrai. On continue à faire de la comptabilité en 2002 à peu près comme en 1991. Et nos présidents nous disent : "J'attends toujours le retour sur investissement des milliards que vous m'avez fait dépenser".

Hebdo : La recherche pourrait-elle contribuer à résoudre ces problèmes ?

J.-P.C. : Oui. Et c'est ce qu'évoque pour moi le mot de "sémantique". Mettons les agents intelligents au service d'un nouvel "urbanisme". N'essayons pas de faire une architecture unifiée, de mettre au carré toutes nos bases de données. Ce serait un travail épuisant. Et de toutes façons, plus on est exhaustif, plus on est rigide. Or la vie des entreprises est de plus en plus "biologique". Elles changent en permanence d'organisation.

Il faut donc faire le moins possible "en dur". Contentons-nous de définir les grandes masses, et mettons en oeuvre les agents intelligents pour mettre l'information utile à la disposition de l' "intégrateur final", c'est à dire du décideur. Et je ne parle pas seulement de mon président, mais de l'ouvrier qui est sur la chaîne, et qui a besoin d'information, tout de suite, pour savoir quelle pièce monter sur la voiture qui est devant lui.

Malheureusement, les universitaires se sont complètement détournés de ce genre de sujets. J'ai siégé dans des conseils de perfectionnement d'écoles d'ingénieurs, j'ai entretenu des contact avec les équipes de Miages... ils considèrent que les systèmes d'information d'entreprise ne sont pas de l'informatique, qu'il n'est pas intéressant de s'y investir, et encore moins de former des chefs de projet.

Heureusement, dans le domaine propre à l'automobile, nous pouvons faire nous-mêmes de la recherche. J'anime par exemple une joint venture que nous avons lancée avec PSA et Ford pour développer les services télématiques en automobile et les vendre ensuite par les canaux commerciaux des différents constructeurs.

Enfin, je pense que les chercheurs doivent nous aider dans notre réflexion sur la création de valeur par la transformation des processus en entreprise. La, il pourrait s'agir d'économistes, mais aussi d' ergonomes.


L'actualité de la semaine

Présentation de sociétés innovantes sélectionnées par Capital-IT

Le comité de sélection de Capital-IT a retenu, parmi les 140 dossiers de candidatures reçus, les 40 sociétés considérées comme les plus innovantes en technologies de l'information et sciences de la vie. Elles seront présentées lors des Rencontres européennes du financement des technologies de l'information et des sciences de la vie, les 10 et 11 avril 2002, Hôtel Hilton Suffren, à Paris.

L'observatoire des start-up IT a pour vocation de présenter semestriellement une radioscopie objective et détaillée des entreprises de croissance des secteurs IT et biotechnologie ayant les meilleurs potentiels de développement du moment. Cette quatrième édition résulte de l'étude des entreprises présélectionnées pour Capital-IT Printemps 2002. http://www.capital-it.com.

Rencontre des acteurs du génie logiciel

Le laboratoire Vérimag, en association avec ses tutelles (CNRS, Université Joseph Fourier et Institut national polytechnique de Grenoble), la fédération IMAG, l'ACM (Association for Computing Machine), SIGPLAN et SIFSOFT et diverses associations européennes, réunit tous les acteurs académiques et industriels travaillant dans les domaines reliés au génie logiciel, à Grenoble, du 6 au 14 avril pour ETAPS 2002 (European Joint Conferences on Theory and Practice of Software).

http://www-etaps.imag.fr (inscription : suzanne.graf@imag.fr )

Le Cigref s'agrandit

Le Cigref annonce l'arrivée de cinq nouvelles entreprises : Dexia-Crédit Local, Lactalis, AG2R, Retraites unies et Cofinoga. L'association atteint ainsi le nombre de 116 membres. http://www.cigref.fr

Cinq membres du Cigref primés aux trophées LMI 2002

France Télécom a reçu le 2 avril le grand prix 2002 des Trophées « Entreprises et sociétés de l'information » remis par Le Monde Informatique. Quatre autres entreprises du Cigref ont été distinguées. http://weblmi.com et http://www.cigref.fr

Les trophées de la géomatique

A l'occasion du Géo événement 2002, qui se tiendra au Palais des Congrès (Porte Maillot) à Paris du 9 au 11 avril, les meilleurs projets proposés sur le thème de « la géomatique au service de la ville de demain » seront récompensés par les Géo d'Or, le mercredi 10 avril. http://www.geo-evenement.com


Théories et concepts

Les grilles de calcul : plusieurs programmes de recherches

Les « grilles de calcul » ont pour but de fournir, d'abord aux scientifiques, puis au monde socio-économique, l'accès aux moyens de calcul intensif via un réseau à haut débit et un partage des ressources de puissance de calcul et de capacité de stockage d'ordinateurs mis en réseau. Plusieurs projets &endash; ACIgrid, Datagrid, Eurogrid &endash; initiés par le ministère de la Recherche, le CNRS et le CERN, ont vu le jour depuis 2000. Parmi les dernières applications, le projet Décrypthon consiste à mettre en commun la puissance non utilisée des ordinateurs chez les particuliers pour faire avancer la recherche contre les maladies génétiques et les maladies rares.

http://www.recherche.gouv.fr/recherche/aci/default.htm
http://www.eu-datagrid.org
http://www.idris.fr
http://www.telethon.fr/recherche/decript_0.asp

La programmation multiparadigme

Lors de la journée « Objet, Composants et Modèles » (OCM 2002) qui s'est tenue le 21 mars 2002, Bjarne Stoutstrup, l'inventeur du C++, a présenté la programmation multiparadigme. Elle applique différents styles de programmation : orienté objet ou générique, par exemple. http://www.research.att.com/~bs

Pour en savoir plus sur les autres interventions concernant l'évolution des architectures logicielles et des méthodes de développement, voir http://www.ocm-ouest.org


La recherche en pratique

Optimiser l'utilisation des ressources R&D

Le cabinet de conseil PRTM et la société IDE présentent la méthodologie PACE (Product & Cycle-time Excellence) au cours d'une table ronde organisée le 12 avril 2002, de 9 h à 12 h 30, au Centre d'Affaires Etoile Saint-Honoré, Paris. Cette manifestation s'adresse aux directeurs de R&D, chefs de projets, DSI et autres professionnels qui s'intéressent aux méthodes susceptibles de les aider à améliorer leurs objectifs de développement de produits.

http://www.prtm.com/services/

Association d'entreprises

Plus de 200 entreprises, centres de recherche, établissements de formation et organismes institutionnels, dont deux tiers de PME et grands groupes présents dans l'Ouest, sont réunis au sein de la MEITO (Mission pour l'Electronique, l'Informatique et les Télécommunications de l'Ouest). Elle a pour objectif d'animer la filière Electronique, Informatique et Télécoms, ainsi que de contribuer au développement de nouveaux usages. A la disposition de ses adhérents, une base de données de plus de 1500 références accessibles sur un serveur Web, des annuaires (entreprises et laboratoires de recherche), une publication mensuelle.

http://www.meito.com


Dans les entreprises

Développement Java

Gartner Group, le cabinet d'analyse mondialement reconnu, prévoit que l'utilisation de Java va se poursuivre et que sa croissance sera rapide : le nombre de développeurs Java excédera les 2,5 millions avant 2005.

Rational a fondé jRoundup, (http://www.jroundup.com), un site Web destiné à la communauté des développeurs Java et qui affiche aujourd'hui plus de 15 000 abonnés. Ce site offre aux équipes de développement Java un recueil complet de publications concernant Java dont nombre d'entre elles sont originales.


Manifestations

OMG Technical Meeting

Les prochaines réunions de l'Object Management Group auront lieu à Yokohama, Japon (22 au 26 avril 2002), Orlando, Floride (24 au 28 juin 2002), Helsinki, Finlande (9 au 13 septembre 2002)

http://www.omg.org


Les livres de la semaine

Lecture notes in computer science

Springer poursuit la publication de ses Lecture note à un rythme élevé. Pour tenir au courant sa clientèle, L'éditeur propose l'abonnement à un alerteur.

Parmi les récentes livraisons, notons :

D. Ursino : Extraction and exploitation of intensional knowledge from heterogeneous information sources. Semi-automatic approaches and tools No 2282

G.B. Orr, K.-R. Müller (Eds.) : Neural networks: Tricks of the trade No 1524

W. van der Aalst, J. Desel, A. Oberweis (Eds.): Business process management Models, Techniques, and Empirical Studies. No 1806

R.-D. Kutsche, H. Weber (Eds.) : Fundamental approaches to software ngineering 5th international conference, Fase 2002, held as part of the Joint european conferences on theory and practice of software, Etaps 2002, Grenoble, France, April 8-12, 2002. Proceedings No 2306

M. Nielsen, U. Engberg (Eds.) : Foundations of software science and somputation structures. 5th international conference, Fossacs 2002. Held as part of the Joint european conferences on theory and practice of software, Etaps 2002 Grenoble, France, April 8-12, 2002. Proceedings. No 2303

D. Le Métayer (Ed.) : Programming languages and systems. 11th european symposium on programming, Esop 2002 held as part of the Joint european conference on theory and practice of software, Etaps 2002 Grenoble, France, April 8-12, 2002. Proceedings No 2305

C.S. Jensen, K.G. Jeffery, J. Pokorny, S. Saltenis, E. Bertino, K. Böhm, M. Jarke (Eds.) : Advances in database technology - EDBT 2002 8th International Conference on Extending Database Technology, Prague, Czech Republic, March 25-27, 2002. Proceedings No 2287.


L'équipe ASTI-HEBDO : Directeur de la publication : Jean-Paul Haton. Rédacteur en chef : Pierre Berger. Secrétaire général de la rédaction : François Louis Nicolet, Chef de rubrique : Mireille Boris et Claire Rémy. Asti-Hebdo est diffusé par FTPresse.