Stic-Hebdo |
No 71. 19 décembre 2005
Sommaire : Trois questions au Père Noël | L'actualité de la semaine | Théories et concepts | Enseignement | Manifestations | La recherche en pratique | Détente
Une année de mutations pour les Stic et leur communauté en France.
Stic-Hebdo : Père Noël, comment voyez-vous l'année qui s'ouvre ?
Père Noël : Nous sommes en train de basculer radicalement dans le nouveau siècle, de passer "de l'autre côté du miroir", comme on dit pour les fanatiques de jeux interactifrs persistants.
Poussée à ses limites, la perspective du virtuel généralisé est inquiétante. Et pourtant, c'est la seule chance de salut pour une humanité qui voit s'approcher à grand vent de catastrophes toujours plus létales si elle ne se décide pas à renoncer radicalement à un mode de vie basé sur la consommation d'énergie à la consommation d'information. A elle seule, la croissance chinoise (aux dernières nouvelles encore plus importante qu'on ne l'avait cru) montre bien cette impérieuse nécessité. Si chaque chinois se met à vivre comme un américain, nous serons tous bientôt étouffés. Le "non" français à l'Europe et les voitures brûlées des banlieues marquent, entre mille autres signes, le terme d'une certaine"modernité" Il faut souhaiter au vingtième siècle, qui occupe encore la scène, une autre mort que celle du dix-neuvième, de cette "belle époque" qui explosa dans les tranchées.
Que sera prochain siècle, qui commence à peine à émerger ? Difficile de l'imaginer. Le vingtième s'était laissé deviner, porté l'explosion technologique des transports et de l'énergie. Robida, Verne, Danrit, Wells (*) en avaient tracé des esquisses visionnaires, trop même, car leurs contemporains n'y virent que satire ou contes pour les enfants. Ils continuèrent à vivre sur des mythes certes chauds au coeur mais finalement léthaux, et le vingtième siècle ne naquit que de leurs cendres. La vision se précisa, en traits d'abord légers (Valéry, Birkenhead) puis appuyés et multiples (d'Asimov à Toffler en passant par toute la littérature cybernétique et une science-fiction foisonnante).
Plutôt optimiste dans l'ensemble (mais non côtés sombres avec Orwell en particulier), cette vision s'est globalement réalisée dans le monde d'aujourd'hui. Il n'est certes pas aussi beau qu'on pouvait l'espérer. Le chômage, en particulier, s'est répandu à la place de cette "civilisation des loisirs" tant chantée par maints auteurs des années 1960. Mais ceux qui sont assez anciens pour avoir connu les conditions de travail dans les usines des années 50 (et même dans les foyers avant l'arrivée des réfrigérateurs et des lave-linge) ne sont pas insensibles aux charmes de nos décennies. L'informatique est partout, comme prévu : pervasive, ambiante, bientôt sous-cutanée. Pour le pire peut-être mais souvent pour le meilleur.
Quant à répondre à votre question, l'avenir est d'autant plus difficile à prévoir que les vagues technologiques continuent de déferler sur un rythme accéléré : Internet a peine assimilé, le téléphone portable s'est répandu le temps même qu'on s'aperçoive de son existence, et ses versions multimédia seront cette année nombreuses dans ma hotte, dont bientôt le contenu sera suivi pièce par pièce et en temps réel grâce aux RFID !
Stic-Hebdo : N'y a-t-il pas, aujourd'hui encore des visionnaires "sérieux" ?
Père Noël : Vous ne manquez pas de grands auteurs de fiction, qui font tous place au numérique, voire le mettent au coeur de leur réflexion : Gibson, Stephenson, Houellebecque, Truong et plus récemment des asiatiques comme Murakami et, dernier en date (pour la version française) Numa. Et de grands films (2001, Matrix...). Noires visions, certes. Pas plus que celle de Wells ou Danrit, mais peu propres à orienter des stratégies personnelles ou politiques.
Que vous disent les philosophes ? Au XIX, Marx, Comte, Izoulet et cent autres laissaient craindre certes des catastrophes, mais nous montraient l'aurore pointant derrière le Grand Soir. Aujourd'hui, les philosophes se gardent bien de nous proposer des lignes d'action. Les uns (la plupart des ténors de la philosophie française actuelle) considèrent la technologie comme secondaire, ancillaire. Les autres, parfois au terme d'une étude approfondie de la "société de l'information" et de publications massives (Castells) concluent à l'impossibilité de prévoir. Quelques optimistes éclairent tout de même le tableau (Lévy, Harraway). Dominant la scène, par l'étendue de sa culture philosophique et le sérieux qu'il attache aux technologies, Sloterdijk nous propose une épaisse et difficile trilogie, dans la ligne qu'avaient déjà tracée des scientifiques philosophes comme Prigogine et Atlan. Il met en lumière aussi bien le caractère inéluctable de la montée des technologies et la complexité des univers que nous construisons... ou qui se construisent en se servant de nous. On peut regretter que ses travaux ne soient pas plus étudiés et médités en France, tout particulièrement par la communauté Stic quand elle se donne le loisir de philosopher un peu, ce qui est rare.
Stic-Hebdo : Cette communauté française Stic, comment voyez-vous l'an prochain se dessiner pour elle ?
Père Noël : Du point de vue de Sirius, près duquel mes rennes font en ce moment glisser mon traîneau argenté, la situation de votre communauté semble quelque peu chaotique, mais non sans ressources. Votre industrie a encore de grands points forts. Vos chercheurs tiennent encore des positions enviables au plan international, grâce notamment à quelques grands laboratoires et EPST. La disparition du département Stic au CNRS n'a pas fait disparaître ses équipes, et l'Inria poursuit son expansion. De nouveaux horizons s'ouvrent avec la création de l'ANR.
Quant à vos associations, certaines vivent une vie active, voire féconde. Mais qu'ils sont loin les grands espoirs d'une communauté rassemblée dans un ensemle associatif puissant, comme pendant le quart de siècle où l'Afcet avait des milliers de membres et comptait par centaines les participants à ses grands rendez-vous. Le congrès de Clermont-Ferrand n'a pas réuni une audience à la mesure du nombre et de la qualité des personnalités qui y sont intervenues. Il offre cependant une base substantielle de réflexion et d'action au bureau de l'Asti, qui sera profondément renouvelé à l'Assemblée générale du jeudi 19 janvier (et non du vendredi 20, comme précédemment annoncé).
D'ici là, Stic-Hebdo, comme vous me l'avez dit, va suspendre sa parution. Il trouvera ensuite une nouvelle formule, je l'espère, ne serait que pour me donner encore le plaisir de répondre encore à vos questions. Et croyez-moi : comme je vous le redis chaque année depuis votre première interview en décembre 2000 : il faut croire au Père Noël !
Propos recueillis par Pierre Berger
(*) Nous épargnons au lecteur le détail de la bibliographie, qu'ils trouveront dans notre dictionnaire, y compris le texte d'intégral et illustré de la synthèse vernienne sur les systèmes d'information La journée d'un journaliste en 2889.
Suivre ses flottes en temps réel, gérer un distributeur automatique à distance, surveiller les malades hospitalisés à domicile, contrôler les équipements industriels, voilà les principales applications que signalent les organisateurs de la rencontre. Pour cela, il s'agit de capter d'identifier les données, de transmettre un message et déclencher une action, en combinant plusieurs outils : Wifi, IPV6, RFID, géolocalisation, Wireless, Edge, Bluetooth, 3G, ...). Le dénominateur commun, c'est l'interaction directe d’objets et d’équipements distants. : Groupe MM. Contact : Cécile Colonna.
A l'occasion du colloque SIF 2005 sur Les institutions éducatives face au numérique, Hal Abelson du MIT (Massachusetts institute of technology), a déclaré que - avec son initiative Open courseware de mise à disposition gratuite sur internet de ses contenus de cours, et son projet d'espace de stockage gratuit sur le web des travaux universitaires internationaux - son Université souhaite peser de tout son poids contre une certaine commercialisation du savoir. L'idée étant qu'une des missions des universités est de partager leur savoir avec le reste du monde et cela de façon "ouverte". Des démarches similaires se développent dans d'autres pays dont la France.
Il a signalé à cette occasion qu'une note interne de l'université du Texas a mis en cause le droit des étudiants à prendre des notes pendant les cours pour respecter le droit d'auteur des enseignants et la propriété intellectuelle de leurs présentations. Le site, signalé par l' ADF, relayée par La diffusion Paris 7
Intitulé Educational institutions - European Glossary on Education, Volume 2, ce document est disponible (en PDF) sur le site Eurydice.
Le prochain séminaire de l'association Aristote se tiendra le 26 janvier et aura pour thème "RSS, Wiki, Blog et autres. Nouvelles formes de publication et de communication Web". Le site.
Consultez le site des associations membres de l'Asti, où vous trouverez les manifestations qu'elles organisent.
Pour les manifestations TIC en rapport avec l'enseignement et la formation, consulter le site Educnet.
La séance du séminaire Histoire de l'Informatique : historiographie, méthodes et sources, qui devait se tenir le 21 décembre, est reportée. Les séances des 4 et 18 Janvier seront consacrées à l'histoire de la CII dans le Plan Calcul.
Pour participer, mettez un message à l'animateur du séminaire Pierre Mounier-Kuhn.
Je me souviens d'une des toute premières réunions du conseil d'administration de l'Asti, peu après sa fondation. C'était en l'an 2000. Nous étions pleins de projets. Pierre Berger s'est levé : je vous propose de faire un hebdo, si vous voulez. Depuis septembre 2000, semaine après semaine, sans faille, Pierre a sorti une édition, l'une aussi variée et actuelle que l'autre. Et c'est avec plaisir que j'en ai assuré la relecture et la mise en ligne définitive.
Au nom de mes collègues lecteurs de l'Hebdo (combien sommes nous ?) je tiens à remercier Pierre du travail bénévole formidable qu'il a accompli avec sa compétence d'informaticien et journaliste.
François Louis Nicolet, secrétaire général de l'association Gerbert.
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