Manifeste de l'hypermonde (suite)
L'hypermonde modifie le travail, son
environnement, son périmètre. Il change aussi le concept de patrimoine. Et les références de la fiscalité. Au
coeur de ces changements, l'entreprise de demain appelle de
nouvelles formes de gestion et, plus concrètement, de
comptabilité.
L'emploi, dans l'hypermonde, crée un
problème préoccupant. Comment douter que cette
dématérialisation généralisée des biens et même des
services ne crée moins d'emplois, en tous cas au sens
traditionnel du terme.
Il y a joute un danger d'individualisme. Voire d'autisme:
l'individu, seul devant son écran. PIre, enfermé dans son
casque de réalité virtuelle. On y tourne le dos à la vie en
groupe. Au moins au premier degré.
Enfin, l'hypermonde porte aussi un risque d'élitisme: des
acteurs d'un côté, des victimes de l'autre. Ceux qui foncent,
et la masse. Le travail et le non-travail. Il faut donc se
préoccuper de la séparation de deux blocs: celui du travail,
celui du non-travail. Un équilibre doit être conservé entre
les deux. Si le groupe du non travail devient très important,
cela devient dangereux, du fait que de nombreuses personnes,
compétentes, en bonne santé, dynamiques se retrouvent hors du
circuit. Il ne s'agit plus d'une masse inactive : des
"bons" aussi deviennent des électrons libres.
Capables, à partir du non-travail, de devenir acteurs, de
perturber l'autre groupe, celui des travailleurs. Et, pourrait-on
dire paradoxalement, pour que les travailleurs soient efficaces,
il ne faut pas qu'on vienne les déranger pendant qu'ils jouent
avec leurs machines!
Peut-on espérer un retour idyllique de la raison? Concilier les
deux mondes? Je ne crois pas au partage du travail. Mais, au
risque de surprendre, je crois qu'une part des solutions viendra
des outils de gestion.
Pour commencer, il faut chercher l'information à la base. Que
tous les types d'information circulent. Eviter les castes: une
division sable le champagne parce qu'elle a battu une autre
division de la même entreprise. A partir de là, on peut faire
de la gestion et de la prévision sur simulateur.
La séparation entre les deux groupe naît en partie de la
différence des individus. Certains ont de l'ambition, d'autres
non. Ces diversités deviennent richesse, si l'on parvient à
faire jouer les complémentarités. Un innovateur démuni peut
démarrer grâce à un effort de solidarité. De son côté, un
tempérament de dictateur, créateur d'entreprise mais poussé
aux excès de l'exercice solitaire du pouvoir, a tout à gagner,
sur le fond, à la mise en palce de règles démocratiques. Elles
lui donneront l'efficacité en l'obligeant à dialoguer avec les
autres, c'est à dire finalement ses clients. L'homme ne gagne
rien, finalement, à s'enfermer dans un autre autisme, celui du
monopole. On permet aux hommes de devenir eux-mêmes en les
empêchant de se perdre dans un jeu de requins.
On l'a bien vu, par exemple, dans le monde du commerce, de la
grande distribution. A trop écraser les marges de leurs
fournisseurs, certaines grandes surfaces de l'ameublement ont
finalement été obligées de les racheter... pour continuer à
avoir de quoi garnir leurs rayons.
Il s'agit donc d'organiser la coopération
entre les différents types de ressources. Tous ceux qui ont
- des excédents, - de l'argent,
- des idées,
- la capacité de rêver,
- une volonté d'entreprendre.
mais aussi
- la volonté d'apprendre,
- le temps d'écouter (ô cher téléspectateur!),
- le besoin et le désir de consommer,
- la capacité d'épargner,
- l'aptitude à faire rêver.
L'éducation du consommateur est donc un point aussi essentiel à
l'hypermonde que celle des producteurs. Ils sont responsables des
orientations de la production du fait même qu'ils achètent. Ils
doivent donc s'informer.
Mais, pour revenir aux producteurs. La richesse d'information
dans l'hypermonde leur permet d'abord, avant même la création
de leur entreprise, ou d'une nouvelle division, d'un nouveau
produit ou service, de simuler le marché. Puis d'orienter plus
finement leurs ventes et d'éviter ainsi le gâchis.
Une part de la solution va donc venir de la mise au point de
nouvelles formes de comptabilité, permettant de bien comprendre
les flux de production et de produits, pour gérer l'outil
lui-même, le niveau des stocks, les canaux d'approvisionnement
et de distribution.
De savoir aussi, au cours de l'évolution du plan prévisionnel,
s'il faut contituer, si les marges sont supérieurs aux
espérances (donc capacité d'augmenter les ventes par baisses de
prix, ou report sur d'autres lignes de production), ou au
conraire si le marché s'avère plus dur que prévu, exigeant du
reste de l'entreprise, ou du marché financier, de nouveaux
efforts.
L'enterprise de l'hypermonde va aussi profiter de la
dématérialisation pour optimiser autrement ses implantations.
Décentraliser dans la mesure du possible. Favoriser le
télétravail. Donner donc un nouveau rôle aux locaux de
l'entreprise: moins une juxtaposition de postes de travail qu'une
architecture pour les rencontres. Avec optimisation des
déplacements, qu'il s'agisse des personnes et des biens.
Tout ceci devra avoir sa contrepartie fiscale. Aussi bien
pour asseoir l'impôt sur les activités en croissance
(immatérielles) que pour donner à l'Etat un indispensable
levier sur l'évonomie. Logiquement, on devra donc taxer de moins
en moins les produits physiques, et plutôt taxer le virtuel. En
taisant tout de même attention de ne pas aller trop vite, sinon
on peut bloquer le mouvement. On peut s'interroger, par exemple,
sur le rôle para-fiscal que la France fait jouer à
France-Télécom... mais qui ne pourra durer indéfiniment du
fait de la dérèglementation.
Par ailleurs, l'hypermonde et la dématérialisation modifie en
profondeur les échelles temporelles. Tout se fait en temps
réel. Or le temps était un élément protecteur. La phase de
contrôle intervenait nettement après l'action. Six mois après
la fin de l'exercice... Désormais, la gestion et l'audit de
cette gestion sont conocomitantes. C'est le "concurrent
management and audit", de même qu'il y a le
"concurrent engineering" en matière de conception et
de fabrication. L'auditeur comptable et le contrôleur fiscal
devienent des copilotes. Ils sont "en ligne", au
courant minute par minue des résultats. Ils peuvent donner leur
autorisation pour régler toutes les situations, tenir compte de
l'antérieur pour s'attaquer aux problèmes futurs.
Enfin, les nouvelles formes de gestion doivent préserver le
secret de fabrique. Mieux distinguer qu'aujourd'hui ce qui
relève de la vie privée de l'entreprise, et ce qui doit être
partagé avec lese actionnaires, avec les autorités fiscales,
avec les clients, les fournisseurs et même le grand public. Il
ne sagit pas de solutions binaires, mais de constructions de bons
équilibres, de bons 'appareils" diraient les architectes.
D'une saine ingénierie de l'information financière et
comptable, dirons-nous. Une transparence contrôlée, bien
définie.
On prêtera une attention toute particulière aux jeux
financiers, à commencer par le flux de trésorerie. Avec la
régulation qui progresse du crédit entre entreprises. Eviter
ainsi le bricolage financier. Moraliser les marchés. S'assurer
que tout le monde joue bien avec le même jeu de cartes.
Enfin, les structures fiscales aussi bien que financières
devront faciliter l'accès à l'entreprise. Avec une régulation
minimale pour les entreprises les plus petites, jusqu'à 5 ou 10
salariés. Petit patron débutant, l'essentiel est qu'on "te
foute la paix". Avec un seul aux environs de 20 personnes.
La régulation de ce seuil influence le système économique.
J'aimerais aussi que tout indidivu, à partir de la majorité,
ait droit à une dotation. Et deux fois, car il faut un certain
droit à l'échec.Un peu comme l'héritier autrefois. Par
exemple, deux projets fiancés par la communauté. Un à 25 ans,
l'autre à 45. Mettons deux fois 500 000 F. Il ya différentes
manières de réaliser cela.
Evolution du milieu bancaire. Il y a là un risque
de fonctionnarisation, qui ne permet plus à ce secteur d'aider
les entreprises. Il faudrait renforcer les directions de base,
locales,leur permettre de prendre des risques. Sélectionner
chaque année dix enteprises à risque. Si deux réussissent,
cela doit suffire à rentabiliser l'ensemble.
Enfin, pour les autorités de tuelle, les auditeurs, attention.
Hier, on pouvait passer sans complexe la tondeuse sur les tiges
croissantes des entreprises pour éliminer ou du moins
sanctionner fermement celles qui sortaient trop nettement de la
norme. La pelouse repoussait. Aujourd'hui, il faut être attentif
à la petite plante. Le concept de prudence doit évoluer. C'est
un expert-comptable qui le dit.