@SURTITRE:MANAGEMENT

@TITRE:La qualité sans argent, c'est possible

@CHAPO:Malgré des budgets informatiques resserrés, il est possible et souhaitable d'engager des actions pour l'amélioration de la qualité logiciels. En témoignent les utilisateurs de l'AGL Mega.

@TEXTE:Nombre de responsables informatiques, peu attirés par les concepts de qualité, évacuent toute discussion sur le sujet. Cependant les entreprises du monde industriel engagées dans des processus de qualité totale y englobent naturellement l'informatique. Lors d'une journée réunissant les utilisateurs de l'AGL Mega, Dassault, le Giat Industries étaient venus en témoigner. Dans un tel contexte,l'implication de la direction générale, le plus souvent sur fond de crise économique sert de "fluide d'harmonie au sein de la société" (Jacky Jault, responsable méthodes au Giat, reprenant les propos de son PDG).

Dans d'autres entreprises, la demande de qualité vient de la base: informaticiens des études ou de l'exploitation, utilisateurs opérationnels. Sans argent, souvent en perruque, sans l'aide de spécialistes, leur démarche n'est pourtant pas toujours vouée à l'échec.

"Tout le problème est de maîtriser le prix du contrôle qualité sur un projet, avec un retour sur investissement évident, si le produit est effectivement de meilleure qualité" résume Patrick Moineau, expert qualité depuis 13 ans (voir article ci-dessous). "Il est vrai que, dans l'absolu, une politique qualité se caractérise par l'identification des buts, puis de la manière dont on va les atteindre et, enfin, des outils qu'on utilisera pour cela. Mais si cela n'existe pas, on peut tout de même commencer au niveau d'un projet, en cherchant une sorte d'équilibre économique".

C'est un peu ce qu'a réalisé Jean-François Goglin, responsable qualité au Sirif (syndicat interhospitalier de la région Ile de France, regroupant une centaine d'hôpitaux). Nommé là par un responsable de division sensibilisé aux problèmes de qualité, il s'est vite heurté au manque de moyens et de motivation des informaticiens. "Nous avons d'abord créé un langage commun, autour de la méthode SDMS allégée et de l'atelier Mega. Puis, mis l'emphase sur la direction de projet. Enfin, nous avons récupéré les applications existantes au sein d'un référentiel".

Mais c'est après qu'il faut innover. Car le redéveloppement d'applications nécessite des moyens qu'il faut obtenir auprès de la direction financière. "Pour la convaincre, il n'y a pas d'autres issues que de la mettre en situation d'assumer les pertes d'argent qui résulteraient de son attentisme. Cela marche bien, à condition d'avoir des indicateurs fiables, donc d'avoir pensé dès le début à ce que l'on pourra mesurer".

Autre recette suggérée par Jean-François Goglin: "Impliquer l'utilisateur dans le processus et le faire participer aux séances de conception comme de validation. Nous avons même été jusqu'à nommer un chef de projet utilisateurs, qui synthétise leurs attentes et négocie avec eux à notre place". Ce déport de responsabilité augmente la qualité des logiciels produits. L'utilisateur se forme grâce aux prototypes, qui lui permettent de réagir en amont du projet. "Nous avons vérifié la fameuse courbe américaine qui dit qu'un bogue décelé par le concepteur coûte 1 francs, celui décelé par l'utilisateur vaut 20 francs, et celui découvert après la recette revient à 80".

Pour Rémy Texier, de la Crica, "un bon point de départ consisterait sans doute à remarquer qu'un professionnel, et un informaticien en particulier, n'est pas censé fournir un produit de mauvaise qualité. Sans aller jusqu'à espérer une qualité sans argent, cela pourrait sans doute permettre d'avancer sans qualiticien, et avec des retours sur investissements garantis.

Patrick Moineau cite aussi des expériences intéressantes dites "de portes ouvertes". Une personne devient le réceptionnaire des questions de ses collègues, les aiguille vers les solutions, fait remonter des questions. Cela contribue à sensibiliser la population des informaticiens à moindre coûts, quelques heures par semaine.

Autre perspective d'amélioration "gratuite" de la qualité: inciter les acteurs d'un projet à fournir les documents dans le langage du destinataire. "On respecte ainsi un vieux principe qui dit que la qualité, c'est le respect des autres".

Cette prise de conscience, ces actions issues de la base peuvent fournir à la qualité logicielle l'assise concrète que les théoriciens savent rarement leur donner. D'où la réputation d'inspecteurs des travaux finis que leur font des chefs de projets informatiques qui ne partagent pas leurs objectifs.

Mais attention à bien transformer ces essais! "Nous avons engagé des actions qualité depuis plusieurs années" explique Sylvie Dessoliers, responsable méthode à la CEPME. "Elles ont surtout porté sur le génie logiciel, les méthodes et les normes de développement. Mais les résultats positifs n'ont malheureuseusement jamais été mesurés. Ce qui bloque un peu le processus. Les informaticiens sont acquis à la cause de la qualité, sans armes pour faire du prosélytisme".

Qu'il vienne du PDG ou de la base, le discours doit profiter de la période actuelle pour se structurer et devenir un véritable langage commun. Ce sera d'autant plus nécessaire que l'émergence des normes ISO 9000, RAQ, etc, risque de recréer la confusion dans les esprits.@SIGNATURE:FRANCOIS JEANNE

@TITRE:(Re)partir du vécu des utilisateurs et des informaticiens

@TEXTE:"Depuis quelques années, les missions qualité se font un peu plus rares" confesse Patrick Moineau, un expert indépendant dont les treize années d'expérience se traduisent par un parler-vrai assez rare dans ce métier. "C'est la faute à la crise bien sûr mais aussi, pourquoi le nier, aux erreurs commises par le passé. Faire trop de dogmatisme, par exemple, alors que nous n'étions même pas capables d'exploiter pleinement les retours d'expériences qui se multipliaient".

Cette sorte de mea culpa n'affecte pourtant pas sa confiance dans la progression de la qualité logicielle. Car, et peut-être surtout dans les entreprises en difficulté, la qualité fournit une solution pour sortir d'une période délicate. "Chez Matra par exemple, la réduction des budgets n'a pas eu de conséquences sur le volume d'applications produites. Tout simplement parce que l'entreprise a investi ailleurs, en amont, sur la maîtrise du processus de production. Ce qui lui a fait gagner de l'argent sur la production du produit lui-même".

Un exemple heureux, impulsé par la direction, qui ne l'empêche pas de suggérer, dans la plupart des cas, une remontée à partir des problèmes d'exploitation et de la maintenance. "Utilisateurs particliers", les exploitants et les mainteneurs sont les premiers à toucher du doigt la non-qulité d'un produit, avant même l'utilisateur final. Venue d'eux, la demande pour une amélioration de la qualité a toutes les chances de passer correctement vers les "hautes" sphères de la conception.

Une circulaire, célèbre dans milieu nucléaire et, plus généralement, des secteurs industriels dangereux, donc sensibilisés à la qualité et à la sureté de fonctionnement, dit que "si l'erreur est admissible, sa reproduction est intolérable". De cette maxime, fondatrice de son métier actuel, Patrick Moineau tire la tranquille certitude qu'un jour, les informaticiens n'auront plus besoin de lui. Car ils seront capables de mettre en oeuvre, tout au long des projets, les élements de contrôle et de validation nécessaire à la production de produits de qualité.

@TITRESCHEMA:La fusée à trois étages de la maîtrise des ressources qualité pour les systèmes informatisés