L'Intranet :

vers la disparition des fonctions d'administration et d'exploitation ?

Notre métier est le conseil et l'expertise en Production Informatique, dans tous les environnements techniques, et quels que soient les modes de gestion. La montée en puissance annoncée de l'Intranet, présenté comme un moyen de simplification radicale de l'administration des systèmes d'information, sonne-t-elle le glas de nos clients, et par là même, le nôtre ?

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Qu'est ce que l'Intranet ? La réponse est claire et unanime : c'est l'utilisation des techniques de l'Internet dans le Système d'Information de l'Entreprise.

Soit.

Qu'est ce alors que l'Internet ? La définition est peut être un peu moins facile, tant la réalité s'est enrichie. On ne doit cependant pas beaucoup se tromper en disant qu'il s'agit d'un code retenu par la communauté scientifique américaine pour pouvoir accéder à, et échanger, des informations, sans avoir à subir les contraintes d'une gestion centralisée.

C'est un peu mince pour expliquer son succès. S'il fallait aujourd'hui taper des commandes UNIX pour accéder au réseau, son usage resterait encore confidentiel.

L'engouement actuel ne peut s'expliquer que par l'apparition des outils qui sont venus en améliorer l'ergonomie donc en faciliter l'utilisation, en particulier :

- les " butineurs " (alias navigateurs),

- le langage de description de documents hypertextuels HTML,

- les moteurs de recherche.

Mais si ces outils expliquent la généralisation de l'usage de l'Internet, à eux seuls ils n'en font jamais, en termes fonctionnels, qu'un 3615 convivial et gratuit, dont la reproduction à l'intérieur de l'Entreprise ne servirait guère qu'à éditer électroniquement le journal interne, en y insérant des photographies en couleurs, voire quelques reportages filmés (la fonction messagerie existe déjà dans la plupart des cas).

Ce qui pousse aujourd'hui les techniques de l'Internet à l'intérieur de l'Entreprise, c'est la fonction de transfert à la demande, vers le poste de travail, de code exécutable quel que soit l'environnement. Elle a provoqué l'apparition

- du concept de client universel,

- d'un langage à vocation de standard, JAVA,

- des " Network Computer " qui émergent aujourd'hui sur le marché, et qui ne sont jamais que des postes de travail dotés d'une grande puissance de traitement (à la différence des terminaux passifs), mais d'aucun logiciel propre (à la différence des micro-ordinateurs) .

Ce concept et ces outils, ce sont tous les avantages du client-serveur (ergonomie, allègement de la charge centrale d'exécution du code, etc...), sans ses inconvénients, dont le principal est la lourdeur d'administration des logiciels clients, appelés à résider sur des postes de travail vraisemblablement tous différents, et dont la diffusion pose des problèmes épineux d'exécution et de synchronisation. Il est intéressant de noter que l'argumentation en faveur de l'Intranet et des NC se concentre aujourd'hui sur l'intérêt de cette simplification radicale (on parle par exemple de moins en moins de la réduction du coût de l'équipement).

C'est cela qui explique que le domaine d'utilisation des techniques de l'Internet s'élargit à de " vraies " applications, et couvre potentiellement tout le Système d'Information de l'Entreprise.

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Qu'est ce que la fonction Production Informatique au sein de l'Entreprise ?

C'est celle qui assure au jour le jour le maintien du niveau du service rendu aux utilisateurs : disponibilité, ponctualité, performance, sécurité, réactivité, ... dans les meilleures conditions de productivité possible.

A cet effet, elle remplit quatre missions principales

- offrir des infrastructures et les tenir en état de marche,

- rendre les applications opérationnelles, à travers leur mise en production et l'exécution des traitements et échanges,

- réagir aux évènements,

- garantir la conservation de l'information.

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Pourquoi se poser la question de sa pérennité ?

Parce qu'il y a déjà eu un malentendu sur sa nécessité, au moment de l'émergence des " nouveaux " environnements de développement et d'exploitation, alors même que ces derniers étaient générateurs de complexité. Qu'en sera-t-il face à un phénomène qui s'annonce comme radicalement simplificateur ?

Les promoteurs des développements dans les " nouveaux " environnements (réseaux de micros, down-sizing sous UNIX, architectures client-serveur) étaient en règle générale radicalement étrangers aux contraintes que fait naître le partage de l'information, et ont superbement ignoré les nécessités de l'exploitation (j'ai entendu il y a quelques années un cerveau brillant m'expliquer que " sous UNIX, il n'y a pas d'exploitation ").

De leur côté, les Directeurs de Production se sont trop souvent enfermés dans le périmètre de leurs Centres de Traitement organisés autour de mainframes et ont tenu à distance avec beaucoup de méfiance les nouveaux environnements.

Or ceux ci ont généré une complexité sans égale à travers leur multiplicité, leur hétérogénéité, leur instabilité. Ce n'est pourtant que relativement récemment que les différentes parties prenantes ont compris que le phénomène ne pouvait être géré que par des professionnels.

Or voici qu'à peine devenu consciente, cette constatation risque d'être remise en cause : l'Intranet ne nous annonce-t-il pas une simplification radicale ?

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Radicale, oui, mais limitée.

Ce que l'Intranet simplifie, c'est la gestion des configurations et l'installation des postes clients (au sens logiciel). C'est évidemment très important puisque c'était sûrement la source majeure de complexité induite par les architectures clients-serveurs.

Il n'en reste pas moins que le reste des problèmes demeure. Je verrais même au moins deux domaines vers lesquels la complexité devrait se déplacer :

- la gestion des performances des réseaux

- directement, à travers l'accroissement annoncé de la charge de ces derniers : leur optimisation deviendra une tâche de plus en plus critique ;

- indirectement dans la mesure où ce souci d'optimisation peut entraîner la réplication de certaines informations ; gérer leur synchronisation peut être amusant ;

- la prise en compte de l'existant ; il est inimaginable en effet que les Entreprises jettent les investissements de 20 ou 30 ans ; or, à côté de la solution standard qui veut que les échanges entre les postes de travail et les serveurs applicatifs actuels passent par une série de transformations de protocoles qui s'opèrent sur le(s) serveur(s) Intranet via le Common Gateway Interface, on risque de voir émerger, pour des raisons de performances notamment, des architectures spécifiques plus ou moins complexes ; il faudra bien en gérer le fonctionnement.

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Directeurs de Production, selon toute vraisemblance, ce n'est pas l'Intranet qui vous mettra au chômage, donc nous non plus ! Encore faut-il nous préparer dès maintenant à sa généralisation, pour ne pas reproduire le raté qui a marqué la montée en puissance des possibilités offertes par la micro-informatique.