@SURTITRE:MAINTENANCE

@TITRE:L'an 2000 arrive. Comment

s'y préparer ?

@CHAPO:Le changement de millénaire va provoquer de gigantesques bogues. Aux USA, on panique. En France, les entreprises commencent à peine à y penser.

@TEXTE:"Le passage à l'An 2000 va agir comme un révélateur de la maturité des systèmes d'information, en particulier de gestion". La prophétie (après tout, il reste cinq ans jusqu'à la date fatidique) est de Pierre Danteill, responsable marketing produits chez Compuware, un des principaux éditeurs de logiciels grands systèmes présents en France. Et son verdict est cruel: "En l'occurrence, les entreprises françaises font surtout preuve de légèreté. Elles n'anticipent pas le problème, qui se précise pourtant dangereusement. Quant à le gérer, il n'en est pas question".

@INTER:Trois solutions techniques principales

@TEXTE:Techniquement, trois solutions semblent se dégager pour résoudre le problème: l'interprétation, le passage au format standard de date et l'expansion. L'interprétation consiste à introduire dans les programmes des routines qui vont en quelque sorte permettre de faire durer notre 20ème siècle, et ses programmes informatiques, jusqu'en 2010, 2020 ou plus loin encore. "A partir d'une valeur donnée, par exemple 25, on considère que toutes les dates à deux chiffres supérieures sont affectées d'un 19 devant, et toutes les dates inférieures sont interprétées avec un 20" explique Jean-Paul Figer. Ainsi, un programme peut "durer" quelques années de plus, jusqu'à une décision de réécriture complète de l'application par exemple. Le responsable de Cap Gemini Sogeti la recommande pour les programmes qui n'agissent que sur des périodes inférieures au siècle.

Le passage au format standard de date (au format binaire, sur 4 ou 8 bits, avec un zéro de référence) est évidemment le plus "propre" sur le strict plan de l'orthodoxie informatique. C'est aussi la solution la plus ambitieuse et donc la plus coûteuse. Elle est conseillée à l'occasion de toute migration de données devant intervenir d'ici l'An 2000. Enfin, la technique de l'expansion, c'est à dire du passage de 2 bits à 4 pour le codage de l'année, peut être utilisée pour les programmes qui manipulent modérément ce champ de données. Il faudra prendre des précautions vis à vis des conséquences de l'augmentation de taille e la base, sur les performances de l'application.

@INTER:Un audit, vite!

@TEXTE:Ces solutions techniques sont à mettre en oeuvre après une phase extrêmement importante d'audit ou, si les grands mots font peur, d'analyse de l'existant. Cap Gemini Sogeti en déjà réalisé plusieurs aux Etats-Unis, pour des entreprises qui désirent faire exactement le point de la situation, afin de chiffrer et de planifier (voir schéma) leur projet "An 2000".

Cette analyse peut largement être outillée, en particulier avec les produits distribuée en France par Compuware (Xpediter Xchange), Alcatel (gamme Viasoft) et CA (Realia). Elle s'appuie sur des scannings des programmes et des bases de données ou des simulations de passage à l'An 2000. Elle débouche sur une liste des programmes concernés par les dates à deux digits, une évaluation des conséquences du changement de siècle sur le résultat de ces programmes et des coûts de remises à niveau (avec pour chaque applicatif, le choix d'une des trois solutions techniques possible).

L'audit est coûteux, en particulier sur le plan des ressources humaines. Mais il est indispensable. Pourquoi? Version catastrophe: "Il est inconcevable de continuer la politique de l'autruche. Nous sommes à moins de 2000 jours du jour J et les directeurs informatiques français semblent agir inconsciemment comme s'ils étaient certains de ne plus être à leur place actuelle quand on fera les comptes de leur imprévoyance. C'est maintenant qu'il faut planifier le travail, car l'ensemble du projet peut prendre plus de deux ans" prévient Pierre Danteill. Version diplomatique: "En sachant dès maintenant quel budget et quel agenda mettre en place, les entreprises peuvent réaffecter une partie de leurs investissements informatiques sur "l'An 2000" et ainsi passer en douceur cette période critique" suggère Jean-Paul Figer.

@INTER:Une opportunité pour tester la tierce maintenance applicative

@TEXTE:Mais les représentants des SSII vont plus loin. "C'est l'occasion pour les entreprises de passer à la tierce maintenance applicative et de sous-traiter, avec engagements de résultats, la gestion de leur parc applicatif. De plus, la constitution d'un référentiel de maintenance va permettre de gagner beaucoup de temps sur la résolution d'autres problèmes majeurs comme par exemple la gestion multi-devises ou l'intégration de la monnaie européenne unique dans le secteur bancaire" explique Georges Grima, PDG de la SG2. Jean-Paul Figer confirme. "Les clients de notre offre AM (pour Application Management, NDLR) n'ont pas à se préoccuper de ce problème An 2000. C'est dans le cadre d'une maintenance applicative normale que nous le résolvons. Sans frais supplémentaires". Peut-être mais, il y a quand même un transfert de dépenses. Le temps passé par le prestataire pour arranger les dates dans les programmes ne l'est plus sur d'autres projets. "Ce ne sont que les projets superficiels de maintenance évolutive qui seront touchés" affirme Jean-Paul Figer. Mais alors, compte tenu de l'ampleur estimée de la tâche à accomplir sur le projet An 2000, ces projets "superficiels" représenteraient donc une part importante dans la facturation de la tierce maintenance applicative? Décidément, il faudra se pencher avec beaucoup d'attention sur l'ensemble du problème de l'An 2000 et notamment, de ses implications sur la politique de maintenance informatique de l'entreprise. @SIGNATURE:FRANCOIS JEANNE

///////////////Encadré ou plutôt sous-papier

@ENCADRETITRE:Le cauchemar a déjà commencé

@ENCADRETEXTE:Dans les banques, le cauchemar An 2000 a déjà commencé. En particulier, tous les programmes de calcul et d'impression sur les mensualités d'emprunts immobiliers de plus de 10 ans, ont du être revus. Ce n'est qu'un des multiples aspects du problème, qui pourra aussi bien impacter l'impression de vos factures d'électricité et d'eau, que le calcul de votre salaire selon des échelons qui auront pris soudain 100 ans d'âge ou encore, celui de vos versements mensuels d'assurance vie dont vous avez imprudemment accepté la revalorisation annuelle. Autre problème gravissime, dans les calculs, la division par 00, c'est à dire par rien, risque de produire des résultats édifiants.

Cette pagaille vient de l'incroyable diversité des formats adoptés par l'homme pour se situer dans le temps, depuis les temps les plus reculés. Du format grégorien au format julien, en passant par les versions plus modernes mais aussi hétérogènes d'écriture de la date (JJ/MM/AA pour les européens, MM/JJ/AA pour les américains), il n'y a pas de constantes. Mais que de contraintes: Aucun calendrier ne permet la division par semaine, le nombre de jours par mois varie, le nombre de jours par an aussi. Seule bonne nouvelle: l'an 2000 ne sera pas aussi exceptionnel qu'il aurait pu l'être. En effet, normalement, les années se terminant par 00 ne sont pas bissextiles alors qu'elle devrait l'être! Sauf tous les quatre cent ans, où elles le sont vraiment. L'An 2000 en fait partie. Les programmeurs qui ont allègrement ignoré le problème ont donc sans le savoir, respecté une règle dont la dernière activation s'est produite 350 ans avant les travaux de Von Neuman.

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////PAS DE SURTITRE, PAPIER COMPLEMENTAIRE

@TITRE:Plusieurs dizaines de millions de francs par grand compte?

@CHAPO:Pour gagner de la place en mémoire, les programmeurs ont rivalisé d'astuces. Il faut maintenant payer les exigences de la rigueur. Le marché du... millénaire?

@TEXTE:Depuis des années, la manipulation des dates dans les traitements et dans les bases de données a stimulé l'imagination des programmeurs. Contraints par les problèmes de gestion mémoire, par les langages eux-mêmes (PL1, versions anciennes de Cobol, assembleur...) ou par les systèmes d'exploitation (DOS VSE en particulier), ils ont développé moult trucs et astuces pour contourner la difficulté.

@INTER:A chacun son astuce

@TEXTE:Généralement, le résultat est le codage sur deux bits au champ réservé à l'année dans les programmes ou dans les bases de données (voir encadré). 1998 devient donc 98, 1999 devient 99 et 2000 devient... 00. Lors du fameux passage à l'an 2000, on peut donc s'attendre légitimement à des erreurs sur les comparaisons de dates, les durées de traitements ou encore les programmes de tri. Et elles seront légions. Des estimations tout à fait sérieuses, réalisées aux Etats-Unis, font état d'environ 25% de programmes ou de données "infectées" par ce qu'il convient presque de considérer comme un virus.

@INTER:Panique Outre-Atlantique

@TEXTE:Les entreprises américaines se sentent d'ailleurs beaucoup plus concernées par le problème que leurs homologues françaises. Les articles dans la presse se multiplient, les études de marché également. Les éditeurs d'outils de scanning et de reverse engineering se sont jetés dans la brèche, suivis de près par les SSII et les cabinets de consultants. A noter par exemple l'existence d'une société qui s'est baptisée 2000AD Inc.

Les chiffres annoncés de l'autre côté de l'Atlantique sont sidérants. Le marché (services et outils) de l'An 2000 représenterait entre 50 et 70 milliards de dollars sur les 5 années à venir, dans le monde. Les coûts additionnés des erreurs commises par les programmes, s'ils n'étaient pas traités correctement d'ici là, sont estimés entre 400 et 600 milliards de dollars dans le monde, dont la moitié environ pour les seuls Etats-Unis. Enfin, et c'est bien sûr le plus important pour une entreprise qui désire préparer le passage au prochain siècle, les estimations de coûts pour un grand compte varie entre 25 et 250 millions de dollars!

"La situation américaine est à prendre avec nuance", tempère Jean-Paul Figer, directeur de Cap Gemini Sogeti, dont la filiale américaine vient d'ailleurs de lancer outre-Atlantique, un programme baptisé "Transmillenium services". "Paradoxalement, alors que leurs entreprises investissent beaucoup sur les nouvelles technologies informatiques, elles ont tendance à négliger l'évolution du parc applicatif plus ancien, les fameux "legacy systems". Résultat: elles sont vraiment assises sur une bombe, avec le passage à l'An 2000".

@INTER:Les dangers de l'insouciance française

@TEXTE:Les entreprises françaises seraient-elles mieux loties que leurs homologues américaines? On pourrait le penser en constatant leur manque d'intérêt actuel pour le problème. "Depuis un an que nous commercialisons en France l'outil Xpediter Exchange, peu couteux et destiné à évaluer les programmes impactés par le problème des dates à deux octets, nous n'avons intéressé que quelques comptes MVS, sur les centaines qui utilisent pourtant les autres outils de notre gamme" reconnaît Pierre Danteill.@SIGNATURE:F.J.