@DOMAINE:FORUM

@T RUB2:Le complexe de Cervantes

@TEXTE:La société virtuelle fait peur. Et le psychanaliste Roland Brunner l'exprime avec une verve poétique qui prend ses racines dans son expérience de professionnel et d'enseignant. "Ce cyberespace a une pénétrante odeur de renfermé...", conclut-il (LMI du 14/2/1997).

Lisons ce texte comme un appel plutôt que comme une condamnation. Un appel à ouvrir le cyberspace. A dépasser ses limites actuelles. A construire activement ce nouvel univers que l'on peu aussi appeler "hypermonde". Dans l'espace encombré et pollué de nos cités modernes, dans les espaces étriqués et surchargés de nos voitures et de nos transports en commun, Internet ouvre une immense fenêtre, fait passer un souffle puissant et nouveau, nous propose une nouvelle Renaissance, comme Gutenberg il y cinq cent ans.

Et bien sûr, l'imprimerie a fait des ravages. Elle a permis, notamment, par une littérature grivoise qui apparut dès ses origines, "d'éviter le corps de l'autre dans une communication sans risque" et de céder à ses propres fantasmes. Cervantes, avec quelle force et quelle verve poétique lui aussi, a fustigé les amours chimériques de Don Quichotte, et son fantasme "d'être Faust rencontrant le Diable à la croisée d'un chemin virtuel", en l'occurrence un moulin à vent. Cervantes avait raison: les romans de chevalerie sentaient le renfermé.

Il a fallu des siècles pour prendre toute la mesure de ce que l'imprimerie, le livre et la presse, pouvaient apporter à la société humaine. Il va falloir des décennies pour donner toutes ses dimensions à l'hypermonde. Merci aux critiques de nous en montrer les dangers. Appuyons-nous sur leurs observations, sur leurs recherches cliniques même, s'ils en font, pour mieux orienter nos efforts. Mais ne faisons pas de complexes: un nouveau monde nous appelle.

@LEGENDE:Pierre Berger, président du Club de l'Hypermonde