@TITRE:La pratique de l'EDI exige une normalisation de fond
@CHAPO:Tout en faisant le point sur la pratique, le prochain congrs EDI 92/Compat a choisi une optique ambitieuse. Pas de nouveaux progrs sans fondements solides.
TEXTE:Pour la deuxime fois, Compat se tient Paris, du 2 au 4 juin. En 1986, ce rendez-vous annuel des spcialistes europens de l'EDI (Echange de donnes informatis), avait introduit en France ce concept d'origine anglo-saxonne. A l'poque dbutants complexs, les Franais s'imposent aujourd'hui comme des partenaires avancs. Fidles leurs traditions nationales, ils transforment des initiatives pragmatiques et locales en un corps de doctrines cohrentes et ambitieuses.
Au dpart, en effet, l'EDI s'est dvelopp en "feuilles de nnuphar", pour des secteurs conomiques bien dfinis, notamment les transports. La France a pouss son application dans d'autres secteurs: construction automobile, sant publique. Elle a fait converger vers les normes Edifact les travaux de secteurs o- elle avait beaucoup fait, notamment la Banque. Elle a pris l'initiative de faire sortir de l'EDI du monde strictement commercial pour l'tendre l'Administration, la sant.
Les initiatives sont venues de tous les bords. Des PME dynamiques (Brun Passot, Graveleau...) vont parfois aussi vite que les grands promoteurs du domaine (les constructeurs automobiles par exemple). Contrairement aux ides reues, l'EDI ne constitue par le monopole des grandes entreprises.
Cependant l'engagement d'intervenants majeurs a jou son rle, indispensable. France Tlcom, les constructeurs informatiques et quelques grandes SSII ( commencer par GSI, pratiquement seul exposant en 1986). Le mouvement, soutenu notamment dans nos colonnes, a peu peu pris de l'ampleur et une orientation bien franaise.
@INTER:Du rapport Chiaramonti l'EDI ouvert
@TEXTE:La parution en 1989 (Texte intgral dans Le Monde Informatique du 16/10) du rapport Chiaramonti dbouchait l'anne suivante sur la cration d'Edifrance. Son rle fdrateur rpondait la ncessit d'une normalisation intersectorielle. On dbouche aujourd'hui sur des concepts comme l'"EDI ouvert", qui visent mettre en cohrence toutes les normes relatives l'change d'informations entre partenaires conomiques.
L'EDI en vient marquer jusqu'au processus de normalisation dans son ensemble. Alain Durand, directeur gnral adjoint de l'Afnor, distingue en effet cinq types de normes. Les trois premiers sont dj matriss: normes dimensionnelles (filetage des boulons), fonctionnelles (connexion entre deux systmes informatiques), organisationnelles (rfrentiels normaliss dcrivant la mise en oeuvre de certaines prestations de services).
Le quatrime (reprsent notamment par l'EDI ouvert) traite des concepts. le cinquime, encore hypothtique, viserait un "hypermonde normalis" qui proposerait "un modle universel des relations (intra et inter) entre toutes les organisations... les diffrents modes d'action et d'interaction entre eux...".
@INTER:Rien de plus pratique qu'une bonne thorie
@TEXTE:L'EDI ne relve pourtant pas de la spculation intellectuelle d'universitaries en chambre. Trs peu de chercheurs professionnels s'y intressent (on peut en compter au plus une demi-douzaine aux tribunes de Compat 92). Mais au stade actuel de dveloppement de la normalisation, les exigences mmes de la pratique obligent un tel effort.
La France vient y ajouter le temprament rationnel de ses hauts fonctionnaires. Alors que l'Angleterre a soutenu l'EDI par le Sitpro, dans un environnement essentiellement pratique et commercial, Edifrance est n d'une volont au plus haut niveau, en l'occurrence le Secrtariat gnral du gouvernement, qui comandita le rapport Chiaramonti puis dcida de placer le nouvel organisme au sein mme de l'Afnor.
Ce message a t particulirement bien entendu dans une instance que personne n'attendait sur ce terrain, l'Ordre des Experts comptables, qu'on ne taxera pas non plus de passion immodre pour les constructions abstraites. "Faciliter la circulation de l'information entre les entreprises et le administrations... soulager les entreprises de pesanteurs inutiles, c'est un nouveau rle pour l'Etat et une des occasions pour l'entreprise France de surmonter ses inerties ancestrales.... Tous les ministres, comits interministriels, directions administratives, organismes para-publics et privs et entreprises, poursuivent un but identique: laisser la tlcommunicatgion la place ncessaire dans notre droit franais", crit Michel Lesourd, expert-comptable et charg des tudes informatiques au Conseil suprieur de l'Ordre.
Non d'ailleurs que l'Administration soit toujours cohrente avec elle-mme. A la fin de 1990, elle fait le forcing pour passer in extremis un texte autorisant la dmatrialisation des factures... dans un annexe de la loi de finances rectificative. Mais elle attend six mois pour publier le dcret d'application correspondant. Elle lance de grands projets de liaisons EDI avec les entreprises: TDS, TDFC, Cotitel, CFA, Cosiforme... mais sans en assurer la cohrence. Michel Lesourd en relve les incompatilits, y compris entre les deux p < rocdures proches (TDS-Normes et TDS-Tlmatique)! Et il stigmatise le manque d'quit de l'Administration "la DGI n'ayant pas accept le principe d'une contrepartie financire lie l'allgement de ses tches l'accroissemnet de celles des entreprises".
Mais la pratique le conduit, lui aussi, plaider pour des solutions trs gnrales: "Il ne s'agit plus de dfinir un systme d'information par dministration... il faut considrer le systme d'information au niveau de la France. Et encore... au niveau europen voire mondial. "
@INTER:Acclrer le processus de normalisation
@TEXTE:Ces promoteurs ambitieux ne se cachent donc pas les lenteurs du processus de normalisation en gnral et de l'EDI en particulier. Pour l'acclrer, ils poussent la r-organisation des processus internationaux d'homologation des normes et de nouvelles formes de coopration entre les organismes intenationaux ainsi qu'entre les chelons rgionaux.
Sur le terrain, en effet, certains secteurs restent fort en retard. Tantt, comme en construction mcanique, la dispersion des entreprises ne laisse pas de place d'actifs promoteurs de l'EDI. Tantt, comme dans le transport de fret, les urgences conduisent se contenter de solutions parcellaires et en faible cohrence avec les travaux gnraux.
Ailleurs, les moyens financiers et humains manquent. Parfois enfin, des oppositions trop vives entre les grands acteurs bloquent les efforts de coopration. Les organismes de normalisation eux-mmes se voient freins par des conflits de pouvoirs et de personnalits.
@INTER:L'EDI n'est pas un vrai march, sinon pour la matire grise
L'EDI, d'ailleurs, ne constitue pas vritablement un march. Le petit nombre des exposants Compat (en France comme toutes les ditions prcdentes en Europe) montre bien la modestie des chiffres d'affaires directement lis ces changes.
Ce nouveau mode de communication se contente en effet de matriels standards voire bas de gamme: un PC ordinaire muni d'un logiciel standard suffit constituer une "station EDI" de base. Les volumes transmettre ne risquent pas de saturer Transpac, du moins tant que les messages Edifact ne s'intgreront pas d'image.
Par consquent, tant pour les oprateurs de tlcommunications (France Tlcom, British Telecom) que pour les constructeurs (IBM, Bull, Digital), l'EDI reprsente surtout le moyen d'entrer chez les clients pour leur vendre des produits et services plus substantiels.
En revanche, les vrais mrites de la dmatrialisation des changes ne s'obtiennent que par la re-conception des applications sinon de l'organisation mme des entreprises. Il y a travail pour la matire grise. Quelques grandes SSII proposent des plates-formes de services plus ou moins cls en mains.
Mais ces marchs mmes prouvent souvent leur fragilit: ds que les volumes pourraient apporter la rentabilit, les clients peuvent aisment reprendre leur compte les liaisons les plus actives. Il s'agit donc surtout d'un march de matire grise, qui justifie difficilement les investissements.
@INTER:La conception compte plus que les produits et les services
@TEXTE:A la diffrence de 1986, on a aujourd'hui compris, que le "zro papier" ou la dmatrialisation des communications techniques et commerciales, allait bien au del de quelques conomies d'imprims et de timbres-postes. De mme que l'orientation objet n'a gure de sens si elle ne commence pas ds la conception.
L'EDI ne profite vraiment qu'aux organisations qui acceptent de se reconcevoir, et de le faire en concertation avec leurs partenaires conomiques. Il ne faut pas s'tonner que son dveloppement prenne du temps, ni qu'il exige un effort conceptuel premire vue dmesur avec les enjeux immdiats.
Il a fallu des annes SNA, l'OSI, au modle relationnel et aux systmes pouverts pour s'imposer de manire significative. Aprs quoi ils semblent aller de soi. Il devrait en aller de mme pour le vaste processus de normalisation en cours. Mais Compat 92 marquera, la franaise, la prise conscience de toutes ses dimensions.
@SIGNATURE:PIERRE BERGER
@LEGENDE: