TABLE FONDE LMI-SYNTHESE INFORMATIQUE
Le constructeur ne peut pas tre le matre d'oeuvre
Seul l'utilisateur peut jouer le rle d'intgrateur de son
systme d'information, dans la mesure o- il met en jeu le mtier
mme de son entreprise. Les constructeurs n'ont ni les
comptences, ni l'exprience ncessaires. Mais, de mme que les
SSII, ils peuvent tre de prcieux partenaires.
Les constructeurs se proposent comme intgrateurs de systmes.
Faites-vous appel eux pour ce type de prestations ?
ALAIN GANGLOFF. Nous sommes en train de raliser un grand projet,
un virage 90 pour ne pas dire 180 degrs. Nous changeons de
mtier. Nos agences taient banalises, "ouvertes tout vent",
axes sur une forte proximit gographique. Or, aujourd'hui, tout
le monde ne peut pas tre comptent sur tout. Nous nous
organisons donc par "portefeuilles" selon les types de clientle.
Ce projet bancaire dpasse l'informatique, mais suppose la mise
en place d'un systme d'information performant. Il s'accompagne
d'une volution matrielle, des les terminaux passifs vers les
PS. Puisqu'IBM nous proposait un contrat d'intgration de
systmes, nous avons mont avec eux un co-pilotage de ce projet.
Le contrat est prcis, dtaill. A l'intrieur du projet, il
dfinit des sous-ensembles, par exemple le cblage,
l'installation de terminaux, la formation (y compris bancaire),
une partie de la documentation et, enfin, un volet de
communication interne.
Le travail a dbut pratiquement en septembre 1990 et doit se
terminer la fin de juin 1992. La phase actuelle traverse les
difficults d'un gros projet. Mais, depuis trois mois, nous avons
ratrapp les retards et rien ne permet de penser que nous ne
finirons pas dans les temps.
PIERRE DUBARRY. Certaines oprations menes par le groupe peuvent
se qualifier d'intgration. Mais elles ont t confies
essentiellement de grosses socits de services. Cependant,
pour un de nos schmas directeur, nous avons demand au
constructeur concern de nous attribuer un chef de projet.
Contractuellement, si les co-ts dpassaient le montant prvu
(plusieurs dizaines de millions de F), les dpassements seraietn
partags par moiti. Comme le projet ne comportait qu'une seule
plate-forme, un seul constructeur, choisi au dpart, ce chef de
projet ne pouvait jouer le rle de cheval de Troie. Il est rest
dix mois et a dbouch sur des rsultats positifs.
YVES DEROUAL. Certains discours d'aujourd'hui me rappellent ma
jeunesse dans le mtier, quand IBM faitsait la pluie et le beau
temps. Dans les annes 65-70, l'informatique de certaines
socits (et non des moindres) tait tenue par les
technico-commerciaux d'IBM. On payait l'intgration... dans le
cadre d'une facture suffisamment leve pour permettre la
Compagnie de faire vivre ses ingnieurs, et il y en avait
beaucoup. Ne revenons-nous pas ce type de relations, sous forme
dguise?
PHILIPPE PERRIN. Les constructeurs sont passs d'une stratgie de
consruction de matriels une stratgie de fournisseurs de
logiciel et de services. Cette dmarche, induite par le march,
n'est pas volontariste de leur part. A plusieurs reprises, IBM a
voulu nous engager dans cette voie. Nous n'avons pas donn suite.
Les constructeurs disposent-ils des comptences ncessaires
l'intgration de systmes?
PIERRE DUBARRY. Sur le papier, les constructeurs ont des points
forts et positifs. Ils sont habitus coordonner des quipes
internationales, ils sont censs disposer de mthodes, ils se
sont frotts des problmes de dveloppement. D'ailleurs, ils
donnent souvent en exemple leur informatique interne.
Mais ils ne sont porteurs aujourd'hui que de leur propre
exprience, ce qui est tout de mme insuffisant. Ce qui est bon
pour IBM ou Digital en interne ne convient pas forcment
Pchiney. Les SSII ont peut-tre de l'avance, car elles ont
commenc plus tt.
PHILIPPE PERRIN. Les constructeurs ne comprennent pas notre
culture. Nous vivons sur des plantes difficiles raccorder. Les
besoins de l'agro-alimentaire n'ont rien voir avec ceux de
l'arospatial ou de l'lectricit. En proposant de manire
monolitique un mme produit de gestion de production comme
Copics, ils ne peuvent pas rpondre nos besoins.
YVES DEROUAL. Si vous faites appel des intgrateurs, qu'ils
soient constructeurs ou SSII, vous renoncez disposer d'une
informatique origine. Or l'informatique et plus gnralement le
systme d'information est aujourd'hui un moyen de diffrenciation
de l'entreprise face la concurrence.
Dans le tertiaire, l'informatique est l'outil de production.
Toute tentative de prise en main par les constructeurs reprsente
un danger. C'est comme si la Rgie Renault sous-traitait la
conception de ses vhicules.
ALAIN GANGLOFF. Le constructeur nous apporte sa capacit
matriser de gros projets. Nous sommes clients d'IBM depuis
longtemps. Nous avons l'habitude de travailler avec eux. Au coeur
de nos stratgies bancaires, il y a toujours eu une part de
conseil de leur part. Nous nous runissons tous les ans, passons
un ou deux jours ensemble pour voir les retombes du progrs des
produits. Nous n'tions pas la premire caisse de crdit agricole
o- ils opraient.
Andersen intervient aussi chez nous, mais nous avons choisi le
constructeur. En partie parce que le projet comportait une fort
part d'intgration matrielle (la moiti de la facture globale).
Qui aurait pu tre plus comptent qu'IBM? Je ne sais pas ce que
ferait un consultant dans des circonstances comparables. Notre
constructeur a fait preuve de dynamisme, il a pu faire jouer son
poids, par exemple pour acclrer le cblage, ou pour rgler un
problme de documentation. Dans ce projet, l'informatique est au
coeur du systme. Le constructeur tmoigne d'une culture et d'une
sensibilit qui correspondent nos problmes.
YVES DEROUAL. Si l'on prend l'intgration au sens strict, c'est
dire la capacit faire fonctionner des systmes plus ou moins
htrognes, je pense que les constructeurs devraient commencer
par faire le mnage chez eux. Bien souvent, au sein mme de
systmes dits homognes, on a toutes les peines du monde faire
communiquer les produits. Et les constructeurs ne nous
fournissent mme pas l'information qui nous serait ncessaire
pour intgrer leurs produits notre systme d'information. Quand
on leur demande si la structure de tel produit permet d'en
extraire tel paramtre, la rponse est souvent "Peut-tre". Si
l'on insiste, tantt le constructeur refuse sous prtexte qu'il
s'agit de code stratgique, tantt il propose de mettre une
quipe sur le problme... condition que le client paye. Nous ne
sommes pourtant pas au poker, o- il faut payer pour voir!
PHILIPPE PERRIN. Chaque constructeur essaye de tout verrouiller
autour de son monde lui. Je n'ai pas la maladie "systmes
ouverts contre propritaires". Mais l'informatique n'est qu'un
des mondes qui font les systmes d'information. Les
tlcommunications deviennent aussi importantes. Je ne sens pas
les constructeurs ouverts au travail en complmentarit. Et ne
parlons pas des rseaux valeur ajoute, qui vont encore
modifier srieusement le paysage.
YVES DEROUAL. Fabriquer un systme, la plupart des intgrateurs
vous le proposent. Mais trs peu sont en mesure d'en assurer la
maintenance. Or c'est un des points le splus difficiles grer
pour les systmes d'information car, heureusement ou
malheureusement, le contexte volue trs vite.
Alors, l'intgrateur ne peut tre que l'informaticien
d'entreprise ?
PHILIPPE PERRIN. Oui. Le constructeur ou la SSII doivent en tous
cas travailler sous le contrle d'un intgrateur qui ne peut tre
que nous.
YVES DEROUAL. Je me demande ce qui a pu amener les Compagnies
ariennes confier un projet aussi complexe et ambitieux
qu'Amadeus des gens dont la rservation arienne n'est pas du
tout le mtier. Avec le rsultat que l'on sait. Il est vrai que
les constructeurs ont des spcialistes rseaux (les oprateurs de
tlcommnications aussi). Mais il faut que l'intgrateur global
soit quelqu'un du mtier.
Mais si les projets taient bien dfinis, l'intgrateur extrieur
ne pourrait-il le raliser ?
YVES DEROUAL. Vous ne pouvez jamais ficeler compltement un grand
projet. Sa mise en place prend du temps. Mme si vous saviez au
dpart ce que vous vouliez faire, il subit des transformations
partir du moment mme o- on le met en chantier. On ne peut donc
sous-traiter que des sous-systmes bien dfinis.
ALAIN GANGLOFF. Pour nous, il n'tait pas question de
sous-traiter la matrise d'oeuvre. Il s'agit d'un co-pilotage. Le
constructeur est aussi impliqu que nous dans le projet, avec un
contrat qui va assez loin en matire d'indemnits de retard, par
exemple.
PHILIPPE PERRIN. Dans la vie du projet, il faut souvent prendre
des dcisions. Si vous sous-traitez l'extrieur, qui dcidera
d'arrter l'analyse pour paser la programmation? Qui dcidera
d'intgrer ou non tel type d'volution? De dire si c'est rentable
ou pas, straggique ou pas? Il est impensable de laisser le
constructeur ou la SSII en dcider. Comme Yves Deroual, je pense
qu'il faut sous-traiter des sous-ensembles, dfinis avec une
grande clart. A condition de garder la matrise de l'ensemble.
PIERRE DUBARRY. Je ne serai pas aussi tranch. Les constructeurs
tiennent un nouveau discours. Ils se lancent sur un nouveau
mtier, nouveau pour nous comme pour eux. Ils ont l'apprendre,
prouver leurs capacits.
.....encadr
LES PARTICIPANTS
Dirigeants informatiques :
Yves Deroual, prsident de Guide France et , CNRO (Caisse
nationale de retraite des ouvriers du btiment et des travux
publics)
Pierre Dubarry, directeur Informatique et tlcommunications,
Pchiney.
Alain Gangloff, Directeur de l'organisation gnrale et
planification stratgique, Crdit Agricole de l'Isre.
Philippe Perrin
Animateurs: Pierre Berger (Le Monde Informatique) et Bernard
Sauteur (Synthse Informatique )