@SURTITRE 1:TABLE RONDE LMI-SYNTHESE INFORMATIQUE

@TITRE:Unix, le f‚d‚rateur tranquille

@CHAPO:Qu'elles aient choisi le tout Unix dŠs 1982 ou qu'ils commencent seulement … l'exp‚rimenter sur quelques applications, les entreprises voient dans ce systŠme d'exploitation un trait d'union entre micros et grands systŠmes, entre constructeurs diff‚rents, et mˆme entre informaticiens et utilisateurs.

@INTERVIEW QUESTION:Peut-on d‚sormais appliquer Unix … toutes les applications, y compris en gestion?

@TEXTE:BERNARD CHARNAY (Menuiseries Lapeyre). Ayant abandonn‚ les systŠmes propri‚taires pour Unix en 1982, nous le maŒtrisons aujourd'hui assez bien. Nos applications sont aujourd'hui r‚parties sur 130 mini-ordinateurs. Unix est entr‚ dans nos moeurs, et je ne vois pas ce qui pourrait nous faire changer d'avis, surtout dans le march‚ actuel.

GUY VAUZEILLES (A‚rospatiale). Nous avons abord‚ Unix par le monde scientifique et technique. Nous atteignons 2000 systŠmes: des stations de travail, mais aussi des serveurs de plus en plus nombreux, rempla‡ant des unit‚s centrales. Le temps r‚el reste un point faible, tout en laissant des espoirs. En gestion, nous avons confiance, et des projets importants. Notre pouvons faire ‚tat d'exp‚riences en gestion de production.

MARIANNE LEVY-ROSENWALD (MinistŠre des Finances). Notre premiŠre grande application d‚velopp‚e sous Unix remonte … 1988. Il s'agissait de la gestion du courrier du ministre. C'est dire que notre r‚solution dans ce choix! Le systŠme concerne 40 utilisateurs et une base de 160 000 courriers. Par la suite, nous avons refondu la gestion et la paye des personnels d'administration centrale (12 000 personnes, sur les 180 000 employ‚es par le ministŠre). En projet, la maintenance assist‚e par ordinateur de notre immeuble de Bercy, et plusieurs projets lourds.

MARC GIRAUD (Essilor). Unix repr‚sente pour nous une diversification par rapport … noter culture grands systŠmes. Notre exp‚rience reste relativement r‚cente, et nous restons prudents: nous n'avons pas de problŠmes d'urgence.

@INTERVIEW QUESTION:La coexistence d'Unix avec les grands systŠmes propri‚taires fait-elle problŠme?

@TEXTE:M.G. Dans une grande entreprise, o- le systŠme d'information est large, stratifi‚ depuis un certain temps et couvre pratiquement tous les grands domaines, la construction d'un nouvel applicatif s'inscrit dans un ensemble. Le portage des donn‚es entre systŠmes pose des problŠmes inattendus. De SQL vers Unix, par exemple, le portage des structures de donn‚es se passe trŠs bien. Mais, quand on passe au portage des donn‚es proprement dites, le "reload" ne marche pas toujours.

G.V. Nous sommes engag‚s dans un processus de substitution, de simplification. Mais le processus est relativement long. Il faut bien vivre pendant cette p‚riode de transition. Cela ne va pas sans problŠmes, mais s'impose comme une n‚cessit‚. La cohabitation passe par les r‚seaux. Les grandes architectures propri‚taires, notamment SNA, demeurent. Decnet laisse place … des interconnexions TCP/IP. Les autres cŠdent la place … l'OSI... encore faut-il mettre beaucoup de guillemets autour de ce sigle.

B.C. Nous, nous avons fait table rase du pass‚. M.L.R. Nous pratiquons par substitution progressive. La communication passe par le r‚seau.

@INTERVIEW QUESTION:L'existence de diff‚rentes versions d'Unix vous gˆne-t-elle?

B.C. Nos machines viennent de trois constructeurs diff‚rents. Elles supportent des environnement et des bases de donn‚es strictement identiques. D'ailleurs, Unix ne nous int‚resse pas en lui-mˆme. Nous visons les systŠmes ouverts, nous ne voulons pas ˆtre enferm‚s chez un constructeur ou un fournisseur quelconque. Le plus grand client au monde, c'est l'administration am‚ricaine. Il y a donc trŠs peu de problŠmes de portage entre les versions. Quelque fois au niveau des interruptions, du noyau, des points trŠs techniques, sans importance tant qu'on ne touche pas aux drivers ou … des points de ce genre.

M.L.R. La normalisation compte beaucoup pour l'Administration, en l'occurrence la norme Posix, que nos Unix respectent. Notre exp‚rience en prouve l'efficacit‚: nous avons d‚velopp‚ des application sur les machines d'un constructeur, et nous les exploitons sur les machines d'un autre. Le portage n'a fait aucune difficult‚. La portabilit‚ est une r‚alit‚.

G.V. Il faut rester vigilants. La multiplicit‚ des versions est gage de cr‚ativit‚, mais laisse subsister un risque de divergence. Il faut que les organismes r‚gulateurs mettent l'accent sur le terme d'interop‚rabilit‚. La pression des clients devra ˆtre maintenue, y compris au sein des diff‚rents organismes ax‚s sur Unix. Nous participons notamment … OSF.

M.G. Les constructeurs cherchent des terrains de diff‚renciation, le champ de bataille se d‚place et se fragmente. Les pauvres utilisateurs ne doivent pas passer leur temps … observer la deuxiŠme phase de la troisiŠme bataille. Laissons cela aux observateurs professionnels.

Nous constatons qu'un progiciel s'installe beaucoup plus facilement sur une plate-forme Unix que sur un autre. J'ai ‚t‚ impressionn‚ de voir un logiciel important se monter en quelques heures, une journ‚e au plus s'il y a des problŠmes. Alors qu'avec d'autres systŠmes, il faut monopoliser des ressources pendant un certain temps pour arriver … quelque chose.

@INTERVIEW QUESTION:Allez-vous faire d'Unix votre seul systŠme d'exploitation, … l'avenir?

@TEXTE. B.C. Ce fut notre choix de d‚part. Nous avions des systŠmes propri‚taires: tout a ‚t‚ refait. Tout est construit sous Unix.

G.V. Nous r‚duisons le nombre de nos systŠmes d'exploitation. Nous n'avons plus le systŠme propre … Cray, que nous avons fait passer sous Unix. Nous y portons de plus en plus les Vax, les DPS 6 et mˆme les DPS 7. Cela dit, je suis r‚aliste: on continue encore de d‚velopper sous MVS, qui restera encore longtemps.

M.L.R. Nous attendrons de voir. Le discours normalisateur des constructeurs vise vraisemblablement … se positionner en termes de marketing. Je serai donc extrˆmement prudente. Pour l'instant, nous utilisons des systŠmes GCos 7. Certaines applications restent sur grand systŠme, en particulier tout ce qui touche … la comptabilit‚. Nous n'allons pas tout bouleverser

M.G. Nous n'allons pas du tout vers l'unification de nos systŠmes d'exploitation.

@INTERVIEW QUESTION:Quelle est votre politique de d‚veloppement d'applications sous Unix?

@TEXTE:B.C. En 1982-83, le manque d'applicatifs sous Unix nous a cr‚‚ beaucoup de problŠmes. Il a fallu tout d‚velopper, ou plut“t faire d‚velopper car chez nous il n'y a aucun informaticien.Aujourd'hui, nous avons d‚pass‚ ce stade. Nous disposons d'outils, de bases de donn‚es relationnelles. Unix, c'est complŠtement transparent. Si certains d‚veloppent des applicatifs de gestion en C, c'est vraiment pour se faire plaisir. Pourquoi pas en assembleur? C'est complŠtement d‚suet.

G.V. Nous essayons de trouver des "solutions", de ne pas d‚velopper en interne, d'utiliser des produits comme Tzar en gestion de production. Le CXP recense plus de 2000 applications de gestion sous Unix, plus que sur AS/400. Un progiciel de gestion sur trois est disponible sous Unix.

Et, sur le march‚ du travail ou des soci‚t‚s de service, on trouve des comp‚tences en Unix et en C, disponibles et … des prix tout … fait comp‚titifs par rapport aux comp‚tences sur systŠmes anciens.

M.G. Les grands systŠmes repr‚sentent une certaine culture, l'habitude de trouver certaines fonctionnalit‚s dans l'environnement. Unix en offre aussi en standard, mais pas forc‚ment les mˆmes. Il faut donc red‚finir les standards d'utilisation, de d‚veloppement. Ils ressemblent de prŠs … ceux des anciens systŠmes, mais il faut recommencer, reprendre un effort m‚thodologique. Puis il faut acheter ou construire les outils.

Nous essayons de nous former progressivement. Par exemple, certaines tƒches sont faciles sous Unix alors qu'elles sont trŠs compliqu‚es avec les grands systŠmes. Il faut apprendre … s'en servir. Si l'on maŒtrise mal l'outil, on risque de monter des usines … gaz alors qu'il existe des fonctions de base trŠs simples.

La productivit‚ du d‚veloppeur ne change guŠre d'un systŠme … l'autre, … partir du moment o- l'on dispose d'un bon environnement avec un temps de r‚ponse convenable. En matiŠre de co-ts, en revanche, je suis scandalis‚ par le prix des logiciels sous Unix.

@INTERVIEW QUESTION:Ne ressentez-vous pas le manque de moniteurs transactionnels?

B.C. Des gens comme nous peuvent s'en passer. Mais les nouvelles machines, avec le parall‚lisme massif, deviennent capables de tirer 2000 ou 3000 terminaux.

M.L.R. Tant que les solutions se font attendre, que les volumes restent trop importants, nous gardons les grands systŠmes. Nous ne nous pr‚cipiterons pas pour nous cr‚er des difficult‚s.

M.G. Nous n'avons aucune raison d'essayer de faire entrer … toute force une application dans une machine qui n'est pas faite pour elle.

G.V. Le besoin ‚mergera quand les produits seront disponibles... La disparition des grands systŠmes se pose … un horizon qui d‚passe probablement dix ans. D'ici l…, il faut vivre avec nos millions de lignes de code.

@INTERVIEW QUESTION:La s‚curit‚ passe pour un des points faibles d'Unix. Comment r‚solvez-vous cette difficult‚.

@TEXTE:B.C. Nos systŠmes sont r‚partis en France et en Europe, et nous n'avons aucun problŠme de ce type. Les utilisateurs n'ont pas accŠs directement au systŠme, mais par des applicatifs. Ce n'est pas un souci.

M.L.R. Nous n'avons pas de problŠmes. Ou plut“t, nous les avons r‚solus par d'autres moyens, au niveau des applicatifs, du SGBD, de la s‚curisation du r‚seau.

M.G. Le prix des mat‚riels Unix permet de dire "une plate-forme ‚gale une application". A partir du moment o- une application est bien rattach‚e … une plate-forme physique, bien boucl‚e en production, que personne ne peut y toucher, je ne vois pas bien ce qui pourrait se passer. La fonction s‚curit‚ agit sur toutes les plates-formes, aussi bien grands systŠmes et micros qu'Unix.

G.V. La s‚curit‚ est encore un vrai problŠme, mais c'est celui de l'informatique r‚partie en g‚n‚ral, avec un parc qui se compte par centaines de milliers ou millions d'unit‚s centrales, et des centaines de millions de personnes savent manipuler les micros. La coexistence de diff‚rents systŠmes peut menacer la s-ret‚ de fonctionnement, si l'on ne gŠre pas rigoureusement les configurations. Le changement de version sur une station peut introduire un dysfonctionnement sur l'ensemble du systŠme.

Quant … la confidentialit‚, … la protection des informations, Unix introduit un nouveau problŠme: systŠme ouvert, il se prˆte … certains d‚tournements de ressources. Avec le temps sont apparues des proc‚dures pour limiter les vuln‚rabilit‚s. Mais elles restent diverses, non compatibles, incomplŠtes. Elles sont mal diffus‚es, sur un march‚ bizarre de petites conf‚rences et de bouche … oreille.

@INTERVIEW QUESTION:Comment vos ‚quipes vivent-elles la mutation?

@TEXTE:M.L.R. Nous avons reconverti beaucoup de nos informaticiens sur Unix. Une transition difficile … vivre: ils ont eu peur de ne pas savoir, de perdre leur comp‚tence.

Pourtant, le contexte de l'administration exclut les risques majeurs. En pratique, les gens qui n'ont pas voulu suivre l'‚volution, aussi bien celle des systŠmes d'exploitation que de la communication, ont quitt‚ le secteur informatique.

Nous avons donc fait beaucoup de formation. Et nous avons choisi un responsable de secteur dot‚ de toutes les qualit‚s techniques, de p‚dagogie et de dynamisme. Il a su mobiliser son ‚quipe et en faire sinon LE secteur de pointe, du moins un secteur de trŠs bon niveau.

La formation porte prioritairement sur le SGBD. Le recours … la sous-traitance apporte aussi la formation par osmose avec la comp‚tence des personnels des SSII.

M.G. Nous n'avons surtout pas voulu avoir deux informatiques qui ne se parlent pas. Les structures emploient les mˆmes hommes. L'exploitation en particulier, est relativement ind‚pendante des plates-formes, avec une probl‚matique commune d'automatisation et de s‚curit‚. Quant au d‚veloppement, les gens qui travaillaient sous SQL et Cobol ne sentent pas vraiment la diff‚rence en passant … Unix.

La presse, il est vrai, nous a beaucoup aid‚s. Autrefois, nous aurions eu plus de difficult‚s psychologiques. Mais, depuis un an … peu prŠs, les ‚quipes ont commenc‚ … ˆtre moteur. Les informaticiens de grands systŠmes qui, hier, consid‚raient Unix comme un petit systŠme, avec de petites comp‚tences et de petits salaires, ont commenc‚ … s'y mettre, … s'y trouver plut“t bien. Quant … l'‚ducation des nouveaux, il semble plus facile de les former … Unix qu'aux grands systŠmes. Il y a moins de choses … apprendre.

G.V. Nous avons v‚cu autrefois de grandes conversions, d'un systŠme propri‚taire … un autre, vers VM, vers Bull... Elles ont laiss‚ le souvenir d'op‚rations assez douloureuses, notamment du point de vue social. Ce n'est pas vraiment le cas avec Unix, qui se prˆte … des actions de compl‚mentarit‚. Il est vrai qu'elles portent plut“t sur des jeunes, sur des milieux techniques, scientifiques.

B.C. Nous avons pratiquement supprim‚ l'‚criture de programmes. Nous mettons toutes nos forces sur les SGBDR. Au dessus de notre L4G, nous sommes en train de pr‚parer un L5G, un g‚n‚rateur de L4G si vous pr‚f‚rez. Il n'y aura plus une ligne … ‚crire.

@INTERVIEW QUESTION:Alors que les utilisateurs finals sont familiers du PC ou du Macintosh, certains accusent Unix d'ˆtre "le dernier rempart des ayatollahs". Plaidez-vous coupables?

@TEXTE: B.C. Les utilisateurs ne savent pas que les applications sont bas‚es sur Unix.

G.V. Nos utilisateurs sont relativement avertis, mais en termes de solutions. Ils savent que tel laboratoire ou telle universit‚ travaillent sous Unix, par exemple, et veulent le mˆme. Cela pourrait venir en gestion, par exemple avec les salles de march‚, s'ils veulent ˆtre compatibles avec des fournisseurs de donn‚es travaillant sous Unix. L'utilisateur n'est pas toujours neutre vis … vis du systŠme d'exploitation.

Cela dit, le r“le des informaticiens est le mˆme autour d'Unix qu'autour du PC ou du Macintosh. Ils interviennent dans le choix des systŠmes, la qualification des logiciels et des solutions, la pr‚conisation, l'int‚gration. Ils restent, mˆme si c'est un grand mot, des architectes de systŠmes d'information. Des systŠmes complexes se mettent en place, intervenant dans des processus complexes (conduite de processus, par exemple). Ils n‚cessitent des comp‚tences d'experts, qu'on appelle des informaticiens.

M.G. DerriŠre l'interface utilisateur, la partie visible du poste de travail, les applicatifs, les r‚seaux, la gestion des donn‚es, la s‚curit‚ restent, qu'on le veuille ou non, affaire de professionnels. Quel que soit le systŠme d'exploitation. Peu importe que ce soit MVS, Unix ou Novell.

M.L.R. Chez nous, Unix a peut-ˆtre sauv‚ les informaticiens... en sens qu'il a r‚ussi … les r‚concilier avec les utilisateurs. Ils rejetaient certaines applications lourdes ,sur grand systŠme. Par rapport aux micros, ils les trouvaient compliqu‚es, peu ergonomiques. C'est alors que les informaticiens ont pu se trouver en position d'ayatollahs, d'imposer des points de vue au nom de la technique. Unix, justement par ses possibilit‚s de communication avec le monde MS/DOS, a permis aux informaticiens de mieux r‚pondre … la demande, de se mettre … l'‚coute de leurs clients.

@ENCADRE TITRE:LES PARTICIPANTS

@ENCADRE TEXTE:

Bernard Charnay (directeur informatique du groupe Lapeyre), Marc Giraud (directeur de l'organisation et de l'informatique, Essilor), Marianne L‚vy-Rosenwald (sous-directeur de la formation et de l'informatique, ministŠre des Finances), Guy Vauzeilles (sous-directeur informatique, t‚l‚communications et bureautique, A‚rospatiale)

Animateurs: Pierre Berger (Le Monde Informatique) et Bernard Sauteur (SynthŠse Informatique).

@LEGENDE:Bernard Charnay (Lapeyre): "La s‚curit‚ n'est pas un souci, mˆme avec nos systŠmes r‚partis tant en France qu'en Europe."

Marc Giraud (Essilor): "Un progiciel s'installe beaucoup plus facilement sur une plate-forme Unix que sur une autre." Marianne L‚vy-Rosenwald (ministŠre des Finances):"Chez nous, Unix a r‚ussi … r‚concilier les informaticiens avec les utilisateurs." Guy Vauzeilles (A‚rospatiale): "Il faut rester vigilants. La multiplicit‚ des versions laisse subsister un risque de divergence."

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