@T DOS2:Reconversion sans douleur

De Cobol à Uniface

@CHAPO:Le Crédit Agricole de Saint-Lo a renoncé au Cobol aussi bien qu'aux mainframes. Sans changer pour autant son équipe de programmation

@TEXTE:Pouvait-on faire un downsizing radical et garder quand même Cobol, avec son capital de 6000 programmes, fruit de plusieurs décennies de développement? Le Crédit agricole de Saint-Lo a conclu par la négative et ne le regrette pas.

La décision remonte à 1991, avec le lancement du projet Ourasi, une des plus radicales opérations de downsizing menées en France (LMI des 15/10/93 et 21/10/94). L'entreprise décide alors de remplacer progressivement son mainframe Bull DPS par un ensemble de serveurs Compaq. Il n'aurait pas été tout à fait impossible de garder Cobol. Mais Gérard Lefaix, responsable des moyens techniques, veut construire sur bases solides, avec un AGL. Et n'apprécie d'ailleurs pas Cobol, auquel il reproche notamment son absence de typage et les dangereuses facilités de son instruction "redefine".

@INTER:Cobol ne répond pas bien à la nouvelle architecture technique

@TEXTE:Le choix se porte sur Uniface. Ce produit semble pourtant mal adapté aux traitements batch. Même le fournisseur n'y croit pas. Mais la nouvelle orientation entend pousser aussi loin que possible la logique du transactionnel. On ne parle plus de batch, et le nouveau système ne comporte aucun tri (sinon pour les états de sortie, bien entendu). Dans ces conditions, le produit apporte tout ce qui est nécessaire à l'ensemble des applications, avec leur algorithmique et leur cinématique. Une dizaine de modules techniques seulement font fait l'objet d'une programmation en C, mais il ne concernent pas les applicatifs bancaires proprement dits.

Des tests de performance comparent des développements combinant Uniface et Cobol avec d'autres purement sous l'AGL. La consommation CPU sur les serveurs n'est que de 20% de plus pour les seconds, donc négligeable par rapport aux avantages apportés au stade du développement. Feu vert, donc pour une architecture applicative en phase avec la nouvelle architecture technique.

@INTER:Toute l'équipe est passée au client-serveur

@TEXTE:Le coût de la reconversion des programmes ne peut exactement se chiffrer, mais s'encadre dans les budgets particulièrement modestes de la Caisse de Saint-Lo. Le parc applicatif comporte à l'époque 6000 programmes, de mille lignes en moyenne. Au lancement du projet, l'équipe informatique comporte 70 personnes, dont 23 développeurs. Dans l'ensemble, des analystes et programmeurs Cobol chevronnés. Car, dans cette entreprise très localisée sur ce département si loin de Paris, le turnover est nul. Seul accroissement budgétaire pour la reconversion: l'embauche pour la maintenance de neuf jeunes, au niveau bac+2 (IUT électronique ou action commerciale) avec une formation de 9 mois assurée à Granville par le Conseil général.

Les anciens ont intégralement pris en charge les nouveaux programmes, sans l'aide d'aucune société de service. Leur reconversion n'a pas posé de problème, tous sont suivi le mouvement. Certains des plus anciens ont eu un peu de mal à assimiler les nouveaux concepts. Mais leur ancienneté dans l'entreprise en fait la mémoire vivante de l'entreprise. L'absence de turnover rend d'ailleurs la documentation moins critique qu'ailleurs. Le nouvel AGL allège encore cette charge. En revanche, il exige plus de précision dans l'analyse préalable. Il faut d'emblée une conception orientée objet, affectant chaque action à un objet bien déterminé.

Le projet Ourasi n'est pas achevé aujourd'hui. Et le départ du mainframe se fera sans doute plus tard que la date prévue à l'origine, 1997. Ce retard s'explique par des entraves budgétaires mais aussi par le temps consacré à la fusion de la caisse de la Manche avec celle de l'Orne, avec son architecture mainframe traditionnelle. La politique d'entreprise a ses contrainte: hier c'est elle qui poussa au downsizing, pour afficher l'autonomie de la Caisse face aux projets d'intégration avec d'autres caisses. Aujourd'hui, la stratégie freine. Affaire à suivre au cours des prochaines semaines, d'ailleurs.

Mais, tant que le Bull DPS n'est pas hors de cours, il faut bien continuer à maintenir les applications Cobol. Ce qui ne plaît guère aux développeurs. Aussi bien certains anciens qui ont dû s'y remettre que les jeunes qui voudraient bien passer au niveau système. Comme le dit Gérard Lefaix, ils veulent passer de l'enfer du vieux système à une informatique "d'enfer", le client-serveur et l'orientation objet, qui donnent ici d'impressionnants résultats en termes de fonctionnalités et surtout de coûts informatiques, deux fois moins élevés qu'ailleurs. Ici, personne ne regrettera Cobol!@SIGNATURE:P.B.