@SURTITRE:PRODUCTIQUE JAPONAISE

@TITRE:Oki Data délocalise

@CHAPO:Mieux vaut optimiser l'industrialisation et la répartition mondiale de la production que viser le dernier cri en informatique et robotique. L'exemple d'un constructeur japonais.

@TEXTE:Modeste et portant la livrée de l'usine, Kasutochi Yashikawa n'en est pas moins l'artisan majeur de la production d'imprimantes et de télécopieurs chez Oki Data. Il connaît les moindres détails des chaînes, à Fukushima (à 200 kilomètres au nord de Tokyo). Et tout autant celles de Thaïlande ou d'Ecosse, mises au point sur le site japonais. Il ne s'encombre pas des formalismes guindés que les occidentaux associent à la politesse nippone. Et n'a pas peur de prendre le tournevis en mains pour régler une série d'imprimantes qui ne donnaient pas toute satisfaction à un grand utilisateur français.

@INTER:Une informatique sage

@TEXTE:Ce pragmatisme s'applique à l'informatique. Le petit mainframe Unisys qui gère la production de Fukushima va céder la place à un modeste AS 400 avec le logiciel de gestion de production Mapics, et l'application SCM (Supply chain management). Nous voilà loin des systèmes ouverts et de l'orientation objet! D'ailleurs, Oki est revenue il y a trois ans sur sa politique de robotisation et à rendu à l'être humain son rôle majeur dans les chaînes de production. Non par sentimentalisme, mais simplement parce que l'évolution des marchés l'exigeait. Les modèles changent plus souvent, les gammes se diversifient. Il faut donc pouvoir passer rapidement d'une production à l'autre. Il fallait deux ou trois jours pour reprogrammer les robots. Il suffit de deux ou trois heures avec les chaînes traditionnelles. D'autant qu'elles se limitent à vingt ou trente postes environ, avec plusieurs chaînes pouvant travailler en parallèle.

Les robots n'ont pas disparu, loin s'en faut. Mais ils se cantonnent maintenant à des fonctions de base où leurs performances ne se discutent pas. L'implantation des composants sur les circuits imprimés, par exemple. Car en ce domaine la petitesse des circuits et de leurs multiples broches ne permettent pratiquement plus un travail manuel. Ou encore le stockage automatique des composants et produits semi-finis. Les Japonais s'écartent d'ailleurs aujourd'hui du zéro-stocks et du kanban, échaudés notamment par le tremblement de terre de Kobé, qui pourrait se reproduire à tout moment en d'autres points de l'archipel. La main humaine, son oeil et son bon sens excellent dans les assemblages mécaniques, les finitions et les contrôles. D'autant que sur les chaînes, ouvriers et ouvrières atteignent des cadences impressionnantes tout en combinant plusieurs opérations dans une même passe.

@INTER:Des spécialistes de l'industrialisation

@TEXTE:Quelques écrans, assez peu nombreux, attestent tout de même la présence de l'informatique le long des chaînes. Informés par des capteurs automatiques ou par la saisie de données aux points critiques, assurent un pilotage de type traditionnel, mais tourné vers la production à la demande, par série de quelques centaines d'unités. Pour une production totale de 5000 unités par jour en moyenne (1,2 millions par an).

Voila le point fort d'Oki: mettre en production. Pour la recherche et les technologies nouvelles, comme les têtes d'impression à diodes (LED) ou à jet d'encre, la firme compte plus sur des partenariats avec d'autres constructeurs, comme Lexmark, que sur ses propres laboratoires. En revanche, la définition et la mise en production des produits suit une hiérarchie rodée. Elle commence à l'unité pilote de Takasaki, qui réalise une maquette. Des pré-séries sont alors lancées à Fukushima. Puis la production proprement dite commence, soit à Fukushima, soit en Thaïlande, soit en Ecosse. La répartition dépend de facteurs techniques mais aussi des marchés servis. L'usine de Glasgow se consacre pour l'essentiel aux marchés européens.

@INTER:La théorie et la pratique sont en phase

@TEXTE:La stratégie d'Oki s'inscrit dans un courant de pensée qui s'exprime chez des auteurs comme Kenichi Omahe. Vivant aux Etats-Unis, ce japonais vient de publier "The end of the nation state" (Simon Schuster, 1995). Pour lui, le nationalisme économique ne répond plus aux nécessités ni même aux réalités d'aujourd'hui. Les courants industriels et commerciaux se moquent des frontières. Les entreprises doivent se situer dans une économie aux dimensions mondiales. Les entreprises nippones y sont d'autant plus poussées que le cours élevé du yen ne leur permet plus de produire au Japon pour le marché international. Il faut donc délocaliser. Et, pour réduire encore les coûts, dégraisser les échelons élevés de la hiérarchie. Parmi les séries à grande diffusion de la littérature économique, on relève par exemple le titre "Un petit siège social" (Nikkei Business, 1993, en japonais seulement). Ces publications ne passionnent pas spécialement les dirigeants d'Oki-Data, d'ailleurs. Ils se contentent de faire progresser la pratique. La conjoncture, d'ailleurs, ne leur permet pas de s'endormir. Après trois exercices (*) en perte (perte marginale en 1992 et 1994, atteignant 5% du chiffre d'affaires en 1993), le groupe Oki se retrouve en bonne position. La nouvelle stratégie semble donc porter ses fruits! @SIGNATURE:PIERRE BERGER

(*) Exercices se terminant le 31 mars de l'année indiquée

@LEGENDE PHOTO:

Comment fabriquer en souplesse: les explications de Kasutochi Yashikawa.

Robots pour l'implantation des composants et le stockage, chaînes traditionnelles pour le montage mécanique

Rien ne vaut l'oeil humain pour le contrôle de qualité

Après une période de montée en charge à base de chaînes robotisées, Oki se dote en avril 1990 de nouveaux outils de gestion de production et réduit drastiquement la robotique à partir d'octobre 1992. Une nouvelle informatique de pilotage, intégrant pour partie la logistique (Supply chain management) entrera en vigueur à l'automne prochain.