DEVELOPPEMENT DE LOGICIELS
@CHAPO:Pour la conception ses systmes de commandement, la Dlgation gnrale pour l'armement met en place un original "centre de maquettage" pour en acclrer le dveloppement et mieux les adapter aux besoins.
@TEXTE:A chaque dition du salon de Satory (*), rendez-vous bisannuel des spcialistes de l'armement terrestre, l'acier cde un peu plus la place au logiciel. 1992 renforcera encore la tendance. Toutes les armes rduisent leurs commandes: 750 chars Leclerc seulement (au lieu de 1100 prvues l'origine), quatre sous-marins nuclaires lanceurs d'engins, escadrons de Mirage 2000-N ramens trois au lieu de cinq, etc.
Seuls progressent les systmes d'information. Les effectifs de la guerre lectronique ont progress de 70% en dix ans, pendant que l'arme de terre perdait 17% de ses effectifs. Et cinq milliards de francs vont tre investis chaque anne dans les systmes informatiques de commandement (SIC), dits aussi C3I (Command, Control, Communication and Intelligence). Le chiffre comprend du matriel et de solides tlcommunications, mais aussi un considrable effort en matire de logiciel.
@INTER:Le C3I bute sur le mur du logiciel
@TEXTE:"Le problme majeur... est la matrise de la complexit des logiciels. La limite des performances et de l'efficacit des grands systmes C3I n'est plus dans la technologie des matriels, mais dans la capacit les organiser", crit l'ICA Jean Deloly
(SETT).
Un SIC complet devrait, si possible, contenir toute l'information disponible tout moment: gographie gnrale et topographie dtaille, tat des stocks jusqu'au dernier bouton de gutre, affectation et localisation des personnels, positions et intentions de l'ennemi telles que les diverses filires de renseignement les rapportent, de manire alatoire et parfois contradictoire.
Enorme base de donnes, donc. Mais aussi postes de travail multi-mdia adapts et diversifis. Et plus encore communication sous toutes ses formes, dans les deux sens, depuis le commando parachut en terre lointaine jusqu'au prsident de la Rpublique. A quoi s'ajoutent les ensembles automatiss: capteurs (radars, sonars...) et systmes d'armes.
Impossible d'intgrer le tout. Les SIC s'organisent donc hirarchiquement mais souplement, collant aux chelons du commandement militaire: Syca pour l'tat-major gnral des armes, SICF, SCCOA, SYCOM (respectivement pour l'arme de terre, l'arme de l'air et la marine), puis les SIR (systmes d'information rgimentaire), etc.
Les SIC doivent aussi cooprer d'un pays l'autre (par exemple, pour l'arme de Terre, avec les systmes Heros (RFA), Wawell (UK), MCCS (Etats Unis) et Bices (Otan). Sans compter les liaisons avec les systmes civils, par exemple le Scopp (prfecture de police)
@INTER:Faire en deux ans des systmes qui en vivent vingt
@TEXTE:Le temps ajoute la complexit des exigences contradictoires. D'une part les systmes d'armes durent vingt ans et plus partir de leur mise en service. A quoi il faut ajouter des annes de dfinition et de ralisation. D'autre part les missions de dfense voluent plus vite que jamais, influant tout particulirement sur les donnes et les programmes des systmes de commandement.
Pire, ajoute Antoine Colin de Verdire, il faut reconnatre "une incapacit prendre en compte les composants humains d'un systme au mme titre que ses composants matriels... on ne sait pas modliser le comportement humain... on ne sait pas non plus le simuler... le matre d'ouvrage se trouve dangereusement dmuni et peut tre conduit lancer la ralisation d'un systme sans avoir suffisamment apprhend le besoin satisfaire".
Enfin, comme pour les applications civiles, la technologie volue sans laisser le temps de souffler aux concepteurs. Pour toutes ces raisons, les checs de projets importants, aprs nombre d'annes d'efforts, ne sont pas rares en ce domaine.
@INTER:Appliquer systmatiquement le maquettage
@TEXTE:Pour en sortir, la DGA a pris trois orientations: le dcoupage des projets et le recours mthodique au maquettage. Les "Palp" (programmes logiciel prpondrant, qu'on pourrait traduire en langage courant par "systme") se voient dcoups en projets partiels, dont la ralisation ne doit pas excder deux ou trois ans. On se limite ainsi un besoin assez limit pour tre spcifi, raisonnablement volutif et rendu disponible avant l'arive d'une nouvelle gnration de technologie.
Cette mthode rejoint le "tuilage", une des technique d'ingnierie concurrente, qui consiste faire se superposer des phases de dveloppement autrefois traites l'une aprs l'autre. Elle facilite aussi l'emploi du maquettage, en dlimitant des sous-systmes suffisamment petits.
Sur ce point, la DGA a innov: elle a cr un dpartement "conception et maquettage de SIC", qui pourrait dans l'avenir prendre une plus large autonomie et devenir un "centre de maquettage de SIC" (CMS). Cr en 1989, il regroupe actuellement 50 personnes, quipes de 15 stations Unix relies en Ethernet.
Il pourrait tre tripl. Le centre fonctionne comme un prestataire de services au sein de la DGA.
Son animateur, Antoine Colin de Verdire, tient bien distinguer prototypage et maquettage (qu'il considre comme un quivalent du rapid prototyping anglais). Ce point de vocabulaire retient l'attention car il influe sur les relations avec les sous-traitants, relations essentielles pour une Dfense nationale qui ne ralise pratiquement rien par elle-mme... orientation que prennent aujourd'hui nombre d'utilisateurs civils.
Maquette et prototype s'opposent d'abord dans les objectifs poursuivis. Le maquettage aide l'expression du besoin, l'laboration et la validation des spcifications. Le prototype jette les bases de la ralisation du systme et permet de vrifier "un certain nombre de points durs, gnralements techniques, comme le temps de rponse ou la fiabilit".
Les contraintes prises en compte diffrent. Le maquettage privilgie souplesse, productivit, ouverture... mais limite ses exigences en matire de fiabilit, scurit ou performances. Par contre, le prototype doit pouvoir garantir terme les performances du systme.
Enfin, le prototype, comme l'indique l'tymologie (du grec protos, premier), peut tre considr comme le premier exemplaire d'une srie industrielle. Comme une version bta du logiciel, en quelque sorte. Sa ralisation fait donc appel aux mmes outils (langage, atelier de gnie logiciel) que le produit final. Alors que la maquette fait souvent appel des langages de haut niveau, interprteurs (Lisp) ou gnrateurs de code (L4G), qui facilitent l'criture aux dpens des performances voire de la fiabilit.
Le SIC Aidcomer, destin la Marine, en donne un exemple. Une maquette (au sens indiqu ci-dessus) a d'abord t ralise en Lisp et Flavors (langage objet au dessus de Lisp), avec la base de donnes oriente objets G-Base, de Graphal. Mais (selon la Lettre 3C++), "Pour le dveloppement du systme oprationnel, le client a souhaite revenir des outils plus classiques": C++ et le SGBD relationnel Ingres.
Pour Antoine Colin de Verdire, le maquettage relve donc de la responsabilit du matre d'ouvrage (en l'occurrence la DGA), alors que le ou les prototypes engagent le matre d'oeuvre ou le ralisateur du systme.
@INTER:Le maquettage en rgime permanent?
@TEXTE:Peu-on gnraliser une telle exprience? Notons d'abord que la DGA ne l'applique qu' une catgorie particulire de systmes, les systmes de commandement. Les systmes d'armes (missiles Exocet, par exemple) relvent d'autres approches. D'une part leur spcification fait moins de difficults, dcoulant assez logiquement d'une technologie dfinie (type de propulsion, de guidage, d'explosif) et d'une mission prcise (action anti-navires). La performance et la fiabilit strictement technique compte plus que les facteurs humains. Une fois dfinis, les systmes peuvent, et mme doivent, se figer pour de longues annes.
Il en va de mme, dans l'entreprise, pour les systmes industriels, les automatismes. Une unit de production ne se reconstruit pas tous les ans. Alors que les outils de gestion, les tableaux de bord pour dirigeants posent des problmes analogues aux SIC: quasi-impossibilit de dfinier prcisment le "besoin d'information" d'un chef d'entreprise, et changement constant des objectifs du fait de la conjoncture conomique. Mais, dans l'entreprise, le maquettage est plutt le fait des cadres eux-mmes. L'infocentre et le micro-ordinateur leur offrent une riche panoplie d'outils de dveloppement rapide, provisoire.
Aux armes, un certain dbut d'informatique "sauvage" se fait jour aussi. Les charmes du micro-ordinateur personnel ne laissent pas tous les officiers indiffrents. L'arrive des portatifs, de plus en plus robustes et autonomes, rduit voire limine le besoin de produits durcis, "militariss". On commence en voir apparatre, discrtement, dans les salles d'oprations des navires, voire sous les tentes des commandements en manoeuvres.
Le projet Safari (Systme automatique pour la FAR en intervention) relve aussi de ce maquettage "par la base", que connaissent bien les entreprises.
Un centre de maquettage est donc une solution intermdiaire. Il pourrait rpondre ce souci, exprim par un grand nombre de nos lecteurs, de trouver un moyen de communiquer avec le sutilisateurs pour mieux connatre leurs besoins.
(*). Le salon devient Eurosatory, et se tient cette anne du 22 au 27 juin sur le site du Bourget.