Aux Hospices Civils de Lyon,

Statistiques m‚dicales … la demande

"Pourriez-vous analyser, du point de vue des ressources ‚conomiques consomm‚es, l'ensemble des hospitalisations pour appendicite sans complications, selon les ‚tablissements en r‚gion Rh“ne Alpes ?" La demande, exprim‚e en fran‡ais sur papier, parvient au Centre d'Information M‚dicales (CIM) des Hospices Civils de Lyon (HCL). Elle peut provenir d'un service hospitalier, du MinistŠre de la Sant‚, de la S‚curit‚ Sociale, ou encore de la Communaut‚ Urbaine de Lyon...

La base de donn‚es interrog‚e porte sur prŠs de 100000 "courts s‚jours" de patients dans 13 des 20 ‚tablissements des HCL. En quelques jours, et en conformit‚ avec la d‚ontologie de confidentialit‚ (r‚sum‚e par une "Charte de l'Information M‚dicale" sous contr“le des m‚decins), le CIM-HCL fournit les statistiques demand‚es. Avec l'aide du trio MicroVax/ Oracle /SAS, noyau du systŠme, les tableaux, graphiques et cartes en niveaux de gris d‚taillent la structure du co-t des soins du groupe de malades "appendicites sans complications", d‚tectant d'‚ventuelles disparit‚s r‚gionales.

Le PMSI au milieu du gu‚

Comme 500 autres hopitaux fran‡ais qui se sont dot‚s depuis quelques ann‚es de Centres d'Information M‚dicale, les HCL sont engag‚s dans le PMSI (programme de m‚dicalisation des systŠmes d'informations), amorc‚ en 1983 pour recueillir des statistiques sur l'‚pid‚miologie, connaŒtre l'activit‚ des ‚tablissements, et calculer le co-t d'une maladie. Afin d'aboutir un jour … une facturation par pathologie et non plus par actes.

Dans cette optique, les soins hospitaliers, consid‚r‚s comme "produit m‚dical de l'hopital", s'offriraient … une rigoureuse "analyse de la valeur" : d‚terminer, par des statistiques ‚tablies sur une base exhaustive, combien co-tent les cat‚gories de as d'hospitalisation, en fonction d'une nomenclature pr‚cise, ‚volutive, coordonn‚e au niveau mondial. Les donn‚es collect‚es, en fin de s‚jour de chaque patient hospitalis‚ (… partir d'un document, le "r‚sum‚ de sortie standardis‚") , permettent ainsi de pr‚ciser les contours m‚dico-‚conomiques de 500 "groupes homogŠnes de malades", … l'intersection de plus de 5000 types de diagnostics (classification OMS) et de 7000 actes m‚dicaux catalogu‚s par le MinistŠre de la Sant‚ (consultations, analyses, radios, interventions chirurgicales...), qui sont autant de chapŒtres de co-t.

Cette perspective a de quoi r‚jouir le gestionnaire, et en passant le citoyen-contribuable, soucieux du d‚ficit de la S‚curit‚ Sociale, dans un pays o- le "march‚ de sant‚", tout compris (m‚decins, hopitaux, m‚dicaments, analyses...) excŠde le budget de l'Etat : enfin il va devenir possible de connaŒtre, d'un hopital … l'autre, le co-t de telle cat‚gorie de transfusion, de transplantation ou d'accouchement... Car jusqu'ici, on ne connaissait qu'un trŠs administratif "prix de journ‚e d'h“pital", ind‚pendants soins apport‚s. Pour le Dr Cyrille Colin, ‚pid‚miologue et ‚conomiste de la sant‚ au CIM-HCL, "les systŠmes d'informations dans l'hopital, n'int‚graient pas la composante m‚dicale. Pour aller dans cette voie, il a fallu organiser le recueil de l'information sp‚cifiquement m‚dicale, grƒce au "r‚sum‚ de sortie standardis‚" ‚tabli en fin de s‚jour de chaque patient, et permettant alors de l'affecter … un des 500 "groupes homogŠnes de malades". Nous obtenons aujourd'hui de premiers r‚sultats, mais il faut bien voir que le PMSI est une action de longue haleine.

Recueillant aujourd'hui syst‚matiquement les donn‚es sur 60% des "courts s‚jours" (70 services couverts en routine sur 120), les Hospices Civils de Lyon sont "au milieu du gu‚" dans le programme de m‚dicalisation du systŠme d'information (PMSI). Les proc‚dures d'interrogation ont ‚t‚ d‚velopp‚es et le bilan des premiers mois d'utilisation est encourageant. Mais, pr‚cise le Dr Colin, "faut il, pour aller de l'avant, des systŠmes centralis‚s et sobres, ou au contraire d‚centralis‚s, davantage m‚dicalis‚s et intelligents ? Notre exp‚rience plaide pour la deuxiŠme solution : nous venons de terminer un contr“le de qualit‚ sur un ‚chantillons de donn‚es r‚colt‚es. Un malade sur 10 s'est r‚vŠl‚ affect‚ au mauvais groupe. Ces erreurs ‚taient … 75% s‚mantiques, c'est … dire imputables … de mauvaises classification ou hi‚rarchisation des ‚l‚ments m‚dicaux. Si un nombre important de s‚jours hospitaliers sont mal class‚s ou absents, quelle valeur ont ensuite les traitements statistiques sophistiqu‚s que nous pouvons effectuer ?"

Des donn‚es exhaustives: un imp‚ratif

Dr Ecochard, praticien et statisticien au CIM-HCL, enfonce le clou : "l'exhaustivit‚ est absolument fondamentale dans notre cas. Il vaut mieux avoir la totalit‚ des s‚jours renseign‚s sur un nombre limit‚ de variables, qu'un taux mˆme faible de donn‚es absentes. En dessous de 95% de couverture, nos donn‚es ne sont pas significatives. Nous nous sommes rendus compte que les donn‚es non recueillies portaient bien souvent les cas complexes et les plus co-teux."

Erreurs, oublis, n‚cessit‚ du dialogue et d'une lente appropriation par les milieux m‚dicaux concern‚s... Le bƒt blesse … la source, et le Dr Colin estime que pour qu'il faudrait prendre en compte tous les actes m‚dicaux effectu‚s (et non les seuls "actes principaux"). Et envisager des extensions de type "systŠme expert" ou "SIAD intelligent", aidant … hi‚rarchiser les informations recueillies au cours du s‚jour d'un malade. A quel groupe affecter un patient hospitalis‚ pour une fracture de la jambe, qui connait une complication de type "embolie pulmonaire"?

Ces quelques difficult‚s rencontr‚es par des pionniers dans la voie de systŠmes d'informations "m‚dicalis‚s" montrent quelques uns des d‚fis qui subsistent pour ce projet de longue haleine.

Les enjeux en termes de co-t, d'‚pid‚miologie, et de qualit‚ des soins, n'en sont pas moins immenses.

J.-P. CAHIER

encadr‚ 1

Des "groupes homogŠnes de malades"

Comment ramener … 500 "groupes homogŠnes" les quelques 7000 diagnostics codifi‚s par l'OMS, tout en tenant compte des ressources m‚dico-chirurgicales engag‚es ensuite lors des soins (et qui, pour un mˆme diagnostic, diffŠrent suivant les malades) ? L'‚pid‚miologie et l'informatique statistique tentent de r‚soudre cette difficult‚, en faisant ‚merger des cat‚gories … la fois suffisamment pertinentes sur le plan m‚dical et caract‚ristiques d'un certain niveau d'utilisation des ressources. C'est seulement quand le malade sort de l'hopital que l'on sait … quel "groupe homogŠne" il appartient : en consid‚rant non seulement le ou les diagnostics port‚s, mais aussi s'il y a eu complications, an‚sth‚sie, examens compl‚mentaires, intervention chirurgicale ou non, etc. Il existe ainsi plusieurs "groupes homogŠnes" pour l'op‚ration de l'appendicite, pour celle de la cataracte, pour les accouchements... TrŠs utilis‚e aux Etats-Unis, objets d'une coordination entre les hopitaux, la classification en "groupes homogŠnes de malades" … des fins de gestion informatis‚e s'adapte en permanence, en fonction de l'‚volution rapide des connaissances et des technologies m‚dicales.

encadr‚ 2

Une informatique sans (trop) de problŠmes

Le Centre d'information m‚dicale des Hospices Civils de Lyon possŠde une informatique l‚gŠre et autonome, avec un MicroVax sous VMS reli‚ via Pathworks … une dizaine de PC et MacIntosh en r‚seau local. Du point de vue logiciel, on note la base de donn‚es Oracle de 500000 enregistrements (actuellement en version 6), l'utilisation d'un logiciel d'analyse, le "Groupeur" d‚velopp‚ par Cap-Sesa, et surtout le recours … SAS (V6 ‚galement) pour le d‚veloppement des proc‚dures d'interrogation de la base statistiques et la r‚alisation de sorties graphiques."Nous avons en fait essay‚ de reproduire sur un plus grand systŠme, avec une base de donn‚es importante, le type de sortie graphique que l'on obtient naturellement sur MacIntosh avec Excel", commente le Dr Ren‚ Ecochard, praticien hospitalier en informatique et biostatistique. Certaines proc‚dures d‚velopp‚es par la petite ‚quipe informatique du CIM/HCL (2 … 3 personnes) ont d'ailleurs ‚t‚ pr‚sent‚es au Club fran‡ais d'utilisateurs SAS.

Encadr‚ 3

Un recueil d'informations peu informatis‚

Les donn‚es sur l'hospitalisation de dizaines de milliers de patients ("r‚sum‚ de sortie standardis‚" ou RSS), qui n‚cessitent de s'y retrouver parmi 12000 codifications, sont pour le moment majoritairement saisies sur formulaire papier, et, dans quelques hopitaux seulement, sur les PC ou les terminaux des systŠmes de gestion de ces ‚tablissements (non connect‚s au CIM/HCL). "C'est prŠs de l'utilisateur que l'informatique devrait ˆtre renforc‚e, suggŠre le Dr Colin. Les m‚decins ont peu de temps pour renseigner le RSS, et le font de fa‡on … la fois contrainte et b‚n‚vole : leur objectif reste de soigner, et tout devrait ˆtre fait pour leur faciliter la tƒche. L'exp‚rience montre que plus la saisie est proche des malades, et plus l'interaction est grande grƒce … la saisie informatis‚e, plus le m‚decin s'approprie la d‚marche de recueil des donn‚es m‚dicales." A quand un micro portable pour les 2500 m‚decins des Hospices Civils de Lyon ?