@DOMAINE:PROJET

@ST TOURNE:DERAPAGES

@T RUB2:Le PMU, un cas d'école

@CHAPO:Le projet Pégase coûtera beaucoup plus cher que prévu. Le dérapage se répartit un peu sur tous les postes budgétaires et ne peut se ramener à une cause unique. Enjeux politiques et incertitudes techniques se conjuguent pour mettre en défaut les méthodes de spécification, de prévision et de gestion des projets.

@TEXTE:Septuagénaire dépassé ou bouc émissaire d'un conflit entre l'Etat et les Sociétés de courses? Jean Farge, président et administrateur unique du PMU fait front, face à ses adversaires comme à la pression des médias. Il a pourtant du mal à défendre le projet central de son règne, le nouveau système informatique Pégase. Avec au moins un an de retard et surtout un dépassement important du budget initial, passé de 675 millions de F à 1,1 milliard.

@INTER:Des difficultés humaines autant que techniques

@TEXTE:Cet écart aurait moins choqué si les esprits y avaient été préparés progressivement. Mais la confiance a officiellement régné presque jusqu'au bout, jusqu'à la note "réestimation du projet Pégase", de décembre dernier. Supposée confidentielle, elle mit peu de temps à parvenir aux mains des observateurs intéressés. Elle oppose, dans toute leur brutalité, la première estimation aux prévisions actuelles (voir tableau). Avec excès, peut-être, puisque les chiffres d'origine sont antérieurs aux appels d'offre et à la signature des contrats, qui seuls auraient pu permettre une évaluation suffisamment précise. A moins, au contraire, qu'elle ne soit encore en dessous de la réalité, puisqu'il ne s'agit que d'une nouvelle estimation et que le projet ne sera pas terminé avant au moins un an.

Les difficultés humaines n'ont pas manqué. Chez le maître d'ouvrage, d'abord. Il doit répondre d'une part aux sociétés de course, ses actionnaires naturels, d'ailleurs en piètre situation financière. Et d'autre part à l'autorité de tutelle, le ministère des finances, qui trouve dans les courses une source de rentrées importantes. Et qui, dans la tradition de l'administration française, y place en fin de carrière de hauts fonctionnaires méritants. Pégase, et son mode de financement, fournit un des thèmes de leurs affrontements. La divulgation de la note de décembre aurait surtout visé à accélérer le départ de Jean Farge... . Un tel climat ne pouvait faciliter le pilotage serein d'un projet de toutes façons difficiles.

Quant au maître d'oeuvre, il fallut longtemps pour se décider entre Bull (fournisseur du système actuel) et un consortium IBM-CGI, qui l'emporta. De graves désaccords, selon plusieurs observateurs, on ensuite opposé le constructeur et sa filiale de services. L'équipe originale de CGI aurait été éliminée, sans qu'IBM trouve ensuite facilement à la remplacer. Avec France Telecom, les difficultés n'ont pas manqué non plus. Le PMU prévoyait que son contrat inclue la fourniture des imprimantes. A tort, puisqu'il a fallu réinscrire ce poste dans nouvelle estimation.

@INTER:Tous les postes budgétaires touchés

@TEXTE:Techniquement, il semble difficile d'incriminer tel ou tel aspect du projet, puisque pratiquement tous les postes budgétaires sont revus à la hausse, depuis les matériels jusqu'aux coûts salariaux internes. On a plutôt l'impression d'un dérapage généralisé. Quelques points surprennent plus que d'autres. Le contrat IBM, par exemple, qui augmente de presque 50%. Explication, assez surprenante: "Les résultats des bancs d'essai, en juillet 1994, ont démontré la complexité du projet et justifié la délégation, non prévue à l'origine, mais légitimement demandée par les Sociétés e courses, de la maîtrise d'oeuvre du projet à IBM, circonstance qui explique la majoration du prix du contrat". S'y ajoute un avenant pour "spécifications complémentaires", qui allonge la facture de 15 millions et le calendrier de deux mois.

On peut s'étonner aussi de l'apparition soudaine d'un "plan directeur immobilier" coûtant 54 millions. C'est seulement après deux ans d'études qu'il est "apparu nécessaire d'adapter les locaux et les équipements du site d'implantation du noyau central du nouveau système informatique".

Enfin, certains contestent les choix fondamentaux d'architecture et de migration. Est-il indispensable de tout concentrer sur un noyau central unique, alors le PMU fournit plusieurs services différents? Et que l'entreprise avait une solide expérience en matière de répartition, avec ses différents centres régionaux coordonnés. Des raisons de sécurité y ont poussé, mais l'argument est à double tranchant. Pour la migration, une évolution par paliers permet de mieux évaluer coûts et délais et de mieux faire jouer la concurrence. Mais elle a aussi ses inconvénients.

Comme dans bien d'autres projets grandioses, d'Amadeus au tunnel sous la Manche, tout le monde sous-estime au départ les coûts, les délais et les difficultés pour faire passer le projet auprès des décideurs. La dérive a été ici particulièrement forte, et risque de se poursuivre bien que, indique le document de réestimation "Les dispositions nécessaires ont été prises, au plan de l'organisation et du suivi... pour détecter et limiter, autant que faire se peut, toute source de dérapage".

Sur des projets de cette envergure, les plus belles méthodes de prévision et de gestion des projets peuvent-elles faire le poids, face à des enjeux politiques qui se conjuguent avec les aléas des nouvelles technologies. Une chose reste sûre: on n'a jamais vu de projet coûter beaucoup moins cher et se terminer plus tôt que prévu.

@SIGNATURE:P.B.

@T ENCA1:LE PLAIDOYER DE JEAN FARGE

@TEXTE ENCA:A sa conférence de presse du 31 janvier, le président du PMU a vaillamment fait face aux critiques de la presse. Ses principaux arguments:

- L'estimation de décembre 1996 n'a fait l'objet d'aucune contestation ou réserve de la part des autorités de tutelle ni des présidents des sociétés de courses. Il constitue donc la référence permettant désormais de suivre et de contrôler, pas à pas, l'engagement des dépenses correspondantes.

- La première informatisation du PMU, en 1985, s'est élevé à 1 098 milliard de F. Et ce chiffre ne prenait en compte ni les unités centrales et autre matériels (loués), ni les salaires des personnels.

- En exploitation, Pégase coûtera nettement moins cher que l'informatique actuelle du PMU si elle était prolongée. Sur une durée de 7 ans (durée d'amortissement de l'investissement), la nouvelle organisation fait ressortir une économie de 800 million se F.

@T ENCA1:Manque de communication plutôt que dérapage

@TEXTE ENCA:Tout le monde ne juge pas le projet aussi sévèrement, par exemple Marc Petitjean, consultant chez Bossard et intervenant à ce titre dans Pégase.

"Le PMU utilise encore aujourd'hui notre baromètre pour l'analyse des risques dans projet Pégase, mais la cellule de gestion des risques va aussi bien au-delà de ce simple baromètre"...

... "Le projet Pégase, qui est peut-être le plus gros projet informatique de France avec un budget d'un milliard de F, a depuis le début une entité (cellule) de gestion des risques utilise des tableaux de suivi des facteurs de risques sous Word ou Excel, bien plus sophistiqués que le seul baromètre. Mais il n'utilise pas de logiciel de gestion des risques".

... "Il n'y a pas eu dérapage du projet Pégase dans la mesure où, il y a

deux ans, on parlait de 675 MF pour désigner les coûts externe (maîtrise d'oeuvre en tête) sans prendre en compte d'autres coûts, internes ceux-là" (la masse salariale des personnes du PMU affectées au projet, par exemple)".

... "Ces coûts étaient de toute façon prévus en interne mais il y a eu

manque de communication à l'extérieur"...

Tableau en Excel joint.

///////////texte en rab à tout hasard

Jean Farge a rêvé d'un grandiose Pégase qui ferait entrer le PMU dans le XXIe siècle. Mais c'est plutôt un cauchemar qu'il risque de léguer à son successeur. On conçoit que les candidats ne se bousculent pas sur la ligne de départ.