CLIENT-SERVEUR

EUROPCAR EXEMPLAIRE RECORD DU MONDE

2400 utilisateurs sur un système Unix

Le 2 décembre dernier, Europcar a achevé le déploiement sur toute l'Europe son système Greenway, champion du monde du client-serveur (voir encadré). Le mainframe qu'il remplace ne reste sous tension que jusqu'à fin janvier, pour liquider la gestion des contrats en cours. L'architecture permettrait si nécessaire d'aller jusqu'à 4000 utilisateurs simultanés. Une référence de choix pour Sequent (machines centrales), Oracle (base de données, outils de génie logiciel et progiciel de gestion) et pour tous les partisans des "systèmes ouverts".

Pour autant, ni Freddy Dellis (président du groupe Europcar), ni les animateurs du projet ne sont près d'oublier les nuits blanches passées pendant plusieurs mois pour le remettre sur les rails, après son écroulement en avril dernier (voir LMI du 9/9/94, où nous avons raconté en détail les problèmes rencontrés). Rappelons qu'après une montée en charge satisfaisante jusqu'à 2000 utilisateurs simultanés, il n'avait pu aller plus loin. Il avait donc fallu repasser sur le mainframe IBM pour les deux principaux pays, France et Allemagne. Ce qui permettait d'alimenter le scepticisme des grands utilisateurs sur l'aptitude des machines Unix à supporter les grandes applications transactionnelles.

Le redémarrage s'est effectué fin octobre pour la France, en novembre pour l'Allemagne. Selon Perot Systems, responsable du système en infogérance, la reprise aurait pu intervenir beaucoup plus tôt. Mais, après le choc du retour à l'ancien système et avec la pointe saisonnière de l'été, Europcar a préféré attendre l'automne.

Les mesures prises pour relancer la machine

Le principal problème est venu d'une bogue dans le SGBD Oracle, dont personne n'avait jusque là sollicité la puissance à un tel niveau. Elle affectait le mécanisme de verrouillage des enregistrements en écriture (Lock manager, équivalent du Reserve en MVS). Le fournisseur a rapidement corrigé le tir, et précise que, depuis le 1er août, aucune difficulté n'est apparue de ce côté. Depuis cette date aucune modification n'a été apportée au SGBD, qui fonctionne depuis l'origine dans la version 7.0.15 Parallel Server.

Le renforcement du système a porté aussi sur le matériel. Les deux serveurs Sequent SE60 sont devenus quatre, dont trois interviennent effectivement dans les applications de production. Le quatrième, affecté à des fonctions de gestion, peut intervenir en secours d'un des trois autres. Notons que ces machines multiprocesseurs emploient chacune 16 Pentium, soit 48 en tout, fortement sollicitées (charge CPU 35% en pointe), et que les bogues signalées sur cette machine en calcul scientifique n'ont ici aucune conséquence observable.

Les performances réseau ont progressé aussi avec produit Echopad (de Synchronics). Installé sur les postes de travail comme sur le site central, il limite les transmissions aux informations réellement nouvelles. En particulier, les postes mémorisent les fonds d'écran. Les transferts peut ainsi se réduire jusqu'à 80%. Cet outil améliore les temps de réponse tout en réduisant les coûts de transmission, puisque le projet utilise Transpac, qui facture au volume.

Un "mainframe" sous Unix?

:L'architecture finale se fonde sur Unix, les systèmes ouverts et le mode client-serveur. Cependant, n'en déplaise aux chantres de la micro-informatique ou des systèmes répartis, elle conserve certains traits de la grande informatique traditionnelle: des postes passifs autour d'un gros système central. D'ailleurs, l'objectif était clair dès le départ: offrir au client un service unifié dans toute l'Europe: "One system, one Europe, one service".

Bien qu'il s'agisse de machines Windows, les 3500 postes de travail (à quoi s'ajoutent 1700 imprimantes), répartis sur 960 sites, dans toute l'Europe, ne se connectent qu'en émulation terminal passif (type VT 100). La répartition entre clients et serveurs ne s'applique à proprement parler qu'aux machines centrales. Les cinq S2000/790 gèrent les transactions et sont clientes des quatre SE60 (dont trois assurent la production et le quatrième des fonctions de gestion et si nécessaire de backup). Pour l'instant, un moniteur transactionnel n'a pas été jugé utile et risquerait de compliquer la maintenance.

Les deux machines ATT-GIS (dites "rate engines", moteur de tarification) interviennent en amont des transactions de réservation, en permettant aux commerciaux de proposer à chaque client la meilleure tarification disponible.

Un tournant définitif

En réussissant à rendre opérationnel un ensemble Unix de cette taille et sur des applications critiques, Europcar clôt définitivement la discussion sur l'avenir des "systèmes ouverts". Seuls quelques très grandes applications comme la réservation aérienne ou de grands réseaux de production bancaire restent encore -pour combien de temps?- au delà des possibilités de cette nouvelle informatique. La voie est tracée. Reste à savoir à quelle vitesse les entreprises s'y engageront, en gérant au mieux l'existant ("legacy systems") comme les limites de leurs capacités d'investissement.<.p>

PIERRE BERGER

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Le poste de pilotage de Greenway à Villepinte

Encadré

Records battus

Greenway détient actuellement plusieurs records du monde

- Rapidité de développement: 13 mois (de juin 92 à juillet 93) pour réaliser un ensemble complet d'applicatifs de réservation et de gestion des opérations de location de voitures. Ce développement a représenté 165 années-hommes, plus 50 années.hommes pour la conversion des données et 55 pour la gestion, avec Oracle Financial et 72 pour les fonctions de support technique.

- Rapidité de déploiement sur un grand système: 30 mois (de juin 92 à décembre 94) pour mettre en place un grand système transactionnel.

- Puissance transactionnelle sur un système Unix et pour une application critique (mission critical), avec 2600 utilisateurs nommés et plus de 1800 utilisateurs simultanément actifs ("loggés"). En revanche, la plus grande base de données Oracle connue est mise en oeuvre par Finger Hut (vente par correspondance), avec un téra-octet.

- Réalité de l'"ouverture" sur un système de cette taille. En début d'année, le basculement des machines ATT-GIS prévues au départ vers les produits Sequent s'est effectué en six heures. Une opération inimaginable dans le monde des mainframes propriétaires.

L'interview du président

FREDDY DELLIS, CEO DU GROUPE EUROPCAR-INTERRENT

"Nous pouvons désormais pratiquer un marketing agressif"

Vous sortez d'une année difficile, quelles leçons en tirez-vous pour l'avenir?

FREDDY DELLIS:Nous avons été trop ambitieux au départ, en nous fixant un délai de deux ans. Mais, finalement, peu de gens ont fait une telle mutation en aussi peu de temps que nous. Avant, nous dispositions de peu d'informations de gestion et nos machines étaient à bout de souffle. Nous avons aujourd'hui le meilleur système du monde et une prestation unifiée sur toute l'Europe? Nous pouvons désormais pratiquer un marketing agressif.

Europcar et son prestataire Perot Systems ont souffert tous les deux. De notre côté, nous avons réagi et avons fait appel à de nouvelles compétences en avril. Pour nous rassurer et pour piloter la suite du développement. Dans un tel processus, la première étape de développement a besoin de personnalités imaginatives. Mais la deuxième met l'accent sur le management des contrats, sur la rigueur et la discipline. Elle peut nécessiter des hommes différents de ceux qui ont lancé le projet.

Allez-vous continuer à investir

F.D. Notre projet est achevé à 80%. Nous avons mis en place en quelque sorte une chaîne d'assemblage de services, et nous voulons maintenant l'optimiser. Plus elle traitera d'affaires, plus nos coûts baisseront. En matière d'investissements informatiques "The sky is the limit"... Nous allons surtout progresser dans nos accordes de franchise. Amadeus, par exemple, a signé un accord avec nous pour développer de nouvelles prestations. Mais nous méfions de grands projets qui veulent tout faire et qui se terminent parfois, comme le système américain Confirm, par une catastrophe financière. La machine n'est qu'un moyen. Ce sont les hommes et les femmes de l'entreprise qui crédibilisent son offre, qui savent en montrer tous les avantages. Les clients ont besoin d'un sourire autant que d'une prestation sophistiquée.

LEGENDE PHOTO:Freddy Dellis: "Les clients ont besoin d'un sourire autant que d'une prestation sophistiquée"