@SURTITRE:ENTREPRISE ETENDUE

@TITRE:Le Port du Havre:

groupware en temps réel

L'informatique, ciment d'une communauté

@CHAPO:Des employés aux dockers, des douaniers aux armateurs, 250 organismes et entreprises grandes et petites travaillent ensemble. L'ordinateur donne le rythme.

@TEXTE:On entend les mouettes crier, dans le bureau de Jean-Luc Cordouen, directeur de Worms Services Maritimes. Une immeuble bien typique du Havre, avec son architecture d'après-guerre, et ses grandes baies qui laissent apercevoir les grues du port. 50 personnes, toutes équipées de PC ou de terminaux sur l'AS 400, à l'exception du directeur, qui s'équipera dans quelques mois.

A cinq kilomètres de là, "cavaliers" et portiques s'activent sur les "Terminaux de Normandie", ce parc à containers qui embarque et débarque des centaines de containers par jour, 24 heures sur 24. Les cavaliers enjambent camions ou wagons pour les charger ou les décharger. Les portiques, 40 mètres de haut, font les aller-retour avec le bateau à quai. Ici, pas de cri des mouettes. Les moteurs diesel ou électriques font trop de bruit. Mais tout autant, sinon plus, d'ordinateurs et de terminaux portatifs. Ils font communiquer tout le monde avec le centre de commandement, installé dans des baraquements de chantier empilés, comme à la hâte, sur trois étages. AS 400 et IBM 88 à tolérance de panne s'y partagent le travail avec des PC, quelques Vax et deux Risc 6000.

Et tout le monde communique, du bout des quais jusqu'à la tour centrale du Port Autonome, des gabelous du CID (Centre informatique des douanes) jusqu'aux assureurs et aux dizaines de métiers qui participent à la vie du port. Quelque 250 entreprises et organismes administratifs se connectent au réseau Ademar, confié par la Communauté portuaire à une SSII ad hoc, la Soget. De là les messages peuvent partir aussi bien vers Paris que vers Singapour, Rotterdam ou New York.

Plus qu'ailleurs, on sent ici qu'ordinateurs et réseaux jouent un rôle stratégique. Les grands concurrents, Rotterdam et Anvers, sans parler de Marseille, font eux aussi la course aux Mips et à la fibre optique. "Je ne suis pas loin de penser que l'informatique est l'élément déterminant qui nous fera évoluer", formule Jean-Pierre Lecomte, président de l'Union maritime et portuaire.

Il lui faut défendre quelque 40 000 emplois. Aussi bien face à la concurrence des autres ports que contre des solutions qui délocaliseraient un peu partout en France des activités actuellement proches des navires. Une bonne part des formalités douanières, par exemple. Ou encore les services de groupage-dégroupage, qui intéressent nombre de sites industriels.

L'emploi est menacé, aussi, par l'automatisation et l'informatique elle-même. La concurrence pousse à la productivité, et Jean-Luc Cordouen constate qu'il lui faut deux fois plus d'activités à gérer pour faire travailler des effectifs à peu près constants. "Battons-nous sur la qualité et la réponse au besoin des utilisateurs du port plutôt que sur les prix" commente Jean-Pierre Lecomte. On en viendra de toutes façons à parlé de rapports qualité/prix.

L'avenir repose en bonne partie sur la capacité politique des animateurs de la communauté. Il faut dominer les conflits internes pour agir à l'extérieur. Ce que résume, non sans humour, le président du syndicat des transitaires, Christian Leroux: "Faisons moins de lobbying interne et plus de lobbying à Paris et à l'étranger". Et il prêche par l'exemple, visitant chaque année les grands pays qui commercent avec Le Havre, l'Extrême-Orient en particulier.

Cela peut conduire parfois à de difficiles dilemmes. Le logiciel et le savoir-faire de la plate-forme Adémar, par exemple. Faut-il la réserver au Havre comme un atout de différenciation, ou la vendre à d'autres ports pour renforcer la capacité de développement de la Soget? La question prend d'autant plus d'actualité que Rotterdam commercialise activement son outil Protis.

Les ports se battaient hier sur leur tirant d'eau à quai ou leur facilité d'accès. Aujourd'hui, leur capacité d'innovation prend le dessus, à commencer par l'informatique.@SIGNATURE:PIERRE BERGER

@LEGENDE ICONO:Une "entreprise étendue"... sur 25 kilomètres

@ENCADRE TITRE:LE TERTIAIRE MARITIME

@ENCADRE TEXTE:Worms Services Maritimes a pour mission principale au Havre d'y représenter une dizaine de grands armateurs. Une fonction légale et juridique, mais aussi commerciale. Cinquante personnes y communiquent y communiquent avec toute la planète, mais aussi avec les autres composants du groupe Worms, et plus encore avec la communauté portuaire. Les dépenses de télécommunications atteignent le million de F par an. L'informatique un demi-million seulement. Pour un chiffre d'affaires local de 24 millions. Au coeur du système, un AS400, avec des terminaux passifs et des PC.

La plate-forme Ademar, de la Soget, assure la communication avec les Douanes, avec les autres entreprises du port (notamment les "terminaux" à conteneurs, les transitaires, etc. ), mais aussi avec les transporteurs terrestres: routiers, chemins de fer.

Jean-Luc Cordouen participe activement à la vie de la communauté. Il est en particulier administrateur de l'Umep et par là, en quelque sorte, actionnaire de la Soget. Et il pousse ses collaborateurs à dialoguer avec leurs homologues. Une exigence permanente pour ses deux informaticiens, qui doivent développer les applications sur l'AS 400 tout autant que gérer les interfaces avec la SSII.

@LEGENDE ICONO:Sous Windows, comme sous les fenêtres des bureaux, la vie du port

@ENCADRE TITRE:LA PLATE-FORME FEDERATRICE

@ENCADRE TEXTE:Emanation de la communauté, la Soget exploite une plate-forme de communication et d'échange de données informatisé au service de toutes les entreprises du port, notamment pour leurs liaisons avec le Centre informatique des Douanes. Elles passent par cette plate-forme pour leurs déclarations. Le premier système de liaison avec la Douane remonte à 1983. Jusqu'à 1995, les échanges se faisaient selon des normes locales (le "mode havrais"). Depuis la mi-95, la communication emploie les normes internationales Edifact (message Cusdec).

L'accélération des mouvements est un des objectifs principaux de la plate-forme. Grâce à l'EDI, le dédouanement des marchandises peut intervenir avant même leur arrivée physique au port. La SSII reçoit en effet le manifeste (était détaillé des marchandises à bord) par des messages, de plus en plus au format Edifact. Plus encore que ces contraintes réglementaires, la plate-forme vise à optimiser l'ensemble de la logistique.

La réponse des Douanes, par exemple, "est aussi traitée par la Soget dans une perspective de logistique opérationnelle" précise Daniel Galiacy (délégué général de l'association Havre Port Innovation, fondée par Soget pour la recherche et le développement). La SSII dispose de sa propre messagerie X400 et d'une entrée sur Atlas 400, ainsi que sur les grands réseaux internationaux, Internet compris. Elle collecte les mouvements de conteneurs vides ou pleins, stocke les données dans une base (Oracle), et transmet les messages correspondants aux clients locaux, comme Worms Services Maritimes, ou internationaux. Sur ces bases, les centres opérationnels (tonnage centers) des armateurs optimisent les chargements sur l'ensemble des voyages de leurs navires.

Le coeur de l'applicatif Ademar, écrit en Cobol sur GCos6, sera réécrit prochainement, ne serait-ce que pour tenir compte des problèmes de "l'an 2000". Dès a présent, le Bull DPS6000 a été remplacé par une machine Escala (qui supporte GCos6 et Unix). Trois RS 6000 complètent la configuration, et se consacrent respectivement aux communications, à la base de données conteneurs et aux traductions EDI. Un autre RS6000 et un DPX20 sont consacrés aux développements et aux recettes.

@LEGENDE ICONO:Echanges en tous genres par la plate-forme EDI de la Soget

@ENCADRE TITRE:LE BAL DES PORTIQUES ET DES CAVALIERS

@ENCADRE TEXTE:L'ordinateur orchestre le bal. Un IBM 88 à tolérance de pannes assure l'ensemble des opérations du terminal et ses liaisons avec l'extérieur, pour l'essentiel par le réseau Ademar de la Soget. Un AS 400 l'assiste pour les statistiques, ainsi que des stations spécialisées pour le calcul détaillé du placement des conteneurs dans les navires (logiciel Ships) ou les mouvements de camion dans l'enceinte portuaire (Racam).

Quant un navire accoste, tous les conteneurs à y charger s'alignent déjà au droit du quai. Portiques et cavaliers ont déjà préparé leur tâche: une moyenne de 350 mouvements, qui prendront environ six heures. Chaque équipe dispose, sous forme d'une liasse de feuillets, de son plan de travail. Pourtant, chaque portique et chaque cavalier dispose d'écrans reliés sans fil au poste central, pour se tenir les uns les autres informés de l'évolution du travail. Suivant les cas, le déroulement se fait de manière plus ou moins automatisée. A la limite, le personnel à terre n'a plus qu'à vérifier son exécution. Mais cela suppose que le navire lui-même soit très bien préparé à la manoeuvre, et les équipes bien entraînées.

Pour les camions, l'optimisation commence dès son arrivée au portail d'accueil. De là ils se dirigent au plus près du conteneur à charger. A la sortie, de rigoureux contrôles garantissent que la marchandise a bien le droit de quitter le terminal, du point de vue douanier aussi bien que commercial. Pour accroître la sécurité, le contenu des conteneurs n'est connu de personne sur le terminal. A l'exception de catégories générales (classes de matières dangereuses, en particulier). Pour une opération simple, le camion ne séjourne que 15 à 20 minutes.

L'ambiance du local informatique rappelle une salle de contrôle d'usine. Les gros bras en bottes et cirés y côtoient les techniciens concentrés sur leurs écrans. Les algorithmes d'optimisation doivent s'accommoder de la variété des conteneurs : plus ou moins chargés, porteurs de matières plus ou moins dangereuses, frigorifiques... Mais aussi de la géométrie de chaque navire, parfois compliquée par la nécessité d'une réparation. Le tout en temps réel: ici, les minutes comptent. On a été jusqu'à tirer des fibres optiques dans les portiques pour détecter l'échauffement anormal d'un moteur et prévenir tout blocage des opérations.

@LEGENDE ICONO:L'informatique jusqu'au bout des portiques