@T ACT1:La ville, opérateur de télécoms
@TEXTE:Qu'elles le souhaitent ou non, les collectivités territoriales importantes s'impliquent de plus en plus dans le câblage de leur territoire. Une journée organisée par l'association Aristote et
le Collège de Polytechnique vient de le montrer, à travers notamment l'exposé d'Agnès Huet, présidente de la Compagnie des signaux.
Dans un premier temps, les villes ont installé des réseaux pour réduire leurs coûts de télécommunications locales. Besançon en fournit en France le cas d'école. La réalisation, menée en partenariat avec l'université, a coûté cinq fois moins cher que le devis de France Télécom. On peut citer aussi le cas de Caen et, à l'étranger, d'Anvers et d'Helsinki. Le faible coût permet aux collectivités de proposer de nouveaux services a leurs administrés tout en améliorant la communication entre leurs services et les établissements associés, principalement les écoles et les hôpitaux. Mais le réseau reste indépendant des opérateurs nationaux et internationaux et ne dessert que les établissements publics locaux.
Une nouvelle phase vient de s'ouvrir. Le réseau de la collectivité s'ouvre au public, aux entreprises privées. Il entre dès lors dans le champ de la concurrence. La collectivité fait figure de nouvel entrant sur le marché des réseaux. Mais les objectifs sont bien différents de ceux des opérateurs privés. Il ne s'agit pas de faire des bénéfices, mais de donner des garanties à tous les partenaires:
- aux opérateurs, offrir un accès non discriminatoire aux marchés locaux, alors que la tendance naturelle du marché conduirait à un monopole ou oligopole (deux ou trois opérateurs) se concentrant sur quelques créneaux porteurs (prestations classiques aux grandes entreprises, principalement). Or l'expérience anglaise montre que cette situation est stérilisante. Il faut au contraire des dizaines d'opérateurs de toutes tailles pour entraîner une vraie baisse des prix aussi bien qu'une créativité permanente pour offrir de nouveaux services.
- aux entreprises locales, petites aussi bien que grandes, offrir un accès à toutes les ressources d'un marché diversifié. Or les grands opérateurs ne sont pas intéressés par les PME. La collectivité locale investit donc pour ré-instaurer une forme de péréquation que n'assure plus l'opérateur national, une fois privatisé.
Ces actions permettent aux villes de figurer en bonne place dans les barèmes comparatifs internationaux que commencent à publier des organismes d'études, américains notamment.
En pratique, cette nouvelle forme d'intervention se matérialise de deux manières sensiblement différentes. Certaines villes (comme Stockholm) se comportent surtout en gestionnaires d'infrastructures passives. Elles posent des câbles à forte capacité (48 fibres optiques, par exemple) et les commercialisent auprès des grands opérateurs ou d'opérateurs intermédiaires. Elles y voient en outre l'avantage de limiter le nombre d'ouvertures de tranchées sur la voie publique. D'autres villes (comme Düsseldorf ou, ans une certaine mesure, l'Epad de la Défense), se posent plus nettement en opérateurs concurrentiels.
Juridiquement, ces actions conduisent soit à créer des structures ad hoc (Stockcable, possédée à 90% par la ville de Stockholm et 10% par le Comté), soit à mettre en place des concessions. En France, des SEM (société d'économie mixte) ou des GIE multi-opérateurs, inspirés notamment de ceux que les compagnies aériennes ont mis en place sur les aéroports pour distribuer le fuel, semblent particulièrement appropriés. Les projets se multiplient: Nancy, Grand Toulouse, Colmar, Nice (métropole azuréenne). Dans ces deux derniers cas, on note la présence de la Chambre de commerce et d'industrie.
Le cadre législatif, hélas, ne facilite pas la prise d'initiative par les collectivités territoriales. Les lois de 1996 les déresponsabilisées, explique Jean-Michel Le Guennec (Association des villes câblées). Une des voies actuelles consiste à chercher la bonne dimension: ville, zone rurale, département... et donc à "apprendre la transversalité".
En tous cas, les réseaux peuvent devenir un enjeu électoral important et, conclut Jean-François Tournu (Conseiller pour les nouvelles technologies de la communication au Conseil régional de Bourgogne), "dans cette période pré-électorale, c'est le moment d'en parler aux futurs candidats". @SIGNATURE:P.B.