COLLECTIVITES LOCALES

Une informatique pour cent mtiers

La diversité des applications pousse les municipalités vers les systèmes ouverts. Des projets fédérateurs motivent le personnel, les élus et, on l'espère, les lecteurs.

Une municipalité regroupe cent activités différentes. A l'heure où les entreprises "se concentrent sur leur métier", le responsable informatique d'une ville doit faire face à une demande multiple et sans cohérence a priori. La bibliothèque, les associations sportives, la voirie, la gestion des ressources humains... chaque service ou émanation de la mairie a ses besoins spécifiques et relativement peu d'informations à partager avec les autres.

Les exigences techniques vont du petit fichier sur micro-ordinateur aux systèmes graphiques les plus évolués, en passant par la gestion de lourdes bases de données. Le statut juridique des applications n'est pas moins divers.

Tantôt la mairie gère un patrimoine, inestimable et irremplaçable, comme l'état-civil. Tantôt, comme pour les ordures ménagères, elle exploite des services facturables, sur un marché concurrentiel. Tantôt elle soutient de ses subventions et de ses services des entités autonomes, en général de type associatif, pouvant regrouper quelques passionnés (club sportif) aussi bien que des effectifs substantiels (écoles).

La cohérence par les systèmes ouverts

A cette demande multiple correspond une offre diversifiée de matériels, progiciels et services spécialisés. Elle n'encourage guère l'intégration et la cohérence chères aux informaticiens, mais sources de coûts, de délais et de contraintes.

L'informaticien ne peut pas acquérir toutes les compétences: "Ni jardinier, ni comptable, ni urbaniste, il ne peut se substituer à 'homme de l'art pour mettre en place un outil informatique propre à chaque métier" assène André Freynet, directeur informatique àla mairie de La Rochelle. Pour autant, les municipalités ne peuvent laisser s'installer une accumulation hétéroclite de produits incompatibles. La communication serait bloquée, le soutien aux utilisateurs impossible, l'exploitation et la sécurité ingérables.

Les grandes architectures centralisées semblent aujourd'hui particulièrement inadaptées, sauf dans les très grandes villes, où les volumes de transactions rejoignent ceux de grandes entreprises. Autour d'elles, les micro-ordinateurs se sont multipliés. Plutôt anarchiquement, certes. Mais permettant une première informatisation de nombreuses fonctions.

Les systèmes ouverts répondent aujourd'hui naturellement à une montée en cohérence qui conserve la spécificité des services, comme le montre l'exemple d'Orange (voir article dans ce mếme numéro). A Brest, des serveurs Unix (Sun) viennent compléter les applications centrales (données centralisées en Oracle sous Bull DPS 7000). Cependant les solutions centralisées gardent leurs adeptes, par exemple La Rochelle, avec un système central Unisys, desservant 200 micro-ordinateurs (PC) et 200 terminaux classiques. Ici, la maîtrise des utilisateurs passe par le langage de quatrième génération Mapper.

Ces architectures appellent un câblage systématique des immeubles municipaux. C'est le cas, récemment, … à Orange, Chelles, Etampes, ou encore au Conseil général de la Charente.

Mobiliser par des projets fédérateurs

Au delà d'infrastructures de base comme le câblage, nombre de maires lancent des projets plus visibles, plus médiatiques. Ils contribuent à la motivation des personnels comme à la promotion de la ville... sans oublier les préoccupations électorales, incontournables en démocratie.

La télématique a fait beaucoup parler d'elle dans les anneés 80. Pas toujours positivement (Gretel, à Strasbourg, un peu trop rose; Claire, à Grenoble, pas assez utilisée pour survivre). Ceux qui ont survécu font aujourd'hui partie des meubles.

La carte à mémoire prend le relais. Parmi les plus récentes, citons Niortissimo (carte multi-services, mise au point par Philips pour Niort) et 2M (Meudon Multipass, avec Bull, axée au départ sur les services scolaires). En pointe aussi les systèmes d'information géographiques (voir notre enquête dans LMI du 21/9/92), et la gestion électronique de documents.

Chaque mairie a sa "signature"

Qu'importent les technologies, diront d'autres villes. Eric Sequert, au Plessis-Robinson, veut donner la priorité aux jeunes. Un tel objectif a des implications multiples : développer surtout l'aide aux activités sportives, à la bibliothèque, aux cantines, à l'aide sociale. Mais aussi créer les passerelles techniques qui permettront de rassembler les données, de relier les applications concernant les jeunes: démographie, taxes locales, fichiers scolaires pour anticiper les besoins globaux. Peut-ếtre mếme se donner des moyens de suivre chaque jeune... tout en préservant les confidentialités nécessaires et les prescriptions de la Cnil (Commission nationale informatique et libertés). Enfin, regrouper les données comptables et perfectionner la comptabilité analytique pour préparer les budgets et, notamment au moment des élections, faire valoir les efforts de la municipalité.

Saint-Jean de Braye, en revanche, veut surtout développer son tissu industriel. Ici, l'attention doit se porter sur la gestion des terrains, des transports, des réseaux de voirie, sans oublier la communication externe pour promouvoir la ville auprès des investisseurs potentiels. Et bien sûr, gérer finement la taxe professionnelle.

Ne pouvant tout entreprendre, chaque municipalité privilégie quelques axes. Pour l'informaticien, ces choix impactent l'organisation des données, les fonctionnalités des applications et leurs relations entre elles. Et donnent à son système une spécificité plus grande encore que celle des entreprises privées. D'où la difficulté de ce marché pour les éditeurs de logiciels. 36 000 communes en France... On en rếvait déjà il y a vingt ans: "Notre système a été conçu pour ếtre applicable à toutes les municipalités, quelle que soit leur taille et leur situation géographique", déclarait Robert Boursault à la création d'Icorem en 1971. Il s'agit aujourd'hui, plus modestement, de gérer la diversité.

ALAIN LECOEUR ET PIERRE BERGER

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POUR EN SAVOIR PLUS

Les 8emes journées Informatique et collectivités locales se tiendront à Paris (La Défense) du 20 au 22 octobre prochain. Au programme: systèmes d'information géographiques, "pour en finir avec la paperasserie", le principe du guichet unique, télécommunications... Renseignements: Euro-Convention, 40 13 32 48.

La lettre "Informatique et collectivités" locales fait le point tous les quinze jours sur les produits spécialisés et les réalisations des communes. Elle a publié en juillet dernier un "Guide des réalisationé informatiques dans les collectivités locales" (100 pages).

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LES SERVICES PRIORITAIRES

Une enqute réalisée par VP Mark Conseil pour La Lettre Informatique et collectivités locales montre que 20% des villes de plus de 10 000 habitants vont acquérir un système informatique en 1992/93.

Une commune sur cinq, soit près de 170 villes, déclarent vouloir informatiser ou ré-informatiser un ou plusieurs services.